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Petit à petit...

« HOLÀ DU NAVIRE ! AU NOM DU GM, VOUS ÊTES EN ÉTAT D'ARRESTATION ! VEUILLEZ METTRE EN PANNE ET VOUS PRÉPARER À VOUS FAIRE ARRAISONNER, S'IL VOUS PLAÎT ! »

Rachel retira ses mains de ses oreilles. Jürgen Krieger, son fidèle sergent-chef – à l'indéboulonnable casque à cornes habilement camouflé sous sa réglementaire casquette de Marine – disposait d'un coffre incroyable qui lui permettait de beugler distinctement des ordres même au beau milieu d'un champ de bataille. Alors forcément, quand on lui confiait un porte-voix, il ne faisait pas bon se trouver à proximité.

La jeune femme reprit son ombrelle. Le soleil tapait dur, les flots à perte de vue réfléchissaient les rayons dans tous les sens et la carnation de l'albinos n'était pas des plus adaptées pour la bronzette. La vice-lieutenante n'était pas bien certaine que l'accessoire soit dûment autorisé dans l'uniforme réglementaire mais elle avait un plan : si on lui posait la question, elle répondrait qu'il s'agissait de son arme. Après tout, les officiers avaient toute liberté s'agissant de l'armement, ça pouvait donc peut-être passé, non ?

« Sérieusement, y'a déjà des pirates qui se sont rendus juste parce qu'on le leur a demandé gentiment ? Demanda à ses côtés Edwin Marlow, son timide adjudant à lunettes.
_ Je suppose que oui, fit l'imposante albinos en attrapant et déployant sa longue-vue d'une seule main. Si c'était parfaitement inutile, ça ne ferait pas partie de la procédure de la Marine, pas vrai ?
_ Ben…
_ Alors, alors ? Voulut savoir Krieger. Ç'a marché ?
_ Un instant. »

Rachel fouilla rapidement le bâtiment pirate de sa longue-vue et ne tarda pas à trouver ce qu'elle cherchait.

« Hmm… Le capitaine pirate nous fait de grands signes, signala la vice-lieutenante. Il… Oui, je crois bien qu'il nous adresse un bras d'honneur.
_ Ça doit vouloir dire non, soupira le doux adjudant qui aurait préféré que tout se règle pacifiquement.
_ Bah, ça ne peut pas marcher à tous les coups, non plus.
_ Le souci, c'est surtout que ça ne marche jamais, mon lieutenant.
_ Bon, on passe en mode poursuite, décida Rachel. Marlow, veuillez leur tirer un coup de semonce.
_ À vos ordres, mon lieutenant. Sûr qu'avec un coup de semonce, là, ils vont se raviser direct.
_ Oui mais non d'accord, mais on sait jamais, hein… Krieger, prenez la barre et rattrapez-les-moi.
_ À vos ordres, mon lieutenant ! » Mugit joyeusement le Nordique.

L'imposante albinos était une quiche en navigation. Pas de fierté mal placée, elle le reconnaissait elle-même fort volontiers : sortie de la distinction bâbord/tribord, elle était tout bonnement une cause perdue dans ce domaine. Un Marine ne sachant pas naviguer, c'était assez ridicule, mais elle le vivait finalement très bien. D'abord, parce qu'elle compensait en maîtrisant d'autres domaines non moins utiles mais potentiellement plus rares, comme la diplomatie et la stratégie. Ensuite, parce que l'Amirauté lui avait adjoint les services de Jürgen Krieger, le meilleur marin qu'elle n’ait jamais connu.

Tandis que le Nordique aboyait des ordres divers et abscons à l'intention de l'équipage, Rachel reporta son attention sur le bâtiment pirate. Celui-ci venait de dévier de sa trajectoire et filait face au vent. Toute ignorante qu'elle était, la vice-lieutenante savait qu'il s'agissait du cas de figure le plus difficile à négocier. Le fait que le pirate l'ait sciemment choisi indiquait qu'il avait une solide confiance dans ses aptitudes.

« Krieger, est-ce que ça va aller ? S'inquiéta l'imposante albinos après quelques instants.
_ Pour sûr : on lui met bien six nœuds dans les dents ! S'exclama le sergent-chef avec un grand sourire.
_ Ah oui, tout de même. Bigre…
_ J'veux dire, "on l'aura rattrapé d'ici trois minutes", explicita le Nordique.
_ Bien reçu, merci, opina Rachel, soulagée.
_ Non mais désolé, l'espace d'un instant, j'avais oublié à qui je parlais…
_ Sergent Egon ? Manœuvre d'interception imminente, ordonna la vice-lieutenante.
_ À vos ordres, mon lieutenant. »

Le brave sergent mélomane s'en retourna vers la petite troupe incongrue présente à bord : la Fanfare de la compagnie. Une quinzaine de gars équipés d'énormes surdo battant la mesure, de caisses claires rythmant les manœuvres ou encore de binious tapageurs répondant et relançant des bombardes qui claironnaient gaiement. Un boucan du diable qui formait un arrière-plan sonore constant, qui motivait et stimulait les Marines. Mais pas que.
Car Rachel et Egon avait développé tout un véritable langage sonore, permettant ainsi à la Fanfare de transmettre quasi-instantanément des informations à tous ceux de la troupe qui l'entendaient. Cette petite astuce permettait ainsi à la vice-lieutenante de transmettre et recevoir quasi-instantanément des ordres élaborés et des rapports circonstanciels en toute situation.

Le navire de la Marine se rapprochait inlassablement de sa proie. Il était maintenant évident pour tous que les pirates ne parviendraient pas à les semer. Accrochée à sa longue-vue, Rachel ne perdait pas de vue la plus petite seconde son opposant, guettant avidement le moindre détail. Il était coincé s'il s'entêtait davantage, aussi allait-il donc forcément réagir d'un instant à l'autre. Encore un petit peu. Un tout petit p…

« Il barre à tribord ! Hurla brusquement l'imposante albinos avant même que le changement de direction ne soit réellement perceptible.
_ Bien reçu, accrochez-vous ! » Rétorqua Jürgen.

D'un large mouvement de poignet, le Nordique fit tournoyer la barre, obliquant brutalement sur bâbord. La conjonction des deux manœuvres permis de présenter le flanc du navire au cul du bâtiment en fuite. Une petite seconde plus tard et les canons tonnèrent en direction des pirates hors de portée.
Tout du moins en théorie.

Car effectivement, dans le cas de tirs tendus, l'affaire aurait été vite entendue. Mais Edwin Marlow ne jurait que par les grands physiciens de ce monde et fit donc exécuter une magnifique salve de tirs en cloche. Propulsés par la puissance explosive des détonations, les énormes boulets de 45 s’élevèrent jusque haut dans le ciel, avant que les lois de la gravité et de l'inertie ne prennent le relais, les faisant replonger jusqu'à bien au-delà de la portée maximale communément admise – et habilement révélée à l'ennemi par le coup de semonce tiré tantôt.
Bien évidemment, contrairement à des frappes tendues, ces boulets en chute libre disposaient d'un pouvoir de pénétration bien moindre, pour ne pas dire dérisoire : jamais ils n'entameraient la solide coque d'un gros tonnage ni n'en percerait le pont. Ils s'encastreraient vainement dedans ou ébranleraient un peu la structure mais sans dommages significatifs. À l'exception… à l'exception d'une pièce fort délicate et absolument vitale pour la navigation. Une pièce un tantinet fragile et, en cet instant, totalement exposée au tir de la Marine.
Le gouvernail.

Plusieurs boulets frappèrent la pièce critique, des esquilles volèrent en tout sens et une énorme zébrure s'épanouit le long de la grande structure de bois. Et d'un seul coup, cette dernière se déchira en deux avant de se disloquer, parfaitement inutile. Le navire pirate venait de perdre toute sa manœuvrabilité, faisant ainsi de lui une proie facile et vulnérable.

« Chef Krieger, débordement par bâbord, progression lente et constante ! Ordonna Rachel. Sergent Egon, élimination systématique de la menace. »

Le navire de la Marine se mit en branle. Par une magie que lui seul connaissait d'après la vice-lieutenante, Jürgen s'attacha à stabiliser le navire au maximum et assura une trajectoire et une vitesse réglée comme du papier musique. Des conditions de tirs idéales. Sans parler de l'angle d'approche, par trois-quart arrière, assurant ainsi de rester le plus longtemps possible en dehors de l'arc de tir des canons du forban.

En parallèle, l'artillerie de la Marine entra rapidement en action, à une cadence ahurissante. Chacun des tirs pulvérisait impitoyablement l'un après l'autre les sabords du pirate et les canons qu'ils abritaient. C'était simple, plus la Marine s'approchait, plus l'arc de menace du pirate se réduisait, annihilant ses chances de riposter dans un duel d'artillerie.
Ce petit miracle était rendu possible par une seule personne : l'adjudant Edwin Marlow. Le doux jeune homme n'était pourtant pas un tireur hors pair, loin de là. Aussi ne visait-il pas, non. Il faisait bien pire.
Il calculait.

Posté tout au fond de l'entrepont, près de la proue, l'adjudant écrivait et résolvait à la volée d'improbables formules de physiques sur son tableau noir mental. Vitesse relative, angle d'approche, inclinaison, puissance explosive, densité, force de gravité, poids des boulets… L'effroyable complexité de l'équation aurait suffi à faire fuir au loin le commun des mortels s'il la voyait écrite en vrai sur un tableau. Et pourtant, le génial Edwin les résolvait mentalement et à une vitesse stupéfiante, le plus naturellement du monde.
Il égrainait ainsi régulièrement des consignes de tirs – un angle, des coordonnées – qu'un fidèle sergent posté à ses côtés claironnait à haute voix : si l'adjudant Marlow avait beaucoup de qualité, donner de la voix dans la tourmente n'en faisait malheureusement pas partie.

Tout le long de l'entrepont, les maîtres de manœuvres de chaque équipe de canonniers se tenaient alignés en rang d'oignons. Ceux qui le pouvaient s'engageait sur le tir énoncé en le signalant d'un grand geste du bras avant de se mettre en action. Priorité aux artilleurs les plus proches d'Edwin. Le procédé n'était pas sans faille, loin s'en fallait : il arrivait ainsi que deux équipes pratiquent le même tir, mais ce n'était pas bien grave. Le principal, c'était que les artilleurs maintiennent un feu roulant capable d'absorber en continu toutes les directives de l'adjudant. Et ainsi d’annihiler toute menace et réduire inexorablement la zone de danger ennemie avant que le navire de la Marine ne puisse y pénétrer.

Les artilleurs avaient bossé très durs pour en arriver à ce résultat. Heureusement, l'île-forteresse d'Hexiguel avait l'improbable particularité de ne proposer pour ainsi dire aucune distraction. Les gars s'étaient donc exercés sans relâche, que ce soit sous forme d'entraînements mais aussi de jeux et même de concours organisés hors des heures de service. Et dès que Rachel leur dégottait un instant de libre dans leur planning quotidien, elle leur faisait remettre ça. Le résultat était d'ailleurs édifiant : les artilleurs enchaînaient les tirs à une cadence hallucinante sans sacrifier un instant leur diabolique précision. Par leur entremise, Edwin n'énonçait non plus des coordonnées de ciblage mais littéralement des arrêts de mort.

Le flanc bâbord du navire pirate n'était maintenant plus qu'un entrelacs de planches enfoncées, de trous béants et fumants et de départs de feu. Complètement dévasté, il ne restait maintenant plus rien de sa capacité offensive sur ce côté.

Il était donc temps de l'aborder.

Certes, Rachel aurait pu continuer la canonnade et le couler sans autre forme de procès, mais tel n'était pas son objectif. D'abord, parce qu'après, il lui faudrait récupérer tous les pirates qui barboteraient dans l'eau, éparpillés aux quatre coins de la zone. Une procédure infiniment plus longue et rébarbative qu'accepter la reddition sans condition de tout l'équipage. Ensuite, parce que son boulot, c'était avant tout de capturer les pirates, pas de les exterminer jusqu'au dernier. Il ne suffisait pas de mettre un terme à leur méfait : il fallait les traduire en justice. Tuer sans discernement ne revenait finalement qu'à appliquer la loi du plus fort et, par-delà, valider ainsi la philosophie des pirates. Et cela, l'imposante albinos s'y refusait.

Tout comme ses hommes, d'ailleurs. Ceux-ci la suivaient avec fierté précisément pour ce genre de prise de position idéaliste aussi follement naïve que déraisonnablement utopique. Rachel n'était peut-être bien qu'une foldingue trop romantique au regard de la réalité, mais elle s'échinait continuellement à donner corps à un idéal sans concession, semblable à un rêve d'enfant. Aux côtés de la vice-lieutenante, faire partie la Marine, incarner la Marine, prenait véritablement tout son sens, dans sa dimension la plus pure, la plus belle et la plus noble. La certitude de se comporter comme les gentils des contes se devaient toujours de le faire, de manière juste et bonne. Un idéal que chaque membre d'équipage était fier de suivre et qui méritait qu'on se batte et qu'on prenne des risques pour le faire vivre et le propager. Toute la troupe de Rachel était prête à la suivre jusqu'en enfer sans la plus petite hésitation s'il le fallait pour cela.

Le bâtiment de la Marine glissa en douceur le long de son ennemi jusqu'à se stabiliser à ses côtés. Le navire pirate était plus haut que celui de la Marine et le surplombait d'une bonne dizaine de mètres. Ce qui présentait autant de défauts que d'avantages.

Le gros avantage, c'était que l'ensemble du pont de la Marine avait une vue directe sur le bastingage ennemi, a contrario des forbans : ceux-ci devaient obligatoirement s'approcher jusqu'au bord du bastingage pour apercevoir l'ennemi. Aussi une unité de fusiliers menée par le sergent Graham se chargeait de faire reculer les importuns. Constituée des dix meilleurs tireurs de la compagnie, elle abattait sans hésitation ni raté tous ceux qui avaient la mauvaise idée de montrer le bout de leur nez, dissuadant très vite quiconque de tenter de s'approcher. Comme pour leurs collègues des équipes de canonniers, l'entraînement intensif auquel ils s'étaient continuellement soumis payait.

En réponse, les flibustiers tentèrent de sortir le gros jeu : un abordage franc et massif à grand renfort de saut à la corde. Un classique de la piraterie qui présentait ici l'incomparable avantage de leur permettre de se mouvoir bien plus vite que les fusiliers ne pourraient les aligner. Une excellente idée… qui fit malheureusement long feu lorsque les forbans réalisèrent ce qu'ils avaient en face d'eux.
Les plus empressés et les plus inattentifs s'empalèrent ainsi gaillardement sur les baïonnettes des rangées de Marines ordonnés en formation disciplinée, tandis que la majorité des pirates préféraient faire demi-tour sans avoir lâché leur bout de cordage, préférant subitement remettre à plus tard toute cette histoire d'abordage.

Rachel avait déterré cette idée lors de son passage au Piton Blanc où l'arsenal comptait de vieilles pétoires datant de Mathusalem. Le commandant Song lui avait alors expliqué que les baïonnettes servaient principalement à réceptionner la charge d'une ligne adverse, à l'époque où l'armement n'avaient pas encore la cadence ni le pouvoir pénétrant des fusils modernes. Il n'en avait pas fallu plus à la jeune femme pour visualiser très nettement comment réintroduire ce bazar afin de réceptionner des abordages de pirates. À raison.

Edwin se présenta soudainement à ses côtés, sur le pont, jetant un coup d’œil à l'immense rempart de bois qui leur faisait face et identifia de suite les problèmes posés.

« Heu… Je ne voudrais pas paraître alarmant, s'inquiéta l'adjudant, mais ça fait vraiment penser à une forteresse, vue d'ici.
_ Y'a de ça, c'est vrai, opina l'imposante albinos en souriant.
_ Et si je me rappelle bien des séminaires de la commandante, poursuivit Marlow, une fortification bien défendue peut contenir un assaillant cinq fois supérieur en nombre aussi longtemps que tient son ravitaillement. »

Constatant que près d'un tiers des officiers de la forteresse étaient issus du rang plutôt que de l'école d'officier, la supérieure de Rachel, la commandante Bethsabée de Castelcume, avait commencé à organiser des séminaires de formation à la stratégie et à la tactique. Les adjudants y étaient aussi conviés, en leur qualité de probable futurs officiers. En tant que Reine de l'Arène attitrée, la réputation de stratège de la commandante n'était plus à faire et tout le monde buvait donc assidûment ses paroles. Indubitablement, le niveau moyen des officiers de toute la forteresse avait très sensiblement augmenté depuis que ces séminaires se tenaient.

« Vous vous rappelez bien, adjudant, approuva Rachel. Et selon ses dires, il faut au moins un ratio de dix contre un pour espérer l'emporter par un assaut frontal. Si on grimpe, ils nous tireront comme des lapins sitôt qu'on essaiera de prendre pied à bord, ça sera un massacre.
_ Je ne suis même pas certain qu'on soit autant qu'eux, fit remarquer sombrement Edwin. Comment allons-nous procéder ?
_ J'y ai réfléchi pendant notre approche : c'est simple, on va utiliser nos grappins ! »

Aussitôt dit, aussitôt fait : plusieurs grappins furent envoyés crocher dans le chaos de planches dévastées du flanc du navire pirate. En un tournemain, les extrémités de ces grappins furent reliées à des poulies et des cabestans. Quelques tours de roues par une poignée de Marine et l'assemblage décupla la force dégagée : les grappins commencèrent à tordre puis arracher les énormes planches de la coque déjà bien abîmée.

« Ok, alors j'admets que c'est pas du tout comme ça que je voyais l'utilisation des grappins, mon lieutenant.
_ Et voilà, plus de muraille, plus besoin d'être plus nombreux, annonça Rachel dans un grand sourire. Très bien ! Chef Krieger, vous m'accompagnez ! Adjudant Marlow, je vous confie le commandement du navire ! Sergent Egon, scinder la Fanfare en deux, je veux garder un contact constant avec notre bâtiment. Unité 1 à 5, vous êtes prêtes ? Alors avec moi ! COMMANDO !! »

Braillant son inénarrable cri de guerre, Rachel entrechoqua ses poings et chargea derechef dans la brèche béante du navire pirate, accompagnée d'une cinquantaine de Marines hautement motivés et bien décidés à en découdre. La petite troupe progressa dans les entrailles du navire à la vitesse d'un feu de broussaille. Ce ne fut pas une bataille, ni même un combat, ce fut une hécatombe à sens unique. Un nettoyage en bonne et due forme.
Les pirates ne s'étaient pas attendus à devoir défendre l'intérieur de leur navire, ils agissaient en petits groupes dispersés et ils n'avaient pas l'habitude de se battre en environnement exigu… Tout le contraire de la troupe de Rachel, rodée aux jeux de guerre de l'Arène, où chaque unité se coordonnait aux autres, où la discipline prévalait et où il fallait exploiter au mieux les maigres couverts disponibles. Chacun savait ce qu'il avait à faire, tout le monde se couvrait mutuellement, les forbans n'étaient tout simplement pas de taille face à une telle machine de guerre et étaient promptement neutralisés et maîtrisés.
C'était presque trop facile.

Tout du moins, jusqu'au cas plus épineux du pont supérieur.

Rachel avait escompté que les forbans s’engouffreraient en masse dans les ponts inférieurs pour défendre leur navire mais, au vu du nombre d'adversaires neutralisés, le capitaine pirate devait avoir conservé au moins une centaine d'hommes avec lui sur le pont. D'après les signaux de la Fanfare, l'ennemi n'avait pas tenté une sortie pour s'en prendre à Edwin, donc il avait dû se retrancher là-haut. Or il n'y avait qu'une minuscule écoutille permettant de les rejoindre. Le souci revenait donc au même que l'escalade de la coque du navire : les Marines allaient débarquer par petits groupes, à découvert, faisant des cibles faciles. Les premiers à passer se feraient décimer.

« Hmmm, réfléchissons, murmura Rachel en contemplant l'écoutille d'accès. On doit bien pouvoir trouver un truc…
_ Je propose qu'on boute le feu quelque part pour faire diversion et qu'on charge en hurlant comme des fous pour leur faire peur, proposa Jürgen avec, comme à son habitude, nettement plus d'enthousiasme que de bon sens.
_ Mouais, pas mal, approuva la jeune femme, mais on va quand même se faire tirer comme des lapins, là.
_ Diable. Bon, alors on boute le feu pour faire diversion et on charge en tirant au petit bonheur la chance et en hurlant comme des fous pour ajouter au chaos ! Répliqua le sergent-chef sans se démonter.
_ Nop, toujours les lapins. Y'a de l'idée mais on va étoffer un peu, suggéra aimablement l'imposante albinos. Sergent Davenport ? Ramenez-nous quelques tonneaux de leur poudrière, vous voulez ? On va faire s'effondrer plusieurs pans du pont supérieur et on attaquera par tous ces endroits en même temps. Ils ne devraient pas s'y attendre et on pourra peut-être même bénéficier de l'effet de surprise. »

Tandis que son subordonné filait avec quelques hommes à la recherche des précieux explosifs, Rachel fit rapidement le point sur ses effectifs, réorganisant les différentes unités pour obtenir des forces de frappes homogènes et…

« HOY, LES MOUETTES !! Retentit brusquement une voix venant du pont. JE VEUX PARLER À VOTRE SUPÉRIEUR ! DISCUTONS DONC ET RÉGLONS ÇA PACIFIQUEMENT ! MONTEZ DONC, VOUS AVEZ MA PAROLE QU'ON VOUS DESCENDRA PAS ! »

Les Marines échangèrent des regards perplexes et Jürgen résuma l'avis général.

« Genre, il croit qu'on va venir ? Railla le Nordique.
_ C'est vrai, approuva Rachel, inutile de multiplier les risques : j'irai seule !
_ Qu… Non mais vous n'y pensez pas, mon lieutenant !? Se récria le sergent-chef. Il va vous plomber dès que vous montrerez le bout de votre nez ! Le coup du lapin, là, c'est vous-même qui l'avez dit.
_ Peut-être pas, on n'en sait rien, se défendit l'imposante albinos. Mais on se doit de laisser une chance aux négociations. Après tout, ce serait beaucoup mieux si on pouvait régler toute cette histoire sans plus d'effusions de sang.
_ Mais vous n'allez quand même pas y aller comme ça, voyons ! Tenta de lui faire entendre raison Jürgen.
_ Bien sûr que non : je compte bien soigner mon entrée, tout de même ! On est la Marine, on se doit d'en imposer ! »

Quelques instants plus tard et quelques mètres plus hauts. Une foultitude de flibustiers menés par leur capitaine – un grand échalas blond aux cheveux ras et vêtu de vêtements bouffants et tape-à-l’œil taillés dans du tissu hors de prix – regardaient avec appréhension l'écoutille qui menait vers le pont inférieur, tripotant nerveusement la crosse de leurs armes à feu unanimement pointées vers la trappe, tandis qu'eux-mêmes se terraient à l'abri derrière une barricade de fortune formée par la coque des canots de sauvetages renversés – une astuce que les forbans venaient de piquer à leurs adversaires suite à leur désastreuse tentative d'abordage.

Le capitaine des pirates s'humecta nerveusement les lèvres, se demandant si la Marine allait mordre à l'hameçon ou non. La situation était mal embarquée mais il restait persuadé qu'il avait encore une chance de se refaire s'il parvenait enfin à jouer la partie selon ses règles. Enfin… si la Marine cessait aussi d'être plus douée que lui lorsque c'était le cas, songea-t-il en se remémorant brièvement comment il s'était fait promptement rattraper sur les flots…

Soudainement, dans un fracas assourdissant, l'énorme trappe de l'écoutille fut arrachée de ses gonds et éjectée d'un violent soubresaut sur le côté où elle éclata en morceaux sous la violence de l'impact. L'air résonna du son de dizaines de chiens qui s'arment alors que les flibustiers retenaient leur souffle, attendant que…

« Vous souhaitiez me parler, capitaine ? » Retentit alors clairement la voix de Rachel derrière eux.

Sous la surprise, la masse de pirates sursauta comme un seul homme – une dizaine de coups de feu retentirent même par accident à cause de gâchettes trop sensibles. Le chef des pirates se retourna d'un seul bloc, médusé. Il n'en croyait tout simplement pas ses yeux : cette espèce d'énorme armoire à glace aurait sauté avec suffisamment de puissance pour faire s'envoler l'écoutille, se propulser suffisamment haut pour échapper à leur vue et suffisamment loin pour atterrir derrière eux ? Non, impossible, pas vrai ? Pas vrai ??
Merde, mais quelle espèce de monstre était-elle donc…

Il ne saurait jamais que la solution était bien évidemment beaucoup plus simple. Rachel avait tout bonnement demandé à ses hommes de se préparer à faire détoner l'un des tonnelets de poudre sous l'écoutille pendant qu'elle-même passait par un sabord du pont inférieur pour escalader la coque jusque sous le bastingage. Elle avait attendu là l'explosion puis profité de la diversion pour prendre place, ni vu ni connu.

La foule de pirates s'était maintenant retournée pour lui faire face, lui jetant des regards méfiants voire franchement apeurés. Ça faisait beaucoup de monde, mais l'imposante albinos restait confiante : au moindre pépin, elle n'avait qu'à renverser légèrement son équilibre pour tomber dans les flots en contrebas. Une porte de sortie aussi pratique que rassurante : pour avoir déjà écopée d'une blessure quasi-mortelle par balle, Rachel n'était absolument pas pressée de revivre l'expérience. D'ailleurs, elle gardait un œil attentif sur toutes les armes à feu dans son champ de vision. Qu'une seule la pointe un peu trop à son goût et elle filerait sans demander son reste.

« Je suis la vice-lieutenante Rachel Syracuse, officier de la Marine en charge de cette opération, se présenta d'une voix claire et forte la jeune femme. Vous pouvez me parler, je vous écoute, capitaine.
_ Hum… se racla la gorge l'intéressé, hésitant. Je… hé bien… Non mais sérieusement, c'est quoi ce parapluie-dentelle ?
_ C'est une ombrelle ! Ch'upporte pas le soleil, moi. Prenez votre temps, il n'y a rien qui presse, lui assura gentiment l'imposante albinos.
_ Je veux que vous dégagiez de mon navire !
_ C'est-à-dire que nous sommes la Marine et que vous êtes des pirates, s'excusa Rachel avec un sourire contrit. Je suis désolée mais j'ai ordre de vous arrêter. Je ne puis me retirer comme ça. D'autant que, sans vouloir vous froisser, nous sommes actuellement plutôt en position de force, au cas où vous ne l'auriez pas remarqué. Je crains que vous ne manquiez d'arguments pour me faire renoncer à poursuivre votre capture.
_ Vous m'avez l'air de quelqu'un de très gentil et raisonnable… commença le forban.
_ Merci, c'est bien aimable.
_ Je vous en prie. … je suis sûr que vous préférez éviter des pertes inutiles parmi vos hommes, n'est-ce pas ?
_ Bien évidemment, acquiesça la vice-lieutenante. Néanmoins, je n'ai qu'une dizaine de blessés légers parmi les miens, contre un bilan nettement plus lourd de votre côté. Je maintiens que vous ne me semblez pas en position de force pour dicter vos volontés.
_ Certes, certes, j'admets que vous nous avez un peu pris par surprise, reconnu le capitaine. Mais maintenant qu'on s'est bien retranché, ça serait du suicide de nous charger tête baissée ! On en sait quelque chose, hein… Le jeu en vaut-il vraiment la chandelle ? La vie de vos hommes aurait-elle si peu de valeur ?
_ Deux erreurs, rétorqua Rachel après un instant de silence songeur. En premier lieu, vous sous-estimez grandement notre volonté de pacifier les océans. Le jeu en vaut-il la chandelle, me demandez-vous ? Hé bien "oui, sans la moindre hésitation" vais-je vous répondre. Moi et mes hommes avons choisi de nous battre pour protéger les innocents des déprédations des gens comme vous. Or, vous laissez filer, c'est condamner les malheureux qui croiseront votre route en subir les conséquences. Aussi, si quelqu'un doit payer de sa vie sa rencontre avec vous, autant que ce soit nous. D'autant plus si cela nous assure que vous n'importunerez plus jamais qui que ce soit d'autre !
_ Aïe ! Malheureusement, je crains que nous ne puissions trouver un terrain d'entente, alors… grinça le forban en relevant doucement son arme.
_ Vous n'êtes pas curieux de connaître votre deuxième erreur ? S'enquit la jeune femme avec une désarmante naïveté.
_ Parce que ça changerait quelque chose ? Grogna le capitaine.
_Je vous assure, cela va faire toute la différence, vous allez voir, affirma sincèrement la vice-lieutenante.
_ Hé bien soit, allez-y : quelle est donc cette deuxième erreur ?
_ Pendant que vous étiez tous là à me regarder et m'écouter – merci de votre attention, d'ailleurs – , mes hommes en ont profité pour se faufiler derrière vous et prendre possession du château arrière. » Exposa tranquillement Rachel en les pointant du doigt.

Les forbans se retournèrent brusquement et un tonnerre de jurons retentit : la Mouette avait raison ! Profitant de la diversion et du bruit de fond ambiant maintenu par la Fanfare, la troupe disciplinée avaient discrètement pris l'arrière du navire. Pire : le château arrière était bordé d'une rambarde et non d'un bastingage, permettant ainsi aux Marines de s'allonger en position de tir, leurs fusils dépassant entre les balustres. Leurs têtes à ras de terre faisaient des cibles horriblement petites et difficile à viser tandis que leurs positions surélevées leur offrait une superbe ligne de vue sur les forbans, rendant caduque leurs barricades improvisées. Une véritable séance de tir au pigeon, réalisèrent avec effroi les flibustiers.

« Vous ne voudriez pas juste vous rendre bien gentiment ? Proposa Rachel avec sollicitation.
_ Heu…Ben je… heu… U-Un défi !! S'exclama brutalement le capitaine pirate.
_ … Pardon ?
_ Je vous défie en combat singulier, affirma le blondin. Après tout, ce genre de dissensions futiles devraient se régler entre chefs, pas besoin d'inclure les subalternes dans nos chamailleries mesquines.
_ "Chamaillerie mesquine" ? Vraiment ??
_ Battons-nous en duel ! Si vous gagnez, on se rend bien gentiment, mais si je gagne, vous nous laissez partir, déclara le forban.
_ Heu… Je ne vois pas bien ce que j'y gagne, là, fit remarquer la vice-lieutenante.
_ La gloire ! L'honneur ! Le frisson du combat !
_ M'en fiche…
_ Oh, mais moi, je propose ça pour vous, hein, mentit le pirate en haussant ostensiblement les épaules. Après, si vous, vous préférez risquer inutilement la vie de vos hommes…
_ Hmmm… »

La jeune femme prit le temps de soupeser le pour et le contre. La partie était quasiment finie, c'était un fait. Mais il n'existe rien de plus dangereux qu'un ennemi acculé et désespéré. Elle ne comptait qu'une dizaine de blessés légers parmi ses rangs et ce serait appréciable d'en rester là. De plus, si les pirates s'embarquaient dans un ultime baroud d'honneur, il faudrait probablement en abattre des masses avant qu'ils ne se ravisent et ce n'était pas non plus le but recherché si possible. Alors quoi ?

Rachel détailla longuement son adversaire. Le lieutenant Jäeger lui dit qu'il fallait qu'elle apprenne à jauger ses adversaires. Plus facile à dire qu'à faire. Qui savait de quoi était capable ce type ? Mais…
Mais il ne dégageait pas cette même aura de menace si horriblement terrifiante que M. Fletcher, le redoutable agent du CP qu'elle avait affronté sur le Piton Blanc. Non, pas de frissons d'effroi. Lui ne lui faisait pas peur.
Ok, c'était sûrement jouable. C'était peut-être même la meilleure option pour boucler toute cette affaire sans effusion de sang supplémentaire. Bon, si ça se trouvait, elle se gourait complètement, mais tant pis : c'est pas grave, c'est comme ça qu'on apprend ! Et pis, le colonel Trevor lui avait bien dit d'avoir davantage confiance en elle, alors y'avait pas hésité.
En plus, ce serait entre elle et le capitaine pirate, comme ce dernier l'avait si bien souligné. Si elle se ratait, ses hommes n'auraient pas à en payer le prix à sa place, cette fois-ci. Le risque était donc tout à fait acceptable.

« Jurez-le sur votre drapeau de pirate ! Exigea la vice-lieutenante.
_ … Très bien, je jure sur mon emblème de pirate que nous nous rendrons bien gentiment si je perds dans ce duel, promit solennellement le forban après une infime hésitation.
_ Et je jure sur l'honneur de la Marine que mes hommes et moi nous retirerons sans heurts si je perds ce combat, déclara sur le même ton la jeune femme.
_ Héhéhé, génial ! Cette fois-ci, je vais me refaire ! »

Les deux chefs se réunirent au centre du pont, les pirates tenant toujours la proue avec leur barricade plus ou moins obsolètes, les marines conservant la poupe et gardant un œil attentif sur leurs adversaires, des fois qu'ils tentent d'intervenir ou de profiter de la diversion. Le forban dégaina alors son arme, un splendide katana en acier sombre, à la lame moirée et à la garde feuilletée d'argent et rehaussée d'un assortiment de rubans verts et turquoises. En face, Rachel brandit son petit sabre d'abordage on ne peut plus classique et sans fioriture de la Marine.

L'imposante albinos était un tantinet plus soucieuse qu'elle ne le laissait paraître. L'escrime, ça n'était pas son truc : elle était infiniment plus douée pour la tatane à coups de poing. Mais ses duels répétés en salle d'armes contre le sous-lieutenant Severn lui avait fait rentrer dans le crâne deux-trois concepts de base, parmi lesquels ne pas charger aveuglement – à mains nues ou non – un type armé. C'était éminemment dangereux. Prudence, donc. À tout le moins, le temps de prendre la mesure de l'adversaire.

La vice-lieutenante se mit en position, adoptant une garde classique – elle aussi, enseignée à la dure par Severn. Posture de profil pour minimiser les points à découvert, jambes légèrement fléchies pour pouvoir bouger rapidement dans n'importe quelle direction, sabre face à son adversaire, brandi selon un angle de quarante-cinq degrés pour pouvoir intercepter rapidement tout ce qui s'approcherait. Aucune extravagance tape-à-l’œil, une garde simple, tout en sobriété et en efficacité.

En face, le pirate lui faisait face de façon nettement plus décontractée, son arme au repos sur l'épaule. Il détacha habilement d'une main l'une de ses boucles d'oreille dotée d'une grosse perle bleue et la présenta à l'albinos.

« Ce sera le signal, d'accord ? »

Rachel se contenta de hocher la tête. D'un geste vif, le forban jeta la breloque en l'air. Celle-ci monta prestement dans les airs avant de retomber à toute vitesse en tournoyant sur elle-même.

*Cling !*

Tendue comme arc, la vice-lieutenante fit appel à toute sa volonté pour ne PAS réagir au signal. Très mauvaise idée de se jeter sur un type armé sans savoir de quoi il était capable, leçon bien retenue. De son côté, le flibustier se jeta derechef à l'attaque et fit pleuvoir un déluge d'acier sur la jeune femme. Rachel ne céda pas un pouce de terrain et entreprit de bloquer et parer sans faillir. Pendant une poignée de secondes particulièrement intenses, un torrent d'acier foisonna entre les deux combattants, accompagné d'une pluie d'étincelles et d'une litanie de chocs métalliques.

Contrairement à ce qu'on pouvait penser, c'était la vice-lieutenante qui avait la tâche facile : là où le forban devait agiter son sabre en tout sens dans de grands mouvements et donc forcer pour maintenir la cadence, Rachel, du fait de sa posture, n'avait à faire que petits mouvements souples du poignet pour le bloquer. De plus, son petit sabre d'abordage, plus compact, lui permettait de tirer le meilleur parti de sa force. Edwin lui avait expliqué le concept physique en termes simples : il s'agissait du même principe que pour ouvrir les portes. Plus on appuie près des gonds, plus il faut pousser fort pour ouvrir. Inversement, plus on s'en éloigne et moins il faut de force pour arriver au même résultat. En escrime, c'était le poignet qui faisait office de charnière et la lame de porte. Dans leur configuration respective, le petit sabre d'abordage de l'imposante albinos lui offrait une défense des plus solides face à la longue lame du katana de son adversaire.

Le capitaine pirate recula d'un pas et jeta un regard circonspect à son adversaire. Il avait cru qu'elle était un genre de monstre, mais à sa façon de rester sur la défensive, elle était beaucoup moins dangereuse qu'il ne l'avait cru de prime abord. Finalement, un sourire matois lui barra le visage : il n'allait en faire qu'une bouchée !

« Une technique de Kenjutsu : le Vent Divin ! »

Le flibustier se jeta à nouveau sur la vice-lieutenante et frappa un grand coup que l'imposante albinos para derechef. Tchac ! Un morceau du bout de la lame du sabre de Rachel venait de voler, tranché aussi nettement et facilement que du papier. Nouvelle passe d'arme, Tchac ! Encore. Et encore. Et encore !
Sous les assauts répétés du pirate, l'arme de la jeune femme se réduisait à peau de chagrin. Tchac ! Elle n'avait plus en main qu'un moignon d'arme coupé presque à la garde. Flop !

« Sérieusement ? Ricana le pirate. L'ombrelle ?
_ Benheuheinheu… C'est aussi mon arme ! Se justifia Rachel. Pis pour le coup, c'est tout aussi résistant que mon ancien sabre, alors bon…
_ Bwhahahaha ! Mais ma pauvre fille, tu n'as aucune chance avec ce jouet face à moi, se moqua ouvertement le forban. Tu ferais mieux d'abandonner tant qu'il est encore temps ! Car je détiens la fameuse technique mortelle de l'école des Quatre Vents : le Vent Divin ! Pavoisa le flibustier en fièrement prenant la pose. Cette technique spéciale me~*Sblorf* ! »

Le sang de Rachel n'avait fait qu'un tour. D'un revers du gauche, elle venait de repousser au loin la lame du katana, ignorant l'entaille qui en résulta, avant de bondir d'un pas et d'enfoncer un direct du droit dans le pif de son adversaire. Un coup jouant de toute la masse et la puissance de son corps. L'impulsion avait pris naissance à la pointe de ses pieds, exploitant toute l'élasticité de ses genoux, la pleine puissance musculaire de ses jambes avant de remonter le long de l'échine qui se détendait comme un ressort et de profiter du mouvement de balancier du bras gauche pour s'engouffrer à pleine intensité tout le long du bras droit et aboutir jusqu'à l'extrême point d'impact.
L'imposante albinos s'était beaucoup entraînée pour pouvoir développer quasi-instantanément un maximum de puissance dans un minimum d'espace. Et à l'affreux bruit de craquement qui retentit, il ne faisait aucun doute que cet entraînement portait ses fruits. Néanmoins, la vice-lieutenante ne le remarqua même pas, toute entièrement focalisée qu'elle était sur …

« Ah non alors ! Explosa la jeune femme en même temps que le nez de son adversaire. Ça suffit, y'en a marre ! Ponctua-t-elle d'un uppercut du gauche de la mâchoire du forban. Vous faites tous chier à me mettre la misère avec vos techniques, tous autant que vous êtes ! M. Fletcher, Kazumachi, Tatsuya, Alexis et maintenant vous !! Se récria Rachel en plaçant un violent crochet du droit sur l'arcade sourcilière. C'est dégueulasse : une petite difficulté et paf ! Une technique de derrière les fagots pour inverser la vapeur ! C'est-dé-gueu-la-sseuh ! Asséna-t-elle en rythme avec  une série de mandales. J'ai pas de techniques, moi ! Vous croyez quoi ? L'interpella l'imposante albinos avec un crochet au foie. Que c'est facile pour un officier de s'entraîner comme une folle pour ça ? Hé bien non ! Mugit la jeune femme tout en administrant un violent coup de boule à son adversaire. J'ai ma troupe à diriger, les entraînements à mener, les plannings à remplir, l'administratif à gérer, sans parler de la paperasse de la compagnie de Jaëger parce qu'il en fiche pas une ou de l'aide que j'apporte à la commandante pour la gestion de la section ! Se justifia Rachel au milieu d'une série de coups rageurs au corps. Sans oublier des entraînements dans l'Arène, les séminaires, la formation de Marlow, les inventaires de la forteresse et même les coups de pouce à l'association du Rêve de Belmer, précisa la vice-lieutenant en décochant un terrible coup de genou à l'estomac. Et faut encore que je trouve le temps d'entretenir ma forme physique et de m'entraîner au combat ! Affirma la jeune femme en attrapant le col du pirate à deux mains. J'ai à peine assez de vingt-quatre heures pour tout gérer, où vous voulez que je case l'apprentissage d'une technique, hein ? C'est mort, j'ai absolument pas le temps !! Affirma l'imposante albinos tout en secouant frénétiquement son adversaire comme un prunier. Alors 'faut arrêter avec ça ! J'en ai ras-la-casquette, moi, de vos techniques de m'as-tu-vu qu'ont grave la classe alors que moi j'ai rien et que je me sens juste nulle et minable à me faire systématiquement rouler dessus ! Se plaignit la jeune femme en envoyant se fracasser son adversaire contre le mât principal. Y'en a marre, compris ? Y'EN ! A ! MARRE !! »

Et d'un violent coup de talon, le pauvre capitaine pirate complètement groggy se retrouva la tête encastrée en travers du pont jusqu'au cou. A posteriori, Rachel conviendrait aisément qu'elle s'était peut-être laissée quelque peu emportée par la colère mais… mais après tout, c'est l'autre, là, qu'avait insisté pour mettre les sujets qui fâchent sur la table, alors c'était finalement bien fait pour sa grande gueule, namého ! Est-ce qu'elle, elle s'amusait à humilier ainsi ses adversaires ? Non ? Bon, ben alors la moindre des choses, c'était de lui rendre la pareille, nom de nom !
Humpf, ces sales pirates n'avaient vraiment aucun savoir-vivre.

Constatant que son adversaire du jour n'était plus guère conscient, Rachel jeta un coup d’œil peu amène à la bande de forbans.

« Y'en a d'autres qui veulent me filer la honte parce qu'ils ont des techniques et moi pas !? S'enquit rageusement la jeune femme. Putain, v'nez-y donc, ça va chier !!
_ Heuuu… Non mais désolé, on peut plus se battre, signala le second de l'équipage en jetant ostentatoirement son arme au sol avant de lever les mains en l'air. Le capitaine a promis sur notre emblème, hein, on a pas le choix, on est obligé de se rendre. L'honneur, tout ça, tout ça, hein… C'est ballot. Hum ! Heu… Du coup, vous acceptez notre reddition ? … Siouplé ? »

Autour de lui, les pirates approuvaient avec force hochement de têtes et mains en l'air. Aucun ne comprenaient vraiment bien ce qui avait bien pu mettre en rogne à ce point l'effrayante albinos mais une chose était sûre : personne n'avait la moindre envie de s'attirer ses foudres et prendre aussi cher que leur malheureux capitaine.

Rachel fit la moue, boudeuse. Elle était colère. Très fort. Et là, maintenant, en cet instant précis, elle n'aurait clairement pas dit non à une empoignade générale pour se défouler un bon coup. Elle l'appelait même de ses vœux, en fait. Mais fort heureusement pour les flibustiers, son sens du devoir restait prégnant et prit tout de même le pas sur sa grogne. Il fallut plusieurs secondes et une grande inspiration à la jeune femme pour retrouver son calme, mais tout revint enfin à la normale.

« Très bien, j'accepte votre reddition, pirates, déclara la vice-lieutenante. Sergent Davenport, mettez-moi tous ces prisonniers aux fers, à fond de cale. Prévenez l'adjudant Marlow de faire convertir les sections 1 et 2 en hôpital de campagnes pour accueillir tous leurs blessés. Chef Krieger, passez-moi ce bâtiment au peigne fin et récupérer tout ce qui peut l'être. Et préparez-moi une solution pour saborder proprement ce navire. Ce sera tout. »

*
*     *

Quelque temps plus tard, à la forteresse d'Hexiguel. Le soleil n'était pas encore couché mais les sombres nuées de la tempête plongeait la zone dans l'obscurité. À l'un des postes de tir creusés à flanc de la forteresse, une petite silhouette se tenait là, bravant la pluie et le froid mordant. C’était une jeune femme tout en longueur, dont la peau d’albâtre et les longs cheveux d’un blond éclatant trahissaient les origines Nordiques. Son œil droit était recouvert d’un cache-œil en cuir tandis que son œil gauche, à la pupille dorée, semblait presque flamboyer à chaque éclair. La demoiselle ne portait pas l’uniforme classique de la Marine. Oh, cela y ressemblait énormément, mais il aurait fallu être aveugle pour ne pas remarquer que ces vêtements étaient taillés dans des étoffes autrement plus luxueuses et de qualités que la dotation standard de la Marine. Couplé à son port altier et à ses mouvements gracieux, il ne faisait aucune que la jeune femme était issue de la haute aristocratie d’une quelconque île de North Blue. À première vue, elle avait tout de la princesse fragile et délicate, mais la poignée usée de son sabre et le feu qui couvait dans son orbite valide trahissait la guerrière accomplie qu’elle était véritablement. Ses galons indiquaient son grade et achevaient de l'identifier : Bethsabée de Castelcume, la commandante de la section Alpha.

Ce petit poste d'observation était un peu son refuge. La jeune femme aimait s'y isoler pour y réfléchir tout à son aise. Le climat exécrable d'Hexiguel était d'ailleurs un véritable bénédiction à ses yeux : en effet, contempler la mer démontée et les éléments déchaînés avaient toujours un effet apaisant à son âme.

Le déclic de la poignée de porte derrière elle se fit entendre. La commandante ne prit même pas la peine de se retourner. Elle savait déjà de qui il s'agissait. Elle ne se l'expliquait pas mais elle était capable, dans une certaine mesure, de percevoir la présence d'autrui autour d'elle. Et certaines personnes avaient une sorte de… signature ? Qui lui permettait de les identifier de suite. Ainsi, Syracuse avait une présence très effacée, en phase avec sa volonté de ne pas s'imposer à son environnement. Jaëger avait une présence plus trouble et incomplète, comme un iceberg dont il ne s'ingénierait à ne laisser transparaître que la partie immergée. Quant à la personne qui arrivait, elle se distinguait, elle, par une présence à la fois sauvage et sous contrôle, terriblement menaçante pour l'ennemi mais singulièrement chaleureuse pour ses alliés : le colonel Trevor, le grand patron de la forteresse.

C'était l'un de leurs petits rituels : l'officier supérieur mettait son point d'honneur à venir régulièrement discuter de choses et d'autres concernant la Marine avec sa subordonnée. En premier lieu, parce qu'il était l'une des trop rares personnes à qui Bethsabée acceptait de s'ouvrir et d'avoir une discussion amicale. Si on la laissait dans son coin, la commandante avait tendance à s'enfermer dans un mutisme complet de mauvais aloi. D'après Trevor, le sens de la discussion était comme un muscle qu'il convenait d'entretenir au risque qu'il s'atrophie : la commandante était bien trop compétente pour passer sa carrière sur le caillou perdu d'Hexiguel et lorsqu'elle en partirait, il faudrait qu'elle soit toujours capable de s'entretenir avec le commun des mortels. Il s'efforçait donc de l'exercer.
La seconde raison tenait encore davantage à cœur au Colonel. En tant que responsable d'une forteresse dont plus des deux tiers de l'effectif y étaient assignés sur décision d'instance disciplinaire, Trevor se faisait fort d'identifier les manquements de ses ouailles et d'y remédier pour les sortir de ce placard et les renvoyer dans le giron de la Marine. À force d'expérience, il avait acquis un véritable talent là-dedans. Mais Bethsabée le déroutait totalement. Avec un peu plus d'ambition, elle aurait pu s'offrir un ticket de sortie depuis longtemps. Avec un peu moins de culpabilité, elle n'aurait même pas atterri ici en premier lieu. Elle y remplissait pourtant les tâches qu'on lui donnait à la perfection mais semblait totalement désintéressée par son avenir ou ses désirs.  Elle était mais c'était tout. Sans plus. Comme une enveloppe creuse et vide. On aurait finalement révélé à Trevor que la commandante était en fait un nouveau genre de Pacifista que ça ne l'aurait finalement étonné qu'à moitié.
Le Colonel ignorait d'où provenait le blocage de la jeune femme et n'avait toujours pas réussi à lui en tirer les vers du nez. Raison pour laquelle il poursuivait aussi ces petites discussions : continue à sonder méthodiquement ce qu'il en était.

L'énorme officier – il était aussi grand que barbu et velu. Avec son nez cassé et son sourire plein de dents, il faisait immanquablement penser à un Ours – s'approcha tranquillement de la margelle près de laquelle se tenait Bethsabée. Il tenait une tasse de vin chaud dans chaque main et en tendit une à la noble. En théorie, le règlement intérieur interdisait la consommation d'alcool durant le service, mais Trevor n'en tenait cas que quand cela l'arrangeait. La commandante accepta la boisson et en remercia le colonel tandis qu'il s'installait à ses côté.

« Rachel est revenue de patrouille en début de matinée, signala Tevor. J'ai lu son rapport : rien à signaler. Elle a capturé quelques pirates quelconques mais rien d'inhabituel.
_ Exact, opina Bethsabée en humant l'odeur épicée qui s'échappait de sa tasse.
_ Et cet après-midi, j'ai eu la visite du responsable des geôles qui m'informe qu'il va rapidement nous falloir dépêcher un convoi à la centrale Judiciaire parce qu'on est plein.
_ …, hocha la tête la commandante avant de souffler un peu sur la boisson pour la refroidir.
_ Ça m'étonne un peu, parce que le dernier convoi date de la semaine dernière, poursuivit le colonel. Alors je descends voir ce qu'il en est et voilà-t-'y pas que j'apprends que Rachel nous a ramené plus de deux cents prisonniers. Dont Kazuma l'Insaisissable !
_ Je me demande de quel surnom il va maintenant s'affubler ? S'interrogea Bethsabée. Kazuma le presqu'Insaisissable ? Kazuma l'Insaisissable-sauf-une-fois-mais-ça-ne-compte-pas ?
_ "Rien à signaler", souligna Trevor pour recadrer le sujet.
_ C'est ce qu'il semblerait selon Syracuse, acquiesça la commandante.
_ "Kazuma l'insaisissable" ; "Rien à signaler" ?? Insista l'officier.
_ Vous devriez vous estimez heureux, mon colonel : j'ai pu persuader Rachel de renoncer à poser une réclamation à ce sujet, signala la noble.
_ Une… Une réclamation !? Mais que… comment ? Quoi !?
_ Pour faire baisser sa prime. Je cite « si même moi j'ai pu capturer ce type sans difficulté, c'est clairement qu'elle est surévaluée, hein ! », fin de citation.
_ Je… Kazuma ? Surévalué ?? N'en revenait pas le colonel.
_ C'est ce qu'il semblerait selon Syracuse, admit Bethsabée.
_ Mais il donne du fil à retordre à la section de Belze depuis plus d'un mois, pointa Trevor. Ils ont jamais été incapables de l'arrêter ! 'fin, les rares fois où ils sont parvenus à lui mettre la main dessus, je veux dire.
_ Exact, acquiesça la commandante. C'est d'ailleurs bien précisément pour cela que j'ai choisi de déployer Syracuse dans cette zone de patrouille.
_ Mais… Non, non, non, attends une petite minute, tilta brusquement le colonel. La Rachel, elle est au courant que si elle avait affronté Kazuma à son arrivée à Hexiguel, elle se serait faite tailler en pièce ? C'est une impression ou elle n'a absolument pas conscience des progrès qu'elle a réalisé depuis qu'elle est ici ?
_ Exact.
_ Ah ben super. Bon, rassure-moi, tu comptes faire quelque chose à ce sujet, hein ? Demanda le colonel en portant sa tasse à ses lèvres.
_ C'est déjà le cas, mon colonel, répondit tranquillement Bethsabée. J'ai ordonné à l'ensemble de mes officiers de ne surtout rien dire qui puisse lui en faire prendre conscience.
_ Bleeeurff ! Recracha bruyamment Trevor en manquant de s'étrangler entre la boisson et l'indignation.
_ Les autres commandants ont accepté de coopérer et de relayer cet ordre au sein de leurs sections respectives, précisa la commandante.
_ Teuheuheu ! S'étouffa l'officier. Bien évidemment qu'ils ont dit oui, tout le monde te voue une confiance aveugle ! Teuheu ! … hum… Ok, et je suppose que tu as une excellente motivation à cela ?
_ C'est évident : Syracuse met les bouchées doubles pour combler le fossé qui nous sépare. Je ne veux surtout pas qu'elle relâche ses efforts ni ne se repose sur ses lauriers.
_ Hein ?
_ Elle n'a perdu que contre moi dans l'Arène et y surclasse tous les autres, rappela Bethsabée. Puisque vous nous avez expressément interdit de nous y affronter de nouveau…
_ Bien obligé, vous l'avez presque rasée, la dernière fois. Si on vous laisse faire, c'est toute la base que vous allez finir détruire…
_ … Syracuse n'a plus aucun point de comparaison auquel se raccrocher pour se rendre compte du chemin parcourue. Aussi va-t-elle continuer à évoluer à toute vitesse dans l'espoir de progresser un peu, conclut naturellement la noble.
_ Non mais dis, tu sais que j'ai déjà dû intervenir deux fois pour l'empêcher de quitter la Marine ? Rouspéta Trevor. Tu crois pas que ça lui ferait un peu de bien de se dire qu'elle s'améliore ? Non parce que son point faible, c'est sa confiance en soi en tant que chef, je te rappelle !
_ Billevesée, rétorqua sèchement Bethsabée. À ces deux occasions, ce n'est absolument pas son manque de capacité qui était à l'origine de ses velléités de départs, nous le savons pertinemment tous les deux.
_ Pfff, oui non mais si tu les lis les rapports, aussi, comment tu veux que je te culpabilise…
_ Et quand bien même, vous avez systématiquement gérer la situation de façon admirable, mon colonel, poursuivit d'un ton plus doux la noble.
_ Ben c'est un peu mon job de m'assurer qu'elle reste chez nous, hein. Pas question de devenir comme ces incompétents qui laisse leurs ouailles en formation filer chez la concurrence.
_ Exact, acquiesça la commandante. Et c'est parce que vous excellez à cette tâche que je puis me consacrer toute entière et sans réserve à la mienne : développer le potentiel de Syracuse le plus rapidement et le plus loin possible.
_ Pfff… Et comment je ronchonne, moi, si tu me fais des compliments. Mouais, je vois le genre… Bon, Bethsabée, ça va faire un peu l'hôpital qui se fout de la charité venait de moi mais je pense qu'il faut quelqu'un te le dise : t'es vraiiiiiment tordue quand tu t'y mets, tu sais ?
_ Merci : venant de vous, je vais prendre cela comme un compliment, répondit sincèrement la noble. Mais j'admets que si j'en viens à de telles extrémités, c'est parce que Syracuse est spéciale.
_ Tiens donc ?
_ Toute ma vie, j'ai cru que j'étais quelqu'un de patiente, avoua Bethsabée. Mais il n'en est rien : je n'en peux plus d'attendre que Syracuse me rejoigne à mon niveau. »

Trevor ne manqua pas de noter le petit miracle qui se produisit alors. Un sourire fugace. Un éclair de joie et d'excitation qui flamboya l'espace d'un instant dans l'orbite valide de la commandante. Soit il allait neiger dans les vingt-quatre heures, soit la Miss commençait à porter un intérêt à l'avenir en général et à ses appétences en particulier.

Le colonel conserva un visage de marbre pour ne pas trahir sa propre excitation. Rachel allait peut-être lui offrir sur un plateau la clef pour déverrouiller le cas de la commandante.
Rien qu'à cette idée, lui aussi était impatient que Rachel termine son développement pour voir ce que cela allait donner.
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