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Pécher ou pêcher

On réussit à ranger notre navire dans le port comme des professionnels. C'est faux. On est maladroit, lent, pas précis et on hésite. On doit s'y reprendre plusieurs fois, créant un petit bouchon derrière nous. Oui, on vient à peine de commencer notre navigation, on doit encore apprendre plein de choses et se mettre au point. On nous accueille non pas comme des rois, mais comme de petitt-bourgeois. C'est sûrement en rapport avec les sommes que je dépense chaque mois. J'ai une mission sur cette île, alors je me dépêche d'aller l'accomplir. Je me mets à chercher soit un local vide intéressant, soit une agence immobilière pour m'aider à trouver un endroit me convenant. Et je finit par en trouver une après plusieurs minutes.

« Bonjour.
Bonjour monsieur. Que puis-je pour vous ?
Je suis à la recherche d'un local à vendre pour établir ma boutique. L'endroit m'importe peu. Je veux une vitre en devanture, ou alors un mur qui peut se couper pour créer une devanture. En termes de surface, 5 mètres de large sur maximum une dizaine. Une construction en pierre serait un plus. Pour l'investissement, disons soixante millions.
Ma foi, ce sont des critères bien précis.
Je sais ce que je veux.
Première boutique ?
Première chaîne de boutique.
Ah, je comprends. On se souvient toujours de ses premières fois. Je vous laisse vous asseoir ici pendant que je recherche.
Inutile. Je vais aller voir d'autres agences en attendant si j'en trouve, et me balader en ville faire des achats pendant ce temps. Je vais rester en ville quelques jours. Je vous laisse mon numéro, je compte sur votre appel rapidement.
Bien entendu. Bonne journée monsieur.
Vous également. »

Je quitte l'endroit sans délai avant de me mettre à chercher d'autres agences. Toutes celles que je trouve, je leur demande la même chose. Je passe le reste de l'après-midi dans la ville. L'odeur de poisson s'atténue dans certains quartiers, par chance. Souvent, je croise des personnes sans toit au-dessus de la tête. Ça me rappelle moi il y a quelques années. Je n'aime pas les gens dans le besoin comme ça. On devrait leur venir en aide au lieu de les laisser aux caprices de la vie. Je vois les gens passer devant eux sans rien faire, sans rien dire. Une petite veine apparaît sur mon front tandis que je serre les poings. Je n'ai pas trop de matériel sur moi, mais je m'en fiche. Qui suis-je pour refuser de l'aide à quelqu'un dans le besoin ? Je m'approche d'un sans-abri, doucement, et vient me poser à ses côtés.

« Bonjour.
Bo … Bonjour. » Il semble surpris. Oui, les gens n'ont vraiment pas l'habitude de ne serait-ce que leur parler. Comment est gérée cette île ? Comment peut-on permettre ce genre de chose ?! Ça me révolte en mon for intérieur.
« Je m'appelle Rio, et je suis médecin. Vous permettez que je vous examine ? »

Il a un mouvement de recul. Les gens dans les rues sont habitués à être ignorés dans le meilleur des cas, méprisés dans une situation ordinaire, voire attaqué et volés, ou pire. Voir quelqu'un s'approcher de lui, même quelqu'un de mon âge ne le rassure pas. Voilà pourquoi je parle doucement, sans geste brusque, à une petite distance de lui quand même. Ces gens n'ont rien à part quelques vêtements. Mais ils ont encore leur espace, on ne doit pas leur voler. Ceci dit, avec mon ton doux, mes yeux sincères et mon attitude, il comprend que je ne lui veux pas de mal. Il abaisse ses défenses naturelles, son mécanisme de survie, à savoir ses mains. Je m'approche un peu plus de lui, toujours doucement. Je lui explique ce que je vais lui faire, avant de lui faire, et lui précise qu'il peut arrêter l'examen à tout moment, sans avoir à me donner d'explication. Les sdf n'ont aucun contrôle sur leur vie, alors je lui montre qu'il en a malgré tout. Je veux qu'il se sente en sécurité avec moi. Ils n'ont pas à me craindre, je ne suis pas un ennemi qui leur veut du mal. Je lui fait suivre mon doigt avec ses yeux, je vérifie la dilatation de ses pupilles.

Je constate son état, faible, affamé, un flagrant manque de nourriture. Les conditions dans lesquelles il vit ne lui permettent pas de manger ni à sa faim, ni les produits nécessaire pour rester en forme, ne pas développer de carence ou de sur-absorption. Je le regarde, la peau sur les os, maigre, clairement en sous-poids. Je sais qu'avec l'insuffisance pondérale risque de se greffer des problèmes de santé comme du cholestérol, du diabète ou des troubles cardiovasculaires, choses qui, bien évidemment, sont très difficiles, voire impossibles à guérir. Je me revois il y a quelques années, lorsque je commençais à déambuler sur la terre ferme, sans le sou, sans maison, sans protection, sans famille. Mon état physique était déplorable, j'avais perdu du poids, j'étais en situation de dénutrition critique puisque je ne voulais pas retourner dans l'océan attraper du poisson pour me nourrir. Ma masse corporelle était beaucoup faible. Je peinais à rester debout, bouger devenait difficile, je passais mes journées à rester assis et espérer que quelqu'un me vienne en aide. J'attendais, jour après jour. Dès que quelqu'un passait près de moi, je levais la tête. Mais aucune aide n'est venu. Je ne prenais même plus la peine de lever la tête au fil du temps.

Une fois que j'ai su marcher correctement, je pensais que ma situation allait changer. Que neni. Les gens étaient toujours aussi cruels, peu importe où j'allais. J'ai fait plusieurs îles, et à chaque fois, j'ai dû me nourrir de créatures marines que j'attrapais entre les îles pour survivre un peu et retrouver un état semi-normal. Puis j'ai finis par comprendre que personne ne viendrait m'aider. Alors j'ai décidé de m'aider moi-même. Là, j'ai l'occasion d'inverser la tendance. Il suffit d'une personne pour lancer un engrenage, qu'il soit positif ou non. Si j'aide ce sdf, qui me dit que plus tard, il n'aidera pas une autre sdf, qui lui-même aidera quelqu'un qui aidera quelqu'un … On ne peut qu'imaginer les répercutions de nos actes, orienter les directions, anticiper ce qui va arriver, mais on ne peut jamais être certain. Il y a quelques semaines, qui pouvait dire que l'existence même d'un Canard allait changer le monde ? Mais j'ai la Foi et je sais que mes bonnes actions en entraîneront d'autres, par effet papillon. Je suis persuadé de ça, et je refuse de croire qu'il en sera autrement. Bien sûr, le sdf que je vais aider peut retrouver confiance en lui, trouver un travail, devenir quelqu'un qui va aider les autres. Mais il peut aussi être dégouté de la situation, virer criminel et tuer des gens. Je n'ai aucun moyen de prévoir ce qui peut éventuellement arriver, et je ne vais même pas essayer, sinon j'en deviendrais fou.


Toutes mes plantes et effets sont réels, sauf précisions contraire. Alors lis, et instruits toi, petit brin d'herbe.
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Je soigne le malheureux comme je peux en lui donnant un peu de crème pour la peau afin de faire disparaître les infections cutanées dont il souffre. Je lui donne quelques médicaments tout en sachant qu'il ne pourra pas s'en procurer de nouveau. Je dois trouver une solution et voilà pourquoi je suis devenu herboriste, pour ce cas de figure précis. Mon patient, qui ne peut avoir accès aux comprimés, est quelque chose que je trouve inadmissible, peu importe la raison. Ma passion pour l'herboristerie m'a fait engranger énormément de connaissances sur les herbes, les plantes, les arbres, les épices et autre produit naturel que je peux utiliser pour remplacer les médicaments. Ainsi, je peux permettre à certaines personnes l'accès au soin, même si elles n'ont pas les moyens normalement. Que coûte d'aller cueillir une plante dans son jardin pour s'en faire une tisane ? Que coûte d'aller récupérer un peu d'écorce morte dans un parc public ? Il y a tellement de façons d'aider les gens, mais la priorité est d'identifier ce à quoi ils ont accès. Ici, nous sommes sur une île civilisée, avec du béton recouvrant la terre presque entièrement, mais dont la spécialité est le poisson qu'on trouve partout. Le produit de base doit donc être du poisson.

Après avoir discuté avec lui, je le laisse là, comme ça, et je retourne sur mon navire. Je me décide à prendre une bonne douche bien chaude, jusqu'à ce que la buée disparaisse des parois pour laisser place à un ruissellement d'eau. La chaleur et l'humidité m'aident à réfléchir, à me concentrer, à purifier mon corps. Pendant tout ce temps, je réfléchis à quels poissons utilisés, quel effet obtenir et produire. Toute la soirée, j'ai la tête ailleurs, toute la nuit, je suis harcelé de pensées tandis que j'essaie de remédier à la situation des sans-abris. Le matin arrive, et j'ai pris une décision. Qu'importe ce qui arrive, je vais rester fidèle à moi-même et à mes principes. Refuser d'aide quelqu'un, c'est renier qui je suis, ce que je suis. C'est impensable. Après avoir donné les ordres à mes hommes, je quitte le navire et retourne voit le sans-abri que j'ai trouvé hier. Avec ce que je lui ai fait hier, combiné avec mon aura de vieillesse, il devrait me faire confiance. Je lui propose quelque chose qui le surprend, jamais il ne s'y serait attendu. Un geste comme ça, ça dépasse toute bonté pour lui, à qui l'on a ni tendu la main ni fait attention depuis des années. Je peux voir la réflexion s'enclencher dans son cerveau. Je lui précise les termes du contrat, lui dit qu'il peut prendre du temps pour réfléchir et venir voir avant d'en parler autour de lui. Je le laisse dans sa réflexion pour savoir s'il s'agit d'un piège ou non, de la part d'un médecin fou qui a besoin de cobayes pour lesquels personne ne posera de question.

Je le quitte pour aller faire des emplettes afin de compléter ma collection de poudres. Je me rends tout d'abord dans un magasin vendant des armes. À peine ai-je posé le pied à l'intérieur qu'un type vient m'agresser en me demandant quel genre d'arme je veux, analyser quel type serait le mieux en fonction de ma corpulence. Je déteste ça, l'invasion de mon espace sans y avoir été invité au préalable. Alors je le fais reculer en étendant mes bras devant moi. Je lui précise que je ne viens pas acheter d'arme, mais simplement de la poudre noire. Il est surpris et semble déçu, mais m'oriente vers le produit que je recherche. Je prends dix kilos de poudre de type 1f, la plus grosse granulation, à utiliser essentiellement pour les armes de gros calibre. 20 bouteilles de 500 grammes me suffisent amplement. Si je voulais économiser de l'argent, je pourrais récupérer la poudre contenue dans les douilles des armes sur mon navire, mais sachant que la masse de poudre noire contenue dans une balle est d'environ un gramme, il faudrait vider mille balles. Et comment dire, je n'ai pas le courage ni l'envie de le faire et je ne suis pas assez sadique pour le faire faire à mes hommes. Peut-être un jour où je serais de mauvaise humeur, qui sait ?

Pour mon prochain achat, je dois chercher longtemps avant de trouver une boutique qui vend l'article que je veux acheter. J'achète dix kilos, mais de cendres cette fois. Ne me demandez pas pourquoi, vous le saurez un jour où j'aurais besoin de ces poudres. Jusqu'à cet instant, c'est un secret. Mon prochain achat, bien que classique en termes de produit, la quantité attire les regards. Au moment de passer à la caisse, je paye pour 30 citrons verts bien mûrs. Oui, uniquement des citrons, rien d'autre. Les bras chargés de sac, c'est étrangement le plus gros qui est le plus lourd. Les poudres pèsent dix kilos chacune, tandis que les citrons en pèsent trois. J'ai finis par emprunter un diable dont un marchand se sert pour recevoir ses livraisons, parce que transporter seul, à mains nues quarante gros bidons, ça m'empêcherait de voir où je vais, et ça serait surtout très lourd. Je rentre au navire avec mes courses. En me voyant rentrer ainsi, une personne travaillant dans le port vient me voir et me dit qu'ils ont du monde pour se charger de faire nos courses à notre place. Je le remercie, mais lui dit qu'ainsi, j'ai exactement ce que je veux et non autre chose. Il semble mal le prendre, et je m'excuse, je ne voulais pas le blesser. Il est vrai qu'avec mon train de vie, j'ai droit à des traitements privilégiés, et que jamais je n'en profite car pas habitué. Sauf quand je fais mes courses, mais ça, c'est une autre histoire. Je fonce dans mon laboratoire et commence mes expérimentations. Je commence par préparer la poudre noire, la plus dangereuse des éléments avec lesquels je vais travailler aujourd'hui. Je m'y prends lentement et précautionneusement.


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Les herboristes de l'équipage me regardent travailler mon savoir-faire pour accroître le-leur. Je sépare les kilos de poudre noire en tas de cent grammes auxquels je viens rajouter une poudre liant les effets, et diminuant légèrement le risque d'explosion accidentelle. Puis je viens stocker chacune dans un flacon en verre brisable facilement. Je nettoie ensuite le plan de travail. Pour les cendres, le travail est bien plus rapide puisque j'ai juste à séparer les dix kilos en tas de cent grammes et à ranger chaque lot dans une sacoche fermée. Si je fais d'aussi grandes quantités, c'est au cas où j'en ai besoin sur un groupe de personnes. Les 100 grammes sont utiles sur une personne, ou un petit groupe très rapproché. Mais si je utiliser mes techniques sur un large groupe, les proportions nécessaires sont bien plus élevées. Je nettoie tout une nouvelle fois, puis je pose les citrons devant moi, sur la planche à découper. Munis de couteaux, je commence à les couper en deux quand une idée me vient. Quand je me suis fait avaler par le lapin-marin, j'ai développé un pouvoir qui a fait se tordre l'animal sur lui-même, et un  jus sucré en est sorti. Pour les citrons, c'est justement le jus qui m'intéresse. Je pose mes deux mains sur une moitié d'agrume que je mets au-dessus d'un récipient.

« Jute. Jute. Jute. Jute. »

Je répète l'invocation plusieurs fois, sans appuyer pour ne pas écraser le citron de manière classique. Je veux voir si je peux reproduire le miracle que j'ai fait. Il était tiré de l'instinct de survie. Aujourd'hui, je suis dans mon laboratoire, sur mon navire accosté sur une île protégée par le gouvernement mondial, donc je ne suis en aucun cas en danger. Mais j'essaie quand même. Je visualise le demi-citron, prisonnier de mes mains tout autour de lui, effrayé à l'idée de se faire presser et de perdre ce qui fait de lui, lui. Je le visualise perler, petit à petit, goutte après goutte, qui tombe dans le bol sous mes mains. Je sens son odeur fruitée embaumer la pièce, son liquide couler le long de mes mains pour finir sa course dans un plop. Je l'imagine se tordre sur lui-même délicatement jusqu'à ce que tout son jus soit sorti. Après plusieurs minutes d'intense concentration, j'ouvre les yeux puis mes mains. Le demi-citron est intact. Légèrement frustré, je me venge en l'écrasant sur le presse-agrume, et je tourne aussi fort que possible en appuyant. Tu n'as pas voulu te presser délicatement, alors on va voir si tu vas te presser maintenant ! Le reste des agrumes ne tardent pas à rejoindre leur demi-ami. De temps en temps, je tente d'en tordre un, sans succès. Je passe plus de temps à essayer qu'à presser réellement. Je laisse le jus dans un bol, puis je le sépare en dix portions que je viens ranger dans dix fioles. Le jus d'acide est prêt à utilisation.

Je nettoie une nouvelle fois mon plan de travail. Je choisis un grand plateau, et avec précaution, et une bonne paire de gants, lunettes, tablier, je viens prendre une dizaine de vers crouigou que j'ai tué durant le voyage que je viens poser sur le plateau. Leur corps étant mort depuis quelques jours, leur toxine est moins forte, normalement, et je vais éviter de mettre du jus partout. Je coupe leur corps en deux délicatement et viens sectionner la glande qui produit l'essence que je veux. J'ouvre la glande avec un scalpel et verse le contenu dans un récipient. Une fois le liquide obtenu, je pose le cadavre dans la poubelle. Je répète le processus une centaine de fois, puisque dix vers me font une dose utile. Toujours vêtus de gants, une fois tous les vers à la poubelle, je pose tout ce que j'ai utilisé, sauf le récipient dans lequel se trouve le résultat de mon travail, dans l'évier, et je les lave aussitôt. Un air de menthe poivrée embaume l'air très rapidement, étant le seul moyen de réduire, puis d'annuler les effets des vers. Cette sensation irritante que force les victimes à se gratter encore, et encore, et encore sans pouvoir s'arrêter, jusqu'à s'arracher des couche de chair tant que la sensation demeure. J'offre un second lavage à tout ce que les vers ont pu toucher. Une fois le nettoyage terminé, je nettoie l'extérieur du cul de poule, que je pose dans un séchoir alimentaire. Cet appareil, chauffant de 41°C à 74°C, va me permettre de transformer une substance en une poudre complètement déshydratée. Autrement dit, le jus des cent vers irritants va devenir une dizaine de poudre de poil à gratter, d'ici quelques heures.

Durant cette période, un de mes hommes est allé rapporter le diable, comme promis. L'homme en est d'ailleurs surpris. Je réfléchis calmement pour me détendre. J'ai mangé une mandarine au goût dégoûtant, que je pensais pourrie. Sans que je ne sache pourquoi, j'ai perdu ma capacité à nager dans l'eau en tant que triton. Puis j'ai découvert un nouveau pouvoir. Cela ressemble fortement aux histoires de personnes ayant mangé un fruit du démon, comme j'en ai entendu plusieurs fois durant mes années de médecine. Ces personnes qui obtiennent un pouvoir phénoménal, mais qui en échange ne peuvent plus se retrouver dans un liquide sous peine de mourir. Est-ce que c'est ça ? Est-ce que je fais partie de ce club désormais ? Si tel est le cas, il est dit que les pouvoirs acquis peuvent mettre du temps à se manifester, et qu'il faut les cultiver pour atteindre le summum de leur puissance. Je ne sais pas si c'est mon cas, mais je vais continuer d'essayer ma nouvelle capacité jusqu'à ce que je réussisse à l'utiliser selon mon désir. Je retire le jus des vers crouigou du séchoir, il n'en reste que de la poudre. Très délicatement, je viens la verser dans dix petits sachets, hermétiquement fermés, après qu'elle ai refroidit.


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Dernière édition par Rio le Dim 2 Avr 2023 - 9:36, édité 1 fois
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Mes hommes ont fait leurs courses et ont commencé à suivre mes consignes, ils préparent à manger. Ce n'est pas de la grande cuisine, puisqu'on mise sur la quantité plutôt que la qualité. Aucun de nous n'est un chef de renommé internationale. Mais pour avoir survécu jusqu'à présent, les bases sont acquises. Sauf la cuisson des viandes, mais bon, aucun dieu ne peut être parfait au début. Je reçois un appel de plusieurs agents immobiliers qui me proposent de venir visiter des lieux correspondant à mes besoins. Je quitte donc ma Pharmacie dans l'après-midi et me rend sur place. Le premier local a une bonne exposition au soleil, mais ne m'inspire pas. Le second est trop petit en termes de superficie. Le troisième est trop grand. Le quatrième sur deux étages. Le cinquième en pierre ne me convient pas non plus. Il ne me reste qu'un agent à voir, le premier que j'ai contacté. Les autres m'ont déçu. On se retrouve directement devant l'endroit, situé dans le port, avec façade sur la mer. Je dois dire que la devanture me plaît bien. Elle est en pierre, un petit renfoncement en bois peut servir de vitrine d'exposition. Le bois est clair, bien entretenu, pas de craquelure apparente. On rentre à l'intérieur. L'endroit se compose de deux parties, celle visible du public où on pourra effectuer les ventes, et l'arrière-boutique qui servira de laboratoire/cuisine. Qu'il s'agisse de fugu, de poisson-lion, poisson lune, diodon, poisson porc-épic, poisson baudruche, tétraodon, poisson boule, tetraodontidae, poisson ballon ou bien d'autres, ils proviendront tous de cette île. Et puisqu'on est dans le port, non seulement la livraison sera rapide, mais en plus extra-fraîche.

Dans la salle principale, on retrouve des couleurs chaudes pour inspirer la confiance. Les grands meubles en bois de chêne et les diverses étagères serviront de présentoirs aux produits de la boutique. Qu'ils soient cachés dans des tiroirs, exposés dans des bocaux ou des fioles, on retrouvera les meilleurs produits qu'on puisse avoir en termes de plantes et herbes. Tout sera étiqueté et facile à trouver, même pour un néophyte. La salle principale sera divisée en trois parties, les poudres, les liquides et les substances solides. Dans ces parties, seront étiquetés les produits par effet souhaité. Oui, je peux clairement voir le potentiel de cette boutique. Je me vois déjà en sa possession, avec des clients rentrant à l'intérieur.

« Comme vous le vouliez, un bâtiment en pierre, assez grand pour exposer vos produits, avec vitrine, des étagères et un comptoir déjà installés.
Cet endroit est parfait.
Ah, voilà ce que j'aime entendre. La localisation est parfaite en plus, beaucoup de passage dans le port. Et cette vue face à la mer …
Oui, c'est bien situé avec une belle exposition. Ça me plaît énormément.
Malheureusement, le prix n'est pas celui souhaité. À cause de tout ces paramètres, le prix est fixé à soixante-dix millions de berries.
Non ! C'est au-dessus de mon budget …
Et j'en suis désolé. Mais c'est le seul correspondant à vos critères très sélectifs.
Il n'y a pas moyen de négocier ? J'aime vraiment beaucoup cet endroit, et je le veux pour en faire mon magasin. Mais je n'ai pas les moyens d'aller au-dessus des soixante millions de budget. Je suis médecin et herboriste, c'est pour en faire une boutique d'herboristerie que j'ai besoin de ce local. Il servira à aider les gens qui ne peuvent pas se payer de médicaments en trouvant des alternatives naturelles tout aussi efficace, en se spécialisant dans les poissons vu l'île sur laquelle nous sommes.
Ça ressemble à un business plan travaillé. Mais le prix de plancher est de soixante-dix millions. Le propriétaire refuse d'aller en dessous. »

Les quarante minutes suivantes, je l’apitoie sur mon sort, je me fais passer pour un petit vieux qui va bientôt mourir. Je lui sors le couplet du médecin qui veut aider les gens, de l'herboriste qui va lui-même chercher les plantes et travailler ses remèdes pour réduire le coût que les patients ont à payer. Je lui fait le scénario intégral en me mettant à parler de plantes, des difficultés d'aller les obtenir, de devoir risquer sa vie sans aucune certitude de trouver ce que l'on veut malgré mon âge. Il finit par en avoir marre de devoir rester là à m'écouter. Et oui, qui peut bien écouter un vieil homme raconter ses histoires de plantes tout en restant sain d'esprit ? Les papiers sont signés sur place.

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En début de soirée, une douzaine de personnes demandent à monter sur le navire. Je vais jeter un coup d’œil. Il s'agit d'Even, un herboriste de Kawai que j'ai choisis pour être le gérant de cette boutique. Un homme pas très grand, vêtu d'un long manteau kaki, une écharpe jaune, en train de fumer une pipe. Derrière lui se trouve une dizaine d'herboristes qui lui serviront de support pour toutes les tâches à faire, comme aller récupérer les poissons frais, les livrer, les découper, les préparer, conseiller les clients, ranger les produits … Ils montent à bord et on discute pour faire connaissance. Le matin se lève, et je vais montrer à Even la boutique.

« Oh oui, effectivement, ce n'est pas mal du tout. Un grand espace, de quoi circuler, présenter les produits, une arrière-salle pour faire toutes les préparations nécessaires pour subvenir aux besoins de l'établissement. Avec une vue magnifique qui promet d'attirer les clients comme des mouches »

Il a l'air aussi emballé que moi, ça fait plaisir. Les employés sont aussi excités que nous. On passe un bon coup de poussière partout, de serpillière, et pendant que ça sèche, Even va trouver des pêcheurs pour discuter avec eux, voire qui serait intéressé pour travailler avec nous, des prix, des quantités, du type de poissons disponible … Dans l'après-midi, tous les produits sont disposés sur les étagères, en vitrine, dans les tiroirs et ce peu importe leur forme. Là, j'ai enfin une boutique qui ressemble à quelque chose. Je décide de les laisser s'occuper de l'endroit tranquillement et je retourne à mon navire.




Arrivé sur place, je vois une dizaine de personnes sur le quai, qui attend. Elles s'écartent pour me laisser passer. En tête, je reconnais le sdf que j'ai traité il y a deux jours. Après avoir réfléchis et discuté avec ses amis, ils ont accepté mon offre. Je les fait monter à bord, leur indique la salle de bain, la cafétéria et le dortoir. Ce n'est pas du grand luxe, mais c'est déjà mieux que vivre dehors et dormir sur le sol. Par soucis d'hygiène, je leur demande d'aller prendre une douche avant tout, puis je les invite à me suivre à l'infirmerie. Je les examine un par un, identifie quelques malades bénignes, et d'autres plus graves. Je leur fait leur vaccin, leur donne des médicaments et extraits de plantes correspondant aux maladies dont ils souffrent. Dès que j'en ai finis avec un, il est envoyé dans la cafétéria où l'attend un bon repas. S'ils se jettent dessus et mangent tout, je leur conseille néanmoins d'y aller doucement. Leur estomac n'est plus habitué à manger autant, pour lui, c'est très vite trop, et ça va les rendre malades. Je préfère autant éviter. Une fois le ventre rempli, je leur propose d'aller dormir dans le dortoir. On est en journée, mes hommes n'utilisent pas cette pièce, donc autant la rentabiliser.

Pendant qu'ils vont se reposer pour la première fois depuis je ne sais combien de temps, je retourne dans le laboratoire et j'essaie de tordre des feuilles. Je me concentre jusqu'à ce que je sente quelque chose au fond de moi, une petite lueur qui brille faiblement. Plus le temps passe et plus son intensité augmente. Je sens qu'elle commence à me chauffer intérieurement. Je tente de faire bouger cette lueur vers mes mains en l'imaginant glisser délicatement. Rapidement, j'ai les mains en surchauffe. Mais sans que je ne bouge physiquement quoi que ce soit, je sens un truc bouger dans mes mains. Je peux sentir la feuille se tordre sur elle-même et un liquide glisser entre les doigts. J'ouvre les yeux, la feuille reprend sa position initiale, mais un liquide coule bel et bien vers le sol. Je le rattrape de ma main vide. J'ai réussi, on dirait. Je suis parvenu à utiliser ce pouvoir. Je n'ai plus qu'à retenter jusqu'à y parvenir sans avoir besoin de me concentrer intensément. Ma Pharmacie reste à quai plusieurs jours durant lesquels d'autres sans-abris viennent nous rejoindre. Malheureusement, je n'ai pas assez de place pour accueillir tout le monde, on doit donc effectuer un roulement pour que chacun puisse recevoir le même traitement.

Une fois le magasin lancé dans sa course inarrêtable au profit, je décide qu'il est temps de reprendre ma route. Ça me fait mal au cœur de renvoyer les gens qui n'ont rien à la rue, mais je dois poursuivre mes aventures si je veux progresser en tant que médecin et herboriste. On quitte le port après avoir fait le plein de produits dont on manquait suite à l'aide apportée. Je crois que je viens de me faire un petit réseau d'admirateurs sur l'île. J'ai pu les aider, et c'est ce qui compte le plus pour moi. Je m'en vais donc, le cœur léger, la conscience tranquille, avec le fait d'avoir fait quelque chose de bien pour le monde. Est-ce que quelqu'un s'en souviendra ? Non. Est-ce que ça influe directement ? Non. Mais seul l'avenir nous dira les conséquences que ces simples gestes ont eu. Mes hommes me font remarquer l'argent que j'ai perdu en aidant les sans-abris, ou plutôt celui que je n'ai pas gagné. Le prix d'une de mes consultations est de cinq cent mille berrys en moyenne, sans compter l'eau pour qu'ils se lavent, la nourriture achetée pour eux, le tout sur plusieurs jours, j'ai perdu quelques millions de berry. Oui, je l'ai fait gratuitement et ça ne me gêne absolument pas. Certaines choses ont un prix, d'autres ont de la valeur.

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