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Pour éviter que ta poubelle ne soit pleine

Où est-ce qu'on a bien voulu me déposer, cette fois-ci ? Oh, pas grand chose d'extravagant. Juste une autre petite île sur West Blue, où la vie quotidienne des habitants se porte apparemment pour le mieux. Donc, rien de bien folichon à déclarer pendant mon séjour, je me voyais déjà en déduire. Pourtant, d'après quelques récents avis de recherche que j'ai pu consulter sur ma route, il se pourrait bien que l'un des pirates primés avait été aperçu dans le secteur, dernièrement.

Alors bien sûr, s'il fallait croire dur comme fer à tout ce qui se raconte au sujet de ces foutues canailles du genre, on pouvait tromper toute la Marine et autres chasseurs de primes, à ce compte-là, je suppose ? Enfin ! On va dire que c'est plus fort que moi, au pire... J'avais du temps à utiliser, peut-être des Berrys à gagner, et sinon une notoriété à faire monter.

Mais pour l'instant, sous ma capuche, on me considère comme un simple étranger ou un touriste étrange. Je suis installé dehors, sur la terrasse d'un café, en train de vider un jus de fruit pour pas cher, au bout d'une paille, commandé un peu plus tôt. Mais comme j'ai l'air de trainer des heures pour aspirer mes fines gorgées, on ne tarde pas à me regarder de traviole et à me chuchoter quelques impolitesses.
Evidemment, j'en ai rien à carrer parce que j'ai appris à faire avec. Pour moins que ça, j'ai déjà droit à ce petit numéro gratuit, dès qu'il est question de ma propre existence d'homme-poisson toute entière, de toute façon.

J'espère tout de même que ça ne cassera pas mon plan ! Car je ne cherche pas à jouer au plus malin avec eux. Ce n'est pas de la provocation, promis ! Si j'ai pris position dans les parages, c'est aussi et surtout pour guetter les allées et venues de ma cible... si jamais elle rôde vraiment par ici, cela va de soi. Et rien de tel qu'une place assise pour boire et s'aérer, n'est-ce pas ? C'est quoi le problème ? Je veux juste paraître incognito, moi !

Alors je continue mon petit show de discrétion, tant bien que mal. J'essaie d'ailleurs parfois d'acquiescer de la tête légèrement, aux différentes réactions de mes trouble-fête. Une sorte de geste un peu comme pour leur faire comprendre que tout va bien, la vie est belle, vive la buvette, etc...

Mais en vain, je crois bien. D'autant plus qu'à force de chercher à les calmer avec cette combine minable, il n'y a bientôt plus une goutte à me mettre dans le gosier. Je n'ai qu'à voir pour commander à boire de nouveau, remarque ? Après tout, si le client a de quoi payer, hein ! Ca fait entrer des sous dans la caisse.

_ Mouais bof, je grommelle entre mes dents. Technique à retravailler...

En effet, pas convaincu plus que ça par cette méthode. En fait, j'ai dû prendre la place des fêtards habitués qui savent s'enfourner des bouteilles à la volée, tandis que moi, je sais à peine en vider une seule, tout seul, rien qu'en lézardant sagement.

J'attends encore quelques minutes... sait-on jamais si leur petit foin se tasse... puis j'ai envie d'avouer à tous ces gens que c'est ça aussi, être un chasseur de primes. Bref, l'occasion n'aura pas le temps de se présenter.
Voilà qu'en face, de l'autre côté de la rue, il y a un mendiant assis par terre. Je dois bien admettre qu'il fait tellement partie du décor depuis le début, que ce n'est vraiment pas le détail qui m'aura sauté aux yeux, du coup. Le gars campe en silence, dans l'espoir de recevoir une pièce ou deux ou un morceau de pain, à qui voudra bien se baisser devant lui, j'imagine.

Et wouah ! Une femme débarque à vive allure, en criant comme une folle. Elle doit avoir dans la quarantaine, et trimballe deux longues tiges pointues en métal, une dans chaque main. Mais le plus surprenant dans tout ça également, c'est que la foule alentour semble laisser couler la scène qui s'est mise en place, comme si de rien n'était. Donc, moi versus les ivrognes professionnels, pour le côté "lâchez-moi la grappe", c'est râpé !

La dérangée du bocal ne tarde pourtant pas à freiner sa course aux pieds du sans-abri... pour le planter carrément dans le coeur, avec sa paire d'armes ! sans aucune sommation ou autre mot d'adieu, par exemple. Le mec qui ne possédait déjà pas un rond en poche... Tout à coup, il en gagne deux fastoches dans le thorax. C'est un poil abusé, quand même !
Résultat, la pauvre victime inoffensive crève direct, s'allonge au sol, en train de pisser le sang.
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Bon ! Quand c'est trop, c'est tropico, comme dirait l'autre ! Je décide de me redresser au garde-à-vous en un quart de seconde. Primo, ça fait alors sursauter mes fans... et deuxio, ça les fait crier. Ils sont surpris de voir ma sale tronche de monstre marin, dévoilée malencontreusement lorsque ma capuche est tombée à la renverse, dans le feu de l'action.
Je ne pige pas tout de suite le pourquoi du comment. Mais vu le choc général, je m'empresse d'aller tâter le haut de mon crâne pour comprendre la bourde. En me levant trop vite, oups, le truc a dû se barrer.

_ Euh, désolé... je ressens le besoin de leur glisser.

Un petit réflexe qui me reste toujours sur le bout de la langue, dans ces cas-là. Sauf que mon excuse inutile arrange encore moins les choses... à cause de ma voix de gamine.
J'ai envie de rajouter une ou deux explications supplémentaires, mais je préfère ravaler ma salive. A vouloir trop en dire, c'est parfois le meilleur moyen pour empirer la situation.

Je quitte alors la terrasse, et me grouille de me rendre sur le lieu du crime. Comme la bonne femme ne me voit pas débarquer en trombe dans son dos, j'en profite pour la renverser à terre, d'un violent coup d'épaule. Des cris, des râleries... Balec', les spectateurs ! Quant à la meuf, elle se vautre salement, mais ne se relève pas. Tant pis s'il lui manque des dents, après sa chute !
Pendant ce temps, je suis déjà accroupi auprès du cadavre tout frais, et je constate vraiment le meurtre pur et dur de cet innocent. D'un doigt, je lui touche la joue à plusieurs reprises tout de même. Mais rien à faire, le malchanceux ne gesticulera plus jamais.

Et pour couronner le tout, je vérifie aussi parmi mes avis de recherches, si son visage correspond ou non à l'un d'eux. Bah quoi ? Un pirate qui voulait faire profil bas...

_ Vous êtes sûrs que tout le monde dans ce village a bien toute sa tête ? je finis par balancer à pleins poumons, de nouveau droit sur mes quilles, pivotant vers la terrasse du café.

Mon public tombe toujours plus des nues, dès que ma voix horrible leur pète les oreilles. Puis, le plus résistant des villageois finit par se manifester. Il me récite tout le règlement du patelin à respecter, en gros. Surtout le passage qui consiste à faire comprendre au type lambda et insignifiant que je suis, que mon blabla ne sert à rien, et que je peux repartir pleurer dans les jupes de maman...

_ Mais ? Hého ! Ce mec vient d'être tué sous vos yeux, par cette quiche ! Et... carotte ?

J'avoue que j'ai dû louper un épisode dans cette contrée. On m'engueulerait presque plus parce que c'est moi qui viens d'assommer quelqu'un.

Enfin bref ! A force de se chamailler pour savoir qui aura le dernier mot, on finit tôt ou tard par me déballer toute l'histoire sur le tapis. Et ouch ! J'ai de quoi en être abasourdi. J'en apprends une sacrée !
Rendez-vous compte ! Il est justement question de tapis... De tapis de souris, même que. L'idée saugrenue de base consistait à ne plus remplir sa poubelle avec ses restes de bouffe. Mais au contraire, de les distribuer aux crève-la-faim qui occupaient les rues, ici et là.
Au début, ça paraissait bien mordre à l'hameçon, malgré quelques réticences. Mais le fait de pouvoir aider ceux qui ne pouvaient pas s'offrir de repas, avait en quelque sorte son charme. Les pauvres bonhommes retrouvaient un peu plus souvent le sourire : on ne les laissait pas de côté !

Malheureusement, la bonne action a ensuite touché à sa fin. Soit parce que les clochards en avaient eu marre qu'on leur jette un petit morceau qu'ils devaient attraper en plein vol. Soit parce que toujours plus d'énergumènes de leur race s'étaient installés, au fil des jours. Super, le panorama de la bourgade, en somme. De quoi donner aux voyageurs curieux, l'envie de venir passer leurs vacances dans ce trou, j'imagine !
Alors quand les rues sont devenues dégueulasses, on n'a pas oublié d'accuser la folle de service, aussi organisatrice de ce joli foutoir. Merci les profiteurs, quoi !
Sauf que très vite, la nana a rapidement pu rebondir vers une autre alternative... peut-être même meilleure !
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_ Hein ? je réussis à placer pendant ce conte pour enfants. Des... rats ? Et des... souris ?

Je me force même à rigoler, pour l'occasion. Mais je n'y arrive pas longtemps, ça me demande trop d'effort, mêlé entre le bizarre et le sordide. En échange, les autochtones ont de quoi baisser les yeux de dégoût, en voyant mes jolies dents pointues.

Puis le mec qui faisait la narration, reprend son speech. J'apprends que la fameuse timbrée, ayant une certaine passion pour le tricot, s'est alors mise à confectionner des petits tapis de luxe pour les petits animaux remplaçants. Ces derniers pullulaient afin de venir se remplir l'estomac aussi, certes, dans les rues... mais la nuit, pour la comparaison.
Et donc, d'abord venus nettoyer les sols, voilà que les fins de repas des habitants pourraient continuer de servir de cadeaux... mais pour les bestioles, cette fois. En plus, là encore, on évitait de remplir ses poubelles. Bravo ! Et merci qui ?

_ Aaah d'accord, fais-je à la fin du roman. Alors dorénavant, le moindre mendiant un peu trop humain qui se pointe, on le tue, si j'ai bien compris ?

A vrai dire, je n'ai pas tout à fait tort... si ce n'est que personne n'envisageait carrément que ça irait jusqu'au meurtre. Elle devait juste chasser la concurrence dans le meilleur des cas, point barre !

_ Eh bah dis donc ! je lâche en soupirant, après avoir survécu à ce gros bourrage de crâne.

Sur ce, le fin mot de l'histoire étant annoncé, il est temps de passer à l'épisode suivant : celui de se débarrasser du corps inerte, et de mettre un terme à la carrière de la nouvelle tueuse.

Manque de bol, lorsque je me retourne vers la coupable, elle en a profité depuis pour se relever. Je vois alors quasiment trop tard que ses longues aiguilles cherchent à m'ôter également la vie ! Je me protège comme je peux avec les mains, dans la précipitation... ce qui me fait soudainement beugler comme une truie, quand les deux pointes me transpercent les paumes.

Par contre, je me libère dans la foulée, cela va de soi. Et profitant du revers de la médaille que procure ma satanée voix aigüe, j'ai vite fait de désarmer mon adversaire. En l'espace d'une seconde, j'ai fait voler tout le métal. Même dans la douleur, ça marche aussi !

_ Arrêtez ça tout de suite ! Ou ça va mal se finir pour vous. Je suis chasseur de primes, vous savez !

_ M'en fous, connais pas ! me rétorque-t-elle du tac-o-tac.

Han, la sale... ! Bon d'accord, pas le temps de m'apitoyer sur mon sort, face à une réponse si blessante. La femme vient déjà de piocher deux nouvelles grandes aiguilles de tricot, rangées dans son dos. Et hop ! sans plus tarder, voilà qu'elle exprime assez clairement son nouveau désir de meurtre... dans un combat.

Heureusement, je suis plus jeune, plus mince et plus agile qu'elle. J'arrive alors à esquiver avec facilité ses nombreuses tentatives de plantage. Autour de nous, les curieux regardent sans trop savoir quoi faire. Sans doute, sont-ils décontenancés par de la poiscaille de pacotille qui leur a pourtant tenu tête ? A moins que ce ne soit à cause de l'autre débile qui cherche à défendre son plus grand projet, coûte que coûte ?
Et dans ces cas-là, pour quel camp faut-il tenir ? Qu'à cela ne tienne ! De toute façon, ces glandus ne feraient que me gêner, quand on y pense.
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Le combat perdure encore longtemps... mais parce que c'est moi qui le fais tourner en rond. L'autre nana est tellement enragée, qu'elle ne calcule même pas que je m'amuse à jouer avec ses nerfs. Ainsi, les minutes s'écoulent toujours plus, et le manque d'énergie chez la fofolle s'en fait ressentir. Elle s'essouffle... Elle se plaint... Elle ralentit sa cadence...

Je n'ai alors plus qu'à me servir pour la débarrasser de ses instruments gênants. Bien sûr, en découvrant cette opportunité tellement expéditive, elle s'en remet à ses poings pour espérer me frapper encore. Mais déjà pliée en deux, ses coups pitoyables brassent de l'air. Moi, un étage plus bas, je suis en train de la clouer sur place ! Avec ses propres aiguilles de tricot, plantées sauvagement dans ses pieds.

Chacun son tour ! C'est à elle de gueuler maintenant. J'ai droit à une ribambelle de noms pas très sympathiques, et autant de menaces de mort pour assaisonner le tout.

_ Rha, ça va encore ! J'ai pas voulu bousiller tes mains. Estime-toi heureuse.

Yes ! Un petit tutoiement qui fait du bien par où ça passe...

Je sais, c'est vache. Mais tuer, c'est mal. Et s'attaquer à mes mimines, c'est moche aussi. Alors en attendant que la foule des environs comprenne enfin qu'elle doit penser à se bouger la rondelle, J'ai préféré marquer la fin du combat, d'un grand coup.

Une pauvre victime innocente avait été plantée un peu plus tôt, tout le monde s'en cogne ! Bobby qui se fait trouer les paluches, rien à battre aussi ! Peut-être qu'il suffit de perforer un troisième cobaye, pour qu'on s'étonne enfin que le palmarès du crime s'alourdit sur cette île, en si peu de temps ?
Une sorte de "jamais deux sans trois" qui sert de douche froide à la population du coin, quoi. Et bonjour la réputation du lieu, par exemple ensuite.

Après quoi, cette journée se termine dans le plus grand des calmes. Il y a comme une certaine honte chez les gens qui plane dans l'air. Je ne reste pas longtemps sur ce caillou, parce que je me dis qu'avec mon coup d'éclat, il n'y a plus trop de chances pour croiser encore du méchant pirate égaré, dans les environs. Et sinon, le saligaud va penser à mieux se cacher.
Alors, une fois que l'affaire du cadavre est réglée, que la vieille dame part se faire livrer derrière les barreaux les plus proches, moi je peux me vanter d'avoir vaincu une quarantenaire.

Lot de consolation peut-être ? A l'insu de tous, j'ai pu aller fouiller dans la maison de la tricoteuse, avant mon départ. Je me suis dit que s'il y avait des gens capables de réserver gratos de la mignonne carpette en laine pour une petite boule de poils, peut-être qu'un format plus convenable avait aussi été conçu pour grande personne à écailles ?
Un tapis pour de la poiscaille, on n'aura qu'à dire, quoi. Pour pouvoir poser mes fesses dessus, dès qu'il me faudrait pique-niquer en pleine cambrousse... ou même dormir sur les bâteaux qui me transportent, mais avec le lit qui fait partie des frais supplémentaires parfois.
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