La Nouvelle Ohara n’était pas n’importe que lieu de villégiature. Pour un archéologue, il s’agissait plus du lieu de pèlerinage par excellence, où l’on venait faire le plein de savoir et rencontrer d’éminents chercheurs venus des quatre coins du globe.
Pour Ned, c’était un point d’arrêt dans sa course effrénée, un moment de répit où il pouvait retrouver le confort des livres et de la tranquillité. Il était venu seul comme à son habitude, et faisait le tour de l’arbre de la cognition depuis plusieurs jours. Il avait longé chaque couloir, arpenté chaque bibliothèque, inspecté chaque étagère et finalement, le repos s’était vite transformé en course vers la connaissance. Assoiffé de livres, de recherches, de mystères, il s’était épuisé entre les milliers de lignes et les milliers de paragraphes.
Il ne savait pas bien ce qu’il cherchait, à vrai dire il ne l’avait jamais su. Mais il espérait trouver quelque chose, aux confins du savoir, dans des profondeurs obscures où germent les idées les plus vivantes.
Il ne savait pas s’il existait même quelque chose à trouver, mais il était comme le chercheur de diamant qui ratisse désespérément chaque morceau de terre dans l’espoir de mettre la main sur la plus précieuse des pierres. Mais la perle rare n’est sans doute qu’un mirage, blottie contre la croyance et l’espérance, loin de toute réalité.
Peu lui importait, car même perdu dans de vieux grimoires d’anciens temps, il trouvait toujours un plaisir libérateur qui le poussait à réitérer chaque plongeon dans l’inconnu. Affalé dans une chaise à bascule, il tenait entre ses doigts son bouquin comme la plus fragile des fleurs et feuilletait chaque page avec une attention digne du plus grand timonier des océans. Absorbé par son ouvrage, il n’entendit pas les grognements à répétition autour de lui. Ce fut seulement après quelques secondes qu’il décrocha et leva la tête.
- C’est pas vrai, c’est pas vrai…c’est pas vrai ! Où sont-ils bon sang ?!
Un homme était en train de s’égosiller juste à côté de lui et fouillait un placard avec une telle rage qu’on put croire qu’il avait une dent contre lui. Il était grand et sa carrure rachitique lui donnait l’allure d’un cocotier se balançant au gré du vent, sauf que lui, se dandinait à cause de la colère. L’homme scruta chaque recoin de l’armoire, en tira des pochettes et des documents qu’il étala sur un bureau et sur le sol. Il fit virevolter les papiers dans tous les sens, en serra entre ses mains, en déchira d’autres, et sembla finalement ne pas parvenir à mettre la main sur ce qui l’intéressait tant.
- C’est pas possible… Tout est parti ! Absolument tout ! Maugréa t-il en s’arrachant les cheveux.
Ned referma son livre avec délicatesse et se leva de sa chaise à bascule. Il s’approcha du désespéré qui s’était recroquevillé en boule et l’observa un instant.
- Karl Diem ? Demanda-t-il avec une once d’hésitation dans la voix.
Il l’avait reconnu à sa crinière blanche et à ses lunettes de protection orange qu’il portait comme des extensions de ses yeux. Karl Diem était un ingénieur de renom, un inventeur hors pair, prisé dans toutes les Blues. Ses travaux lui étaient familiers, son visage aussi, mais c’était bien la première fois qu’il le voyait en chair et en os.
- Bon sang ! Ils sont tous partis ! Tous ! Vous vous rendez compte ?! Maudit-il en agrippant le jeune homme par le col.
- Du calme.
Ned retira fermement la main qui l’étranglait, ce qui eut pour effet de calmer un tant soit peu les ardeurs du vieil homme. L’ingénieur réajusta sa veste, se racla la gorge et prit une grande inspiration.
- Je vous prie de bien vouloir m’excuser. Je n’ai pas toute ma tête…c’est juste que…
- Vous dites que « tout est parti », de quoi parlez-vous exactement ?
- Mes travaux jeune homme…je parle de mes travaux. Ils ont été volés !
- Volés ? Vous les avez peut-être simplement égarés, je peux vous aider à les retrouver si vous voulez.
- Non, non, non, non, reprit le vieil homme en s’ébrouant, vous ne comprenez pas, je ne déplace jamais mes recherches d’un bureau à l’autre, tout était entreposé ici, fermement verrouillé et surveillé par les bibliothécaires. Quelqu’un les a volés, je peux vous l’assurer.
- Soit. Vous avez une idée de qui aurait pu faire ça ?
- Oh mais j’en ai plus qu’une simple idée mon garçon, je sais qui c’est ! Ou plutôt qui ils sont.
- Sont ?
- Ces satanés types de la Sainte Trinité !
- La Sainte Trinité ? Ça me dit vaguement quelque chose.
- Une bande de mafieux pourris jusqu’à l’os qui s’accaparent tout ce qui est synonyme de richesse. Ces types ont la main sur plusieurs îles de West Blue et voilà qu’ils viennent fourrer leur nez ici à la Nouvelle Ohara ! Pour me voler mes travaux !
- Qu’est-ce que des mafieux auraient à tirer des travaux d’un scientifique ? Je ne suis pas certain de tout saisir.
- Eh bien…je les soupçonne de vouloir vendre mes recherches aux royaumes les plus offrants.
- Hm. Vous fabriquez des armes, n’est-ce pas ? Soupçonna Ned avec un certain flegme dans la voix.
- Disons que mes travaux récents portaient sur de nouveaux systèmes d’armement qui, dans une guerre, pourraient grandement avantager le camp qui en possèderaient.
- Je vois. Vous savez où on peut les trouver, ces gars de la Sainte Trinité ?
- Ces vauriens ont du se cacher au nord, à la crique du Gel. Mais attendez, ne me dites pas que vous comptez y aller ? On ne se connaît même pas !
- Vous faisiez partie de mes inspirations dans ma jeunesse, je passerai sur l’objet de vos recherches actuelles, mais je vous dois bien ça. Assurons-nous que vos travaux ne tombent pas entre de mauvaises mains. Et j’ai besoin de me défouler, je me suis trop assagi à force de lecture.
Ned quitta l’arbre de la Cognition sans plus d’informations en poche. A vrai dire, il avait besoin d’un peu d’air frais pour penser à autre chose qu’aux affres de la connaissance. Cette affaire était l’occasion parfaite pour lui de décompresser.
La crique du Gel était une vaste plage encerclée de larges roches grimpantes. Elle tirait son nom d’une histoire vieille de cent ans, qui racontait qu’un géant aurait été congelé sur cette plage lors du Buster Call.
Ce jour-là, la crique du Gel était occupée par des navires qui mouillaient au bord de l’eau et par des dizaines d’hommes à la mine douteuse qui chargeaient de lourdes cargaisons dans les bateaux. Caché derrière un rocher, Ned épia la conversation de deux gaillards assis près d’une tente.
- Tu penses qu’on peut en tirer combien de toute cette paperasse ? S’interrogea le plus costaud des deux.
- J’sais pas, ‘faut voir avec le boss. C’est lui qui gère ça, nous on fait l’job c’est tout.
- Ouais mais c’est juste par curiosité. Parce que vu comment le patron a insisté pour qu’on pique les papiers d’ce vieux, c’est que ça doit valoir son pesant d’or c’est moi qui te l’dis !
L’information ne fit qu’un tour dans la tête du jeune archéologue. Les voleurs se tenaient devant lui, il ne lui restait plus qu’à leur tirer les vers du nez et à récupérer les recherches volées. Il quitta sa cachette et s’approcha d’un pas vif vers les deux voyous. Il surgit soudainement de leur angle mort et frappa à la tempe le premier. L’homme s’écroula, sonné par le choc, tandis que son camarade cligna des yeux deux ou trois fois pour comprendre ce qu’il venait de se passer. Ned avait effacé l’option « discussion » de son esprit, la seule voie à suivre pour obtenir ce qu’il voulait était la leur, la loi du plus fort. Le second, après avoir réalisé, se jeta sur lui avec insouciance, mais le jeune homme glissa comme une feuille de papier sur son côté et frappa sèchement au foie.
- Où sont les travaux de Karl Diem ?
L’homme à genoux, les mains serrées contre son ventre, n’osa pas dire mot. Ned s’apprêta à réitérer sa frappe, mais le sifflement d’une balle l’en empêcha. Le projectile, venu du dos, lui érafla l’épaule et l’obligea à faire volte-face en dégainant une lame.
- T’aurais jamais du faire ça, lança-t-il, le regard serré en direction du responsable.
L’homme tenait son arme à feu entre ses doigts tremblants, il tira une nouvelle fois, puis une troisième fois, mais son manque de précision et la vitesse de sa cible l’empêchèrent de faire mouche. En une fraction de seconde, Ned s’était retrouvé devant lui et sa lame lui trancha la main. L’arme et la main coupée s’envolèrent en même temps que le voyou se mit à hurler de douleur.
La scène eut le don d’apaiser instantanément les tensions. Ned rangea sa lame et réitéra sa question. Le gaillard frappé au foie lui indiqua une petite caisse dans la tente où se trouvait les documents volés.
- Notre boss en sera informé, ça va pas se passer comme ça ! Grogna le bandit avec difficulté, toujours diminué par le coup qu’il avait reçu.
L’archéologue récupéra le tout silencieusement, en ignorant totalement les menaces, puis s’en alla sans demander son reste.
Il partit remettre les travaux à Karl Diem, pensant en avoir définitivement terminé avec cette histoire de mafieux.
Mais c’était certainement prendre la Sainte Trinité un peu trop à la légère et en oublier les représailles…
Pour Ned, c’était un point d’arrêt dans sa course effrénée, un moment de répit où il pouvait retrouver le confort des livres et de la tranquillité. Il était venu seul comme à son habitude, et faisait le tour de l’arbre de la cognition depuis plusieurs jours. Il avait longé chaque couloir, arpenté chaque bibliothèque, inspecté chaque étagère et finalement, le repos s’était vite transformé en course vers la connaissance. Assoiffé de livres, de recherches, de mystères, il s’était épuisé entre les milliers de lignes et les milliers de paragraphes.
Il ne savait pas bien ce qu’il cherchait, à vrai dire il ne l’avait jamais su. Mais il espérait trouver quelque chose, aux confins du savoir, dans des profondeurs obscures où germent les idées les plus vivantes.
Il ne savait pas s’il existait même quelque chose à trouver, mais il était comme le chercheur de diamant qui ratisse désespérément chaque morceau de terre dans l’espoir de mettre la main sur la plus précieuse des pierres. Mais la perle rare n’est sans doute qu’un mirage, blottie contre la croyance et l’espérance, loin de toute réalité.
Peu lui importait, car même perdu dans de vieux grimoires d’anciens temps, il trouvait toujours un plaisir libérateur qui le poussait à réitérer chaque plongeon dans l’inconnu. Affalé dans une chaise à bascule, il tenait entre ses doigts son bouquin comme la plus fragile des fleurs et feuilletait chaque page avec une attention digne du plus grand timonier des océans. Absorbé par son ouvrage, il n’entendit pas les grognements à répétition autour de lui. Ce fut seulement après quelques secondes qu’il décrocha et leva la tête.
- C’est pas vrai, c’est pas vrai…c’est pas vrai ! Où sont-ils bon sang ?!
Un homme était en train de s’égosiller juste à côté de lui et fouillait un placard avec une telle rage qu’on put croire qu’il avait une dent contre lui. Il était grand et sa carrure rachitique lui donnait l’allure d’un cocotier se balançant au gré du vent, sauf que lui, se dandinait à cause de la colère. L’homme scruta chaque recoin de l’armoire, en tira des pochettes et des documents qu’il étala sur un bureau et sur le sol. Il fit virevolter les papiers dans tous les sens, en serra entre ses mains, en déchira d’autres, et sembla finalement ne pas parvenir à mettre la main sur ce qui l’intéressait tant.
- C’est pas possible… Tout est parti ! Absolument tout ! Maugréa t-il en s’arrachant les cheveux.
Ned referma son livre avec délicatesse et se leva de sa chaise à bascule. Il s’approcha du désespéré qui s’était recroquevillé en boule et l’observa un instant.
- Karl Diem ? Demanda-t-il avec une once d’hésitation dans la voix.
Il l’avait reconnu à sa crinière blanche et à ses lunettes de protection orange qu’il portait comme des extensions de ses yeux. Karl Diem était un ingénieur de renom, un inventeur hors pair, prisé dans toutes les Blues. Ses travaux lui étaient familiers, son visage aussi, mais c’était bien la première fois qu’il le voyait en chair et en os.
- Bon sang ! Ils sont tous partis ! Tous ! Vous vous rendez compte ?! Maudit-il en agrippant le jeune homme par le col.
- Du calme.
Ned retira fermement la main qui l’étranglait, ce qui eut pour effet de calmer un tant soit peu les ardeurs du vieil homme. L’ingénieur réajusta sa veste, se racla la gorge et prit une grande inspiration.
- Je vous prie de bien vouloir m’excuser. Je n’ai pas toute ma tête…c’est juste que…
- Vous dites que « tout est parti », de quoi parlez-vous exactement ?
- Mes travaux jeune homme…je parle de mes travaux. Ils ont été volés !
- Volés ? Vous les avez peut-être simplement égarés, je peux vous aider à les retrouver si vous voulez.
- Non, non, non, non, reprit le vieil homme en s’ébrouant, vous ne comprenez pas, je ne déplace jamais mes recherches d’un bureau à l’autre, tout était entreposé ici, fermement verrouillé et surveillé par les bibliothécaires. Quelqu’un les a volés, je peux vous l’assurer.
- Soit. Vous avez une idée de qui aurait pu faire ça ?
- Oh mais j’en ai plus qu’une simple idée mon garçon, je sais qui c’est ! Ou plutôt qui ils sont.
- Sont ?
- Ces satanés types de la Sainte Trinité !
- La Sainte Trinité ? Ça me dit vaguement quelque chose.
- Une bande de mafieux pourris jusqu’à l’os qui s’accaparent tout ce qui est synonyme de richesse. Ces types ont la main sur plusieurs îles de West Blue et voilà qu’ils viennent fourrer leur nez ici à la Nouvelle Ohara ! Pour me voler mes travaux !
- Qu’est-ce que des mafieux auraient à tirer des travaux d’un scientifique ? Je ne suis pas certain de tout saisir.
- Eh bien…je les soupçonne de vouloir vendre mes recherches aux royaumes les plus offrants.
- Hm. Vous fabriquez des armes, n’est-ce pas ? Soupçonna Ned avec un certain flegme dans la voix.
- Disons que mes travaux récents portaient sur de nouveaux systèmes d’armement qui, dans une guerre, pourraient grandement avantager le camp qui en possèderaient.
- Je vois. Vous savez où on peut les trouver, ces gars de la Sainte Trinité ?
- Ces vauriens ont du se cacher au nord, à la crique du Gel. Mais attendez, ne me dites pas que vous comptez y aller ? On ne se connaît même pas !
- Vous faisiez partie de mes inspirations dans ma jeunesse, je passerai sur l’objet de vos recherches actuelles, mais je vous dois bien ça. Assurons-nous que vos travaux ne tombent pas entre de mauvaises mains. Et j’ai besoin de me défouler, je me suis trop assagi à force de lecture.
Ned quitta l’arbre de la Cognition sans plus d’informations en poche. A vrai dire, il avait besoin d’un peu d’air frais pour penser à autre chose qu’aux affres de la connaissance. Cette affaire était l’occasion parfaite pour lui de décompresser.
La crique du Gel était une vaste plage encerclée de larges roches grimpantes. Elle tirait son nom d’une histoire vieille de cent ans, qui racontait qu’un géant aurait été congelé sur cette plage lors du Buster Call.
Ce jour-là, la crique du Gel était occupée par des navires qui mouillaient au bord de l’eau et par des dizaines d’hommes à la mine douteuse qui chargeaient de lourdes cargaisons dans les bateaux. Caché derrière un rocher, Ned épia la conversation de deux gaillards assis près d’une tente.
- Tu penses qu’on peut en tirer combien de toute cette paperasse ? S’interrogea le plus costaud des deux.
- J’sais pas, ‘faut voir avec le boss. C’est lui qui gère ça, nous on fait l’job c’est tout.
- Ouais mais c’est juste par curiosité. Parce que vu comment le patron a insisté pour qu’on pique les papiers d’ce vieux, c’est que ça doit valoir son pesant d’or c’est moi qui te l’dis !
L’information ne fit qu’un tour dans la tête du jeune archéologue. Les voleurs se tenaient devant lui, il ne lui restait plus qu’à leur tirer les vers du nez et à récupérer les recherches volées. Il quitta sa cachette et s’approcha d’un pas vif vers les deux voyous. Il surgit soudainement de leur angle mort et frappa à la tempe le premier. L’homme s’écroula, sonné par le choc, tandis que son camarade cligna des yeux deux ou trois fois pour comprendre ce qu’il venait de se passer. Ned avait effacé l’option « discussion » de son esprit, la seule voie à suivre pour obtenir ce qu’il voulait était la leur, la loi du plus fort. Le second, après avoir réalisé, se jeta sur lui avec insouciance, mais le jeune homme glissa comme une feuille de papier sur son côté et frappa sèchement au foie.
- Où sont les travaux de Karl Diem ?
L’homme à genoux, les mains serrées contre son ventre, n’osa pas dire mot. Ned s’apprêta à réitérer sa frappe, mais le sifflement d’une balle l’en empêcha. Le projectile, venu du dos, lui érafla l’épaule et l’obligea à faire volte-face en dégainant une lame.
- T’aurais jamais du faire ça, lança-t-il, le regard serré en direction du responsable.
L’homme tenait son arme à feu entre ses doigts tremblants, il tira une nouvelle fois, puis une troisième fois, mais son manque de précision et la vitesse de sa cible l’empêchèrent de faire mouche. En une fraction de seconde, Ned s’était retrouvé devant lui et sa lame lui trancha la main. L’arme et la main coupée s’envolèrent en même temps que le voyou se mit à hurler de douleur.
La scène eut le don d’apaiser instantanément les tensions. Ned rangea sa lame et réitéra sa question. Le gaillard frappé au foie lui indiqua une petite caisse dans la tente où se trouvait les documents volés.
- Notre boss en sera informé, ça va pas se passer comme ça ! Grogna le bandit avec difficulté, toujours diminué par le coup qu’il avait reçu.
L’archéologue récupéra le tout silencieusement, en ignorant totalement les menaces, puis s’en alla sans demander son reste.
Il partit remettre les travaux à Karl Diem, pensant en avoir définitivement terminé avec cette histoire de mafieux.
Mais c’était certainement prendre la Sainte Trinité un peu trop à la légère et en oublier les représailles…