Renaissance Douloureuse - feat. Alheïri S. Fenyang
~ Bulgemore - 1629 ~
Un attroupement sur la plage enneigée attira le regard d’une jeune femme encapuchonnée. Ce qui se passait la désintéressait mais sa position surélevée permit à son unique œil valide d’apercevoir la source d’autant d’agitation si tôt dans la matinée : un bateau échoué avec à son bord un équipage totalement décimé. La vision des corps découpés et des visages figés à tout jamais dans une expression d’atroce souffrance éveilla en la jeune femme un mal de crâne soudain qui la força à maintenir sa tête de ses mains abîmées par des rudes labeurs.
La douleur si lancinante força la jeune femme à ployer, les genoux posés sur le sol enneigé. Ce fut ainsi que des personnes, parmi le rassemblement plus bas, remarquèrent la présence de l’affligée.
« - Qu’est-ce qui lui arrive ? Questionna un marine.
- Aucune idée, répondit un autre.
- Vas donc voir ! Ordonna le commandant du Soixante Huitième Régiment, Peter St. Borough. »
Le subordonné s’exécuta en se dirigeant vers la jeune femme toujours en proie à un élancement comme si son crâne menaçait d’exploser.
« - Qu’est-ce qui ne va pas ? Questionna le marine sans chercher à consoler la dolente. »
Toujours agenouillée, la tête rivée vers le sol, son œil se mouvant de droite à gauche avec frénésie, la jeune femme souffrait en silence. Sa géhenne était évidente et pourtant aucun bruit ne s’échappait de ses lèvres entrouvertes.
Les images d’un massacre défilaient dans l’esprit de la souffrante. Des mauvais souvenirs qui surgissaient avec violence alors qu’elle avait tout oublié, jusqu’à son propre nom, jusqu’à présent. La vision du bateau échoué avec à son bord des corps mutilés avait agi comme une pulsion qui avait réanimé des souvenirs oubliés. Ses derniers souvenirs et des plus douloureux. La jeune fille se rappelait du carnage de son propre équipage. Sa famille adoptive et bien aimée disparue en quelques minutes après une bataille acharnée contre des pirates qui avaient été bien trop nombreux et puissants pour elle et les siens.
« - Fozia … Choupi … Sunny … »
Trois noms lâchés d’une voix tremblante alors que des larmes commencèrent à se déverser de l’œil unique de la souffrante.
« - Mais qu’est-ce qui t’arrive bordel !? Commença à s’inquiéter enfin sérieusement le marine.
- Qu’est-ce qui se passe ? Cria Peter, resté avec les autres près du bateau échoué.
- Aucune idée mais je crois bien qu’elle est en train de pleurer et … elle a parlé !
- Elle a parlé ? On va peut-être enfin savoir qui elle est mais j’ai d’autres chats à fouetter pour l’instant alors ramène-la à la garnison et essaie de savoir son histoire !
- Bien chef ! Aller, lève-toi et suis-moi ! Ordonna le marine à la larmoyante mais celle-ci ne bougea pas d’un iota mais continua de sangloter tout en continuant de tenir sa tête entre ses mains. »
La jeune femme resta dans cette position affligeante. Le marine patienta quelques secondes avant de lui attraper un bras et la forcer à se relever sans ménagement.
« - Je t’ai dit de me suivre ! Mais qu’est-ce qui t’arrive à la fin ? T’es si obéissante d’habitude ! »
Le marine traina de force la jeune femme par le bras en direction du régiment. Cette dernière ne résista pas et se laissa entrainer, manquant parfois de chuter. Puis, arrivée à la garnison, le marine la fit assoir de force sur une chaise dans une pièce isolée avant de prendre une autre chaise qu’il retourna avant de s’assoir face à la jeune femme qui avait cessée de pleurer mais qui gardait la tête baissée. Le marine croisa ses bras sur le dessus du dossier de sa chaise avant d’inspirer puis expirer profondément.
« - Je sais que tu es capable de parler maintenant alors dis-moi ce qui t’arrive ? … Te rappelles-tu enfin de qui t’es ? … Quel est ton nom ?
- Ya … Yamiko, lâcha une voix presque éteinte.
- Yamiko ? … Pas de nom de famille ? La jeune femme se contenta de secouer la tête. Comment as-tu atterri sur Bulgemore ?
- Je … je ne sais pas !
- Tu sais que ne pas savoir ne va pas arranger ta situation !? On t’a accueilli parce qu’on ne pouvait pas sacrifier une amnésique aux animaux cyborg sauvages mais maintenant que tu es capable de parler, tu dois nous dire ce qui t’es arrivé … Tu ne voudrais pas qu’on t’arrache des aveux par la torture n’est-ce pas ? ... Moi non plus , j’aimerais pas en arriver là. Mais si tu ne parles pas, tu ne nous laisseras pas le choix !
- Je … je ... je ne sais pas … ils sont tous morts … ils sont tous morts … ils sont tous morts … répéta la jeune femme d’une voix affligée avant de nouveau se mettre à sangloter alors qu’elle couvrit son visage toujours baissé de ses paumes tremblantes.
- Bordel ! Tu ne vas pas te remettre à chialer maintenant ! ... Qui sont morts ? ... T'es qui à la fin ? »
Après avoir longuement pleurée, la jeune femme se mura dans un silence. Puis, après le passage du Commandant Borough - qui avait terminé avec l’affaire du bateau échoué sur l’île dont il était en charge de sa sécurité - Yamiko fut ramenée dans sa chambre qui était une minuscule pièce ne contenant qu’un matelas à même le sol sur lequel trainait un vieux drap.
Des jours passèrent et Yamiko ne réagissait à rien malgré maintes tentatives de la faire sortir de son état d’abandon. Elle se laissait mourir tout doucement. Elle n’avalait plus rien et ne bougeait que très peu. Seuls des sanglots qu’elle ne parvenaient pas à étouffer permettaient de savoir qu’elle était encore en vie.
« - Qu’allons-nous faire d’elle Commandant ?
- Continue de lui apporter à boire et à manger mais ne la force à rien. Si elle décide de parler, fais-le moi savoir. Si elle préfère mourir de faim, soit, fit l’homme d’une voix dénuée d’émotion.
- Mais …
- C’est son choix ! Appuya le Commandant faisant comprendre qu’il était inutile de débattre sur la situation. »
Il y avait plus d’un an, la présence de Yamiko avait été détectée par Rykor "Contrôle" Jean alors que, comme à la coutume, celui-ci sondait Bulgemore grâce à son haki de l’empathie dont la portée couvrait toute l’île. Jean avait dépêché quelques-uns de ses hommes sur le lieu où ils avaient surpris Yamiko en train d'errer. La jeune femme à la chevelure argentée a été ramenée ensuite à la Brigade Scientifique de l’île pour être interrogée mais les scientifiques avaient vite compris que l’état de celle-ci ne leur permettrait pas de lui soutirer la moindre information. En effet, elle s’était révélée être amnésique et incapable de parler pour une raison inconnue. Après mure réflexion et avoir constaté que la jeune borgne ne représentait aucun danger, Marie Q-Riz - la directrice des recherches de l'aile ouest la Brigade Scientifique - avait décidé de confier la déficiente au Soixante Huitième Régiment de l’île. Une inconnue comme elle ne pouvait être gardée dans un lieu où des recherches, souvent secrètes, étaient menées. Yamiko a été alors placée sous la responsabilité du Commandant Borough qui lui avait confié la tâche simple de faire les ménages en échange du gite et le couvert. Mais, le fait que l'ancienne chausseuse de primes pût enfin parlé aujourd'hui avait changé sa situation …
Dernière édition par Yamiko le Mer 24 Mai 2023, 15:53, édité 2 fois