- J’ai rien contre les hommes-poissons, tu sais. Se justifiait par avance un corniaud dont le préjudice racial suintait alors de chacun des mots ayant constitué ce douteux prémice verbal. Même que j’avais un hareng domestique quand j’étais petit. « Petit » étant chez lui un âge qui avoisinait les deux décennies cumulées. Je lui apprenais à faire des tours et des tas des trucs. On le devinait enjoué, l'homme-là, à se remémorer le bon temps passé. Jusqu'à ce que son visage porta sur lui la gravité même. Mais il pigeait rien cet abruti. Lentement, il secoua la tête, atterré par ce triste souvenir. Du coup on l’a bouffé. Enfin, reprenait-t-il à nouveau exalté, tout ça pour dire, c’est très bête un poisson jeri-hi-hi-hi. De quoi on parlait, déjà?
Il chemina alors dans les tortueux méandres de sa pensée ou, du moins, de ce qui s’en rapprochait le plus. Remontant péniblement le fil de ses âneries jusqu’à en revenir à l’amorce originelle, la lumière lui jaillit depuis le fond des abysses.
- Ah oui ! J’ai rien contre les hommes-poissons, tu sais. Sans doute son interlocuteur allait-il finir par le savoir à force qu’on le lui répèta. Cela, bien que les propos précédemment tenus tendaient à infirmer cette assertion. C’est juste que j’ai jamais compris pourquoi on n’avait pas le droit de les bouffer ajoutait-il innocemment sans mesurer à quel point sa remarque avait de menaçante. Parce que quand on en passait un à la broche par chez moi, ça faisait toujours de ces histoires les jours d’après. Une petite moue contrariée s'afficha sur sa vilaine trogne alors qu’il évoqua le trépident folklore dans lequel il macérait depuis sa prime enfance. La presse du Gouvernement Mondial, de toute façon elle a toujours aimé médire sur nous autres, du Cimetière d’Épaves. Rien que du sensationnanallisme qu’il disait mon père. Alors que bon, se perdait-il dans des litanies qui n’en finissaient pas de le rendre sans cesse plus abject sans qu’il ne s’en rendit compte, que ça ait quatre nageoires ou deux bras… du moment que ça a des écailles, moi je dis, ça compte comme du poisson.
Et il parlait de son autorité d’expert en la matière, c'est-à-dire en y allant de son quant à soi au doigt mouillé.
- Oui, oh. Je sais ce que tu vas dire, car on le lui avait effectivement dit très souvent et à raison, « Mais s’ils savent parler, c’est qu’ils sont comme nous ». Et les perroquets, alors ?! s’énervait-il presque tout seul à débattre des choses de la vie. On les mange bien que je sache, les perroquets. Ah ouais ? Parut-il ensuite s’étonner le plus ingénument du monde. T’as jamais mangé de perroquet ?
Il se laissait une fois de plus aller à ses divagations, manifestement incapable de garder son esprit rivé sur un sujet défini plus de trois secondes sans que celui-ci ne partit à la dérive. Conscient tout de même de s’être éloigné du sujet de départ, quel qu’il fut, l’énergumène, un air un peu plus hébété qu’au naturel, souleva le chapeau pour se gratter le chef le temps d’une réflexion laborieuse avant que ses errements ne revinrent à bon port.
- Du coup, t’as rien à craindre de moi. Assurait ce qui devait à présent tenir lieu d’individu le plus suspect de l’univers. Parce que j’ai rien contre les hommes-poissons, tu sais.
Sa ritournelle, agaçante, si elle avait été formulée par mieux doté que lui sur le plan cognitif, eut pu passer pour une provocation grossière et délibérée. Mais Alegsis Jubtion était tout ce qu’il y avait de plus sincère dans ses errements. Ce qui ne le rendait pas plus sympathique pour autant ; simplement plus innervant que nécessaire.
L'élément le plus suspect dans son comportement ne fut même pas la teneur de ses propos qui, à en juger leur contenu, n’engageaient pas ses auditeurs à prendre un jour des vacances au Cimetière d’Épaves. Non, ce qui prêtait le plus à la stupéfaction outrée tenait au fait que, sans se présenter, le plus spontanément du monde, Alegsis avait senti le besoin d’approcher cet homme-poisson qu’il ne connaissait ni d’Ève, ni d’Adam, pour lui adresser ces mots. C’était en effet le premier homme-poisson qu’il croisant depuisqu’on l’avait jarté qu’il avait quitté de son propre chef le Cimetière d’Épaves, île qui fut son berceau et son seul horizon durant près d’un quart de siècle. Du moins, le premier homme-poisson qu’on ne lui servit pas en grillades.
Se plaisant à croire qu’en quelques mois à peine qu’il se fut trouvé hors de son bouge, il était devenu un homme du monde capable des plus infinies civilité – il était en effet stupide au point de le croire sincèrement – Alegsis chercha à démontrer en agissant comme il le faisait qu’il était un être exquis et raffiné. Sans doute l’était-il comparativement à la plèbe qui l’avait élevé, ce qui ne lui octroyait aucun mérite en la matière.
Les bonnes intentions étaient là, mais l’Enfer n’en était-il pas pavé ? Et c’était précisément vivre un Enfer que de soutenir une conversation avec un tel spécimen.
- Je m’appelle Alegsis, je suis chasseur de primes.
Avec sa trombine plate et mièvre où un visage aux traits rudimentaires y était étalé le long de sa bouille, peut-être Bobby avait-il croisé en ce jour le seul homme à avoir eu un physique au moins aussi ingrat que le sien. Le destin, passablement d’humeur à rire à en juger par cette rencontre qu’il avait apparemment forcée, avait fait en sorte que tout deux, licenciés de la même charge gouvernementale, traquaient le gibier sur un même terrain de chasse.
Sa poigne soudain rendue plus ferme, ses yeux plus fixes, Alegsis demanda… à tout hasard.
- Tes bottines, tu les as bien achetées, hein ? Juste pour savoir.
Bien que cela se dissimulait derrière une allusion des moins subtiles qui fut, la remarque, énoncée à demi-mot, mais à demi-mot hurlé, laissait entendre qu’Alegsis, en réalité, nourrissait quelques lourds préjugés quant à cet homme-poisson qui, parce qu’il appartenait à la race qu’était la sienne, était possiblement un forban prompt aux larcins de tous ordres. S’il l’avait alpagué, au fond, ce petit mérou sur pattes, c’était encore car Alegs le suspectait d’avoir une belle affiche estampillée Gouvernement Mondial rien qu’à son nom. Du genre de celles sous laquelle on rajoutait des numéros affriolants.
Heureusement pour Bobby, Alegsis n’avait évidemment rien contre les hommes-poissons.
Il chemina alors dans les tortueux méandres de sa pensée ou, du moins, de ce qui s’en rapprochait le plus. Remontant péniblement le fil de ses âneries jusqu’à en revenir à l’amorce originelle, la lumière lui jaillit depuis le fond des abysses.
- Ah oui ! J’ai rien contre les hommes-poissons, tu sais. Sans doute son interlocuteur allait-il finir par le savoir à force qu’on le lui répèta. Cela, bien que les propos précédemment tenus tendaient à infirmer cette assertion. C’est juste que j’ai jamais compris pourquoi on n’avait pas le droit de les bouffer ajoutait-il innocemment sans mesurer à quel point sa remarque avait de menaçante. Parce que quand on en passait un à la broche par chez moi, ça faisait toujours de ces histoires les jours d’après. Une petite moue contrariée s'afficha sur sa vilaine trogne alors qu’il évoqua le trépident folklore dans lequel il macérait depuis sa prime enfance. La presse du Gouvernement Mondial, de toute façon elle a toujours aimé médire sur nous autres, du Cimetière d’Épaves. Rien que du sensationnanallisme qu’il disait mon père. Alors que bon, se perdait-il dans des litanies qui n’en finissaient pas de le rendre sans cesse plus abject sans qu’il ne s’en rendit compte, que ça ait quatre nageoires ou deux bras… du moment que ça a des écailles, moi je dis, ça compte comme du poisson.
Et il parlait de son autorité d’expert en la matière, c'est-à-dire en y allant de son quant à soi au doigt mouillé.
- Oui, oh. Je sais ce que tu vas dire, car on le lui avait effectivement dit très souvent et à raison, « Mais s’ils savent parler, c’est qu’ils sont comme nous ». Et les perroquets, alors ?! s’énervait-il presque tout seul à débattre des choses de la vie. On les mange bien que je sache, les perroquets. Ah ouais ? Parut-il ensuite s’étonner le plus ingénument du monde. T’as jamais mangé de perroquet ?
Il se laissait une fois de plus aller à ses divagations, manifestement incapable de garder son esprit rivé sur un sujet défini plus de trois secondes sans que celui-ci ne partit à la dérive. Conscient tout de même de s’être éloigné du sujet de départ, quel qu’il fut, l’énergumène, un air un peu plus hébété qu’au naturel, souleva le chapeau pour se gratter le chef le temps d’une réflexion laborieuse avant que ses errements ne revinrent à bon port.
- Du coup, t’as rien à craindre de moi. Assurait ce qui devait à présent tenir lieu d’individu le plus suspect de l’univers. Parce que j’ai rien contre les hommes-poissons, tu sais.
Sa ritournelle, agaçante, si elle avait été formulée par mieux doté que lui sur le plan cognitif, eut pu passer pour une provocation grossière et délibérée. Mais Alegsis Jubtion était tout ce qu’il y avait de plus sincère dans ses errements. Ce qui ne le rendait pas plus sympathique pour autant ; simplement plus innervant que nécessaire.
L'élément le plus suspect dans son comportement ne fut même pas la teneur de ses propos qui, à en juger leur contenu, n’engageaient pas ses auditeurs à prendre un jour des vacances au Cimetière d’Épaves. Non, ce qui prêtait le plus à la stupéfaction outrée tenait au fait que, sans se présenter, le plus spontanément du monde, Alegsis avait senti le besoin d’approcher cet homme-poisson qu’il ne connaissait ni d’Ève, ni d’Adam, pour lui adresser ces mots. C’était en effet le premier homme-poisson qu’il croisant depuis
Se plaisant à croire qu’en quelques mois à peine qu’il se fut trouvé hors de son bouge, il était devenu un homme du monde capable des plus infinies civilité – il était en effet stupide au point de le croire sincèrement – Alegsis chercha à démontrer en agissant comme il le faisait qu’il était un être exquis et raffiné. Sans doute l’était-il comparativement à la plèbe qui l’avait élevé, ce qui ne lui octroyait aucun mérite en la matière.
Les bonnes intentions étaient là, mais l’Enfer n’en était-il pas pavé ? Et c’était précisément vivre un Enfer que de soutenir une conversation avec un tel spécimen.
- Je m’appelle Alegsis, je suis chasseur de primes.
Avec sa trombine plate et mièvre où un visage aux traits rudimentaires y était étalé le long de sa bouille, peut-être Bobby avait-il croisé en ce jour le seul homme à avoir eu un physique au moins aussi ingrat que le sien. Le destin, passablement d’humeur à rire à en juger par cette rencontre qu’il avait apparemment forcée, avait fait en sorte que tout deux, licenciés de la même charge gouvernementale, traquaient le gibier sur un même terrain de chasse.
Sa poigne soudain rendue plus ferme, ses yeux plus fixes, Alegsis demanda… à tout hasard.
- Tes bottines, tu les as bien achetées, hein ? Juste pour savoir.
Bien que cela se dissimulait derrière une allusion des moins subtiles qui fut, la remarque, énoncée à demi-mot, mais à demi-mot hurlé, laissait entendre qu’Alegsis, en réalité, nourrissait quelques lourds préjugés quant à cet homme-poisson qui, parce qu’il appartenait à la race qu’était la sienne, était possiblement un forban prompt aux larcins de tous ordres. S’il l’avait alpagué, au fond, ce petit mérou sur pattes, c’était encore car Alegs le suspectait d’avoir une belle affiche estampillée Gouvernement Mondial rien qu’à son nom. Du genre de celles sous laquelle on rajoutait des numéros affriolants.
Heureusement pour Bobby, Alegsis n’avait évidemment rien contre les hommes-poissons.
Dernière édition par Alegsis Jubtion le Lun 22 Mai 2023 - 9:32, édité 1 fois