Retour à la vie


Que s’était-il passé ? On l’ignorait. Une détonation, une explosion, un éboulement. Ragnar, proche d’achever Apache, fut pris dans cette explosion. Une partie de la falaise s’écroula et se jeta dans la mer agitée. Depuis cet instant, plus aucune trace de Ragnar et d’Apache, tous deux portés disparus et supposés morts au fond de cet océan. De nombreuses recherches ont été menées, en vain. Cela demandait trop de moyens pour des résultats inutiles. Il était peu probable de trouver un survivant au milieu de cet enfer, plus encore quand on savait que l’un d’eux était un possesseur de fruit du démon. Et vu l’état dans lequel se trouvait la pirate, la probabilité de la voir remonter était assez mince. Après quelques semaines de recherche, dans diverses zones en tentant de suivre les courants, l’Armée Révolutionnaire abandonna les recherches et déclara la mort du général des armées. Pas le temps d’être endeuillé chez les révolutionnaires, et Ragnar ne l’aurait pas permis, alors Kardelya pris sa succession et tenta tant bien que mal de reprendre les rennes.

Et c’était tout ?

Au large, sur une plage rocailleuse et peu accueillante, la mer déposa deux cadavres sans la moindre délicatesse. Un homme et une femme, l’un sur l’autre, manifestement inconscients. Des passants, probablement des pêcheurs, passaient justement par ici. Ils prirent le pouls des deux corps et conclurent qu’ils étaient encore en vie. Ils sourirent. Ce n’était pas des sourires de soulagement, mais bien pire encore. Quand on s’approchait de plus près, on pouvait voir que ces hommes ne portaient des cannes à pêche, mais bien des armes de pointe. Des esclavagistes. Ils avaient évidemment reconnu Apache, commandante de défunt Teach, combattante absolument exceptionnelle ; et Ragnar, révolutionnaire combattant sa cause sans relâche. Pour l’un, de simples menottes en granit marin suffisait pour le neutraliser. Oui, Ragnar, n’avait absolument plus rien de dangereux. Surtout après avoir été baigné un long moment dans de l’eau de mer. Pour ce qui était d’Apache, la tâche était un peu plus ardue. Actuellement, gravement blessée et inconscient, elle ne représentait aucun danger.

« Ce jackpot ! Le chef va p’tre enfin sourire ce soir.
- N’y compte pas trop. Ramener des types pareils, c’est bon comme pas bon.
- Qu’est-ce tu m’chantes, là ?
- Ragnar, c’est un type qui peut soulever des hommes, les rendre plus forts rien qu’à la parole. C’est une brute épaisse, y a qu’à voir les dégâts sur Apache, mais c’est aussi un beau-parleur qui peut foutre la merde dans le camp. C’est surtout ça qui m’inquiète parce qu’avec les menottes, on en fera ce qu’on veut.
- Il aura tellement d’boulot qu’il n’aura pas l’temps de moufter, tu verras.
- Et Apache, c’est un titan. Pour la contenir et l’exploiter, va falloir qu’on s’penche sérieusement sur la question.
- Le chef trouvera un moyen. Elle est pas mal, hein ? Super bien foutue. J’imagine que jamais personne n’a eu la chance de la toucher. On devrait p’tre en profiter, non ?
- Et si elle se réveille ? Tu crois qu’on a une chance, abrutie ?
- Allez, un p’tit coup, vite fait ! »

Alors que l’homme s’approchait de la pirate, une main qui jusque lors, gisait inerte au sol, lui saisit fermement la cheville. Une aura meurtrière émana du corps allongé du révolutionnaire. Le regard noir qu’il dégagea était absolument terrifiant malgré l’état de son corps.

« Touche-là et je te tuerai. », fit l’ancien général des armées révolutionnaires.

Il tomba de nouveau inconscient, mais sa main tenait toujours fermement la cheville de l’esclavagiste. Le temps que la tension diminuât, le pervers perdu toute envie. La peur l’avait envahie le temps d’un instant. Son collègue, qui reprenait lui aussi ses esprits, le regarda d’un air disant qu’il l’avait pourtant prévenu. Vexé, l’abruti de service roua Ragnar de coups. Etant déjà inconscient, il ne sentirait pas grand-chose. Peut-être à son réveil. Et encore. Les deux hommes trainèrent les deux cadavres jusqu’à un sentier où attendaient leurs montures. Ils chargèrent le chariot de vivres et des dépouilles et s’en allèrent.
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La tête nauséeuse, Ragnar se réveilla d’un long sommeil, pris par une faim pas ressentie depuis de longues années. A son réveil, Apache se tenait en-face de lui, tellement enchainée que seule sa tête dépassait. Ses pieds étaient attachés par des poids exagérément lourds. Agenouillée, la position était de fait désavantageuse pour se relever, mais carrément impossible avec ces contraintes. Même pour un monstre comme Apache qui n’épuisa pas son énergie inutilement, préférant attendre le bon moment. Le révolutionnaire constata qu’il n’avait pas eu droit à la même attention. Mais il était trop fatigué pour bouger le petit doigt. Il en comprit rapidement la raison en observant ses poignées. Parfois, il enviait ceux qui n’utilisaient pas de fruit du démon, puis finalement non. Certes simple à neutraliser, ses menottes lui évitaient au moins des mesures telles que celles réalisées sur sa voisine.

« Je crois que je te dois des remerciements. », fit-il en introduction.

Au départ, le révolutionnaire ne comprit pas de quoi parler la demoiselle, mais quand elle lui narra le récit, il se remémora les coups reçus après.

« Tu me remercieras quand on sortira d’ici. Au moins, avec cet accoutrement, il ne pourra plus rien te faire.
- Je n’attends pourtant que ça pour mettre fin à ses jours. Va falloir qu’on trouve une solution, Ragnar, qu’on mette nos conflits de côté le temps de sortir d’ici.
- Je n’ai aucun contingent avec toi, Apache. Tu défendais simplement la mauvaise personne. D’ailleurs…
- Il est mort. Red et sa bande l’ont tués. J’ai entendu les gardes en parler.
- Voila une bonne nouvelle.
- Et il semblerait que ta seconde a pris ta succession.
- Deux bonnes nouvelles. C’est beaucoup. Quelles sont les mauvaises ?
- Je ne sais pas du tout où nous sommes. On nous a évidemment reconnu. J’ai entendu des hommes dire qu’ils allaient nous exploiter dans des travaux miniers, puis probablement nous vendre au Gouvernement Mondial. Avec nos primes, on leur rapportera énormément. »

Plus affaibli que jamais, Ragnar plongea son regard dans ses propres mains, sales et usées. La lueur d’espoir brûlait encore dans son regard.

« Si Kardelya a pris le relai, c’est qu’on me considère comme mort et que les recherches ont été stoppées. Plutôt une bonne chose pour mes camarades qui ont mieux à faire. Très mauvaise pour nous car plus personne ne nous recherchera. Nous sommes seuls.
- Seuls. Enchainés. Sous-alimentés. Constamment usés.
- Garde espoir, Apache. Nous avons tous les deux vécus bien pires. Tu étais plus proche de la mort que ça, il y a quelques…
- Semaines. Mois. Tu as dormi trop longtemps et nous avons erré autant de temps dans la mer. »

Elle n’avait pas tort. Rien ne jouait en leur faveur. La situation semblait mal engagée. Voire carrément désespérée. Ils étaient seuls, enchainés, affamés, fatigués, brisés…
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Quelques jours plus tard, les deux compagnons furent conviés à un repas aux côtés du chef de ce camp. Evènement rarissime, jamais un chef esclavagiste invitait des esclaves à manger avec lui. Trop confiant était cet homme, ou simplement sûr de lui, sachant que les deux dangerosités ne pouvaient rien contre lui. Il jouissait d’un confort assez rageant.

« Bienvenue dans ma modeste demeure, esclaves. Vous devez certainement vous demander pourquoi est-ce que je vous ai invité, non ? »

Aucun des primés ne prit la peine de lui répondre. Ils se contentèrent simplement de regarder ailleurs, feintant de s’intéresser à la décoration. Le chef tiqua mais se ressaisit.

« Vous êtes deux plaies tous les deux, hein. Si vous êtes, c’est pour profiter de deux des criminels les plus recherchés avant d’empocher le pactole. Quand le Gouvernement vous saura en vie et entre nos mains, ils jubileront.
- De nous trois, je me demande lequel est le plus grand criminel. Ceux qui luttent pour des idéaux ou celui qui brise des vies pour son propre profit.
- Oh ! Epargne-moi tes discours révolutionnaire, jeune homme ! On m’a prévenu. Je savais que t’allais me balancer une saloperie de ce genre. Vois le bon côté des choses : avec ta prime, tu amélioreras la vie de certains d’entre nous. »

Il se mit à rire. Le regard du révolutionnaire s’assombrit. Sans ces menottes, il l’aurait exécuté sur le champ. Mais inutile d’imaginer des scénarios pour le moment irréalisable. Ragnar retrouva son sourire niais et fit preuve d’une grande capacité d’abstraction.

« N’est-ce pas un retour aux sources pour vous ? Si j’en crois les rumeurs, vous étiez tous deux des esclaves, non ? Comme on dit souvent, quand on devient esclave une fois, on l’est ensuite pour toute la vie.
- Et quand on est con, c’est aussi pour toute la vie ? lança la pirate au tempérament volcanique. »

Ragnar pouffa de rire.

« Dois-je vous rappeler que l’on peut vous livrer morts ou vifs ?
- De suite les grands mots, rétorqua le révolutionnaire. Il me semble qu’à nous deux, on est en train d’abattre le boulot d’une centaine d’esclaves, n’est-ce pas ? Peut-être sommes-nous moqueurs, sans doute pour nous donner du courage, mais je suis à peu près certain que nous te sommes plus utiles en vie que mort. Fais-je fausse route ?
- Non. Tu as raison. Soyez aussi insolents que vous le souhaitez, mes hommes vous corrigeront et vous continuerez de travailler pour moi. En attendant, foutez-moi le camp d’ici. J’ai assez vu vos tronches. Ramenez-moi ces deux déchets à leur piaule. »

Ils furent emmenés à leur cellule sans la moindre délicatesse. Ils dormaient à même le sol, sur un tas de paille. Pour Apache, c’était extrêmement délicat de s’allonger, alors elle dormait en position assise. Peu confortable mais elle se reposait un peu. Chaque journée passée ici permettait à ces deux fauves de récupérer progressivement. Ragnar ne pouvait certes pas utiliser les propriétés de son fruit du démon, se sentait constamment vidé de toute énergie, mais sa force musculaire revenait et se renforçait à chaque journée de labeur. Animé par la rage, la volonté de survivre, ces deux êtres subissaient silencieusement de nombreuses humiliations. Si la femme affichait une maussade, le jeune homme demeurait souriant. Ils étaient bientôt prêts à agir.
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Une belle journée ensoleillée. Ragnar frappait de la rocaille avec une grosse masse. Pendant qu’il cassait avec force et virulence, d’autres étaient chargés de ramasser la pierre pour les placer dans un immense chariot. Enfin, Apache était chargé de ramener ce chariot surchargé, à la seule force de ses jambes. Une véritable prouesse pour les deux primés. Seule l’alimentation restait encore insuffisante, mais la forme physique allait en s’améliorant. Un morceau de pain et ils repartaient au travail. Des tonnes de pierre récoltées. Un garde s’était amusé à compte le nombre de coups portés par Ragnar, mais il perdit rapidement le compte. D’une part, ça allait bien trop vite ; mais ça ne s’arrêtait pas. Tant de frustration à relâcher. De même pour la pirate, c’était complètement démesuré de se déplacer dans ces conditions, chargé d’un poids absolument grotesque pour imaginer le peser.

Les deux rivaux surveillaient les progressions de l’un et de l’autre. Cependant, ils n’hésitaient pas à se donner des conseils. Rivaux, voire même ennemis, mais ils étaient ensemble sur ce coup. Une amitié se construisaient. Construite dans la merde. Dans la douleur et l’humiliation. Solide. Ils comptaient les jours depuis quelques temps. Quand ils auront achevé ce chantier, on les vendra en échange de primes colossales. Pas de doute là-dessus. Et s’ils allaient moins vite, on les tuerait parce qu’inutiles.

« C’est pour quand ? » demanda l’ex-commandante du Malvoulant.

L’ex-Guerre parut réfléchir à la question mais sut répondre assez rapidement. Après tout, c’était lui qui creusait dans les galeries.

« Deux jours. Dans deux jours, on se tire d’ici.
- T’as récupéré ?
- Un peu. Et toi ?
- Modérément. Je vais tenter d’affaiblir ces chaînes, j’espère que t’auras assez de bras pour terminer le boulot.
- Et j’espère que tes petits bras pourront venir à bout de mes menottes. »

En réalité, à force d’essayer de rompre ces chaines, Apacha n’a jamais délaissé le travail de ses bras, prêts à tout écraser. Les heures tournaient et le duo s’impatienta.  
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