Résumé :
« Oh non c’est la troisième partie d’une quête, je vais rien comprendre ».
Enfant de peu de foi. Laisse-moi te conter les chroniques enchanteresses de ce duo de chasseurs de primes intrépides dont tu liras ici les aventures.
Tout commence dans le ventre d’un poisson chat géant. Ç’aurait pu débuter ailleurs, mais il aura fallu qu’ils se fassent bouffer bêtement. Dans la bête donc, ils y ont trouvé des vestiges divers ainsi qu’une carte au trésor.
Ils sortent ensuite du poisson par les branchies grâce à l’aide de Kant. Oui, le poisson-chat avait graillé quelqu’un d’autre avant eux. Vous avez pas idée du nombre de personnes qui disparaissent chaque année dans le ventre de Rois des Mers, les statistiques vous feraient frémir.
Toujours est-il que Grimmjack et Alegsis disent au revoir à Kant – il a sa petite vie à mener (et il cherche des partenaires RP alors soyez pas putes et allez le solliciter, c’est un joueur en or serti de diamants) – et suivent les indications les menant à la carte aux trésors. Ils se retrouvent à devoir arpenter un marais inhabité, où un ancien officier de marine ayant tourné casaque y serait parti créer une sorte de secte révolutionnaire au fond du bayou. C’est à lui qu’ils vont piquer le trésor, Grimmjack et Alegsis. D’autant que le bougre a une prime de 5 millions sur la tête ; que du bonheur. Du moins… jusqu’à ce qu’Alegsis vire zinzin en léchant un crapaud hallucinogène et que Grimmjack, ayant chopé la fièvre à cause des moustiques, se mettent sévèrement sur la gueule. C’est comme une habitude chez eux, c’est ce qui fait la richesse et le dynamisme de leur duo. Parce que, parfaitement entre nous, le pouvoir de l’amitié, on en a tous suffisamment soupé. Hein ? Franchement ?
Bref. Le fait est qu’en fait… celui à qui ils sont allés prendre le trésor - Marial Zaubère qu'il s'appelle - bah il était déjà mort. Ses disciples aussi. Tous crevés de la dengue, de la dysenterie entre aux exquisités tropicales. Ils trouvent quand même le trésor, Alegsis et Grimmjack, mais… y’a qu’une note dedans.
« Le vrai trésor que vous cherchiez depuis tout ce temps… c’est l’amitié que vous avez noué en chemin
P.S : J’ai dépensé toute ma thune en putes et en gnole»
Ils l’ont un peu dans le baba les deux glandus, mais… vu que le cadavre du propriétaire du trésor est bien conservé (surtout que Grimmjack va l’embaumer ensuite dans ses bandelettes), et qu’il a une prime de 5 millions sur le nez, bah ils quittent le marais pour retrouver la garnison la plus proche histoire d’empocher le magot. Ce sera toujours ça de pris pour leur peine.
Seulement… voilà qu’on leur refuse. On prétexte que la prime date d’il y a longtemps et que, de toute manière, le criminel n’a manifestement pas été tué par eux. Les voilà, nos héros, qui, après s’être faits floués d’un trésor et d’une prime en si peu de temps, l’ont un peu mauvaise… du coup, ils attaquent le Gouvernement Mondial en Justice pour s’être faits lésés injustement.
Et c’est là que commence la troisième partie du RP que vous allez lire.
Deux semaines après avoir envoyé leur requête judiciaire, les voilà qui sont convoqués pour une audience qui a lieu au Tribunal de la Marine du QG d’East Blue (Qui existe bel et bien dans le manga). Ils arrivent au QG d’East Blue.
Bonne lecture.
Pour cinq millions, on pouvait prendre la peine d’arriver à l’heure. Rarement ponctuels, car jamais ils ne se désignaient d’horaire en particulier à l’occasion d’un périple donnés, maîtres qu’ils étaient de leur temps à défaut d’être celui de leur monde, Grimmjack et Alegsis, attelés sur leur pédalo, s’y écharpaient pour des peccadilles tandis que devant eux, se dessinait progressivement l’imposante forteresse qu’ils s’en allaient assaillir. Au sens figuré, cela allait sans dire.
Ainsi qu’un vieux couple qui aurait laissé derrière lui la passion des temps premiers, ce duo de chasseur de primes, qui s’était ainsi réuni en tandem pour attraper deux fois plus de primes, donc deux fois rien, en était le plus souvent réduit à se mordre les mollets qu’à converger ensemble en vue d’atteindre un but commun. Pour ce jour toutefois, ils feraient l’un puis l’autre, déterminés qu’ils étaient tout deux à abandonner sur leur pédalo les quelques rancœurs stériles et autres billevesées criardes qu’ils s’étaient échangés tout du long de leur voyage en mer. Cinq millions de berries, en effet, le valaient amplement.
Quelques troufions en uniformes, peut-être en pause, à moins qu’on ne travailla pas franchement ardemment au Q.G d’East Blue, discouraient en petit comité, chacun la cigarette au bec. Aussi, écorchés aux oreilles par quelques piailleries incessantes dont le bruit se faisait plus envahissant, les malheureux furent ainsi les premiers témoins de l’arrivée de deux chasseurs de primes indiscrets. De l’un d’eux en particulier, qui semblait presque le seul à tenir le crachoir tout du long de son insupportable caquetage.
Ce fut dès lors d’un regard franchement circonspect que ces matelots accueillirent le curieux binôme venu aborder leur sanctuaire gouvernemental. Le temps que les deux zigotos avait laborieusement employé à amarrer leur pédalo auprès de l’embarcadère, ils l’avaient autant passé à se bigorner à grand renfort d’invectives imbéciles qui n’en finissaient pas de fuser. Ces envahisseurs légaux, car c’en étaient, après qu’Alegsis eut comme jeté le laisser-passer entre les mains du loufiat venu enregistrer la régularité de leur séjour, on les entendait de loin, pareils au tonnerre précédant l’averse. Ils emportaient en effet avec eux une mousson d’idioties caractérisées et ce, partout où ils allaient.
Alegsis, sans même adresser un regard à ce matelot venu les accueillir, poursuivait le flot ininterrompu de ses inepties, celles-ci ânonnées si fort que le Q.G entier pouvait en être l’infortuné témoin.
- ... en plus, tu fais aucun effort pour t’habiller. Aucun ! Et il vociférait ainsi tandis que tout deux, harmonisés sur une même cadence, marchaient en direction du Tribunal de Marine sans prendre garde aux regards médusés qui se posaient sur eux. Je sais bien que je peux pas te demander te faire beau, je vais pas non plus attendre l’impossible, mais t’aurais au moins pu faire semblant. Regarde le costume, ajoutait-il en désignant l'étoffe, manifestement très fier de ses présentes parures, ça montre qu’on respecte le Gouvernement Mondial. eh oui. Ma maman l’a détroussé sur un cadavre qui a flotté jusqu’au Cimetière d’Épaves. Coquet, hein ?
Considérant l’exposition fugace qu’il faisait alors de ses origines ainsi que de son environnement familial, on comprit qu’un tel homme n’était pas devenu chasseur de primes par hasard. La profession, en effet, n’avait jamais fait mystère de compter en son sein des marginaux de toutes obédiences, dont les deux présents spécimens furent des portraits parlés.
- Joli. Joli…, reconnut tout de même le grand bonhomme malingre emmitouflé dans ses bandages qui l'accompagnait, mais pourquoi t’as mis un short de plage avec ton haut de costume ?
À Alegsis, ce n’était jamais évident de lui faire taire sa gueule sans avoir au moins recours à un uppercut de bon aloi. Et pourtant, il s’en fallut d’une si simple question pour qu’il maintînt son débitoire à sornettes résolument clos.
Il sembla à Grimmjack que pour la première fois depuis plusieurs heures, celui-ci avait pu discerner un semblant de silence au milieu du son des vagues qui s’écrasaient au loin sur les côtes.
Son haut de costume – fringant et impeccable après qu’il fut si bien repassé – sa mère, au bavard, elle l’avait en effet délesté à un malchanceux qui, avant qu’il ne parvint jusqu’au Cimetière d’Épaves, s’était quelque peu fait boulotter les guibolles par un ramassis de squales voraces. Aussi avait-il fallu compenser l’absence de pantalon.
Rompant le silence dont il triomphait toujours tant il était jacassier, Alegs, afin de justifier l’assemblage vestimentaire désassorti dont il était l’heureux détenteur – d’autant que la paire de short qu’il portait était d’un jaune à fleur des plus criards – ne manqua évidemment pas d’arguments pour se disculper de ses errances.
- Oh ça… fit-il alors comme s’il ne s’était agi que d’un détail. Il se trouve que je le respecte pas non plus tant que ça, le Gouvernement Mondial. Il nous a quand même floué de cinq millions que je te rappelle ! Et puis…, pensa-t-il pertinent de préciser, j’ai de très beaux mollets.
C’était chose vraie que cette dernière assertion. Le muscle, alors si ostensiblement exposé jusqu’à mi-cuisse, y était effectivement énergique et saillant, faisant montre de ses indéniables qualités athlétiques. Car il avait beaucoup couru cet homme-là dans sa carrière ; autant pour courser la flibuste que pour fuir les lynchages. Les circonstances, ainsi, l’avaient ciselé mieux qu’une véritable propension à l’exercice. Le fait est que, si depuis leur arrivée, tant de regards désemparés au point que ceux-ci parurent hallucinés s’étaient ainsi posés sur eux, l’assortiment vestimentaire douteux auquel s’était essayé Alegsis n’y avait pas nécessairement été étranger.
Peut-être, une fois que leur entrée remarquée fut si bien accomplie dans les locaux du Q.G, avaient-ils demandé leur chemin à six reprises afin que la voie du Tribunal de Marine leur fut pavée par un patchwork d'indications approximatives énoncées par tout venant. Lorsqu'ils y parvinrent enfin, dans cette cour de Justice qui n’attendait plus queux, le prestige y apparut de rigueur ; si marqué qu'on ne put faire semblant de ne pas y être réceptif. Magistrale était la prestance des trois hauts-magistrats, ceux-ci hautement perchés, assis en rang d’oignon, le regard sévère et l’orgueil brandit en étendard. Derrière eux, le sigle de la Mouette y était étalé tout du long d’un vaste mur blanc.
Ils y étaient, à leur audience et, se sentant bien petits devant l’immensité de la salle, les deux chasseurs de primes, pourtant partis hâbleurs et sûr d’eux, s’étaient alors presque aussitôt recroquevillés sur eux-mêmes tant ils furent intimidés.
Au centre de ce triumvirat imposant qui les toisait de haut, il s’y trouva le juge Stapleton, secondé à sa gauche par le rapporteur Garcia, celui-ci n’ayant pour charge que de présenter les faits, la léthargie et le sommeil constituant alors ses principales autres occupations du fait qu’il n’avait aucun rôle à jouer d'ici à ce que le verdict tomba. Situé quant à lui à droite du juge, le défendeur Mortimer, cet avocat massif aux favoris aussi fournis que le sommet de son crâne était dégarni, était quant à lui mandé pour défendre les intérêts gouvernementaux. On y trouva de la fureur dans son regard, courroucé qu’il fut sans doute qu’on osa contester la légitimité du Gouvernement Mondial à éconduire deux petits crétins dont il avait désormais une vue plongeante.
- Messieurs Grimmjack et Jubtion je présume, bâilla presque le juge quand il les vit collés l’un à l’autre comme deux petits mammifères terrifiés, le procès va commencer, veuillez prendre place. La parole est à monsieur le rapporteur.
Là fut pour Garcia sa seule occasion de briller. Il ne s’illumina cependant que d’un éclat terne alors qu’il se contentait de lire une feuille tout en étant nonchalamment accoudé sur le large pupitre qu’ils se partageaient à trois.
- Oui, oh..., entamait-il avec une conviction somme toute relative, l’affaire concerne messieurs Alegsis Jubtion, le plaignant, et monsieur Grimmjack - mononyme apparemment -, son avocat...
- Ils parlent de nous, s’émoustilla Alegsis en adressant quelques coups de coude indiscrets à son « avocat ».
Ce dernier avait en effet été désigné comme tel car étant le seul des deux à savoir lire et écrire. Ce qui, pour les besoins de l’instruction, pouvait toujours s'avérer utile.
- Ces messieurs, chasseurs de primes de métier – si on peut appeler ça un métier – ont ramené le cadavre de Marial Zaubère, criminel primé à hauteur de cinq millions de berries. La garnison refusa cependant de leur accorder la prime et de réquisitionner le cadavre. Les arguments avancés furent que Zaubère était manifestement mort de causes naturelles et que l’avis de recherche le concernant avait commencé à paraître il y a plus de vingt ans de ça. Du fait de l’absence d’activité criminelle observée par ce dernier, celui-ci fut en effet présumé mort depuis plusieurs années déjà, blablabla, etc. On se revoit à la fin du procès. ZzZZZzzZZzz.
Ce fut alors en ces termes que s'annonça la Justice, la vraie. Celle homologuée par le Gouvernement Mondial.
La diligence dont faisaient preuve certains à s’affranchir de leur charge gouvernementale pouvait effectivement laisser à désirer dès lors où ceux-ci, affublés d’un rôle d’où transparaissait l’inanité, se trouvaient gratifiés d’un salaire fixe. Les bras croisés, la tête aussitôt basculée en arrière, Garcia, comme frappé par Morphée d'un grand coup de masse, s’était déjà endormi. Il était un des rares hommes en ce bas monde qui achevait une journée de travail requinqué.
Ses deux confrères ne parurent pas se formaliser de l’acte, trop habitués qu’ils étaient sans doute à ce spectacle qu’on renouvelait à chaque affaire qui venait.
- Monsieur l’avocat Grimmjack, enchérît-il les yeux fermés entre deux ronflements, veuillez à présent formuler votre requête ainsi que vos arguments afin que l’honorable, le vénérable et l’adorable juge Stapleton puisse en tenir compte je vous prie. ZzzZzZzZZ.
Comme convié à bien vouloir se jeter dans la cage aux lions, Grimmjack ne se sentit pas de clamer tout haut qu’on l’avait lésé. Pas devant trois personnages aussi oppressants en tout cas. Heureusement, il put compter sur son bon ami et camarade pour que celui-ci le poussa afin de trouver sa place au prétoire qui lui fut désigné.
De derrière lui, après l’avoir si cruellement balancé dans l’arène, Alegsis brandît alors ses deux pouces afin de mieux l’encourager. Ils avaient en effet convenu que, s’ils n’obtenaient pas gain de cause, Alegs tiendrait son compère comme responsable de l'incurie et lui enfoncerait ses deux pouces dans les yeux.
C’était donc dans ce contexte paisible, léger et bucolique que Grimmjack fut convié à plaidoyer.
Paraît-il que la farce valut alors cinq millions de berries au moins.
Ainsi qu’un vieux couple qui aurait laissé derrière lui la passion des temps premiers, ce duo de chasseur de primes, qui s’était ainsi réuni en tandem pour attraper deux fois plus de primes, donc deux fois rien, en était le plus souvent réduit à se mordre les mollets qu’à converger ensemble en vue d’atteindre un but commun. Pour ce jour toutefois, ils feraient l’un puis l’autre, déterminés qu’ils étaient tout deux à abandonner sur leur pédalo les quelques rancœurs stériles et autres billevesées criardes qu’ils s’étaient échangés tout du long de leur voyage en mer. Cinq millions de berries, en effet, le valaient amplement.
Quelques troufions en uniformes, peut-être en pause, à moins qu’on ne travailla pas franchement ardemment au Q.G d’East Blue, discouraient en petit comité, chacun la cigarette au bec. Aussi, écorchés aux oreilles par quelques piailleries incessantes dont le bruit se faisait plus envahissant, les malheureux furent ainsi les premiers témoins de l’arrivée de deux chasseurs de primes indiscrets. De l’un d’eux en particulier, qui semblait presque le seul à tenir le crachoir tout du long de son insupportable caquetage.
Ce fut dès lors d’un regard franchement circonspect que ces matelots accueillirent le curieux binôme venu aborder leur sanctuaire gouvernemental. Le temps que les deux zigotos avait laborieusement employé à amarrer leur pédalo auprès de l’embarcadère, ils l’avaient autant passé à se bigorner à grand renfort d’invectives imbéciles qui n’en finissaient pas de fuser. Ces envahisseurs légaux, car c’en étaient, après qu’Alegsis eut comme jeté le laisser-passer entre les mains du loufiat venu enregistrer la régularité de leur séjour, on les entendait de loin, pareils au tonnerre précédant l’averse. Ils emportaient en effet avec eux une mousson d’idioties caractérisées et ce, partout où ils allaient.
Alegsis, sans même adresser un regard à ce matelot venu les accueillir, poursuivait le flot ininterrompu de ses inepties, celles-ci ânonnées si fort que le Q.G entier pouvait en être l’infortuné témoin.
- ... en plus, tu fais aucun effort pour t’habiller. Aucun ! Et il vociférait ainsi tandis que tout deux, harmonisés sur une même cadence, marchaient en direction du Tribunal de Marine sans prendre garde aux regards médusés qui se posaient sur eux. Je sais bien que je peux pas te demander te faire beau, je vais pas non plus attendre l’impossible, mais t’aurais au moins pu faire semblant. Regarde le costume, ajoutait-il en désignant l'étoffe, manifestement très fier de ses présentes parures, ça montre qu’on respecte le Gouvernement Mondial. eh oui. Ma maman l’a détroussé sur un cadavre qui a flotté jusqu’au Cimetière d’Épaves. Coquet, hein ?
Considérant l’exposition fugace qu’il faisait alors de ses origines ainsi que de son environnement familial, on comprit qu’un tel homme n’était pas devenu chasseur de primes par hasard. La profession, en effet, n’avait jamais fait mystère de compter en son sein des marginaux de toutes obédiences, dont les deux présents spécimens furent des portraits parlés.
- Joli. Joli…, reconnut tout de même le grand bonhomme malingre emmitouflé dans ses bandages qui l'accompagnait, mais pourquoi t’as mis un short de plage avec ton haut de costume ?
À Alegsis, ce n’était jamais évident de lui faire taire sa gueule sans avoir au moins recours à un uppercut de bon aloi. Et pourtant, il s’en fallut d’une si simple question pour qu’il maintînt son débitoire à sornettes résolument clos.
Il sembla à Grimmjack que pour la première fois depuis plusieurs heures, celui-ci avait pu discerner un semblant de silence au milieu du son des vagues qui s’écrasaient au loin sur les côtes.
Son haut de costume – fringant et impeccable après qu’il fut si bien repassé – sa mère, au bavard, elle l’avait en effet délesté à un malchanceux qui, avant qu’il ne parvint jusqu’au Cimetière d’Épaves, s’était quelque peu fait boulotter les guibolles par un ramassis de squales voraces. Aussi avait-il fallu compenser l’absence de pantalon.
Rompant le silence dont il triomphait toujours tant il était jacassier, Alegs, afin de justifier l’assemblage vestimentaire désassorti dont il était l’heureux détenteur – d’autant que la paire de short qu’il portait était d’un jaune à fleur des plus criards – ne manqua évidemment pas d’arguments pour se disculper de ses errances.
- Oh ça… fit-il alors comme s’il ne s’était agi que d’un détail. Il se trouve que je le respecte pas non plus tant que ça, le Gouvernement Mondial. Il nous a quand même floué de cinq millions que je te rappelle ! Et puis…, pensa-t-il pertinent de préciser, j’ai de très beaux mollets.
C’était chose vraie que cette dernière assertion. Le muscle, alors si ostensiblement exposé jusqu’à mi-cuisse, y était effectivement énergique et saillant, faisant montre de ses indéniables qualités athlétiques. Car il avait beaucoup couru cet homme-là dans sa carrière ; autant pour courser la flibuste que pour fuir les lynchages. Les circonstances, ainsi, l’avaient ciselé mieux qu’une véritable propension à l’exercice. Le fait est que, si depuis leur arrivée, tant de regards désemparés au point que ceux-ci parurent hallucinés s’étaient ainsi posés sur eux, l’assortiment vestimentaire douteux auquel s’était essayé Alegsis n’y avait pas nécessairement été étranger.
Peut-être, une fois que leur entrée remarquée fut si bien accomplie dans les locaux du Q.G, avaient-ils demandé leur chemin à six reprises afin que la voie du Tribunal de Marine leur fut pavée par un patchwork d'indications approximatives énoncées par tout venant. Lorsqu'ils y parvinrent enfin, dans cette cour de Justice qui n’attendait plus queux, le prestige y apparut de rigueur ; si marqué qu'on ne put faire semblant de ne pas y être réceptif. Magistrale était la prestance des trois hauts-magistrats, ceux-ci hautement perchés, assis en rang d’oignon, le regard sévère et l’orgueil brandit en étendard. Derrière eux, le sigle de la Mouette y était étalé tout du long d’un vaste mur blanc.
Ils y étaient, à leur audience et, se sentant bien petits devant l’immensité de la salle, les deux chasseurs de primes, pourtant partis hâbleurs et sûr d’eux, s’étaient alors presque aussitôt recroquevillés sur eux-mêmes tant ils furent intimidés.
Au centre de ce triumvirat imposant qui les toisait de haut, il s’y trouva le juge Stapleton, secondé à sa gauche par le rapporteur Garcia, celui-ci n’ayant pour charge que de présenter les faits, la léthargie et le sommeil constituant alors ses principales autres occupations du fait qu’il n’avait aucun rôle à jouer d'ici à ce que le verdict tomba. Situé quant à lui à droite du juge, le défendeur Mortimer, cet avocat massif aux favoris aussi fournis que le sommet de son crâne était dégarni, était quant à lui mandé pour défendre les intérêts gouvernementaux. On y trouva de la fureur dans son regard, courroucé qu’il fut sans doute qu’on osa contester la légitimité du Gouvernement Mondial à éconduire deux petits crétins dont il avait désormais une vue plongeante.
- Messieurs Grimmjack et Jubtion je présume, bâilla presque le juge quand il les vit collés l’un à l’autre comme deux petits mammifères terrifiés, le procès va commencer, veuillez prendre place. La parole est à monsieur le rapporteur.
Là fut pour Garcia sa seule occasion de briller. Il ne s’illumina cependant que d’un éclat terne alors qu’il se contentait de lire une feuille tout en étant nonchalamment accoudé sur le large pupitre qu’ils se partageaient à trois.
- Oui, oh..., entamait-il avec une conviction somme toute relative, l’affaire concerne messieurs Alegsis Jubtion, le plaignant, et monsieur Grimmjack - mononyme apparemment -, son avocat...
- Ils parlent de nous, s’émoustilla Alegsis en adressant quelques coups de coude indiscrets à son « avocat ».
Ce dernier avait en effet été désigné comme tel car étant le seul des deux à savoir lire et écrire. Ce qui, pour les besoins de l’instruction, pouvait toujours s'avérer utile.
- Ces messieurs, chasseurs de primes de métier – si on peut appeler ça un métier – ont ramené le cadavre de Marial Zaubère, criminel primé à hauteur de cinq millions de berries. La garnison refusa cependant de leur accorder la prime et de réquisitionner le cadavre. Les arguments avancés furent que Zaubère était manifestement mort de causes naturelles et que l’avis de recherche le concernant avait commencé à paraître il y a plus de vingt ans de ça. Du fait de l’absence d’activité criminelle observée par ce dernier, celui-ci fut en effet présumé mort depuis plusieurs années déjà, blablabla, etc. On se revoit à la fin du procès. ZzZZZzzZZzz.
Ce fut alors en ces termes que s'annonça la Justice, la vraie. Celle homologuée par le Gouvernement Mondial.
La diligence dont faisaient preuve certains à s’affranchir de leur charge gouvernementale pouvait effectivement laisser à désirer dès lors où ceux-ci, affublés d’un rôle d’où transparaissait l’inanité, se trouvaient gratifiés d’un salaire fixe. Les bras croisés, la tête aussitôt basculée en arrière, Garcia, comme frappé par Morphée d'un grand coup de masse, s’était déjà endormi. Il était un des rares hommes en ce bas monde qui achevait une journée de travail requinqué.
Ses deux confrères ne parurent pas se formaliser de l’acte, trop habitués qu’ils étaient sans doute à ce spectacle qu’on renouvelait à chaque affaire qui venait.
- Monsieur l’avocat Grimmjack, enchérît-il les yeux fermés entre deux ronflements, veuillez à présent formuler votre requête ainsi que vos arguments afin que l’honorable, le vénérable et l’adorable juge Stapleton puisse en tenir compte je vous prie. ZzzZzZzZZ.
Comme convié à bien vouloir se jeter dans la cage aux lions, Grimmjack ne se sentit pas de clamer tout haut qu’on l’avait lésé. Pas devant trois personnages aussi oppressants en tout cas. Heureusement, il put compter sur son bon ami et camarade pour que celui-ci le poussa afin de trouver sa place au prétoire qui lui fut désigné.
De derrière lui, après l’avoir si cruellement balancé dans l’arène, Alegsis brandît alors ses deux pouces afin de mieux l’encourager. Ils avaient en effet convenu que, s’ils n’obtenaient pas gain de cause, Alegs tiendrait son compère comme responsable de l'incurie et lui enfoncerait ses deux pouces dans les yeux.
C’était donc dans ce contexte paisible, léger et bucolique que Grimmjack fut convié à plaidoyer.
Paraît-il que la farce valut alors cinq millions de berries au moins.