Le démon-chèvre sauvage des montagnes

J'étais apeuré au plus haut point. Je courais à toute vitesse dans la forêt, enjambant les buissons et quelques troncs d'arbres morts sur mon passage. Ma resparation était haletante et je ne cessais de me retourner voir si personne ne me suivait. Vous l'auriez compris : je fuyais quelque chose. Et non pas quelqu'un. Moi qui était perdu dans cette montagne voyait mes chances de survie bien faibles avec cette immonde créature à mes trousses.
Un racine déterrée me fit trébucher et j'en tomba à la renverse, roulant sur plusieurs mètres. Je me releva rapidement et ramassa ma faux avec moi avant de continuer ma fuite. Je ne pouvais pas m'arrêter la, sinon j'étais fichu.

Vous vous demander ce qui à bien pu arriver pour que j'en sois la ? Revenons un peu en arrière.


Ca, c'est moi, me promenant gaiement dans la montagne à la recherche de ces fameux bandits du Mont Corbo, et donc de ma première prime. Je ne voulais pas encore l'admettre mais j'étais totalement perdu. Déjà que l'orientation était pas mon point fort, alors moi qui avait grandi dans les champs, me retrouver en zone montagneuse n'arrangeait en rien les choses. Mais ce n'était pas cette forêt minable qui allait arrêter un célèbre chasseur de prime en plein essor comme moi ! En tout cas, c'est ce que je pensais ...

La réalité, c'est que ça faisait des heures que je tournais en rond et que je n'avais pas croisé âme qui vive. Je me demandais même ou pouvaient être ces fichus bandits des montagnes pourtant si redoutés. Je commençais à me dire que sortir des sentiers battus pour les prendre à revers dans leur échauffourée était une bien mauvaise idée. Alors j'avançais, complètement à l'aveuglette, comme un bon touriste que j'étais.

Je pensais encore naïvement que rien ne m'arrêterait, ni les brigands, ni les loups ou toutes autres bestioles qui peuplaient ces lieux. Mais tout changea pendant une brève pause pipi. Alors que j'arrosais fièrement un pin centenaire de mon jus d'agrume, un frisson traversa mon échine. Je me sentais comme observer. Instinctivement, je tourna le regard derrière moi. Et c'est la que je le vis, se cachant dans la pénombre des arbres, me guettant au loin. La Bête noire.

La Bête noire:

Voila ! Maintenant vous savez ce que je fuyais ! Parce qu'être un courageux chasseur de prime c'est bien, mais encore faut-il être en vie pour exercer ce noble métier ! Et pour le coup, je n'avais pas trop envie d'affronter une sordide créature sortie tout droit des enfers pour entamer ma carrière ...

Après plus d'une heure à courir comme un hurluberlu je m'arrêta enfin. Peut-être car je pensais avoir trouvé un endroit sécurisé ? Et non, pas du tout ! Je n'avais seulement plus la force ! J'étais complètement à bout ! Mais avec mes longues gambettes j'espérais quand même avoir semer le monstre ...

C'est à ce moment que j'entendis de l'activité humaine non loin de la. Je m'y pressa pensant être enfin sauvé.
Je tomba alors nez-a-nez sur une gigantesque grotte réaménagée en campement de fortune peuplée environ d'une cinquantaine d'hommes et de femmes de tout âge. De tout âge, et totalement effrayé par ma venue pour le moins ... Imprévue.
Malheureusement, c'était souvent l'effet que je faisais... A la sauce Grimmjack, comme j'avais habitude de l'appeler ... C'était que mon charisme et mon look atypique ne faisait généralement pas fureur parmi la populace ...
Alors pour détendre l'atmosphère, quoi de mieux que de se présenter ? Pourquoi pas, ils aideraient surement un touriste perdu.

- Euh ... Bonjour messieurs dames ... Voyez vous je suis un chasseur de pri...

Un chasseur de prime - beaucoup trop timide devant autant de monde - qui venait tout juste d'avoir un éclair de lucidité. Et si ces gens étaient des bandits ? Comment réagiraient-ils s'il apprenaient mon métier ? Non, parce que la, je n'avais plus la force de combattre ... Mes jambes étaient trop en feu ...

- Un chasseur ?
- Un chasseur de démon ! C'est bien ça ! Il est venu nous sauver !
- Ca expliquerait son aura malsaine et son look effrayant ...
- Les chasseurs de démons doivent s'imprégner du diable pour les combattre.
- Oui surement, le feu par le feu !
- Monsieur le chasseur de démon, vous êtes venu nous aider, n'est ce pas ?!

J'étais spectateur d'un changement radical d'ambiance. Ces gens qui semblaient si effrayés et désespérés en me voyant surgir de nul part commencèrent alors à m'acclamer comme un héros. Cela n'était pas pour autant déplaisant ... Mais ils se trompaient quand même sur la personne. Je chassais juste des primes moi !

- Euh ... Je ... Je ...

Je ne savais pas quoi dire.

Ce jeune homme, qui à priori devait être dans la même tranche d'âge que moi, venait littéralement de me sauver d'une grosse crise d'angoisse. Il ne le savait pas encore mais j'étais extrêmement timide. Et toute cette foule de pauvres gens désespérés m'avait mis fort mal à l'aise.
Alors pris à part, je répondis gracieusement à mon héros.

- Je vous remercie chaleureusement de m'avoir extirper de la mon brave homme. Dis-je en posant mon chapeau sur le torse, signe de bonne éducation. Effectivement, je suis bel et bien chasseur de prime en pleine essore ... Mensonge ! Personne ne me connaissait et je n'avais toujours pas capturé un seul primé ... Grimmjack pour vous servir ! Cependant ...

Je tourna la tête autour de moi, observant les troglodytes qui venaient de reprendre leur tâches quotidiennes. Ma main se posa sur l'épaule de mon interlocuteur et le prit à parti. Ce que j'avais à dire, cela ne devait rester qu'entre lui et moi, sinon cette foule allait très vite me causer de nouveaux ennuis.

- Cependant, mon cher ami, ce démon existe bel et bien ... Je l'ai vu, errer dans la montagne ... ll faisait au moins 4 mètres de hauteur et possédait des cornes de chèvre ! Jamais je n'ai vu pareil créature dans mes péripéties ... Et pourtant, des bestioles bizarres, j'en ai rencontré ! Je faisais référence à l'immense poisson-chat croisé la semaine passée.
- Alors c'est donc vrai !

Cette voix nous interpella, mon camarade et moi. C'était un vieille homme qui nous arrivait à peine au buste. Comment s'était-il faufilé ici pour nous écouter sans qu'on l'aperçoive ? Certains seniors avaient plus d'un tour dans leur manche, il fallait croire ...

- Reebal, mon garçon s'il te plait, ramène l'invité dans ma case. Nous devons parler en privé tous les trois.

Cet homme imposait le respect par sa sagesse et son charisme naturel. J'appris de mon sauveur qu'il était le chef de cette communauté. Qu'il était le garant de leur sécurité et de leur survie dans ce milieu si hostile pour l'homme. Un voix à suivre, qu'on écouta sur le coup.

Une fois bien enfoncé dans la grotte, arrivé dans une sorte de demeure creusée à même la roche, le vielle homme reprit la conversation plus sereinement. Il s'adressa en premier lieu à mon camarade :

- Reebal, cet étranger est une nouvelle preuve que ce démon existe ! Il semble ne pas avoir connu la guerre ni avoir de chocs traumatiques délirants comme les autres ! Même si ... Son style est ... Original ... Disait-il en me dévisageant de la tête au pied, se demandant pourquoi mon corps était couvert de bandelettes. Surtout que nous avons perdu toute communication avec la communauté voisine, celle du versant sud, et que la rumeur dit qu'elle a été attaqué par ce même monstre !

Le vieil homme fouilla alors dans un coffre dont le bois était à moitié moisie pour en ressortir quelques bricoles semblables à un trésor ... Pathétique. Ca volait vraiment pas haut leur fortune ici ! Puis me les tendit tout en se prosternant devant moi, front contre le sol.

- Monsieur le chasseur étranger, je vous en supplie, il est de mon devoir en tant que chef de protéger ces habitants. Alors par pitié, acceptez ma requête, bien que périlleuse, contre ce modeste butin ! Nous avons besoin de vous !

Je fit mine de fouiller dans les babioles devant moi, l'air d'évaluer ce maigre magot. En réalité ... Je bouillais intérieurement ! Ce vieil homme savait comment me parler ! Maman, c'était aujourd'hui que ça allait se passer ! Aujourd'hui que moi, Grimmjack, paria chez les miens, allait enfin paraitre comme un héros aux yeux de la population ! La veuve, l'orphelin, tout ça, tout ça, c'était la cause pour laquelle je me battais ! Outre l'argent bien entendu ...
Je me leva net. Ma décision semblait avoir été prise.

- Hmmmm ... J'aimais faire durer le suspens ... Bien. J'accepte ! A une seule condition ! Que ce charmant Reebal m'accompagne car ...

Car je le sentais venir gros comme une patate : à tous les coups, j'allais encore me perdre dans cette foutue montagne.

- Car il semble fort et rusé ! Il sera un partenaire idéal ! S'il accepte, nous partirons de suite sur le versant sud au campement voisin. Avant toute chose, il faut voir si les rumeurs de l'attaque sont fondées et s'il elle a été causé par ce démon-chèvre.

Le vieux chef semblait ravi de cette bonne nouvelle qu'il venait d'entendre ! Mon camarade, lui ... Disons que je le comprenais s'il me boudait. Je venais de l'embourber dans une aventure bien dangereuse. Parce que chasser du démon, c'était bien connu, n'était jamais sans risques.

Camp voisin qu'ils appelaient ça ... J'avais une idée différente du voisinage ... Pour moi, les voisins étaient les personnes qui habitaient à côté de chez toi ! Genre d'une fenêtre on pouvait voir celle de l'autre, ou d'un rez de jardin ... Bref, ce genre d'intimité trop souvent oubliée ! Du coup je m'attendais à tout sauf ça ... Car le concept de voisinage des réfugiés du Mont Corbo était légèrement différent ... Voila plus d'une heure qu'on marchait dans la végétation et on était toujours pas arrivé, à ce fameux campement "voisin" !

Heureusement qu'il avait ce petit sentier, qui s'effaçait quelque fois, et surtout Reebal pour le suivre. Sinon j'aurai fini soit au fond d'une crevasse, soit complètement perdu de l'autre côté de l'île ... Mais en réalité, ce n'était ni me perdre ni tomber dans un trou qui me faisait peur.... C'était la bête noire ... Le démon-chèvre sauvage des montagnes ... Cette créature légendaire que j'avais vu de mes propres yeux et dont l'existence laissait encore perplexe mon cher collègue ... Ainsi secondais-je le pas de mon camarade tout en guettant attentivement les alentours, faux en main, prêt à en découdre à tout moment. Cette pression omniprésente renforçait surement ma perception du temps de marche qui semblait une éternité pour moi ...

Mais voila, nous arrivions enfin sur les lieux voulus et stupéfaits d'y découvrir un campement ou il n'y avait pas âme qui vive.

- On dirait bien qu'ils ont étés attaqués ... Cependant, il n'y a aucun cadavre ... Je doute qu'un démon prenne des otages ...

Les rumeurs qui circulaient sur le fait que ce campement se soit fait attaquer par une bête venue tout droit des enfers était fausse. Fausse mais fondée. Reebal et moi même explorions les lieux pour y trouver des indices. Mais pour le moment, tout portait à croire qu'ils avaient subis l'assaut de brigands : plus aucun objets de valeurs n'étaient présents, aucun cadavre malgré des traces ici et la de sang, ce qui laissait envisager une prise d'otage ou de l'esclavagisme ... Tout, sauf ça.

- Reebal ... Il faut que tu viennes voir ça ...

En effet "ça" était une preuve plus que discutable sur l'existence de ce démon. Aux abords du campement, non loin de la, j'avais trouvé une énorme selle d'animal sauvage. Elle était bien plus grosse et bien plus imposante que celles des animaux communs. Ce n'était peut-être pas une preuve en soit, mais un indice indéniable.

- Tu penses que c'est un gros étron de bête herbivore ... Ou carnivore ? Demandais-je en titillant le truc du bout d'un baton.

Je n'y connaissais rien en défection animale. Mais si cette chose était sortie du rectum d'une bête carnivore ... Cela voulait dire qu'un nouveau prédateur naturel de l'homme trainait dans le coin.

Quel joli feu il nous avait fait la ! Ce Reebal était un homme plutôt habile et dégourdi ! En deux temps trois mouvements il nous avait pondu une jolie flamme qui allait perduré le restant de la nuit.
Son idée de base était plutôt ingénue : le feu allait sans doute attirer les survivants de l'attaque et les ramener ici ... Histoire de comprendre un peu mieux ce qu'il s'était passé. J'avais cependant un doute sur le plan. Il pouvait tout aussi bien ameuter les villageois mais aussi les brigands ... Et pire encore ... Le monstre qui ôtait ces bois.

Alors que c'était à mon tour de garde, je vis une silhouette se rapprocher de nous dans la pénombre. D'un mouvement de main, je réveilla mon compère et lui fit signe de se taire. Je pris discrètement ma faux et partis me cacher. J'étais aux aguets car cette présence pouvait tout à fait être une menace pour notre duo d'enquêteurs.

C'est la que je le vis. De beaucoup plus prêt cette fois-ci. Il était immense et faisait la taille de deux hommes (des grands gaillards comme moi !), ses cornes et son pelage semblait provenir tout droit des enfers ... Et ses mains ... Elles étaient un horrible mélange entre des doigts et des sabots. Cet humanoïde était tout bonnement un monstre. Une créature démoniaque.


- M ... Moi ...

Il se dressait face à Reebal et semblait vouloir s'exprimer.

- Moi ... Gentil ... Moi ... Pas vouloir mal ... Moi bless... MUMMY PUNCH ! Prend ça dans les dents vilaine créature !

Je sortis de ma cachette pour lui assener un super crochet dans la mâchoire ! Et ça fit mouche du premier coup ! K.O. technique ! Les méchantes bêtes n'avaient qu'à bien se tenir face à Grimmjack le célèbre chasseur de prime !

- T'as vu ça l'ami ?! Du premier coup ! La légende du poing d'acier tueur de méchant démon-chèvre-sauvage-des-montagnes est né ! Nyahahahahaha !

Je me ventais un peu trop. C'était pas tellement du gout de Reebal, lui qui avait prit la défense de la créature et essayait de le réveiller pour entendre ce qu'il avait à nous dire. Moi, je préférais l'enrouler dans mes bandelettes. Ces bestioles de l'enfer sont sournoises, sait-on jamais.

Technique utilisée:

- Hummmm ...

Je réfléchissais longuement en me grattant le nez. C'est vrai que ce coup porté par mon camarade m'avait surpris. Il s'était peut-être trompé ? Peut-être visait-il le monstre ? Mouais ... En tout cas, il avait peut-être raison le Reebal. Cette bête saignait et semblait bel et bien blessée par balle. Mais tout de même ... On parlait la du monstre démoniaque qui hantait ces lieux depuis plusieurs jours .... Raaaaah j'étais perdu !

Que choisir ? L'aider ? La tuer ? La sauver ? La manger ? Ca avait bon gout de la chèvre démoniaque ? Trop de questions pour si peu de réponses ! Mon cerveau disait non car elle pouvait être dangereuse et mon petit coeur d'artichaut me dictait de la soigner ... Raaaaaah !

- Va pour l'aider !

J'avais pensé à haute voix. Illico dit, illico fait. Mes bandelettes s'enroulèrent autour de la plaie et la compressèrent pour arrêter l'hémorragie. Ce n'était pas un véritable soit en l'occurence mais si cette créature était assez forte elle allait y survivre quelques temps avec ça.

- Tu penses qu'elle boit de l'eau ou du sang ?

Question rhétorique pour moi : c'était sur et certain qu'elle se nourrissait de sang frais ! Pour Reebal, la réponse était tout autre. Mon comparse m'incita à lui faire boire de l'eau en premier. Elle devait sacrément être déshydrater cette bestiole.
J'ouvris alors sa gueule pour y verser un peu d'eau de ma gourde. Beuuurk, son haleine était répugnante. Après quelques instants : toujours rien.

- Tu vois, je t'avais dis que ces créatures préféraient le sang.Rétorquais-je fièrement à Reebal en coupant le bout de mon doigt avec la lame de ma faux au dessus de sa bouche.
- Keuf ... Keuf ... Pa...

Je regarda mon comparse avec un grand sourire. J'avais raison et j'en étais super fier !

- Pas ... Sang ... Pas bon ...

Gloups. Je détournais maintenant le regard mine de rien, faisait comme si je n'avais pas entendu. En tout cas, la bonne nouvelle, c'était qu'il se réveillait doucement mais surement de son gros dodo causé par ma splendide attaque.

En tout cas, qui disait réveil du monstre, disait potentiel danger. Je pris rapidement les choses en main pour nous assurer un semblant de sécurité mon compère et moi.

- Bonsoir Monsieur Démon-Chèvre-Sauvage-Des-Montagnes, va falloir nous expliquer ... Vous êtes un gentil ou un méchant ? Balançais-je d'un ton sincère et terriblement niais.
- Moi ... Gentil ... Moi ... Pas vouloir mal aux gentils humains ...

Ouf ! C'était rassurant ! Le peu que je décryptais me faisait comprendre que cette bebête n'était effectivement pas une menace pour nous ! Alors l'esprit tranquille, j'écoutais attentivement la suite de ses dires ...

- Moi ... Attaqué par méchants humains ... Moi ... Mangé fruit pas bon ... Moi ... devenir bizarre ... Moi ...
- On dit je et pas moi. Reebal fit mine de me taire et de le laisser continuer.
- Mo... Je ... exclu de amis bouquetins ... Je ... Seul dans la forêt ... Je ... Trouver ici gentils humains et aider je ...
- La on dit "... et aider moi" ! C'est pas si compliqué pourtant. Une nouvelle tape de mon collègue pour m'inviter à me taire. La bête semblait un peu perdue maintenant.
- Je ... Moi ... Euh ... Cause de je, méchants humains attaqués moi pour fruit ... Méchants humains attaquer gentils humains ... Moi ...

Je me leva interrompant une bonne fois pour toute la communication compliquée de notre hôte ! Me retournant vers Reebal, je lui adressa fièrement ceci :

- C'est bon pour moi ! La situation est beaucoup plus claire maintenant ! ... T'as pigé ce qu'il raconte ce truc ... ?

Oui car en effet, je n'y avais strictement rien compris.

C'était un téméraire ce Reebal ! Je compris assez rapidement (et surtout car il avait été vachement explicite) qu'il fallait le laisser interroger cette sordide créature. Et ça avait payé ! On en comprenait maintenant un peu plus sur l'étendue de la situation...

Ce pauvre truc bizarre était un bouquetin comme tous les autres, habitant cette montagne. Il avait mangé un fruit qui l'avait rendu comme ça et sa famille et ses amis l'exclurent de leur troupeau ... A ces paroles, sa situation m'attendrissait au plus haut point. L'arme à l'oeil, je ne pouvais cesser de comparer ce qu'il vivait à ce que j'avais traversé autrefois durant ma jeunesse... Les hommes et les chèvres sauvages étaient alors similaires en un point : ils n'aiment pas les êtres différents. Qu'ils soient atteint d'une maladie rare leur faisant apparaitre comme une momie ou qu'ils se transforment en démon tous deux avaient étés rejetés des siens. Bouhouhohu ... je me retenais de pleurer...

Ce fruit dont il parlait ... C'était surement un fruit du démon. Du même style que celui de Fin Berrick. En tout cas, c'était ce que je m'imaginais, car j'étais pas vraiment au point sur ce sujet. Mais l'affaire dont il était question semblait de plus en plus net.

- S'attaquer à des méchants brigands ? C'est une mission parfaite pour un célèbre Chasseur de prime comme moi ! Nyahahaha ! Embarquons Chèvrounette avec nous ! Reebal me regarda d'un air ébahi. Bah oui, "Chèvrounette" c'est bien comme nom ? Il nous a dit qu'il en avait pas ... Et puis ça fait plus gentil que démon-chèvre-sauvage-des-montagnes ...

Chèvrounette était aux anges. Il avait adopté ce nouveau nom avec joie. Je commençais à bien l'aimer maintenant, cette jolie chèvre des enfers !
On conclut alors rapidement un plan d'action. Reebal nous mènerait au quartier général des O'Ligans et moi j'aiderai Chèvrounette à grimper la montagne. Il était blessé le pauvre, fallait bien l'aider ...
On se reposa ensuite en attendant l'aube. La nuit le chemin pouvait être dangereux, se déplacer au petit matin était l'option idéale. Une fois les premières lueurs du soleil dans le ciel, nous éteignirent le feu et parton enfin à la grande Aventure !


- Toi ... humain-bizarre-sent-mort sur de porter moi ?
- Keuf, keuf ... Oui, oui ... Moi sur de porter toi... Keuf, keuf ...

Je parlais comme lui pour mieux me faire comprendre. Mais la vérité, c'est que j'avais du vite porté sur mon dos Chèvrounette pour grimper les flans de la montagne car il était trop faible pour le faire lui même ... Et zut alors ! Qu'est ce que c'était lourd comme bête un démon-chèvre !

- Keuf keuf ... Peinais-je à parler en marchant, tout essoufflé. Dis Reebal, c'est quand qu'on arrive ?

Agacé que je lui demande ça toutes les dix minutes environ, Reebal me fit signe qu'on était bientôt à destination. Il ne restait plus que quelques lonnnnnnnguuuuuuues minutes de marche avant d'arriver au campement des O'ligans.

Bientôt, nous entendirent un bruit d'activité humaine. Je lâcha Chèvrounette qui pouvait enfin marcher tout seul. Gentil garçon qu'il était Chèvrounette ! Je pouvais enfin reprendre mon souffle !
On se rapprocha sans faire un bruit, observant discrètement les lieux. Les brigands étaient bien la ... Et les pauvres habitants, enchainés, aussi. Une trentaine de criminels environ, tous lourdement armés, pour un nombre similaire de civils attachés comme des esclaves.
Libérer tout ce beau monde sans se faire blessé, ça allait clairement pas être de la tarte. Je me rapprocha de Reebal et lui glissa dans l'oreille afin de ne pas nous faire remarquer :

- Alors on agit comment ? On fonce dans le tas ou on envoie Chèvrounette comme appât pour faire diversion ?

Chrèvrounette qui semblait avoir comprit commença à s'exclamer de mécontentement. Mais chut Chèvrounette, il ne faut pas qu'on nous entende !

- Pourquoi pas ... Mais ça se rapproche de mon plan quand même ... Héhé ...

La seule nuance, c'était que je devais épauler Chèvrounette dans la diversion. Et quel Chèvrounette d'ailleurs ! Je n'avais encore jamais vu un monstre comme ça ! Dans un bêlement démoniaque résonnant dans le creux de la roche, le monstre fonça tête baissée vers un tas de brigands qui jouaient aux cartes. De ses cornes il frappa violemment la table faisant valdinguer les joueurs dans le décor. Le choc de l'impact était tel que les hommes qui s'étaient pris de plein fouet la bête ne pouvaient finir qu'assommer.

- Bordel ... C'est le bouquetin ! Il est revenu ! C'est notre chance ! Hurlait un des brigands à ses camarades. Attrapez le !

Une dizaine de bandits entourèrent la bête fou de rage, certains armés de machettes, d'autres de filets. Tous sautèrent à l'unisson pour capturer Chèvrounette ... Mais il n'avait pas dit son dernier mot ! S'agitant violemment dans tous les sens, il saisit un criminel pour l'exploser contre des tonneaux en bois. Un autre fut attraper par le bras et lever en l'air, ses pieds ne touchaient plus le sol. Chèvrounette, d'un regard noir, serra son poing à lui en fracturer l'avant-bras et le lâcha a terre dans un hurlement de douleur.

Cette mise en bouche fit reculer de quelques pas les criminels qui s'en étaient pris à lui.

- Bordel, bordel ... Si on ne peut pas la capturer ... Abattez le !

Les bandits chargèrent alors leurs armes à feu et mirent en joue le démon-chèvre. Je compris que c'était le moment opportun d'intervenir !

- FEU !!!
- A Mummy’s Cocoon !

La salve s'abattit. La fumée provoquée par les explosions des armes brouillèrent la vision des brigands quelques temps, ne sachant pas s'ils avaient réussis leur boulot ou non. Quand la visibilité revint, ils furent tous surpris d'apercevoir une sorte de cocon en bandages bien épais qui avaient stoppé les projectiles.
Celui-ci se déroula lentement dans la stupefaction générale, laissant apparaitre mon sordide sourire et un regard obscur les fixant au plus profond de leur être.
J'avançais d'un pas, eux en reculèrent de deux.

- Dites donc messieurs ... Il semblerait que vous ayez fait du mal à mon ami Démon-Chèvre ... Vous vous doutez qu'il va y avoir des conséquences ....

Un ombre morbide planait dans mon dos. Elle était semblable à un envoyé de la mort elle-même. Mon regard perçait leur esprit et leur faisait paraitre un millier d'âmes brûlant dans les flammes de l'enfer. Ils étaient immobiles, terrifiés d'être à leur tour damnés pour l'éternité.

- Mummy Constrictor Snake !

Les bandages qui entouraient mon corps semblaient prendre vie. Ils formèrent quatre serpents constricteurs qui foncèrent vivement sur les premiers brigands. Ils n'avaient ni la force d'éviter, ni celle de s'en réchapper. Très vite, les serpents s'enroulèrent autour de leur victime, écrasant petit à petit leur corps sous la pression.

- CA SUFFIT ! Rends toi ou je bute les otages !


Cette voix grave stoppa net le chahut du campement. Tous tournèrent la tête vers ce qui semblait être le chef des bandits. Imposant, presque autant que la bête, il tenait une pauvre fille dans ses bras. Son accoutrement faisait office de preuve quant à son origine : elle était surement une des femmes de la communauté qui s'était fait précédemment attaquer.

Je libéra gentiment les brigands pris dans mes entraves. Pour le coup, j'étais totalement coincé. Soit Chèvrounette et moi allions nous faire capturer, soit c'était cette pauvre innocente qui allait morfler ... Et ça, je ne pouvais me le permettre.

- Zut Reebal, grouilles toi ...

Techniques utilisées:

- Nya-ha-ha-ha-ha-ha-ha !

Je poussais un des cris les plus sordides et sinistres que je pouvais faire, avoisinant les tons aigus. Un cri qui fit frissonner l'épiderme des mes ennemis. Tous, sauf un et le plus important : Baron, le chef des bandits.

En réalité, c'était plutôt un fou rire nerveux. J'étais complètement désemparé dans cette situation et je ne savais pas comment réagir à la prise d'otage du criminel.

Je me rappelais alors mes aventures sur Tequila Wolf avec l'agent Skrik. J'y jouais un bandit des grands chemins et à force de côtoyer ce rôle et les détenus de la prison, j'y avais pris le bon accent. Je m'étais présenté plus tôt comme l'ami de Chèvrounette et donc, j'avais potentiellement une carte à jouer.

- Vous êtes pathétique monsieur le chef de ces brigands ! Je ne suis pas la pour elle mais seulement pour aider mon ami Démon-Chèvre ici présent à se venger ! Le destin de cette femme m'est totalement indifférent.

Le tout accompagné d'un sourire carnassier, laissant apparaitre une nouvelle fois mon regard démoniaque et l'aura morbide sur mes épaules. Tous eurent peur et quelques bandits, pris de lâcheté, creusaient l'écart entre eux et moi. Mais ce satané Baron ne perdait pas son sang-froid et ne succombait pas face à la pression omniprésente que je véhiculais.

- Gyahahahahaha ! Pas à moi étrange bonhomme ! Si tu te foutais réellement de la vie de cette jeune fille, tu m'aurais déjà attaqué ! Disait-il en rapprochant le canon de son révolver sur la tempe de l'otage. Maintenant tu vas gentiment déposer ton arme et calmer ton animal de compagnie héhé.

Je grogna discrètement. Cet imposant bandit sous ses aires rustres était loin d'être débile. Il avait senti le bluff et resserrait son étau sur Chèvrounette et moi. J'étais prit au dépourvu et ne voyait aucun échappatoire à porté de main.

Je commençais à m'abaisser pour laisser ma faux au sol en attendant un miracle. Ce miracle, c'était Reebal qui agissait enfin de son côté. Des coups de feu furent tirés et tous tournèrent la tête pour savoir d'ou ils provenaient et qu'est ce qu'il se passait. Tous et pour une fois, le Baron comprit.

- Cette notre chance Chèvrounette, fonces ! A Spidey Mummy !

Cette diversion était le moment opportun tant attendu ! Je profita que le Baron baisse la garde pour extirper l'otage via mes bandelettes ! Puis en plein vole je la lança sur Chrèvrounette qui la rattrapa dans ses bras. Il ne s'arrêta pas la et fonça sur plusieurs brigands les faisant valdinguer avec ses cornes tout en continuant sa fuite.

Je me retournais vers le chef des criminels prêt a en découdre.

- A nous deux maintenant !
- Graaaaaaah ! Ce foutu bouquetin à bouffer notre trésor le plus précieux ! Un fruit du démon putain, tu sais combien ça vaut sur le marché noir ?! Ni ces otages ni ta vie ne pourront rembourser sa dette ! Alors prépares toi à mourrir !

Il était fou de rage. Son cri était tel un rugissement et son regard s'était perdu dans la haine et la colère. Il saisit une hache proéminente à côté de lui et fonça sur moi tel un buffle enragé.

J'esquiva le premier coup de peu. Sa force et sa rapidité était sans égal. Nul doute qu'il avait du bataillé plus d'une fois dans sa vie pour s'accaparer ce territoire et le respect des autres bandits. Le second coup vint à son tour. La lame de ma faux dévia in extremis la hache qui se planta dans le sol.

Je profita de cette courte seconde d'avance et de ce trou dans la garde pour lui porter un puissant coup de pied.

- Mummy Kick !

Le kick toucha sa cible. Puissant, il fit reculer Baron de plusieurs mètres. Cependant, il l'avait paré avec son coude et avait retiré sa hache plantée dans le sol en même temps.

Ce combat s'annonçait plus rude que prévu. Baron était un gros poisson pardi ! Je comprenais mieux Reebal quand il me disait que les O'ligans étaient les plus cons et les plus mauvais du coin !

Je saisissais fermement ma faux. Le second round allait débuté. Je n'avais pas le temps de m'inquiéter pour Reebal et Chèvrounette car désaxer mon regard du combat serait une énorme erreur. J'espérais simplement que tout se passe comme prévu ...

Techniques utilisées:

La tension était à son comble. Cela fusait de tous les côtés dans mon esprit. C'était loin d'être mon premier combat mais je ne pouvais m'empêcher de pensée aux autres. Reebal avait-il réussi ? Chèvrounette s'en était sorti indemne avec la jeune femme ? Cependant, quand l'imposant chef des brigands fonça sur moi, toutes ces pensées furent balayés de mon crâne dans un élan de lucidité et d'adrénaline.

Les échanges de coups fusèrent, s'entrechoquant dans un bruit d'acier battu et dont les étincelles volèrent aux éclats. La hache du Baron était lourde et puissante. J'avais certes un certain avantage en vitesse mais le criminel ne se laissait pas devancer si facilement.
Les assauts que je parais m'essoufflaient. Et la force qu'engendrait chaque attaque en faisait de même pour mon ennemi.

Après une dizaine de coups brutaux, lui comme moi reculions d'un pas. On se regarda droit dans les yeux et chacun pouvait y lire dans l'oeil de son adversaire que le prochain échange allait être le dernier. Il empoigna sa hache. Je resserra ma faux. Il s'élança sur moi. Je fondis sur lui.

- Baron Axe : Decapitation !
- Scythe Half Moon !

Nos corps se croisèrent pour se retrouver dos à dos. Chacun de nous deux avait tiré sa dernière épingle du jeu. Et fort heureusement ....

- Gyaaaaaaaah ! Mes bras ! Mes bras ! J'ai perdu mes bras !

J'avais gagné. Alors que je redressais mon chapeau sur ma tête, une franche coupure s'illustra sur ma joue gauche. Les deux poignets de mon adversaires, eux, venaient de tomber sur le sol et gisaient dans une flaque de sang.

Des bandelettes s'agitaient sur mon corps, formant bientôt des serpents qui vinrent s'enrouler autour du Baron. Mon but premier était d'empêcher qu'il fuit pour assumer ses crimes face à la justice. Mais pour ça fallait-il qu'il vive encore, alors deux de ces quatre serpents comprimèrent les moignons de l'homme pour tenter de stopper l'hémorragie. Une fois qu'il fut totalement momifié, je lâcha ma prise et partis en direction de Reebal, l'air joyeux et victorieux.

- Youhouuuuu ! Reebal ! C'est bon ! Le chef est hors état de nuire et tous les brigands ont fuis ! On a gagné ! Dis le a Chèvrounette il va être fou de jo...

Je fus stoppé net dans ma lancée. C'est la que je le vis, le corps de Chèvrounette inerte, qui n'avait pas survécu à ses multiples blessures. Mon monde s'arrêta un instant. Les yeux vitreux, le regard vide, je pris quelques secondes avant de réaliser la dure réalité.

Une larme glissa le long de mes bandages.

- Reebal, ma mission est accomplie. Le Démon-Chrève sauvage des montagnes est mort. Donnes l'argent que tu me dois aux réfugiés pour qu'ils lui construisent une sépulture digne de ce nom.

Sans un mot de plus, je tourna des talons et parti au plus vite. Ma tâche était finie, moi qui avait pour mission d'arrêter ce démon errant dans les bois.

La vérité, c'est que j'avais trop honte de pleurer en publique. Alors une cinquantaine de mètres plus loin, pendant que je marchais, je libéra toutes les larmes que j'avais emmagasiné.

Chèvrounette, toi qui étais un incompris, un rejeté. Tu avais le coeur bon et malgré tes apparences tu t'es battu pour les autres. Chèvrounette, tu étais brave et fort. Ta vie sur cette terre fut courte Chèvrounette mais tes actes resteront à jamais dans les coeurs de ceux que tu as sauvé.

Qu'on se le dise, Chèvrounette, parmi nous tous, c'était toi le véritable Héros.
Moi qui cherche par ces mers l'acceptation des autres, tu es et tu seras un exemple à mes yeux.

Adieux Chèvrounette.

P.S. Encore désolé pour le coup de poing que je t'ai mis, j'espère que tu me pardonneras.

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