Malheureux en affaires comme en amour ; les affaires lui dictant en effet ses amours du fait que ceux-ci se monnayaient chèrement, un chasseur de primes, dans les avenues de Karnutes, traînait les pinceaux le long des pavés. Déçu et peut-être dépité, Inu Town fut sur son parcours une escale pour rien. Une autre.
Des pinceaux, il en traîna trois. Ses jambes qui le convoyaient mollement, lui qu’on savait d’habitude si survolté, côtoyaient alors de près ce pinceau – littéral celui-ci – dont la taille avoisinait le mètre et demi et dont il laissait présentement traîner les poils brossés sur son sillage. Il n’avait pas d’heures fixes cet homme-là, voguait à vue d’une île à l’autre en quête de subsistance et, quand le criminel se faisait nouvellement primer, celui-ci ne faisait que rarement long feu. Ce bon garçon qu’il était venu cueillir après un long trajet en pédalo, Alegsis le vit, de ses yeux, se jeter dans les filets de la Marine avant qu’il ne le captura. Justice avait été rendue, quoi qu’assaisonnée amèrement.
Ce n’était pas non plus aujourd’hui qu’il ferait fortune.
La route fut longue et, celle qui le mènerait au prochain forban à portée de ses coups le serait sans doute davantage. Sans le sou et donc, sans matière à flâner, le malheureux chasseur de primes – qui ne le resterait pas longtemps tant il avait bonne nature – se contenta d’envisager quelques modestes emplettes avant que son séjour ici ne laissa pas même la trace d’un songe en témoignage.
Peu familier des lieux, North Blue n’était en effet pour lui qu’un terrain de chasse des plus occasionnel. Aussi eut-il l’indélicatesse de rendre son ignorance notoire, la communiquant insouciamment au premier venu et cela, à la seule fin de quêter auprès de lui un point de ravitaillement. Regrettable fut son erreur.
- Excusez-moi monsieur, bien que de basse extraction, écharde parmi les échardes du Cimetière d’Épaves, celui-ci, pour idiot qu’il était, avait au moins quelques rudiments d’éducation, est-ce que vous sauriez où je peux trouver de la peint..
Prestes et abruptes furent alors les mains venues se saisir de lui par le col de sa tunique. Un œil exorbité, en nage et le souffle court, ce curieux samaritain à qui Alegsis avait quémandé sa route suintait la suspicion. De toutes les braves gens qui circulaient – et qui maintenant détournaient le regard pour feindre de ne pas apercevoir l’empoignade – Alegs avait, sans jugeote aucune, adressé la parole à l’individu le plus louche qui puis se trouver à portée. Sa malchance, il n’en était jamais réellement victime en ce sens où il s’en trouvait systématiquement responsable.
- T’es du G.M ?! Bégaya le défiant dont la paupière ne clignait qu’à moitié. T’es un Marine ?! T’es un bâtard de Marine, hein ! Avoue !
Des comme lui, Alegsis pouvait même en décalquer par mégarde. Cela, à condition que la prime fut toutefois de circonstance. Désavoué s’il usait du pinceau sur un innocent – du moins supposé comme tel – ce n’est que désemparé qu’il put faire face à l’algarade. Tout en se protégeant maladroitement le visage, son arme dans une main, la trogne renfrognée de crainte qu’une phalange ne s’abattit sur son nez, Alegs se défendit du mieux qu’il put ; c’est-à-dire bien mal.
- Je suis pas Marine monsieur, je le jure ! Geigna-t-il alors énergiquement. J’ai foiré tous les examens d’admission, promis. Ils ont même dit que j’étais pas assez bête pour les rejoindre. Ou trop, je sais plus.
L’âpre étreinte se décrispa alors afin que l’étoffe lui glissa d’entre ses doigts. Personne, à moins d’être véritablement innocent, ne put en effet inventer un prétexte aussi bidon à moins qu’il fut dans le vrai. L’honnêteté payait parfois.
- Excuse… reprit toujours haletant ce qui se présentait comme un homme de mauvaise vie aux cheveux gras et sombres, on est un peu nerveux par ici. Nerveux, on ne l’était en effet que davantage quand l’éthanol se distillait à flot dans le sang. Ce qui, à n’en point douter, fut présentement le cas. Tu veux de la peinture, c’est ça ? Rajoutait-il ensuite, ce grossier personnage alors qu’il s’essuya le nez d’un rapide revers de manche.
- Je… je sais plus. Admit Alegsis, osant ouvrir un œil puis même un deuxième alors que l’hostilité s’en allait déjà vers les sentiers de la désescalade. Je crois ? Ah oui ! C’est bien ça. Quelle mémoire. Reprit-il en lui mettant un petit coup de coude complice, comme si soudain les deux hommes eurent été des amis de longue date.
Il n’avait pas la rancune tenace ce chasseur de primes-ci, une humeur se substituant toujours à la précédente sans qu’il n’en subsista une trace dans son esprit.
- Si je te comprends bieeeen…, car rien n’était effectivement plus sagace qu’un ivrogne à demi édenté passé la trentaine, tu veux de… « La pein-ture ». Il avait alors suspicieusement décortiqué chaque syllabe en clignant d’un œil ; donnant l’impression par ce biais qu’un accident vasculaire lui avait dévasté la moitié du visage.
Circonspect quoi qu’ingénu, son interlocuteur se figura que cette curieuse propension à cligner de l’œil était de coutume. Aussi, préférant s’en remettre au mimétisme – car il avait à cœur de bien s’intégrer à la culture locale – Alegsis cligna à son tour de l’œil après s’être penché vers lui. La concorde, de là, ne s’accomplît que mieux.
- Ouais, je vois exactement ce que tu veux dire. Assura le poivrot tandis qu’il se fourvoyait dans les grandes largeur. Écoute… c’est un secret pour personne ici, mais y’a le fourgue de la Guilde des Usuriers qui peut t’obtenir ce que tu veux. Y compris ta « Pein-ture ». Il avait cette fois joint le geste à la parole pour mieux appuyer les guillemets de ses doigts, se montrer ainsi subjectif pour évoquer ce dont l’un et l’autre, aux milieu d’allusions absurdes, n’avaient finalement aucune idée.
Des honnêtes hommes, il n’en manqua pourtant pas à Inu Town pour désigner à Alegsis le premier dépôt de bricolage qui fut à sa portée. Ayant toutefois recours à son adresse légendaire, celui-là s’était laissé conter l’itinéraire en droite descente vers les bas-fonds de la criminalité organisée. Et vers ces contrées austères, il s’y rendit jovial, ayant déjà tout oublié de ses déboires du jour.
Ne sachant pas lire entre les lignes – car il était analphabète pour lire les lignes en elles-mêmes – il n’avait trop prêté garde aux allusions et autres sous-propos lorsque son indicateur, entre deux regards suspicieux adressés autour de lui, avait lourdement laissé entendre qu’un Empereur de la flibuste avait sa main bien au-dessus de cette affaire.
Les locaux en eux-mêmes, déjà, suggéraient la nature du propriétaire. Eut-on mis des Jolly Roger plein les murs que l’établissement, déjà suspect au dernier degré, n’aurait su mieux crier « piraterie » à qui s’y égarait. Du reste, on ne s’égarait jamais en de pareils endroits, excentrés que ceux-ci étaient des quartiers résidentiels. Ce n’était en effet jamais par mégarde qu’on s’en allait pénétrer le repaire ombrageux de la Guilde des Usuriers. Du moins, ce ne le fut jamais avant ce jour funeste de l’année 1628.
- Salut, salut ~ ! S’écria grossièrement un individu qui, grossier, ne l’était pas moins. C’est vous les Zuzurieux ? C’est un beau brin de quincaillerie que vous avez ici.
Peu au fait des coutumes locales, il ignorait que parler si haut et si inconséquemment – ce qu’il ne faisait que trop au quotidien – pouvait être interprété comme une provocation. On l’eut bien vite dans le collimateur, cet original, alors qu’il se répandait déjà dans les lieux, expansif et curieux, à fureter innocemment quoi qu’avec insistance, le nez dans la marchandise de contrebande.
L’un des grouillots laissés là pour tenir l’affaire, d’un regard acerbe dont on ne sut trop s’il exprimait le mépris ou l’inquiétude, fixa l’olibrius sans en démordre de l’avoir dans les prunelles. Du fait qu’il fut un homme avisé des risques du métier qu’était le sien, informé des choses du mondes, il pouvait, au milieu d'une nuée de hannetons gravitant autour de lui, distinguer le plus urticant d’entre eux. Ce client-ci, même s’il avait une dégaine pas croyable avec sa tunique et son pinceau ; sans compter le chapeau et la trombine improbable qui se situa en-dessous, tenait plus du traqueur des mers que de la basse flibuste.
- Dis voir, s’adressa-t-il alors discrètement à un de ses confrères, c’est pas l’autre chasseur de primes là, avec sa gueule de péquenaud pas croyable ?
À si bien œuvrer et à multiplier les catastrophe dont il était le perpétuel épicentre, Alegsis avait renconté un jour les escargocaméras du Marie-Joan Herald, celui-ci trop heureux de placarder une gueule si niaiseuse dans ses pages au terme d'une affaire de voie de fait stupide.
- Je crois bien. Souffla son compère avant de reprendre, soudain plus énergique. Qu’est-ce que je raconte, moi ; bien sûr que c’est lui. Des types pareils, avec un pinceau géant à la main et une tronche de benêt comme celle qu’il se traîne… je crois que je prends pas de risque en disant que c’est lui.
L’état d’urgence fut alors décrété à bas bruit et entre quatre oreilles seulement.
- C’est quoi son nom déjà ?
Bien qu’on l’eut trouvé un jour à la quinzième page d’un journal, Alegs n’était pas pour autant si haut personnage qu’on mérita de se souvenir de son nom. Ses parents eux-mêmes peinaient à s'en souvenir, s’étant contentés, depuis plus de vingt ans déjà, à l’appeler « Oh, toi, là ».
- Qu’est-ce que ça peut te foutre comment il s’appelle ? L’invectiva sèchement ce qui devait être le mieux gradé du duo. Tu comptes l’inscrire sur le plan de table à ton mariage ? Y’a pas de présentation à faire ; faut lui montrer la sortie avant qu’Ernest revienne, point barre.
Ernest, subalterne fidèle à Red et rigoureux, tenait si bien son fourgue qu’aucun incident ne fut jamais à déplorer. Il y avait toujours eu parfois quelques clients difficiles, bruyants et parfois armés pour venir leur chercher querelle. Mais à l’aide d’un brin de diplomatie d’abord et d’un coup de surin discret ensuite, tout se réglait le plus aimablement du monde. Les mers de North Blue étaient en effet pleines de ces quelques importuns acariâtres venus les empêcher de tourner en rond. Mais un qui porta une licence de chasseur de primes put potentiellement attirer l’attention sur l’affaire. Aussi considéra-t-on que cet indiscret nigaud fut éconduit poliment pour le bien de tous. Ernest, après qu’il s’en soit retourné d’un recouvrement de créance, ne devait en effet pas savoir que pareille engeance roda dans ses pénates.
- Il est pas finaud celui-ci de ce qu’on m’en a dit, mais paraît qu’il utilise de la peinture pour contrôler les gens. Une truc comme ça.
- De la peinture, pour…. incrédule et circonspect bien que ce monde fut pourtant plein de surprises improbables, le mieux bâti des deux trouva motif à douter. J’aimerais bien voir ça, tiens.
- Eh bah pas moi.
Moins curieux, peut-être plus inquiet aussi, c’est un pirate assez peu disposé aux risques indus qui, sans se concerter davantage avec son binôme, alla à la rencontre d’Alegsis.
Assez rustre il est vrai, il annonçait alors à ce client indésirable que la peinture ne figura pas dans ses stocks et encore moins dans ses comptes.
- Y’a pas ce que vous voulez ici mon p’tit monsieur. Désolé, tout ça. Je vous raccompagne à la porte.
L'interaction s'était ainsi amorcée sans un « Bonjour », préludant de là quelques haussements de ton si faciles à éviter.
- Mais vous avez même pas cherché.
Alegsis, moins qu’un chasseur de prime indolent, était avant tout une malédiction itinérante. De cette affliction à forme quasi-humaine – car il n’était franchement pas très beau – on ne s’en exorcisait pas sur une injonction seulement.
- Allez, fais pas d’histoire et dégage. S’impatientait déjà un loup de mer peu réputé pour sa fibre diplomatique.
- Vous avez pas le droit d’être désagréable comme ça, se plaignait Alegsis qui, décidément, n’avait pas compris là où il avait mis les pieds, je suis un client honnête.
Cette insistance à ne pas vouloir partir bien que tout lui commanda qu’il fut de trop, ne concourut que mieux à excéder le petit personnel. Le gaillard venu à sa rencontre, d’une de ses grosses pognes caleuses, se saisît alors de l’Épavien à l’avant bras pour mieux le raccompagner.
- Ouais bah on n’a pas ta peinture, donc tu gicles, allez.
Ses exhortations, chaque fois, étaient alors proférées avec davantage de décibels venues lui sortir de la gorge en renfort.
- Pourquoi vous êtes méchant comme ça ? S’imposait ainsi comme victime un irréfragable malappris, ne suggérant que mieux à son interlocuteur quelques indispositions à retenir ses coups. C’est parce que je viens du Cimetière d’Épaves, c’est ça ? Vous avez des préjugés ? Vous pensez que je suis un sale pirate ?
S’il avait su, alors, à qui appartenait l’établissement dans lequel il excédait la bienvenue qu’on lui concéda.
- Mais non… mais non, se fatiguait un peu plus le bougre, une veine épaisse gonflant au sommet de son front, allez, tire-toi.
- C’est parce que je suis chasseur de primes alors ? Persistait l’imbécile avec un aplomb presque éblouissant tant il était excessif. Vous aimez pas les professions libérales, hein ?
Il sembla que la clientèle toute entière jeta un œil par-dessus son épaule à la seule évocation de son titre. Profession libérale était alors un euphémisme bien convenable pour laver la purulence de son activité professionnelle.
Le petit personnel, confronté qu’il fut à cet aveu outrecuidant, eut en tout la confirmation de ses craintes : c’était bien lui et ce, quel que fut son nom.
- Mais non… mais non, allez, dégage. Continuait alors à le traîner péniblement vers la sortie ce boucanier qui avait bien du mérite à contenir sa fureur.
- C’est parce que je j’ai fait pipi dans votre cafetière pendant que vous parliez à votre collègue ? Récidiva Alegsis alors qu’il chercha toutes les raisons du monde de se présenter en victime de l’arbitraire. D’un arbitraire qu’il avait cependant provoqué par désinvolture.
- Mais non… mais n… T’AS FAIT QUOI ?!
Alors, enfin, le préposé de la Guilde lâcha le bras de ce client difficile, soudain presque tassé sur lui-même tel un ressort compressé qui n’attendait que de lui bondit à la gorge. La clientèle, comme réagissant à un signal, se déroba en glissant le long des murs.
Conscient qu'il fut de sa bévue, ayant regretté ses aveux aussitôt après les avoir proférés, Alegsis fut alors dans ses petits souliers, ayant en plus le culot de chercher à justifier son geste. Les mœurs du Cimetière d’Épaves, en dépit d’une politesse de façade, étaient en effet très solidement ancrés dans son A.D.N. Tandis qu’il se protégeait le visage pour la deuxième fois en ce jour, il miaula :
- Y’avait pas de petits coins, puis, se redressant, soudain exubérant et bourré de vigueur, quitta sa posture de craintif pour adopter celle de sermonnaire outrancier. Tiens, j’y pense, c’était alors une tournure de phrase, car rarement celui-ci pensait, pas de toilettes dans un établissement de vente… c’est pas aux normes, ça.
Pensant alors avoir reniflé une piste, ses yeux ronds ridiculement plissés, le visage se rapprochant de celui d’un pirate rendu furieux à son endroit, Alegsis ajouta, avec toute la jobarderie du monde réunie en un seul homme :
- Vous seriez pas des gens malhonnêtes vous, des fois ?
S’il avait su. Si seulement il avait su. Peut-être eut-il alors décarré plus vite et, dès lors, tant de choses déplorables auraient pu êtres prévenues.
Mêlant le culot à sa bêtise, il poussa alors le vice jusqu’à exiger qu’on lui apporta une feuille d’imposition attestant qu’il avait affaire à un commerce sérieux. L’inféodation au Gouvernement Mondial, pour ceux persuadés d’appartenir au camp du bien, était en effet considéré comme un gage de « sérieux ».
Son bluff était d’autant plus culotté qu’il était illettré et proprement incapable de lire quel que document qu’on lui fit parvenir.
- C’est important de payer ses taxes ! Jura-t-il lui qui ne s’en acquittait que lorsqu’un fusil était braqué sur lui. Parce que sans les taxes qu’on verse au Gouvernement Mondial, ils pourraient pas rémunérer les Marines qui viennent vous tabasser quand vous payez pas vos taxes.
Professoral le temps de son docte sermon, un sourire de petit malin en bandoulière le long de ses lèvres, ses poings sur les hanches, légèrement penché en arrière les yeux fermés, comme si le poids de son pédantisme sot le faisait plier, il ouvrit soudain les yeux, ceux-ci presque exorbités alors qu’il réalisait tout le paradoxe et l’arnaque de la manœuvre fiscale. Son raisonnement parachevé par une désillusion, il remit presque en cause sa foi inébranlable investie dans le Gouvernement Mondial. Puis, passant à autre chose car incapable de garder une idée fixe plus d’une minute, il s’en retourna à ses reproches initiaux.
Il fallait alors rappeler, à ce stade des événements, que la présente escalade était partie d’une histoire de peinture.
- Vous savez ce que vous êtes ? Poursuivit Alegsis en cherchant à prendre de haut un homme qui n’était lui que trop encouragé à l’envoyer par le fond. Vous êtes un filou. Oui. Ajoutait-il avec conviction. J’ai pas peur des mots. Puis, alors qu’il déglutît, se ravisa à voix basse. Par contre j’ai très peur de votre regard de fou, alors si vous pouviez arrêter de me fixer comme ça, ce serait chouette.
De loin, le deuxième forban de garde observa la scène, ne sachant trop quoi faire, car trop habitué à toujours laisser l’initiative à Ernest.
S’essayant à une démarche conciliante – parce qu’il y tenait à sa peinture – Alegsis, glissant à côté du forban, eut l’outrecuidance de lui passer un bras au-dessus des épaules. La solidarité prolétarienne lui suggéra en effet cet élan de familiarité déplacé.
- Écoutez, moi aussi je sais que c’est dur de faire son travail dans les clous. Bien des dégâts et des fractures avaient en effet été sillonnées sur le long parcours de ses errements professionnels, Je suis un gars honnête, comme vous, « Honnête » au sens reconnu par les critère du Cimetière d’Épaves, alors vous me trouvez de la peinture et je dis rien au Gouvernement Mondial.
Le loufiat ne sut alors si cet improbable chasseur de primes parlait par allusions en le faisant chanter ou s’il fallait prendre au premier degré les inepties ingénues d’un spécimen d'abruti dont il n'avait jamais eu vent auparavant.
Encore une fois dans sa triste carrière, on interpréta l’idiotie démesurée de ce fabuleux gêneur comme une provocation délibérée. Personne en effet ne parvenait à se résoudre à ce qu’on put être stupide.
Il n’était jamais alors trop tard pour faire de nouvelles rencontres.
Des pinceaux, il en traîna trois. Ses jambes qui le convoyaient mollement, lui qu’on savait d’habitude si survolté, côtoyaient alors de près ce pinceau – littéral celui-ci – dont la taille avoisinait le mètre et demi et dont il laissait présentement traîner les poils brossés sur son sillage. Il n’avait pas d’heures fixes cet homme-là, voguait à vue d’une île à l’autre en quête de subsistance et, quand le criminel se faisait nouvellement primer, celui-ci ne faisait que rarement long feu. Ce bon garçon qu’il était venu cueillir après un long trajet en pédalo, Alegsis le vit, de ses yeux, se jeter dans les filets de la Marine avant qu’il ne le captura. Justice avait été rendue, quoi qu’assaisonnée amèrement.
Ce n’était pas non plus aujourd’hui qu’il ferait fortune.
La route fut longue et, celle qui le mènerait au prochain forban à portée de ses coups le serait sans doute davantage. Sans le sou et donc, sans matière à flâner, le malheureux chasseur de primes – qui ne le resterait pas longtemps tant il avait bonne nature – se contenta d’envisager quelques modestes emplettes avant que son séjour ici ne laissa pas même la trace d’un songe en témoignage.
Peu familier des lieux, North Blue n’était en effet pour lui qu’un terrain de chasse des plus occasionnel. Aussi eut-il l’indélicatesse de rendre son ignorance notoire, la communiquant insouciamment au premier venu et cela, à la seule fin de quêter auprès de lui un point de ravitaillement. Regrettable fut son erreur.
- Excusez-moi monsieur, bien que de basse extraction, écharde parmi les échardes du Cimetière d’Épaves, celui-ci, pour idiot qu’il était, avait au moins quelques rudiments d’éducation, est-ce que vous sauriez où je peux trouver de la peint..
Prestes et abruptes furent alors les mains venues se saisir de lui par le col de sa tunique. Un œil exorbité, en nage et le souffle court, ce curieux samaritain à qui Alegsis avait quémandé sa route suintait la suspicion. De toutes les braves gens qui circulaient – et qui maintenant détournaient le regard pour feindre de ne pas apercevoir l’empoignade – Alegs avait, sans jugeote aucune, adressé la parole à l’individu le plus louche qui puis se trouver à portée. Sa malchance, il n’en était jamais réellement victime en ce sens où il s’en trouvait systématiquement responsable.
- T’es du G.M ?! Bégaya le défiant dont la paupière ne clignait qu’à moitié. T’es un Marine ?! T’es un bâtard de Marine, hein ! Avoue !
Des comme lui, Alegsis pouvait même en décalquer par mégarde. Cela, à condition que la prime fut toutefois de circonstance. Désavoué s’il usait du pinceau sur un innocent – du moins supposé comme tel – ce n’est que désemparé qu’il put faire face à l’algarade. Tout en se protégeant maladroitement le visage, son arme dans une main, la trogne renfrognée de crainte qu’une phalange ne s’abattit sur son nez, Alegs se défendit du mieux qu’il put ; c’est-à-dire bien mal.
- Je suis pas Marine monsieur, je le jure ! Geigna-t-il alors énergiquement. J’ai foiré tous les examens d’admission, promis. Ils ont même dit que j’étais pas assez bête pour les rejoindre. Ou trop, je sais plus.
L’âpre étreinte se décrispa alors afin que l’étoffe lui glissa d’entre ses doigts. Personne, à moins d’être véritablement innocent, ne put en effet inventer un prétexte aussi bidon à moins qu’il fut dans le vrai. L’honnêteté payait parfois.
- Excuse… reprit toujours haletant ce qui se présentait comme un homme de mauvaise vie aux cheveux gras et sombres, on est un peu nerveux par ici. Nerveux, on ne l’était en effet que davantage quand l’éthanol se distillait à flot dans le sang. Ce qui, à n’en point douter, fut présentement le cas. Tu veux de la peinture, c’est ça ? Rajoutait-il ensuite, ce grossier personnage alors qu’il s’essuya le nez d’un rapide revers de manche.
- Je… je sais plus. Admit Alegsis, osant ouvrir un œil puis même un deuxième alors que l’hostilité s’en allait déjà vers les sentiers de la désescalade. Je crois ? Ah oui ! C’est bien ça. Quelle mémoire. Reprit-il en lui mettant un petit coup de coude complice, comme si soudain les deux hommes eurent été des amis de longue date.
Il n’avait pas la rancune tenace ce chasseur de primes-ci, une humeur se substituant toujours à la précédente sans qu’il n’en subsista une trace dans son esprit.
- Si je te comprends bieeeen…, car rien n’était effectivement plus sagace qu’un ivrogne à demi édenté passé la trentaine, tu veux de… « La pein-ture ». Il avait alors suspicieusement décortiqué chaque syllabe en clignant d’un œil ; donnant l’impression par ce biais qu’un accident vasculaire lui avait dévasté la moitié du visage.
Circonspect quoi qu’ingénu, son interlocuteur se figura que cette curieuse propension à cligner de l’œil était de coutume. Aussi, préférant s’en remettre au mimétisme – car il avait à cœur de bien s’intégrer à la culture locale – Alegsis cligna à son tour de l’œil après s’être penché vers lui. La concorde, de là, ne s’accomplît que mieux.
- Ouais, je vois exactement ce que tu veux dire. Assura le poivrot tandis qu’il se fourvoyait dans les grandes largeur. Écoute… c’est un secret pour personne ici, mais y’a le fourgue de la Guilde des Usuriers qui peut t’obtenir ce que tu veux. Y compris ta « Pein-ture ». Il avait cette fois joint le geste à la parole pour mieux appuyer les guillemets de ses doigts, se montrer ainsi subjectif pour évoquer ce dont l’un et l’autre, aux milieu d’allusions absurdes, n’avaient finalement aucune idée.
Des honnêtes hommes, il n’en manqua pourtant pas à Inu Town pour désigner à Alegsis le premier dépôt de bricolage qui fut à sa portée. Ayant toutefois recours à son adresse légendaire, celui-là s’était laissé conter l’itinéraire en droite descente vers les bas-fonds de la criminalité organisée. Et vers ces contrées austères, il s’y rendit jovial, ayant déjà tout oublié de ses déboires du jour.
Ne sachant pas lire entre les lignes – car il était analphabète pour lire les lignes en elles-mêmes – il n’avait trop prêté garde aux allusions et autres sous-propos lorsque son indicateur, entre deux regards suspicieux adressés autour de lui, avait lourdement laissé entendre qu’un Empereur de la flibuste avait sa main bien au-dessus de cette affaire.
Les locaux en eux-mêmes, déjà, suggéraient la nature du propriétaire. Eut-on mis des Jolly Roger plein les murs que l’établissement, déjà suspect au dernier degré, n’aurait su mieux crier « piraterie » à qui s’y égarait. Du reste, on ne s’égarait jamais en de pareils endroits, excentrés que ceux-ci étaient des quartiers résidentiels. Ce n’était en effet jamais par mégarde qu’on s’en allait pénétrer le repaire ombrageux de la Guilde des Usuriers. Du moins, ce ne le fut jamais avant ce jour funeste de l’année 1628.
- Salut, salut ~ ! S’écria grossièrement un individu qui, grossier, ne l’était pas moins. C’est vous les Zuzurieux ? C’est un beau brin de quincaillerie que vous avez ici.
Peu au fait des coutumes locales, il ignorait que parler si haut et si inconséquemment – ce qu’il ne faisait que trop au quotidien – pouvait être interprété comme une provocation. On l’eut bien vite dans le collimateur, cet original, alors qu’il se répandait déjà dans les lieux, expansif et curieux, à fureter innocemment quoi qu’avec insistance, le nez dans la marchandise de contrebande.
L’un des grouillots laissés là pour tenir l’affaire, d’un regard acerbe dont on ne sut trop s’il exprimait le mépris ou l’inquiétude, fixa l’olibrius sans en démordre de l’avoir dans les prunelles. Du fait qu’il fut un homme avisé des risques du métier qu’était le sien, informé des choses du mondes, il pouvait, au milieu d'une nuée de hannetons gravitant autour de lui, distinguer le plus urticant d’entre eux. Ce client-ci, même s’il avait une dégaine pas croyable avec sa tunique et son pinceau ; sans compter le chapeau et la trombine improbable qui se situa en-dessous, tenait plus du traqueur des mers que de la basse flibuste.
- Dis voir, s’adressa-t-il alors discrètement à un de ses confrères, c’est pas l’autre chasseur de primes là, avec sa gueule de péquenaud pas croyable ?
À si bien œuvrer et à multiplier les catastrophe dont il était le perpétuel épicentre, Alegsis avait renconté un jour les escargocaméras du Marie-Joan Herald, celui-ci trop heureux de placarder une gueule si niaiseuse dans ses pages au terme d'une affaire de voie de fait stupide.
- Je crois bien. Souffla son compère avant de reprendre, soudain plus énergique. Qu’est-ce que je raconte, moi ; bien sûr que c’est lui. Des types pareils, avec un pinceau géant à la main et une tronche de benêt comme celle qu’il se traîne… je crois que je prends pas de risque en disant que c’est lui.
L’état d’urgence fut alors décrété à bas bruit et entre quatre oreilles seulement.
- C’est quoi son nom déjà ?
Bien qu’on l’eut trouvé un jour à la quinzième page d’un journal, Alegs n’était pas pour autant si haut personnage qu’on mérita de se souvenir de son nom. Ses parents eux-mêmes peinaient à s'en souvenir, s’étant contentés, depuis plus de vingt ans déjà, à l’appeler « Oh, toi, là ».
- Qu’est-ce que ça peut te foutre comment il s’appelle ? L’invectiva sèchement ce qui devait être le mieux gradé du duo. Tu comptes l’inscrire sur le plan de table à ton mariage ? Y’a pas de présentation à faire ; faut lui montrer la sortie avant qu’Ernest revienne, point barre.
Ernest, subalterne fidèle à Red et rigoureux, tenait si bien son fourgue qu’aucun incident ne fut jamais à déplorer. Il y avait toujours eu parfois quelques clients difficiles, bruyants et parfois armés pour venir leur chercher querelle. Mais à l’aide d’un brin de diplomatie d’abord et d’un coup de surin discret ensuite, tout se réglait le plus aimablement du monde. Les mers de North Blue étaient en effet pleines de ces quelques importuns acariâtres venus les empêcher de tourner en rond. Mais un qui porta une licence de chasseur de primes put potentiellement attirer l’attention sur l’affaire. Aussi considéra-t-on que cet indiscret nigaud fut éconduit poliment pour le bien de tous. Ernest, après qu’il s’en soit retourné d’un recouvrement de créance, ne devait en effet pas savoir que pareille engeance roda dans ses pénates.
- Il est pas finaud celui-ci de ce qu’on m’en a dit, mais paraît qu’il utilise de la peinture pour contrôler les gens. Une truc comme ça.
- De la peinture, pour…. incrédule et circonspect bien que ce monde fut pourtant plein de surprises improbables, le mieux bâti des deux trouva motif à douter. J’aimerais bien voir ça, tiens.
- Eh bah pas moi.
Moins curieux, peut-être plus inquiet aussi, c’est un pirate assez peu disposé aux risques indus qui, sans se concerter davantage avec son binôme, alla à la rencontre d’Alegsis.
Assez rustre il est vrai, il annonçait alors à ce client indésirable que la peinture ne figura pas dans ses stocks et encore moins dans ses comptes.
- Y’a pas ce que vous voulez ici mon p’tit monsieur. Désolé, tout ça. Je vous raccompagne à la porte.
L'interaction s'était ainsi amorcée sans un « Bonjour », préludant de là quelques haussements de ton si faciles à éviter.
- Mais vous avez même pas cherché.
Alegsis, moins qu’un chasseur de prime indolent, était avant tout une malédiction itinérante. De cette affliction à forme quasi-humaine – car il n’était franchement pas très beau – on ne s’en exorcisait pas sur une injonction seulement.
- Allez, fais pas d’histoire et dégage. S’impatientait déjà un loup de mer peu réputé pour sa fibre diplomatique.
- Vous avez pas le droit d’être désagréable comme ça, se plaignait Alegsis qui, décidément, n’avait pas compris là où il avait mis les pieds, je suis un client honnête.
Cette insistance à ne pas vouloir partir bien que tout lui commanda qu’il fut de trop, ne concourut que mieux à excéder le petit personnel. Le gaillard venu à sa rencontre, d’une de ses grosses pognes caleuses, se saisît alors de l’Épavien à l’avant bras pour mieux le raccompagner.
- Ouais bah on n’a pas ta peinture, donc tu gicles, allez.
Ses exhortations, chaque fois, étaient alors proférées avec davantage de décibels venues lui sortir de la gorge en renfort.
- Pourquoi vous êtes méchant comme ça ? S’imposait ainsi comme victime un irréfragable malappris, ne suggérant que mieux à son interlocuteur quelques indispositions à retenir ses coups. C’est parce que je viens du Cimetière d’Épaves, c’est ça ? Vous avez des préjugés ? Vous pensez que je suis un sale pirate ?
S’il avait su, alors, à qui appartenait l’établissement dans lequel il excédait la bienvenue qu’on lui concéda.
- Mais non… mais non, se fatiguait un peu plus le bougre, une veine épaisse gonflant au sommet de son front, allez, tire-toi.
- C’est parce que je suis chasseur de primes alors ? Persistait l’imbécile avec un aplomb presque éblouissant tant il était excessif. Vous aimez pas les professions libérales, hein ?
Il sembla que la clientèle toute entière jeta un œil par-dessus son épaule à la seule évocation de son titre. Profession libérale était alors un euphémisme bien convenable pour laver la purulence de son activité professionnelle.
Le petit personnel, confronté qu’il fut à cet aveu outrecuidant, eut en tout la confirmation de ses craintes : c’était bien lui et ce, quel que fut son nom.
- Mais non… mais non, allez, dégage. Continuait alors à le traîner péniblement vers la sortie ce boucanier qui avait bien du mérite à contenir sa fureur.
- C’est parce que je j’ai fait pipi dans votre cafetière pendant que vous parliez à votre collègue ? Récidiva Alegsis alors qu’il chercha toutes les raisons du monde de se présenter en victime de l’arbitraire. D’un arbitraire qu’il avait cependant provoqué par désinvolture.
- Mais non… mais n… T’AS FAIT QUOI ?!
Alors, enfin, le préposé de la Guilde lâcha le bras de ce client difficile, soudain presque tassé sur lui-même tel un ressort compressé qui n’attendait que de lui bondit à la gorge. La clientèle, comme réagissant à un signal, se déroba en glissant le long des murs.
Conscient qu'il fut de sa bévue, ayant regretté ses aveux aussitôt après les avoir proférés, Alegsis fut alors dans ses petits souliers, ayant en plus le culot de chercher à justifier son geste. Les mœurs du Cimetière d’Épaves, en dépit d’une politesse de façade, étaient en effet très solidement ancrés dans son A.D.N. Tandis qu’il se protégeait le visage pour la deuxième fois en ce jour, il miaula :
- Y’avait pas de petits coins, puis, se redressant, soudain exubérant et bourré de vigueur, quitta sa posture de craintif pour adopter celle de sermonnaire outrancier. Tiens, j’y pense, c’était alors une tournure de phrase, car rarement celui-ci pensait, pas de toilettes dans un établissement de vente… c’est pas aux normes, ça.
Pensant alors avoir reniflé une piste, ses yeux ronds ridiculement plissés, le visage se rapprochant de celui d’un pirate rendu furieux à son endroit, Alegsis ajouta, avec toute la jobarderie du monde réunie en un seul homme :
- Vous seriez pas des gens malhonnêtes vous, des fois ?
S’il avait su. Si seulement il avait su. Peut-être eut-il alors décarré plus vite et, dès lors, tant de choses déplorables auraient pu êtres prévenues.
Mêlant le culot à sa bêtise, il poussa alors le vice jusqu’à exiger qu’on lui apporta une feuille d’imposition attestant qu’il avait affaire à un commerce sérieux. L’inféodation au Gouvernement Mondial, pour ceux persuadés d’appartenir au camp du bien, était en effet considéré comme un gage de « sérieux ».
Son bluff était d’autant plus culotté qu’il était illettré et proprement incapable de lire quel que document qu’on lui fit parvenir.
- C’est important de payer ses taxes ! Jura-t-il lui qui ne s’en acquittait que lorsqu’un fusil était braqué sur lui. Parce que sans les taxes qu’on verse au Gouvernement Mondial, ils pourraient pas rémunérer les Marines qui viennent vous tabasser quand vous payez pas vos taxes.
Professoral le temps de son docte sermon, un sourire de petit malin en bandoulière le long de ses lèvres, ses poings sur les hanches, légèrement penché en arrière les yeux fermés, comme si le poids de son pédantisme sot le faisait plier, il ouvrit soudain les yeux, ceux-ci presque exorbités alors qu’il réalisait tout le paradoxe et l’arnaque de la manœuvre fiscale. Son raisonnement parachevé par une désillusion, il remit presque en cause sa foi inébranlable investie dans le Gouvernement Mondial. Puis, passant à autre chose car incapable de garder une idée fixe plus d’une minute, il s’en retourna à ses reproches initiaux.
Il fallait alors rappeler, à ce stade des événements, que la présente escalade était partie d’une histoire de peinture.
- Vous savez ce que vous êtes ? Poursuivit Alegsis en cherchant à prendre de haut un homme qui n’était lui que trop encouragé à l’envoyer par le fond. Vous êtes un filou. Oui. Ajoutait-il avec conviction. J’ai pas peur des mots. Puis, alors qu’il déglutît, se ravisa à voix basse. Par contre j’ai très peur de votre regard de fou, alors si vous pouviez arrêter de me fixer comme ça, ce serait chouette.
De loin, le deuxième forban de garde observa la scène, ne sachant trop quoi faire, car trop habitué à toujours laisser l’initiative à Ernest.
S’essayant à une démarche conciliante – parce qu’il y tenait à sa peinture – Alegsis, glissant à côté du forban, eut l’outrecuidance de lui passer un bras au-dessus des épaules. La solidarité prolétarienne lui suggéra en effet cet élan de familiarité déplacé.
- Écoutez, moi aussi je sais que c’est dur de faire son travail dans les clous. Bien des dégâts et des fractures avaient en effet été sillonnées sur le long parcours de ses errements professionnels, Je suis un gars honnête, comme vous, « Honnête » au sens reconnu par les critère du Cimetière d’Épaves, alors vous me trouvez de la peinture et je dis rien au Gouvernement Mondial.
Le loufiat ne sut alors si cet improbable chasseur de primes parlait par allusions en le faisant chanter ou s’il fallait prendre au premier degré les inepties ingénues d’un spécimen d'abruti dont il n'avait jamais eu vent auparavant.
Encore une fois dans sa triste carrière, on interpréta l’idiotie démesurée de ce fabuleux gêneur comme une provocation délibérée. Personne en effet ne parvenait à se résoudre à ce qu’on put être stupide.
Il n’était jamais alors trop tard pour faire de nouvelles rencontres.