- Alors bande de tapins d’eau rousse, euh… marins d’eau douce, ça pirate, ça brigande, ça fait des trucs illégaux ? Vous pouvez tout me dire à moi, votre ami euh... Iglesias. Ouais, c’est ça, Iglesias le… le non-chasseur de primes.
C’était brillant. Brillant d’un éclat si terne qu’on eut pu le croire éteint.
Alegsis – acronyme opportune du suspicieux « Iglesias » – avait ses habitude à la Flaque. Chaque fois qu’il y passa – car une mer bleue ne lui suffisait décidément pas – celui-ci furetait dans les galeries sombres et perdues sous Red Line, traquant la flibuste sans relâche, mais du regard seulement. Les pirates, il n’avait rien contre ; bien au contraire. Car dans l’écosystème vicié de l’endiguement du crime, un justicier assermenté par le gouvernement, sa licence de chasseur de primes en poche, avait un intérêt tout particulier à ce que rapines et turpitudes furent endémiques.
Le chasseur de primes, de par le fait, chassait la prime. C’était fatal ; son attribution, jusqu’à son intitulé, le lui suggérait fortement. Or, la prime ne tombait qu’à moins qu’un forban, ou autre malfaisant, fut dispendieux en abjections. Du fait même que la prime assurait sa subsistance, Alegsis Jubtion, pourtant fidèle allié du Gouvernement Mondial, œuvrait parfois en douce à ce que la piraterie trouva quelques prétextes à s’épanouir.
À l’abri des regards scrupuleux de la Marine, il s’évadait en certaines occasions jusque dans les accès les moins recommandables de La Flaque pour y égarer les jeunes pousses de la flibuste. Il les trouvait en effet trop modérés ces boucaniers, à vouloir la fortune sans que le sang ne fut trop versé.
Aussi allait-il trouver quelques nouveaux équipages venus appareiller à La Flaque, tel un spectre curieux qui hantait occasionnellement les galeries clandestines du réseau Marie-Joan. Avec un pinceau de près d’un mètre cinquante en main et une moustache peinturlurée en rouge sur sa tête niaiseuse, il joua son rôle d’Iglesias, l’indicateur désintéressé des pirates.
Toutefois, plus suspicieux encore que s’il avait été un amiral de Marine en vadrouille, on se détourna bien prudemment de ses suggestions. Il est vrai qu’à force de se faire connaître sous cette identité, la rumeur avait fini par courir et même cavaler afin que chacun se méfia d’un pareil bougre s’il le rencontrait. Aussi, quand le chasseur de primes en maraude trouva ce pirate bourru, isolé de son équipage, occupé qu’il était à décharger une marchandise mal acquise, il se dissimula derrière un tonneau de sorte à y laisser dépasser sa tête et son chapeau lorsque le bougre vint à sa portée.
- Bonjour, bonjou~r ! Le surprit-il de sa bonhomie béate. Dis donc, tu en as des gros muscles, une flatterie, pensait-il alors, pouvait lui valoir l’attention d’un interlocuteur, comment tu t’appelles dis-voir ? Moi c’est Ale… Iglesias. Iglesias Iglesias ; c’est aussi mon de famille. La réponse à sa précédente question lui importait car, s’il voulait que sa proie-ci ait une prime, connaître son blase fut alors essentiel à son entreprise. Dis, toi qui a des gros biscotos, ça te dirait de m’aider ? J’ai repéré un navire pirate qui a mouillé à quelques encâblures de là. Ces crétins sont tous en train de faire la java dans un tripot en s’imaginant que leur cargaison est bien dissimulée. Seulement, leur butin, dans leur gros coffre, là, il pèse une tonne. Ça te dirait qu’on les déleste d’un trésor toi et moi ? Moins on sera nombreux, moins y’aura à partager.
Son plan était savamment rodé pour l’avoir peut-être exhibé cent fois à des matelots encore naïfs, ceux-ci avides d’une richesse facile dont le montant en berries auquel ils aspiraient finirait placardé sous leur photo dans un avis de recherche. Ainsi Alegsis en avait-il dépucelé par dizaines, de ces forbans crédules, en contribuant à ce qu’ils furent connus du Gouvernement Mondial.
Ce « navire pirate », qui mouillait non loin, c’était une frégate de la Translinéenne qui, précisément pour éviter les abordages cinglants ou furtifs, levait l’ancre au milieu de veines rocheuses exiguës le temps de se ravitailler. La Translinéenne aimait en effet à couper les coûts en s’approvisionnant au milieu des dépôts de recel, là où le prix de la denrée était autrement moindre qu’ailleurs. Il n’y avait en effet pas de petit profit, même si cela impliquait quelques risques qui justifièrent qu'au sommet du mât, ils hissèrent parfois un faux pavillon noir afin de faire couleur locale le temps de leur traversée.
S’en prendre à pareille embarcation, c’était se garantir un sauf-conduit vers une notoriété assaisonnée à la sauce « Wanted ». La Translinéenne, du fait de son poids économique considérable, ne badinait pas avec la piraterie. Usant de tous leurs appuis auprès de l’état-major – et ceux-ci étaient pléthoriques – les dirigeants et actionnaires de la firme mettaient un point d’honneur à ce que les resquilleurs furent toujours sévèrement châtiés. Et c’était avec un aimable sourire aux lèvres qu’Alegsis, le plus innocemment du monde, chercha à entraîner son larron du jour dans un monumental bourbier.
- Dépêche-toi de te décider, le pressa-t-il bien assez tôt, faut faire le coup avant qu’ils reviennent à bord. Je veux un « oui » ou un « non » : t’en es ?
L’urgence altérait le discernement et forçait qui y était éprouvé à prendre des décisions irréfléchies dont les conséquences, bien souvent, étaient à déplorer. Ce faux moustachu improbable, ayant ainsi fait irruption de derrière un tonneau, fut l’un des premiers dangers dont ce matelot, un gaillard à la tignasse poivrée, prit connaissance alors qu’il ne s’était engagé que récemment dans la flibuste. Moins encore que les intempéries ou les monstres marins, jamais assez on ne se méfiait des chasseurs de primes facétieux.
C’était brillant. Brillant d’un éclat si terne qu’on eut pu le croire éteint.
Alegsis – acronyme opportune du suspicieux « Iglesias » – avait ses habitude à la Flaque. Chaque fois qu’il y passa – car une mer bleue ne lui suffisait décidément pas – celui-ci furetait dans les galeries sombres et perdues sous Red Line, traquant la flibuste sans relâche, mais du regard seulement. Les pirates, il n’avait rien contre ; bien au contraire. Car dans l’écosystème vicié de l’endiguement du crime, un justicier assermenté par le gouvernement, sa licence de chasseur de primes en poche, avait un intérêt tout particulier à ce que rapines et turpitudes furent endémiques.
Le chasseur de primes, de par le fait, chassait la prime. C’était fatal ; son attribution, jusqu’à son intitulé, le lui suggérait fortement. Or, la prime ne tombait qu’à moins qu’un forban, ou autre malfaisant, fut dispendieux en abjections. Du fait même que la prime assurait sa subsistance, Alegsis Jubtion, pourtant fidèle allié du Gouvernement Mondial, œuvrait parfois en douce à ce que la piraterie trouva quelques prétextes à s’épanouir.
À l’abri des regards scrupuleux de la Marine, il s’évadait en certaines occasions jusque dans les accès les moins recommandables de La Flaque pour y égarer les jeunes pousses de la flibuste. Il les trouvait en effet trop modérés ces boucaniers, à vouloir la fortune sans que le sang ne fut trop versé.
Aussi allait-il trouver quelques nouveaux équipages venus appareiller à La Flaque, tel un spectre curieux qui hantait occasionnellement les galeries clandestines du réseau Marie-Joan. Avec un pinceau de près d’un mètre cinquante en main et une moustache peinturlurée en rouge sur sa tête niaiseuse, il joua son rôle d’Iglesias, l’indicateur désintéressé des pirates.
Toutefois, plus suspicieux encore que s’il avait été un amiral de Marine en vadrouille, on se détourna bien prudemment de ses suggestions. Il est vrai qu’à force de se faire connaître sous cette identité, la rumeur avait fini par courir et même cavaler afin que chacun se méfia d’un pareil bougre s’il le rencontrait. Aussi, quand le chasseur de primes en maraude trouva ce pirate bourru, isolé de son équipage, occupé qu’il était à décharger une marchandise mal acquise, il se dissimula derrière un tonneau de sorte à y laisser dépasser sa tête et son chapeau lorsque le bougre vint à sa portée.
- Bonjour, bonjou~r ! Le surprit-il de sa bonhomie béate. Dis donc, tu en as des gros muscles, une flatterie, pensait-il alors, pouvait lui valoir l’attention d’un interlocuteur, comment tu t’appelles dis-voir ? Moi c’est Ale… Iglesias. Iglesias Iglesias ; c’est aussi mon de famille. La réponse à sa précédente question lui importait car, s’il voulait que sa proie-ci ait une prime, connaître son blase fut alors essentiel à son entreprise. Dis, toi qui a des gros biscotos, ça te dirait de m’aider ? J’ai repéré un navire pirate qui a mouillé à quelques encâblures de là. Ces crétins sont tous en train de faire la java dans un tripot en s’imaginant que leur cargaison est bien dissimulée. Seulement, leur butin, dans leur gros coffre, là, il pèse une tonne. Ça te dirait qu’on les déleste d’un trésor toi et moi ? Moins on sera nombreux, moins y’aura à partager.
Son plan était savamment rodé pour l’avoir peut-être exhibé cent fois à des matelots encore naïfs, ceux-ci avides d’une richesse facile dont le montant en berries auquel ils aspiraient finirait placardé sous leur photo dans un avis de recherche. Ainsi Alegsis en avait-il dépucelé par dizaines, de ces forbans crédules, en contribuant à ce qu’ils furent connus du Gouvernement Mondial.
Ce « navire pirate », qui mouillait non loin, c’était une frégate de la Translinéenne qui, précisément pour éviter les abordages cinglants ou furtifs, levait l’ancre au milieu de veines rocheuses exiguës le temps de se ravitailler. La Translinéenne aimait en effet à couper les coûts en s’approvisionnant au milieu des dépôts de recel, là où le prix de la denrée était autrement moindre qu’ailleurs. Il n’y avait en effet pas de petit profit, même si cela impliquait quelques risques qui justifièrent qu'au sommet du mât, ils hissèrent parfois un faux pavillon noir afin de faire couleur locale le temps de leur traversée.
S’en prendre à pareille embarcation, c’était se garantir un sauf-conduit vers une notoriété assaisonnée à la sauce « Wanted ». La Translinéenne, du fait de son poids économique considérable, ne badinait pas avec la piraterie. Usant de tous leurs appuis auprès de l’état-major – et ceux-ci étaient pléthoriques – les dirigeants et actionnaires de la firme mettaient un point d’honneur à ce que les resquilleurs furent toujours sévèrement châtiés. Et c’était avec un aimable sourire aux lèvres qu’Alegsis, le plus innocemment du monde, chercha à entraîner son larron du jour dans un monumental bourbier.
- Dépêche-toi de te décider, le pressa-t-il bien assez tôt, faut faire le coup avant qu’ils reviennent à bord. Je veux un « oui » ou un « non » : t’en es ?
L’urgence altérait le discernement et forçait qui y était éprouvé à prendre des décisions irréfléchies dont les conséquences, bien souvent, étaient à déplorer. Ce faux moustachu improbable, ayant ainsi fait irruption de derrière un tonneau, fut l’un des premiers dangers dont ce matelot, un gaillard à la tignasse poivrée, prit connaissance alors qu’il ne s’était engagé que récemment dans la flibuste. Moins encore que les intempéries ou les monstres marins, jamais assez on ne se méfiait des chasseurs de primes facétieux.