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Pour quelques connaissances de plus

Robina marchait dans les rues de la Nouvelle Ohara. Ils étaient en chemin vers Hinu Town pour prendre la Translinéenne pour se rendre sur la route de tous périls. Fang Shui, un samouraï de Wano Kuni, avait pris le rôle de navigateur. La cuisinière l’avait sauvé alors qu’il était blessé sur l’Archipel vert. Maintenant, ils se servaient l’un de l’autre pour arriver à leur fin. Lui : rentrer dans son pays, elle : se rendre sur Shishoku. Maintenant que tous les préparatifs étaient enfin finis, les Glaciers se dirigeaient lentement mais sûrement vers Grand Line.

La Sanderrienne avait voulu passer par cette île pour une bonne raison. Elle était curieuse de voir les livres de cuisine qui s’y trouvaient. Après tout, l’île était connue pour la bibliothèque gigantesque qu’elle abritait. Les cheveux attachés derrière en une longue queue de cheval, elle se baladait dans les rues pavées. Un petit marché était ouvert, vendant fruits, légumes, poissons et parfois quelques meubles. Curieuse, elle avait regardé en passant ce que les vendeurs proposaient. Mais rien ne sortait de l’ordinaire, des produits qu’elle pouvait avoir à peu près partout dans le monde. Elle avait haussé les épaules mentalement avant de continuer son chemin.

Se rapprochant du monument de l’île, son arbre, elle fut impressionnée. Dire qu’il n’existait pas il y a encore quatre-vingt-dix ans. Les Ohariens s’en étaient occupés avec minutie et avec leur effort ils avaient pu faire pousser cet arbre monde en un peu moins d’un siècle. Elle entra par la porte ouverte de l’arbre, les fibres du bois se détachant sur les murs creusés du bâtiment. Des centaines de livres se livraient aux yeux de la chasseresse de primes. Elle ne savait déjà plus où donner de la tête, il y avait tant à voir et à apprendre.

Une petite file de personnes attendait devant un comptoir. Des hommes et femmes aidaient les personnes qui cherchaient des ouvrages particuliers. La jeune femme aux longs cheveux bleus n’avait pas envie d’attendre, elle se débrouillerait très bien seule. Se détournant de la vingtaine de personnes qui attendaient devant elle, elle se dirigea vers un des premiers rayonnages. L’histoire et la géographie du monde et du Gouvernement mondial. Pas vraiment ce qu’elle cherchait.

Elle vagabonda dans les différents étages, cherchant les livres qu’elle essayait de trouver. Mais elle n’était pas spécialement pressée, l’équipage était encore en train de prendre ses marques. Ne pas enchaîner les voyages.et les trajets leur permettait de s’habituer à la vie en mer. En tant que capitaine, elle devait faire attention à ne pas trop les surmener. Quand les Glaciers seraient plus chevronnés, elle penserait à faire des voyages plus longs sans s’arrêter à chacune des îles qu’elle croisait. Ils avançaient lentement avec l’Iceberg et les anciens givrelames et cela allait très bien à Robina.

— Où peuvent bien se trouver ces livres de cuisine alors ? Elle tourna la tête, cherchant à trouver une pancarte pour lui indiquer les livres de cuisine. C’est tellement grand ici, j’aurais peut-être dû faire la queue comme tout le monde. Elle se pencha au-dessus de la rambarde de sécurité à côté d’elle.

En regardant en contrebas, elle put observer qu’il n’y avait plus personne devant l’accueil. Elle devait en profiter. N’écoutant que son instinct, elle se mit à marcher le plus vite possible, faisant claquer les talons de ses bottes cuissardes sur le plancher. Des regards se tournèrent vers elle, la fusillant au passage, mais elle n’y fit pas attention. Elle était bien trop concentrée sur le fait qu’elle pouvait avoir des informations rapidement. La cuisinière descendait les marches d’escalier presque en sautant, ses pieds touchant à peine le bois avant de continuer.

Quelques minutes plus tard, légèrement en sueur, la Sanderrienne se retrouva de nouveau à l’entrée de l’établissement. Des personnes avaient fait la même chose qu’elle, toutefois elle était bien placée dans la file. Deux personnes se trouvaient devant elle, pas de quoi fouetter un chat. Certains avaient des livres en main, d’autres, une liste, tous venaient pour un motif différent. Elle se tourna vers la personne à côté d’elle. Si elle devait attendre, autant le faire en discutant avec son voisin.

— Alors, vous aussi vous venez chercher un livre ? Elle se pencha légèrement sur la droite pour mieux se faire entendre. Moi je viens voir pour trouver des livres de recette de cuisine de Ohara, je ne suis pas certaine que ça existe, mais sait-on jamais ?

Elle se tourna vers l’homme à sa droite et lui présenta sa main gauche. Gauchère, elle avait toujours du mal à serrer la main des autres s’ils étaient droitiers, pour une fois qu’elle pouvait prendre l’initiative.

— Je m’appelle Robina Erwolf. Je viens d’arrivée sur la Nouvelle Ohara.
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Hayden faisait la queue comme tout le monde. Il avait espéré que ça irait plus vite, mais, malheureusement, dès qu’il eut cru avoir un créneau pour pouvoir aller au guichet sans avoir à patienter, voilà que plein de gens ont eu la même idée que lui. Pestant contre son manque de chance et de clairvoyance, il se résolut donc, bon gré mal gré, à attendre son tour, comme tout le monde.

C’est alors que la jeune femme devant lui se décida à faire la conversation à son voisin de droite. L’intéressé, un universitaire malingre, ne se donna même pas la peine de feindre d’ignorer son interlocutrice. A la place, il lui tourna sèchement le dos, comme si la présence même de la chasseuse de prime le dérangeait au plus haut point. C’était grossier, et ça déplut fortement au légiste qui serra fort son parapluie. Oui, la jeune demoiselle (Hayden n’avait pas vu d’alliance à sa main gauche) faisait tache dans le décor guidé de cette bibliothèque, et ses manières étaient tout sauf convenables, mais la petiote ne méritait pas un tel dédain. Le médecin ôta alors le gant de sa main gauche pour aller s’emparer de celle de Robina en disant :

« Il faut vraiment être le dernier des goujats pour refuser la main d’une aussi charmante personne ! »

Il avait volontairement parlé bien plus fort qu’à son habitude avec sa voix de stentor, captant ainsi l’attention de tous.

« Et si ce triste sire n’en veut pas, moi, je la prends volontiers! »

Hayden se saisit de la main de la cuisinière avec une infinie délicatesse puis se pencha légèrement en avant pour y déposer un baise-main conformément aux règles de l’étiquette. Ensuite, le grand bonhomme se remit d’aplomb, découvrit légèrement sa tête, et adressa un large sourire à la fille aux cheveux bleus.

« Docteur Hayden J. Kill, pour vous servir ! »

Puis il renfila son gant sans quitter son interlocutrice des yeux, derrière l'épais verre de ses lunettes.
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Robina se retrouvait gênée, elle voulait serrer la main de la personne, pas avoir un baise-main. Ses joues se mirent à rougir et elle ne savait plus où se mettre. La file continuait d’avancer et le tour de la jeune femme allait venir dans quelques minutes tout au plus. Toutefois, elle ne savait pas trop où se mettre pour l’instant. Elle devait mettre la situation au clair avant que l’homme se fasse des idées derrière elle. Elle refit face à Hayden, les joues roses de la gêne qu’avait causée cette bise sur le dos de sa main.

— Je suis désolée, mais je voulais juste lui serrer la main. Elle se gratta la tête en la penchant sur le côté. Néanmoins, je vous remercie pour vos manières. Au moins, il y a encore des hommes civilisés dans ce monde. Docteur Hayden ? Ou Docteur Jekyll ? Je demande, car depuis que j’ai commencé à découvrir le monde j’ai rencontré plusieurs personnes qui se présentaient avec leur nom en premier.

Elle avança de quelques pas pour continuer à suivre la queue. L’homme devant elle était déjà en train de poser ses questions à la guichetière. Dans quelques minutes, la jeune femme aurait enfin la réponse à sa question : où se trouve la section cuisine dans cette bibliothèque gigantesque ? En attendant, après que ce petit malaise soit passé, elle appréciait l’homme plus âgé derrière elle. Il semblait bon vivant, une voix forte, un grand sourire, une personne avec qui se détendre et ne pas être sur ses gardes.

— Et vous êtes ici pour trouver de nouvelles recherches en médecine ? Elle se retourna vers lui pour continuer la conversation. Moi, je cherche de nouvelles recettes de cuisine. J’essaie de devenir la meilleure cuisinière du monde, alors il faut bien que j’étudie pour connaître tout ce qui se fait dans le monde entier. Même la route de tous les périls. Je suis venue voir s’il existait des plats spécifiques à la Nouvelle Ohara.

Elle faisait la conversation avec l’homme, pendant qu’ils attendaient. Le temps passait vite et déjà c’était le tour de la cuisinière. Elle se tourna vers le médecin et le salua.

— Je vous laisse un instant, je vais poser mes questions. Elle glissa ses cheveux derrière ses oreilles pour se dégager le visage et les attacha avec un tissu bleu qui allait avec sa chevelure.

Elle s’avança devant le comptoir où une petite femme l’attendait en la fixant. Son collègue qui se trouvait à sa droite jeta un regard à la nouvelle arrivante un instant avant de reporter son attention devant lui.

— Bonjour. Que puis-je faire pour vous, mademoiselle ? Toute professionnelle qu’elle était, la guichetière commença son petit discours pour guider les personnes sur les registres d’archéologies ou de recherche sur l’histoire des différents royaumes du monde. C’était après tout la spécialité de l’île.

— Je voudrais trouver des livres de recettes de cuisine. La Sanderrienne posa son bras sur le comptoir en bois pour se pencher en avant et mieux voir son interlocutrice.

— Bien sûr. Est-ce que vous cherchez quelque chose en particulier ? Ouvrant un épais livre en cuir devant elle, elle feuilleta les pages avant de s’arrêter sur une en particulier.

— Eh bien… Elle n’y avait pas pensé, est-ce qu’elle voulait quelque chose en particulier ? Non, je cherche surtout la section qui permettrait de toutes les trouver au même endroit.

— Ah oui, vous voulez juste connaître l’endroit où se trouvent nos ouvrages. C’est très simple, vous prenez l’escalier trois C, vous montez jusqu’au deuxième étage. Elle commença à noter les instructions sur un papier. Puis vous allez prendre l’escalier vingt-cinq R sur votre droite, vous verrez, tout est indiqué. Vous montez jusqu’au dixième étage et vous devriez trouver votre bonheur.

— Je vous remercie. Elle remercia l’employée de la tête et s’apprêta à partir.

— Attendez ! La bibliothécaire déposa la feuille de papier où elle avait noté quelques lignes. Prenez ce papier, cela vous permettra de ne pas oublier ce que je vous ai dit. Et de devoir faire demi-tour à mi-parcours. Ou de vous perdre dans la bibliothèque.

— Encore une fois, je vous remercie. Elle s’inclina un peu plus pour montrer ses remerciements à la jeune femme.

— Aucun souci, mademoiselle. Je vous souhaite une bonne journée. Elle se tourna alors vers Hayden. Personne suivante.
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« Ha, oui, bonne remarque en effet. » opina Hayden. « Mon prénom c'es Hayden, et mon nom c'est Kill, mais comme Docteur Kill faisait bizarre, j'ai eu la fantaisie de rajouter une lettre devant mon nom pour que le tout sonne mieux. »

Quant à la jeune femme, Robina Erwolf, inutile de la présenter, sa réputation n'est plus à faire : Diplomate du Royaume de Sanderr, chasseuse de prime émérite, ses hauts faits font régulièrement la une des journaux. Au vu de sa renommée, le médecin l'aurait pensé plus grande et plus musclée. Avec sa silhouette gracile et ses traits fins, elle ne payait vraiment pas de mine ! Mais les plus belles roses ont des épines, pensa Hayden, et la cuisinière en avait plusieurs qui pendaient à la ceinture. Des armes, et pas des moindres !

Et, en effet, la cuisinière avait vu juste, le légiste était là pour approfondir ses connaissances médicales. Malheureusement, il ne put poursuivre la conversation car l'attente de son interlocutrice était enfin terminée. D'un mouvement gracieux, la fille aux cheveux bleus alla rejoindre la guichetière qui traita sa demande. Le Docteur J. Kill attendait son tour, patiemment. De toutes façons, il avait tout son temps alors … inutile de se presser ! D'autant plus que la demande se la chasseuse de primes fut traitée avec une célérité surréaliste. Les bibliothécaires de la Nouvelle Ohara, c'est clairement quelque chose ! Alors, lorsqu'il fut appelle, Hayden déplaça son corps jusqu'au guichet.

« Bonjour. Que puis-je pour vous, monsieur ? » demanda la jeune en levant le visage pour voir celui de son interlocuteur.

« Bonjour, mademoiselle. Auriez-vous la délicatesse de m'indiquer où vous rangez les dernière publications médicales ? » fit l'intéressé en se penchant vers l'employée, un grand sourire aux lèvres.

Professionnelle, la bureaucrate indiqua la direction au médecin et lui tendit un papier. Pas de billet doux, à la grande déception du légiste, mais un pense-bête : apparemment, on se perdait facilement dans les rayonnages de cet immense temple du savoir. Un sourire, un lever de chapeau et un merci plus tard, et voilà le praticien parti ! Fort heureusement, pour se repérer, il y avait une foule de panneaux pendus au plafond ou accrochés en hauteur aux angles des meubles. Cependant, la lecture de ces derniers nécessitait de regarder en l'air et pas toujours où on mettait les pieds. Et ce qui devait arriver arriva. Le médecin bouscula quelqu'un.

« Toutes mes excuses. » Lança t il mécaniquement. Puis voyant une familière crinière bleue. « Oh, c'est vous ! Quelle charmante coïncidence ! Vous êtes perdue, vous aussi ? »
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Robina regardait à droite et à gauche. Elle avait réussi à suivre les instructions qu’on lui avait données. Elle cherchait maintenant l’escalier vingt-cinq R pour continuer à monter. Le souci ? C’est qu’il y avait plusieurs escaliers sur la droite d’où elle était arrivée. Et qu’elle ne savait pas lequel elle devait prendre. Elle était en train de se rapprocher d’un des panneaux pour lire ce qui était écrit dessus qu’elle rentra dans quelqu’un. Elle venait de rentrer dans le médecin qu’elle avait rencontré un peu plus tôt au guichet.

— Désolée, je ne vous avais pas pu. Elle se pencha en avant pour lier le geste à la parole. Oui, je cherche mon chemin, mais vous êtes plus rapides que moi. Je viens d’arriver et de commencer à chercher mon chemin. Vous auriez vu l’escalier vingt-cinq R dans le coin ?

— Non, désolé mademoiselle, je suis à la recherche d’autre chose et je dois malheureusement vous informer que je n’ai pas fait attention aux autres. L’homme parlait avec une voix profonde, puissante.

— Il n’y a pas de soucis. La cuisinière pencha la tête sur le côté en souriant légèrement. Vous savez, je ne pensais pas me retrouver un jour ici. Elle se tourna vers le centre de l’édifice, des milliers de livres s’offrant à sa vue. J’avais entendu des rumeurs sur la Nouvelle Ohara, sur sa bibliothèque, mais je ne pensais pas qu’elle était aussi immense.

Elle passa ses longs cheveux derrière ses oreilles pour ne pas être gênée. La Sanderrienne n’avait toujours pas l’habitude de voir des personnes aussi grandes. Elle avait l’impression de faire face à un géant.

— Et vous êtes médecin depuis longtemps ? Elle reprit la conversation, elle n’aimait pas ce petit silence qui s’installait. Moi, je suis cuisinière depuis maintenant huit ans. J’ai commencé tôt, depuis toute petite. Mon premier souvenir est que je suis en train de faire des crêpes à mes parents. J’imagine que votre premier souvenir n’était pas d’ausculter quelqu’un ou de l’opérer, mais je suis certaine que vous avez mille histoires à raconter.

La chasseresse de primes avait élevé la voix alors qu’elle discutait avec Hayden. Certaines personnes attablées pour lire tranquillement la regardaient en la foudroyant du regard. Toutefois, perdue dans la discussion, elle ne fit pas attention.

— Vous venez de quelle île ? Elle s’intéressait un peu plus au colosse qui lui faisait face. Vous êtes venu pour quelque chose en particulier ou vous recherchez de façon plus générale ? Enfin, j’ai l’impression de me répéter, je vous écoute.

Elle attendait la réponse du docteur Kill, quand un employé de la bibliothèque tapota l’épaule de la capitaine des Glaciers.

— Pardon, mais pourriez-vous faire moins de bruit s’il vous plaît ? L’homme regardait le médecin et la jeune femme aux longs cheveux bleus sévèrement. Vous êtes dans une bibliothèque, pas dans un salon de thé. Merci de respecter les autres usagés.

— Désolé, monsieur, ça n’arrivera plus. Robina l’arrêta tout de même. Vous sauriez me dire où se trouve l’escalier vingt-cinq R s’il vous plaît ? <

— Il se trouve juste là. Il pointa un petit escalier en fer blanc qui montait en spirale. Je vous prierais à l’avenir de vous faire plus discrète.

— Bien sûr. Voyant l’homme repartir derrière son bureau, la cuisinière se tourna vers le médecin. Est-ce que vous voulez que nous trouvions un coin un peu plus calme pour pouvoir discuter plus longtemps ? Ou vous préférez continuer vos recherches ? Personnellement je ne suis pas pressée, donc je peux me permettre de continuer à discuter. Mais si ça se trouve, vous êtes pressés.
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« Non, non, pas du tout ! » Répondit immédiatement le médecin en agitant la main devant lui comme pour chasser une idée particulièrement saugrenue. « Si vous le désirez, on peut sortir de cet endroit rempli de gens déplaisants et aller prendre un café en terrasse. Le temps magnifique dehors ce serait dommage de ne pas en profiter ! »

Hayden avait dit ça le plus doucement du monde, cependant, la voix du docteur n'était pas une voix ordinaire, elle était comme la marée : puissante, profonde. Et, même lorsqu'elle chuchote, on l'entend distinctement à plusieurs dizaines de mètres à la ronde. C'est pourquoi lorsque l'aventurière et le légiste quittèrent les lieux, ils ne s'étonnèrent point des regards en coin que leur dardaient les autres usagers de la bibliothèque. Le boréalin n'en avait cure, et il espérait en son for intérieur qu'il en serait de même pour la jolie sanderrienne.

Une fois dehors les deux compères ne tardèrent pas à trouver leur bonheur. Un établissement justement nommé, le Café-in mais qui se vantait d'avoir la plus grande collection d'arabicas et de robustas du monde, mais aussi de servir d'autres boissons chaudes comme des thés et des chocolats bien que les assortiments soient bien plus modestes. Un serveur habillé à la mode de Parisse, enfin d'avant la guerre civile, installa le drôle de couple à une jolie table en fer forgé couverte d'une nappe à carreaux rouges et blancs, apporta deux cartes, prit diligemment la commande et fila entre les tables avec toute l'aisance propre à sa profession.

Pendant l'attente, le légiste continua la conversation là où ils l'avaient laissée dans la bibliothèque : avec moult questions en suspens.

« Je viens de North Blue tout comme vous. De Boréa pour être précis. Et je me suis engagé dans la voie de la médecine depuis ... pfioouu ! Presque dix-huit ans ! »

Hayden n'ira pas plus loin, non pas qu'il fut interrompu par un pnj sans nom dont la présence seule tenterait vainement de justifier que cette histoire soit autre chose qu'une discussion, mais c'est le brave serveur qui apporta la commande. Cette halte fortuite permit au coroner de pudiquement éviter son renoncement à la médecine. Et pour remercier l'impromptu, il paya. Cette galanterie n'était pas l'expression d'un quelconque patriarcat. La femme en face de lui était forte et financièrement indépendante. Régler la note était plus l'expression du plaisir qu'il prenait à partager un café qu'il ne rallongerait pas de Whisky bas de gamme et d'une conversation avec une personne belle est bien vivante. Même si, avec la vie qu'elle avait décider de mener, elle risquait malheureusement de finir sur sa table d'autopsie. Mais avant ça :

« Vous avez choisi une vie bien agitée, mademoiselle Erwolf. Juste Ambassadrice du Royaume n'était pas assez ? »
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Robina était attablée avec Hayden à la petite table. Les livres pouvaient attendre, ils ne s’enfuiraient pas. Elle attrapa sa tasse de chocolat et but une gorgée. Elle n’avait jamais été amatrice de café. Le monde autour d’eux semblait si paisible, elle était bien contente d’avoir trouvé un moment de calme dans cette vie aussi mouvementée.

— Je ne suis devenue ambassadrice qu’il y a peu de temps. Elle s’installa un peu plus confortablement dans sa chaise. Pour le reste, je ne fais que visiter l’Univers qui m’entoure. Nous allons sur l’Archipel Vert, c’est une terre sauvage tropicale. Nous allons y effectuer un arrêt pour remplir les réserves de bois de mon navire. Elle sourit en se penchant en avant. Je vais bientôt partir pour la route de tous les périls. Une belle aventure en soi.

Elle attrapa la soucoupe et la leva pour porter sa boisson à ses lèvres.

— Mais j’y pense. Vous avez bien dit que vous veniez de Boréa ? Elle le regarda du coin de l’œil. Qu’est-ce que cela fait de n’être que la deuxième meilleure île hivernale de North Blue ? Elle s’installa en repassant ses cheveux derrière les oreilles. C’est bien connu que le Royaume-Archipel de Sanderr est supérieur.

Et voilà, la vieille rivalité entre les deux îles hiémales qui se réveillait. Très fière de son pays natal et de ses origines, la cuisinière ne manquait jamais une occasion de mettre en avant Sanderr. Surtout si elle pouvait envoyer une pique ou deux à un Boréalien. Toutefois, elle ne devait pas se laisser emporter, elle était une politicienne maintenant, après tout.

— Désolé, les anciennes habitudes ont la vie dure. Elle posa son coude gauche sur la table. Vous dites que cela fait aujourd’hui dix-huit ans que vous êtes médecin ! Vous devez avoir une belle expérience alors. Vous vous entendriez bien avec Apolo. C’est le docteur à bord de mon navire, l’Iceberg. Il est plus âgé que vous, il ronchonne beaucoup, mais il a le cœur sur la main.

Elle regarda les passants tout autour d’eux pendant un instant. La vie sur la nouvelle Ohara était bien paisible. Elle se sentait bien ici, elle aurait pu rester très longtemps sans se lasser, malheureusement d’autres projets l’attendaient.

— Sinon, pour l’agitation, je dois bien avouer que je m’en passerais sans soucis. Elle souffla en repensant à toutes ses aventures. Je ne suis pas une combattante normalement. Je suis cuisinière avant tout. J’espère pouvoir avoir une vie plus tranquille à l’avenir.

Toutefois, l’avenir lui prouvera que non.

— Et vous alors ? Elle eut un léger sourire. Vous avez des projets pour plus tard ? Car je parle de moi, mais je ne suis pas la seule dans la conversation. Dites-m’en plus sur vous.
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« Moi? »

Le teint hale du médecin rosit légèrement qui se marrie fort bien avec l'expression de surprise sur son visage. Avec une personnalité comme la sienne, on aurait du mal à le croire pudique. Et pourtant, il était la personnification même de l'expression "il ne faut pas se fier aux apparences". Lentement, il porte la tasse de café à ses lèvres, en respire profondément l'arôme puis finit par reposer sa boisson délicatement sur la table sans en avoir bu une goutte. Derrière ses lunettes rondes, le regard du boréalin s'était comme enfui dans son passé. La douleur, malgré le temps qui passe, était toujours aussi vive. Eden, son âme sœur, lui manquait terriblement. Une grande respiration plus tard, le médecin essaya de répondre, mais, les mots restèrent coincés dans sa gorge. Une lampée de café plus tard, la voix forte et grave du légiste sortit enfin;

« J'ai étudié la médecine sur l'île de Drum entre 16140et 1622 au K.M.C. Et j'ai assisté à la bataille entre la Révolution et la Marine. C'est alors qu'une personne qui m'est chère a été blessée et j'ai tenté de la sauver. Malheureusement, j'ai … » Sa voix s'étrangle légèrement, à cause de l'émotion. « Je n'ai pas réussi à la sauver. »

Les traits du médecin s'étaient comme affaissés et ne laissaient plus place qu'à une sorte de sourire triste.

« Depuis j'officie en tant que croque-mort. Avec eux, pas de risque que fasse des dégâts. »

Dit-il dans une vainte tentative de faire de l'humour pour alléger l'ambiance.
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Robina écoutait le médecin expliquer d’où il venait. Elle souriait légèrement, elle ne se serait pas attendue à une telle rencontre. Elle leva un sourcil en entendant la suite, il avait abandonné son travail pour devenir croque-mort. Pourquoi ? La question lui brûlait les lèvres, pourtant elle se retint de la poser. Elle ne connaissait pas l’homme depuis assez longtemps pour se le permettre. Elle but une nouvelle gorgée pour cacher son embarras. Elle avait eu une piste, il n’était pas le moment de creuser plus loin.

— Vous n’avez pas besoin d’en dire plus monsieur Kill. Elle finit sa tasse et leva la dextre pour appeler un employé. Je ne comprends pas votre tristesse, mais je suis certaine que vous arriverez à la surmonter. Elle lui posa la main sur son avant-bras. Il y a toujours quelqu’un pour vous aider à reprendre le chemin. Il est normal de faire une pause ponctuellement. Il ne faut juste pas oublier de repartir.

Un serveur s’avança après avoir vu le signal qu’avait envoyé la cuisinière. Il claqua des talons en s’arrêtant devant leur table. Il regarda alors la Sanderrienne dans les yeux.

— Que puis-je faire pour vous, mademoiselle ? Le barman lorgnait la jeune femme d’une œillade accusateur, elle n’avait rien à faire ici selon moi. Même s’il n’en disait rien.

— Je vais régler la note, merci de nous apporter l’addition s’il vous plaît. Loin de s’en offusquer, la chasseresse de primes n’y fit même pas attention. Je vous remercie, vous pouvez disposer.

Le pingouin aurait voulu répliquer, néanmoins l’étiquette l’en empêchait. Son renvoi l’avait blessé dans son orgueil. Il se retourna sèchement avant de partir vers le comptoir pour demander le montant à payer.

— Où en étions-nous alors ? La capitaine des Glaciers se prit le menton avec sa main gauche pour réfléchir et se remémorer les derniers évènements. Oui ! Vous disiez être dans les pompes funèbres, pour quelles raisons être venu sur la Nouvelle Ohara pour des ouvrages de médecines ?
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Hayden aurait voulu payer l'addition. Non pas pour mettre une quelconque pression patriarcale sur la chasseuse de primes, mais plus pour montrer qu'il avait apprécié leurs échanges. Ceci dit, il savait très bien quelle était sa situation financière, et il n'avait aucun mal à imaginer le train de vie d''une chasseuse de primes renommée comme l'était Robina Erwolf et qui en plus était une diplomate du Royaume de Sanderr ! Ceci dit, il appréciait le geste car, contrairement à ce que son embonpoint laisserait penser, le légiste était loin de rouler sur l'or. Et comme la fille aux cheveux bleus a eu la délicatesse de lui payer un café, il se voyait mal ne pas répondre à sa question.

« Je suis en effet thanatopracticien, mais je fais aussi des autopsies afin de déterminer les causes du décès et d'aider les proches à faire leur deuil. C'est un domaine passionnant qui nécessite beaucoup de rigueur et de curiosité. »

La voix de légiste s'était faite plus enflammée.

« C'est comme faire des enquêtes ! Et ça nécessite des connaissances médicales et scientifiques extrêmement pointues. C'est pour ça que je suis ici, pour lire les dernières publications des Toubib 20. »

En effet, autant, les médecins sont de grands scientifiques qui aiment repousser les limites de la science, autant ce sont de grands narcissiques qui aiment surtout le montrer ! Et quoi de mieux que de publier les fruits de son travail pour se faire mousser auprès des collègues ? Et quelle meilleure façon pour Hayden de se tenir au courant des dernières avancées médicales ?

« C'est le nec-plus-ultra de la recherche médicale accessible à tous ! » conclut le docteur Kill avec emphase.

Et mine de rien, cette conscience professionnelle honorait le légiste, mais elle montrait aussi qu'il n'avait évidemment pas renoncé à soigner, contrairement à ce qu'il disait.


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Robina écoutait attentivement ce que lui disait le thanatopraticien. Il continuait ses recherches en médecine pour mener des enquêtes. La cuisinière ne comprenait pas exactement comment examiner un corps pouvait en apprendre plus que s’il s’était pris une balle ou un coup de sabre. En n’en montra cependant rien, par politesse pour son compagnon, elle le suivit avec soin jusqu’à la fin. Ce fut sur ces dernières paroles que le serveur revint avec la douloureuse.

— Monsieur, voici l’addition. Il se pencha et déposa la note à côté du légiste.

— Nous vous remercions. La Sanderrienne commençait à s’agacer du comportement de l’homme qui s’occupait d’eux et elle se faisait comprendre. Elle attrapa fermement le rond de métal retenant la fiche résumant les consommations. Comme je le disais à monsieur Kill, je vais régler ! Elle sortit plusieurs billets de dix mille berries et les glissa sous une lamelle prévue à cet effet. Vous devriez avoir le compte. Merci de me rendre la monnaie. Elle foudroya le machiste du regard.

Elle se détendit en le voyant disparaître à l’intérieur de l’établissement. Elle avait pris du plaisir à le remettre à sa place. Elle avait hâte de découvrir ce qui allait se passer par la suite. Elle vérifia que ses cheveux étaient bien attachés en catogan derrière sa tête avant de redémarrer.

— Désolé, mais cet homme m’insupporte par son comportement depuis le début. Elle souffla pour relâcher le peu de pression qu’il restait. Je vous rassure, je ne suis pas comme ça avec tout le monde. Elle ricana doucement. Toutefois, je suis certaine que vous vous entendriez bien avec mon médecin de bord, le docteur Apolo. Il a travaillé toute sa vie sur le Royaume-Archipel de Sanderr et profite de l’occasion pour expérimenter des aventures à mes côtés.

Elle attendit un petit instant pour que l’homme comprenne de lui-même ce qu’elle voulait dire par là.

— Je suis sûre que vous pourriez vous raconter beaucoup d’histoires entre vous. De votre travail. Et je serais plus qu’heureuse d’avoir un deuxième médecin à bord pour s’occuper des malades.
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Le médecin se redressa brusquement sur sa chaise, et regarda la chasseuse de primes avec intensité. Derrière le verre de ses lunettes, Hayden réfléchissait, les yeux du légiste semblaient vouloir percer ceux de Robina, s'enfoncer jusqu'à son cerveau et comprendre les raisons de cette invitation. Sa mémoire ne lui faisait pas défaut : il lui avait clairement dit qu'il ne s'occupait plus des vivants. Il aurait du être irrité de ne pas avoir été compris, mais c'était tout le contraire ! La sanderrienne lui accordait sa confiance, et il en était plus que flatté. De sa maint droite, il rabaissa légèrement son chapeau pour couvrir son regard qui commençait à perler d'émotion.

« Ce serait avec plaisir ! »

Hayden était le genre d'homme qui accorde beaucoup d'importance aux mots et à leurs poids. La proposition de Robina l'honorait. Et pour la remercier, il allait donneur le meilleur de lui même pour se montrer digne de la confiance que la jeune femme aux cheveux bleus venait de lui accorder. Ceci dit une question bien plus pratique venait de lui traverser l'esprit.

« Maintenant qu'on est dans la même galère, dois-je vous appeler capitaine, capitaine ? »

Le serveur revint avec la monnaie qu'il déposa sans enthousiasme sur la table, coupant la conversation. Mais au lieu de s'en aller, le malotru restait là, planté comme un piquet, sans doute dans l'attente d'un pourboire. Quel toupet! pensa le médecin, dont l'ire grandissait à vue d'œil. Lentement, Hayden se leva, montrant qu'en plus d'être sujet à l'embonpoint, il était aussi très grand. Surplombant l'indélicat, le docteur chercha dans sa poche et força dans la main du serveur un objet, puis fit résonner sa lourde voix.

« Ce n'est pas un pourboire au cas où vous pensiez en mériter un. C'est un prospectus pour la Grande Bibliothèque, vous devriez y aller et consulter un ouvrage sur les bonnes manières, ces dernières vous font cruellement défaut. »
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Elle se leva de la table en prenant la monnaie.

— Oui, maintenant, ça sera capitaine pour vous. Elle mit l’argent dans sa poche avant de partir de l’établissement. Nous avons encore des recherches à la bibliothèque si je ne m’abuse.

Robina retourna à l’arbre qui se trouvait au centre de l’île. Ici, elle y dénicha tout ce qu’elle voulait. Elle avait gardé les instructions de la guichetière. Remontant les étages, elle arriva jusqu’aux rayons qui contenaient les recettes de l’Univers. Elle demanda des copies, qui seraient faites dans les prochains jours. Il était temps de rentrer à l’Iceberg.

La cuisinière regagna son galion, il était l’heure de faire à manger pour tout le monde.
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