Marie-Joie, capitale du Gouvernement Mondial, immense cité grouillant de vie. Pour une femme comme Ambrosias, qui était née sur Tanuki, pittoresque île de North Blue comme pour ses moutons, un tel endroit ne pouvait se décrire que par un simple adjectif: gigantesque. Juchée en haut de Red Line, la ville était tel un phare regroupant les plus hautes d'instances de la Marine, du Cipher Pol, mais aussi et surtout, les célébrissimes dragons célestes. Le simple fait de se trouver en pareil endroit suffisait presque à donner le vertige à la militaire. Ici, dans les rues, son petit grade de colonel semblait particulièrement dérisoire. À chaque croisement ou presque, elle voyait des membres de l'amirauté et de hauts dignitaires du Gouvernement. Elle crut même apercevoir le célèbre amiral Tetsuda. Se balader dans une telle ville était déjà compliqué pour Ambrosias, mais voir à quel point elle était peu de choses la faisait réfléchir. Comment ne pouvait-elle pas se montrer humble face au gigantisme de Marie-Joie ?
Arrivée tard, la colonelle en charge de Kikai no Shima avait d'abord découvert l'endroit de nuit. Déjà étonnée d'être convoquée sur place, elle le fut encore plus en apprenant qu'elle serait logé au Grand Marijoa Hôtel. Même si l'endroit n'était plus que l'ombre de lui-même, sa célébrité le précédait. Pour Ambrosias, qui n'était que la fille d'une bergère, l'établissement restait pourtant particulièrement agréable. Même pour elle qui avait appris à aimer de plus en plus les bonnes choses et le confort apporté par l'argent, la suite qui lui avait été réservé était incroyable. Pour les pontes de la cité, les choses auraient bien sûr été très différentes. Après un copieux repas, la militaire était partie se coucher. Malheureusement, elle ne parvint pas facilement à trouver le sommeil. Le fait qu'elle soit convoquée à la capitale, pour y rencontrer, selon le terme employé, une «huile», ne cessait de la travailler. Que pouvait-on lui vouloir ? Cela avait-il un rapport avec la mort de Bradley ? Allait-on la féliciter ou la réprimander pour ne pas avoir été en mesure d'éviter les attentats sur l'île dont elle était responsable ? Sans être d'un naturel stressé, elle devait bien avouer avoir un certain trac.
Le lendemain, la jeune femme quitta l'hôtel en direction du siège de l'État-Major de la Marine. À l'image de Marie-Joie, l'endroit était immense, démesuré même. Ambrosias avait du mal à comprendre pourquoi tout ici avait besoin d'être si grand et si fastueux. Comment pouvait-on dépenser tant d'argent pour du paraître ? Cela n'avait aucun sens à ses yeux. Cependant, bien trop préoccupée, elle ne prêtait pas plus que ça attention à ses pensées confuses. Arrivant à destination, elle donna dans un premier temps son ordre de convocation aux nombreux gardes de l'entrée. Après avoir été fouillée scrupuleusement, elle fut ensuite conduite à l'intérieure, sous le bon œil d'un quadragénaire barbu à l'air désabusé mais qui semblait très professionnel. Sans dire un mot, il guida Ambrosias à travers le dédales d’escaliers et de couloirs. Montant de plus en plus haut dans la structure, il laissa finalement son colis entre les mains d'une femme austère avec des lunettes fines.
« Colonelle Ambrosias je suppose. Vous êtes en avance, asseyez vous ici, le commandeur suprême vous recevra dans quelques minutes. »
Muette, la militaire ouvrit légèrement la bouche. Aucun son ne sortit de sa bouche. Plantée sur place, elle fit froncer la secrétaire des sourcils. Le regard noir de la femme l'enjoignit à obtempérer rapidement. Son cœur se mettant à battre la chamade, la manchote n'arrivait pas à comprendre ce qu'elle faisait là. Elle s’attendait à un entretien avec un vice-amiral ou au mieux un amiral, pas le commandeur suprême. Cela n'avait littéralement aucun sens. Pourquoi un homme tel que lui perdrait du temps avec elle ? Sa jambe se mettant à trembler, les minutes qui passèrent lui semblèrent durer une éternité.
« Vous pouvez y aller. »
Se relevant d'un geste vif, la militaire ouvrit de grand yeux. Tâchant de contrôler son stress, elle prit une très longue inspiration. Serrant le poing, elle souffla pour se donner du courage avant d'avancer. La secrétaire ouvrit la porte et Ambrosias entra. Le bureau était immense et magnifique. Derrière le meuble où se trouvait Mallory Gentry, une sublime baie vitrée offrait une vue d'exception sur tout Marie-Joie. Se mettant au garde à vous en faisant claque sa main contre sa cuisse, la jeune femme enchaîna rapidement avec un salut.
« Mes respects mes honneurs, Commandeur Suprême, Colonelle Ambrosias, à vos ordres. »
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