Le Trésor de la Pyramide

Mouillage dans une crique d'Alabasta, 1628.

Glissant la main le long du rebord mal raboté du bastingage, le Capitaine des Faucheurs se délecta de l'air salin. La brise du large caressait avec douceur les arrêtes de son crâne tanné par le soleil. Les dunes n'emprisonnaient plus son regard, au loin l'immensité bleu s'offrait enfin à lui. La marche avait été longue avant de pouvoir revenir goûter à ce spectacle. Si les déserts avaient freiné leur avancé à l'allée, le retour avait été pire encore. La plupart des hommes avaient survécu aux pièges du labyrinthe finalement, il lui avait suffi d'attendre quelques jours aux pieds de la Pyramide et ils avaient rappliqué comme des morpions par petits groupes. Cependant le retour des ouailles aux grands jours avaient révélé bon nombre de blessés. Le Capitaine s'était chargé d'en amputer un à froid. C'est donc une bande d'éclopée qui avaient repris la route du désert. La caravane avait mis du temps à revenir avec des éléments dénués de compassion. Quelques hommes manquaient, mais le gros du groupe était de retour. Le trésor lui se faisait discret. Un raclement de gorge dans son dos le lui rappela qu'un peu mieux.

- Cap'taine, les gars attendent plus que vous.
- Ah ouai ? Et je dois en avoir quelque chose à foutre ?
- ... Sans doute pas grand chose Cap'taine.. Mais si on veut se prendre la marée, de mon avis ils ont mieux à faire qu'attendre le cul par terre que vous vous pointiez.. Cap'taine.. Un moment qu'ils rongent leur frein. Maintenant que s'êtes là, ils veulent voir avec quoi.
- Curieux aussi Monsieur Bart ?
- Je dois bien avouer que j'serais pas contre voir pourquoi j'ai pris la mer sur ce rafiot aussi... Puis j'aimerais pas que l'équipage en vienne à penser vous faites pas le fier après avoir prêché pour un trésor qui existait pas.
- Hé hé.. Je vois que ça cogite toujours dans cette sale caboche.
- On essaye... Capt'aine.. On essaye..
- Bien, très bien. Fais donc apporter le sac avec le butin et voyons ce que le sort nous a réservé !

Délaissant enfin l'horizon et les prochains projets entrain de germer dans son crâne, le Capitaine du Hellhest passa devant le quartier-maitre entrain de beugler ses ordres et s'avança vers son armée. Tapant du pied pour l’accueillir, le grondement du bord martelait le rythme. Ouvrant les bras comme pour saluait la foule de briscards, des acclamations fusèrent. Tout le monde était sorti sur le pont pour une fois. Même la face de phacochère du cuisinier Boll avait quitté sa cambuse malodorante. Les hommes heureux de gueuler s'arrêtèrent quand un unique sac racla le plancher avant de libérer son précieux contenu aux pieds de l'assemblée. Les promesses d'un trésor démesuré étaient encore dans tous les esprits, la déception se lisait sur les visages. Les grognements et messes basses dédaigneuses reprirent de plus belle. Le sentiment d'avoir été flouté planait. Un de ses airs de mutinerie que le sourire coutumier du Cavalier temporisa. Un sourire de glace.

- Vous en faites de ces têtes dis donc. Vlà de belles pièces qui partirons sans problème à un bon prix hé hé !
-  J'vois pas les montagnes d'or..
- Ouai, ni les cascades de rubis qu'vous parliez...
- Chiure de mensonges..
- Surveille ta langue Boll, ou tu nous la serviras pour diner !
- ...
- Héhé je vous ai promis une Pyramide débordante d'or et je vous l'ai offerte sur un plateau. Tout comme il avait été dit. Mais notre balance a marchandé la carte qu'on devait se garder pour nous. Dites leur vous autres le monde qui  nous y attendait.
- Ouaif.. Vrai qu'une centaine était là bas avant nous.
- Je confirme.
- Exactement, mais ça nous a pas empêché à plonger dans ce nid à vipères quand même. J'ai été plus bas que les autres, et encore là il y avait du monde. Mais pas du même genre cette fois...
- De quelle genre.. ? Des fantômes ?
- Des fantômes qui me dit l'autre ? Héhé !

Un rire entendu secoua l'équipage hameçonné par le récit de leur Capitaine. La tension semblait être retombée. Prenant le pirate par l'épaule, le porteur de mort sentit le frémissement qui en résultat. N'en tenant compte, le Cavalier balaya le vide comme pour dépeindre un tableau et poursuivit sous l'attention de l'auditoire avide d'histoires à raconter.

- Je leur aurais juste passé au travers si ça avait été que des fantômes. Nan ! Plus du genre qu'on croit pas sans le voir. Du genre qui sort d'on ne sait où et d'où on ne veut pas savoir si vous voyez ce que je veux dire. Des acquiescements entendus soulignèrent ses paroles. Pas un ne pipait mot, mais tous se laissèrent aller à le penser. Des relents de cauchemars surveillaient le magot. D'un nombre qu'on ne pouvait compter, avec des créature qui vous auraient tous bouffés pas moins bien que du trognon de pain. Mais bien que seul, les autres gars perdus dans la labyrinthe, j'y suis allé toujours plus bas. Des scorpions faisant la taille de ce navire, avec des carapaces plus dures que l'acier que j'ai du crever pour passer. Et d'autres que je saurais même pas vous nommer. Puis il y a encore eu une armée immortelle que j'ai du bastonner pour atteindre l'or. Pas des tendres ceux là, j'avais beau les trancher comme je voulais qu'ils se relevaient sans fin. Mais je suis quand même passé, j'ai pris ce que je pouvais porter et me suis tiré pendant que le château de cartes s'écroulait sur mon dos. Bien galéré, mais me vlà maintenant avec vous et le trésor que vous avez là. Dirais qu'il vaut combien sur terre Monsieur Bart ?
- Humpf... Je vois une statuette de cheval avec des rubis, quelques pièces d'or et un coffret de belle taille. Que de l'or massif... On peut tabler sur du 20 ou 30M à vu de nez.
- Tu nous feras pas partir ça pour moins 30M. Qu'un premier dû que je vous offre là et quel dû ! J'vous rappelle que vous ai tiré de la rue à Dead End. Encore entrain d'y crotter le trottoir il y a pas deux lunes. La première tournée sera pour moi sitôt à terre !
- OUAI !!!
- Et pas de la vinasse héhé !
- HOURA AU CAPITAINE ! VIVE LES FAUCHEURS !!!

Comme une tempête par jour de grands vents, les tensions avaient fait place à une franche camaraderie. Ils avaient l'or et leur Capitaine leur avait donné de quoi être fier de l'équipage des Faucheurs. De l'or et du rêve, tous ce qu'il faudrait à une bande de pirates pour profiter de leurs prochains jours à terre. Un reniflement de ce qui servait de mousse, un vieillard à moitié sénile, les rappela à un oublie.

- Dites les enfants, faudrait pas voir ce qu'à le coffre d'ailleurs ? Moyen qu'on y trouve encore quelques pierres p't être...
- S'avez entendu le monsieur ?! Ouvrez moi ça !

Joignant le geste à la parole, le quartier maître s'en chargea avec l'un de ses fidèles. Ils mirent de longues minutes à crocheter la serrure dans un silence pesant. Enfin le couvercle se souleva et le Cavalier se sentit de nouveau attiré par l'atmosphère qui s'en dégageait. A l'intérieur pas d'or, pas de pierres précieuses... Rien. Si ce n'est un simple fruit qui captiva l'attention de toutes les âmes sur le navire. Seul dans un coffre se voulant dater des anciens temps, il avait quelque chose de mystérieux.

- ...
- Quoi juste un putain de fruit ?
- Curieux, la serrure m'a pas l'air si vieille que ça au final.
- Moins qu'une pyramide t'veux dire ?
- M'en à tout l'air...
- Possible qu'on l'ai caché dans la pyramide après coup. Ou alors un maléfice a gardé le tout en état. Pas moyen qu'un simple fruit est tenu si longtemps parmi les vieilleries que j'y ai vu sinon...
- Je sens pas cette affaire moi..
- Gruik gruik gruik  ! Regardez moi cette bande d'abrutis, s'avez jamais entendu parler des fruits du démon ? Jamais vu chiures pareil et ça se dit pirates Gruik ! Gruik ! Verriez pas le One Piece s'il vous tombait sous la semelle !
- C'est un fruit du démon !!
- On va se blinder les fouilles à la revente !
- On est riche mouahahah !
- Au moins celui là, il transformera pas en un gros porc hein Boll ?!
- Gruik !!! Répète pour voir quand je te fracasse la gueule toi ?!!
- Merde retenez ce con, Boll refait des siennes !
- GRUIIIIKKKIK !!!!

Alors qu'une partie de l'équipage s'agrippait à l'homme-porcin qui n'en avait cure, tout en évitant le balai de ses coups de sabots balancé à tout va et que le petit plaisantin à quatre de patte fuyait la colère du coq en passant sous les jambes, le Cavalier lui pensif ne lâchait pas du regard le mystérieux fruit. Sans ciller, il se laissait happer par sa contemplation. Il ne faisait aucun doute qu'un bon butin se dégagerait du fruit, profitable à tout l'équipage. L'agitation lui sembla bien lointaine quand il tendit le bras pour saisir le mystérieux fruit. Il était resté juteux... Une pensée lointaine lui susurrait à l'oreille qu'il n'avait pas été caché au fin fond d'une pyramide sans raison. Une autre lui laissait entendre que ce n'était pas sans raison non plus qu'il s'était trouvé sur sa route. Était-ce le fameux Destin à l’œuvre, que les vieilles langues aimait parfois évoquer le nez dans un pichet de rhum ? Alors qu'autour on commençait à sortir les armes, le vieux pirate planta ses crocs et arracha une belle portion de sa prise. Et malgré le goût infect, n'arrêta pas avant qu'il n'en reste plus le moindre morceau. Autour tout le monde s'était arrêté ébahi par la scène. Ne sachant que dire, la mâchoire touchant le sol sous la stupeur.

- Ouai.. Encore plus dégueux que la merde que tu nous sers Boll...