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Le Baron Crimson et le Sundance Kid

Quelque part sur Las Camp, durant l’année 1623

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Chapitre 2 : Le Baron Crimson et le Sundance Kid



Difficile de croire qu’aujourd’hui, le Sundance et moi sommes compagnons de route. Au départ, rien ne laisser présager cela. Lui un gamin de douze ans, à peine et moi, encore amateur dans ma nouvelle passion de la poudre noire. Cette rencontre, qui a eu lieu il y a de cela six ans maintenant, est inoubliable.

Le destin est-il écrit à l’avance ? Moi qui étais solitaire contre mon gré durant toute mon enfance, j’étais prédestiné à l’être durant toute ma vie. Cependant, voilà, il aura fallu une rencontre pour remettre en cause toute une réflexion autodestructrice que je me faisais durant des années pendant lesquelles je me disais que je n’avais aucune utilité un certain temps, puisque j’étais et serais seul durant le restant de ma vie.

Cette soirée durant laquelle je m’étais mis en accord avec moi-même sur ce qu’allait être le premier jour du reste de ma vie remontait déjà à quatre ans. La colère ne s’était pas encore diluée avec le temps et encore moins mon impulsivité contrairement à ce que je suis devenu plus tard.

Machinalement, je préparais mes sacs de poudre noire à la même heure. Cette poudre que je volais une fois par mois lorsque la cargaison mensuelle de la marine arrivait et dont une relève de garde laissait une ouverture de cinq minutes durant laquelle je devais me précipiter pour me rendre sur le bateau et prendre le matériel dont j’avais besoin. A cette époque, j’étais seul et ne pouvais me contenter d’à peine une action par mois car, malheureusement, je n’étais qu’un humain qui ne portait que deux bras. Ainsi, la quantité que je prenais était plus que limitée. Et je ne compte même pas le temps passé à gagner ma croute, mes actions ne me rapportant rien. Le recyclage était ma seule source de revenu. Le seul point positif que je pouvais soustraire de tout ça était que je gagnais bien plus que l’époque ou j’étais sous la houlette d’Archibald Blueberry.

Fort heureusement, Las Camp est une île putride visuellement, olfactivement, mais aussi psychologiquement. Les coups d’éclats de toutes sortes y étaient monnaie courante. Je vous laisse les nommer : Mutinerie d’une petite garnison envers un capitaine qui s’est endetté envers ses subordonnés, règlements de comptes en pleine rue entre membres d’organisations différentes, rapt d’enfants et de femmes pour revente sur d’autres îles et j’en passe. Dans tout ce raffut, il était impossible de détecter des actions néfastes répétées par un seul individu. Mes actions n’étaient que des nuisances parmi tant d’autres, ainsi, un marin disparu par-ci ou une explosion d’un petit quartier général de malfrat par-là ne permettaient pas de corréler ses dernières entre elles.

La question était pour moi de savoir quel était l’intérêt de continuer mes actions si finalement je ne pouvais faire de revendication étant donné que je n’étais pas recherché ? La réflexion était complexe. Je me demandais si Las Camp était de toute façon peine perdue dans ce monde et qu’elle était finalement condamnée pour l’éternité à ce statut quo et que donc, pour mener à bien mon action et faire entendre ma voix, je me devais peut-être de quitter l’île. C’est une réflexion qui me prenait à cœur même jusqu’au jour de ma rencontre avec le Sundance.

D’ailleurs cette journée en était une comme d’autres sur l’île de Las Camp. En pleine après-midi, je m’abreuvais dans mon comptoir fétiche, j’ai nommé « Le Crimson ». Le sentiment du travail bien fait dans la tête car un peu plus tôt dans la journée, je quittais le cellier du « Trafalgar Triangle », le commerce d’un prêteur sur gages véreux, Mycroft Baker. Mon retardateur mis en place, ma poudre noire parsemée dans divers coins du cellier avec un rayon d’explosion réglée sur un angle pour faire le maximum de dégâts à Baker, je quittais ce cellier environ deux heures plus tôt pour un feu d’artifice qui allait avoir lieu désormais dans dix minutes. Le Crimson n’était qu’à deux pâtés de maisons de la future scène de crime.

Mycroft Baker n’était pas une cible anodine. Par le biais de divers renseignements que j’avais obtenus en espionnant et en soudoyant, j’avais compris la combine qu’il avait mise en place avec six officiers de la marine afin que son entreprise puisse prospérer sur le dos de pauvres gens ayant recours à ses services par désespoir pour certains ou par obligation pour d’autres. La stratégie était la suivante : Lorsqu’une personne mettait en gage un objet qui lui tenait à cœur, Mycroft et ce dernier se mettaient d’accord sur une durée pendant laquelle l’objet serait gagé avant de lui appartenir définitivement une fois le délai dépassé. Une fois qu’ils s’étaient serré la main, et que la victime s’en allait, Mycroft prévenait l’un des six officiers dans le coup pour que celui-ci trouve une raison quelconque pour mettre la victime en prison le temps que la durée du gage soit passée et que le pauvre désespéré ait perdu son objet pour toujours sans aucun recours possible. Non seulement le marché conclu de base était très en faveur de Mycroft qui remettait une somme d’argent misérable pour un objet mis en gage qui valait le triple, mais en plus la victime se retrouvait en prison et perdait son objet. Vous comprendrez que la cible était toute trouvée pour une petite visite du Baron Crimson.

Seulement, ceux-là étaient les plus intelligents du lot, en effet, ils n’étaient pas stupides au point d’attaquer 100% des désespérés qui se présentaient au Trafalgar. Environ une trentaine de personnes avaient la malchance d’être parmi ceux touchés. J’avais choisi cette journée pour l’action car je savais que c’était à ce moment de la semaine que notre cher Mycroft faisait ses comptes pour se rendre à l’un des nombreux points de rendez-vous pour remettre à l’officier qui l’a aidé durant le mois précédent à commettre ces viles actions son dû. Je ne pouvais pas faire d’une pierre deux coups en raison de leurs préparation et organisation pour le transfert d’argent. Mais cela ne me dérangeait pas, je me contentais avec joie de Mycroft.


* * *


Il ne restait désormais plus que huit minutes avant le clou du spectacle. Un vacarme à l’extérieur commençait à prendre de plus en plus d’ampleur et en sortant, je voyais des gens fuir dans une certaine direction avec effroi. Ce vacarme se situait à deux pâtés de maisons environ, et plus je me rapprochais plus les rumeurs étaient fortes. Des coups de feu retentissaient également. Je m’approchais d’un badaud manifestement stressé par ce qu’il se passait et qui suivait la situation de loin afin de prendre quelques informations.


- Mais qu’est-ce qu'il se passe enfin ?

- C’e…C’es…C’est au Tra...Traf…Trafalgar Square, un gosse est entrain de dévaliser le propriétaire avec une arme à feu, mais il est encerclé par six marines !


- COMMENT ?

Mon sang n’avait fait qu’un tour, je me demandais comment je pouvais être aussi poissard pour que cette situation se passe au même moment où j’avais choisi d’entreprendre mon action. Très vite, je courais vers le lieu du crime et c’est là que je voyais effectivement six marines, pas n’importe lesquels, les mêmes que j’avais traqués avant de m’attaquer à Mycroft, devant le Trafalgar en impasse sur toutes les sorties. Le gosse dont parlait le badaud était fait, aucune issue sans se faire arrêter ne s’offrait à lui.

En face du Trafalgar, une habitation donnait directement sur la scène qui se tenait dans cette dernière. Je m’étais hissé sur le toit, il ne restait plus que deux minutes avant l’explosion. J’avais devant moi l’entrée de la boutique mais le gosse à l’intérieur m’était difficilement cernable. Le linteau de la porte que je voyais en contre-plongée m’empêchait de voir son visage. Je ne voyais que des mains avec un fusil en main, des jambes tremblotantes mais pas de visage caché derrière cette foutue porte. Ce corps était caché derrière une table et il tenait en joue le Mycroft pour qu’il ne puisse pas agir contre lui.  Je ne pouvais le voir, mais je pouvais entendre une voix, celle d’un enfant rempli de chagrin réalisant qu’il était dans une situation sans issue. Il ne restait maintenant plus qu’une minute avant ce qui allait annoncer sans aucun doute la fin de cette situation ubuesque.


- NON !!! Vous ne comprenez pas, je n’ai pas le choix… Je, Je suis obligé de faire ça … Ma maman, elle ne peut pas … Elle ne pourra pas tenir …

Les officiers corrompus en face de lui essayaient de manipuler le gosse pour qu’il se rende.

- Aller, tu sors de la maintenant et on en restera là ! Ne nous oblige pas à faire feu !

- Si je ne peux pas revoir ma mère alors … ALORS A QUOI BON RESTER EN V…


Le petit ne pouvais finir sa phrase que * Tic Tac Tic Tac Tic Tac * Mycroft attrapa son arme, s’en suivit une très courte empoignade entre les deux.* Tic Tac Tic Tac * Profitant de cette situation d’empoignade, même s’il n’arrivait pas à prendre possession de l’arme, Mycroft attrapa le jeune garçon et le projeta par-dessus la table pour qu’il se retrouve en face des officiers sans aucune table pour le protéger. * Tic Tac Tic Tac * Ni une ni deux, deux coups de feu étaient partis quasi automatiquement de la part des officiers, une pluie d’autres seraient sans doute partis mais …

Spoiler:
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Le silence qui entourait le Trafalgar Triangle, du moins ce qu’il en restait, était anormalement pesant. Déjà parce que Las Camp était une île que ne connaissait pas ce concept, et deuxièmement, parce que cette explosion en particulier était forte. J’avais un peu exagéré sur les dosages, mais que voulez-vous ? Je voulais laisser aucune chance à Mycroft.

Ce jour-là, deux raisons particulièrement exceptionnelles, avaient sauvés Sundance d’une issue fatale à la suite d’un affrontement avec la Marine. La première aussi incroyable que cela puisse paraître, c’était Mycroft qui le balançait par-dessus la table derrière laquelle ils étaient quelques secondes avant l’explosion. Cette table avait servi de protection envers Sundance en prenant la grande majorité de l’impact de l’explosion. La seconde, et je ne dis pas cela pour me jeter des fleurs, c’est moi. Oui, j’étais le seul qui pouvait lire l’avenir à cet instant-là. J’étais le seul qui savait qu’une explosion allait avoir lieu.

Ainsi, lorsque l’horloge annonçait que quelques secondes avant l’issue fatale, je m’étais déjà hissé en bas de cet immeuble. Néanmoins, je me devais d’improviser un moyen pour sortir cet enfant des décombres aux yeux et à la barbe de tous.


Certains pourraient se demander pour quelle raison, par quelle force, j’ai pris cette décision quasi instinctive de porter secours à ce gamin ?  Des années après cet évènement, je n’aurais pas su répondre à cette question. Mais ces années ne m’ont pas empêché de me faire la réflexion et, la raison qui me venait en première en tête était mon égoïsme. Je ne le faisais pas pour lui, mais je le faisais pour moi-même. Parce qu’en sauvant ce gosse, j’avais l’impression de me sauver moi-même à son âge. J’étais aussi perdu que lui à son âge mais je ne le réalisais lorsque je le vivais.

Et puis, ces paroles : « Alors à quoi bon rester en vie ? ».  Pourquoi rester en vie gamin ? Pourquoi ? Tu n’as pas encore trouvé ton but, ta raison de vivre, c’est justement pour cela que tu dois rester en vie.  C’était ça la raison et je m’en étais rendu compte, honteusement, bien trop tard. Mon esprit et mon cœur n’ont fait qu’un à cet instant et ma réaction était aussi naturelle qu’elle pouvait l’être.

Le souffle de l’explosion venait à peine de traverser le corps de tous les protagonistes lorsque je me présentais devant le Trafalgar avec une charrette ornée d’un drap gris épais. La préparation à l’impact m’a permis de prendre les devants et de permettre l’exfiltration du Kid. J’étais dans l’obligation d’improviser quelque chose et, par chance, cette charrette était posée-la. Cela ne me choquait pas lorsque j’y repensais. Cette journée présentait beaucoup d’anomalies déjà. Une de plus ou de moins, cela ne changeait rien.

Les corps choqués par cet impact de l’explosion, le Kid projeté à l’extérieur de la boutique par le souffle, les vitres éclatées des bâtiments aux alentours, c’est dans cet intervalle que je mettais mis à l’action. Ni une ni deux, je prenais le corps quasi sans vie du Kid et le mettais tant bien que mal dans la charrette avant de déguerpir au plus vite. Plus je m’éloignais de feu Trafalgar Triangle et plus les corps que je voyais apparaitre devant moi étaient de plus en plus en forme. Je connaissais les méthodes de la marine et je savais qu’ils étaient rapides à réagir et qu’à un moment ou à un autre, j’allais tomber sur différents régiments en recherche de coupable.

Un grand gaillard aux cheveux rouges en train de se tuer pour pousser une charrette, cela aurait attirer l’œil de n’importe qui. Aussi, avais-je pris la décision de prendre le chemin d’une allée que je savais peu fréquentée pour y déposer la charrette qui avait en son sein un corps qui luttait pour rester en vie. Une fois arrivé à cette fameuse ruelle, je déposais la charrette dans celle-ci et je jetais un dernier coup d’œil sous le drap. Je ne voyais qu’un corps brûlé dans sa quasi-totalité et un visage indécemment boursouflé. Sur le bras gauche et au niveau de l’abdomen, deux impacts de balle. Ces ordures de la marine avaient réussi à le toucher en l’espace d’une seconde qui suivait son vol par-dessus la table par laquelle il était projeté. Avec ce drap qui recouvrait le corps du Kid, j’avais découpé des ficelles pour en faire des bandages de fortune et pansé son abdomen et son bras. C’était tout ce que je pouvais faire à ce moment. J’entendais au loin un raffut causé par l’arrivée de la marine dans le secteur. Je devais m’éclipser au plus vite tout en sachant que lorsque je serais de retour quelques heures après, je pourrais me retrouver en tête en tête avec un corps sans vie. Un dernier regard et je recouvrais le corps avant de m’en aller au plus vite.

Une rumeur qui parcourait la ville me transportait de joie : Deux marines assassinés à la suite de l’explosion d’une boutique dans les bas-fonds de Las Camp. J’avais obtenu un bonus de deux officiers marins, de surcroit ceux qui étaient en relation avec ce bon vieux Mycroft, moi qui ne m’y attendais absolument pas j’en étais ravis. Mais cette joie intérieure ne durait pas longtemps. Deux heures sont passées suite à l’explosion. De fin d’après-midi nous étions passés à début de soirée. Il était temps de se rendre soit au chevet, soit au cercueil de ce gamin. En me faufilant dans différentes ruelles, j’atteignais enfin celle qui m’intéressait. Plus je m’approchais de la charrette et plus mes palpitations augmentaient. Une fois arrivé devant, je soulevais le drap, ou le linceul, pour y retrouver un corps encore plus esquinté que quand je l’avais laissé. J’essayais de ressentir un battement de cœur mais rien à faire, je ne trouvais pas de palpitation. Ce gamin n’était plus parmi nous. Le chagrin commençait à remplir mon cœur et en l’espace de quelques secondes, les larmes coulaient de mon visage. Le nez qui coule, les yeux qui ont du mal à retenir des larmes abondantes, je parlais à ce gamin pour ce qui semblait être le seul éloge funèbre qu’il allait recevoir pour l’éternité.


- Excuse-moi gamin, je n’ai pas pu te sauver. Tu … Tu t’en es allé sans pouvoir vivre ta vie. Je n’aurais pas pu te montrer que celle-ci valait le coup d’être vécue pour les bon idéaux. *snif … EXCUSE-MOIIIIIIIII !

*PLOC*

La bouche encore grande ouverte alors que je prononçais ces paroles, je m’étais figé subitement. Le gamin … Le gamin venait de me cracher dans la bouche. Je n’arrivais pas à y croire, j’avais repris mes esprits très rapidement pour voir si je pouvais ressentir un battement de cœur. Eh oui ! Un battement clair et net se répandait dans ce corps. Sacré Kid. C’était sa manière de me dire de fermer ce clapet et d’arrêter de se morfondre pour des causes qui n’étaient pas encore perdues. C’était comme s’il m’envoyait un message depuis un temps longtemps avancé pour me dire qu’il faut continuer, que tout se passe pour une raison.

Ni une ni deux, je prenais les deux manches de la charrette pour me mettre en route vers les hauteurs à l’est de l’île. Je connaissais un médecin qui s’occupait de rafistoler ceux dans le besoin sans poser de questions. C’était une nouvelle connaissance, je me méfiais un peu de lui mais je n’avais pas le choix, mon médecin habituel, à l’époque ne m’étais plus fiable. Cet imbécile avait failli me mener à la perte de mon bras lors d’une banale histoire de point de suture sur la paume de ma main. Mais ça, c’est une histoire pour un autre moment.

J’arrivais enfin devant cette bicoque. Essoufflé de cette demi-heure de route avec un corps à bout de bras, je me dépêchais devant la porte de celle-ci et je donnais un gros coup de pied pour l’ouvrir. Je n’avais pas pris le temps de voir si quelqu’un s’y trouvait que je retournais au niveau de la charrette récupérer le corps pour l’amener de toute vitesse sur le lit qui allait servir de table d’opération. D’une des pièces adjacentes à celle principale, le médecin faisait son apparition, habitué à ce que des personnes prennent possessions des lieux.

- Deux blessures par balle, une au bras et l’autre à l’abdomen. Touché par une explosion de poudre mais protégé par une table. Projeté tout de même sur une distance de cinq à dix mètres. A vous de jouer, doc.

- Mmmmh, êtes-vous sûr qu’il est en vie ? Il m’a l’air bien pâle pour un simple blessé.

- CE N’EST PAS UN BLESSÉ, TRIPLE ANDOUILLE ! Il vient de me cracher à la gueule il y’a trente minutes environ. Depêchez-vous !


- Ne restez pas planté la pour rien, allez-vous en, cela risque de prendre beaucoup, beaucoup de temps.


Je m’assurais que le gamin était bien pris en charge avant de quitter les lieux, menaçant le médecin du regard. Il ne devait pas se planter sur ce coup-là.

Le Lendemain, après une nouvelle journée de recyclage, je me présentais devant cette bicoque. Je savais que les fins de journées au sein du « Crimson », mon comptoir de prédilection pour m’intoxiquer d’eau-de-vie allaient être une lointaine routine. La nouvelle routine, justement, c’était de me présenter devant cet édifice. Je rentrais directement, et je retrouvais dans un coin de la pièce le médecin endormi profondément et dans l’autre coin, sur le lit, un corps avec le visage recouvert de bandeaux. Ne comprenant pas cette scène, je mettais un grand coup de pied sur la chaise pour que le médecin puisse m’expliquer ce qu’il se passait.

- Calmez-vous, voyons. J’ai terminé l’opération il y a seulement deux heures. C’est bien plus grave qu’il n’y paraît. On pourrait croire que ces deux balles sont les blessures les plus graves mais non, c’est bien cette explosion qui a posé le plus de problèmes. Ses organes internes sont quasiment tous touchés, mais son cerveau est ce qu’il me préoccupe le plus. Il a subi des dommages qui semblent irréversibles. Des micros-fractures ont déformés son visage. Il ne peut plus retirer ses bandages, sinon, une hémorragie cérébrale l’emportera très rapidement. Il pourra toujours voir le monde avec ses yeux à travers les bandages, c’est déjà ça.

J’écoutais les paroles du médecin sans interruptions. L’explosion est ce qui avait causé le plus de dommages dans cette histoire. Cette réalité me hantait dès la seconde ou j’en avais pris connaissance. Le remord me hantais aussi tout autant. C’est cette culpabilité qui m’avait changé mes habitudes en somme. Je me sentais redevable envers un gamin qui n’avais rien demandé. D’où me venait cette hypocrisie de me soucier de l’avenir d’un gamin alors que j’avais sans doute été le responsable de la mort d’autres, peut-être plus jeunes, avant lui ? Je ne sais pas. Je commettais ces choses sans me soucier … Non, sans vérifier plutôt si j’avais fait des victimes collatérales. C’est là que résidait mon hypocrisie en fait, je savais que sans doute, j’avais touché d’autres enfants, d’autres innocents. Mais le fait de ne pas en être sûr à 100% me permettait de me rassurer en quelque sorte. Seulement là, cet après-midi sur l’île de Las Camp, devant le Trafalgar Triangle, je voyais de mes propres yeux un innocent subir les conséquences d’actions d’autres personnes haïssables, moi compris.

Je n'avais pas le temps de réagir aux paroles du médecin qu'une voix familière à l'extérieur hurlait pour rompre la tension qui subsistait dans cette fameuse bicoque.

- MONTÉSINOOOOOOOOOOOS !!!! SORS DE TA PUTAIN DE CACHETTE !!!
En cours (2/3)


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Mon dépit était encore plus grand que ma préoccupation qui concernait le Kid. Cette voix-là, c’était celle de cette ordure d’Ignacio Nefertiti. Nous avions un passif, lui et moi. Je ne le portais pas dans mon cœur malgré le fait qu’il m’ait sauvé la vie d’une mort certaine. C’était un médecin, du moins, c’était ce qu’il s’égosillait à dire à tous bouts de champ à qui voulait bien l’entendre. Pour ma part, je le soupçonnais seulement d’être chanceux d’avoir réussi cette opération qui m’avait sauvé la vie. Je me souviens encore aujourd’hui de la stupéfaction qu’il affichait lorsqu’il m’avait vu me réveiller d’un long coma de trois semaines. Il avait cette lubie de vouloir être appelée « Dieu » juste parce qu’il m’avait sauvé la vie. Je pensais aussi être la première personne qui avait eu la chance d’avoir été une opération réussie à la suite d’un passage sur le billard.

Ignacio avait la cinquantaine, cheveux grisonnants. Un regard très perturbant et un problème psychologique évident en échappait. Lorsque j’ai fait sa connaissance dans ce qui servait de salle de réveil, je n’avais pas d’autre choix que de remercier celui qui m’avait sauvé la vie, c’était tout ce qu’il y' avait de plus naturel. D’ailleurs, notre relation durait depuis de nombreuses années jusqu’à quelques mois avant l’histoire de Trafalgar Triangle. J’avais découvert que non seulement Ignacio traitait mes blessures, mais en plus, il en profitait pour faire des expérimentations sur mon corps. Il avait mis en place ce cercle vicieux ou ses expérimentations pouvait me causer comme effets secondaires des troubles de la concentration, de la vision, et donc je commettais des erreurs qui finalement me causaient du tort et des blessures et ensuite rebelote, retour à la case cabinet du docteur Ignacio Nefertiti. La découverte de ce cahier m’avait rendu fou de rage. Lorsque j’avais confronté Ignacio à cette découverte, s’en est suivi un combat entre nous deux dans lequel le médecin avait perdu un œil.

Je ne savais pas comment cette ordure avait retrouvé ma trace. Mais il fallait se rendre à l’évidence, la confrontation semblait inéluctable. Je sortais de la pièce pour me retrouver à l’extérieur, devant Ignacio.

-  Qu’est-ce que tu me veux Ignacio ? Ce n’est ni le moment ni l’endroit de m’emmerder.

- MONTESINOOOOOS ! Alors comme ca tu oses passer voir un vulgaire boucher plutôt que moi, ton Dieu, celui qui t’a sauver la vie ???

- LACHE MOI LA GRAPPE AVEC CETTE HISTOIRE DE DIEU TU VEUX ? Tu sembles oublier ce qui s’est passé quelques mois avant, Ignacio ? Pourtant je vois bel et bien un cache-oeil là, non ?

- Je ne peux que te remercier pour ça, mon Montesinos, je suis plus en vie que jamais maintenant !!! Tu as assouvi cette volonté d’automutilation que j’avais depuis que j’ai arrêté cette mauvaise habitude il y a maintenant trois ans. Maitenant explique-toi, pourquoi n’a tu pas demander de l’aide au meilleur des chirurgiens de tous les Blues confondus ?

- Comment le meilleur des chirurgiens de tous les Blues ne peux-t-il pas se rendre compte des actions et conséquences qui en découlent ? T’as vraiment un pète au crâne mon pauvre vieux, et ce fichu carnet d’expérimentation qu’est que tu en fais ?

- HA HA HA HA HA HA ! Mon pauvre Monté. Je n’avais pas le choix, vois-tu, notre monde a mis en place des barrières pour éviter tout progrès, toute avancée pouvant permettre de sauver un grand nombre de personnes d’un coup. Je n’ai fait que mon devoir de conscience en testant mes différentes cures sur ton corps. Est-ce la ton seul reproche à me faire ? Tu parles d’un révolutionnaire à la mords-moi-le-n….


Il n’avait pas le temps de finir sa phrase que j’étais déjà à son niveau à lui mettre un coup de pied retourné au niveau de la nuque. Ce coup l’avait instantanément assommé. Le médecin du Sundance sortait de la pièce à son tour à la hâte et me faisais signe de rentrer tout de suite, en agitant tous ses membres de manière incontrôlable. Je prenais le corps inerte d’Ignacio pour le faire rentrer à son tour et j’indiquais au médecin de le mettre dans un lit à côté, tout en l’urgeant de lui donner des sédatifs afin qu’ils puissent se réveiller le plus tard possible. Mais je n’avais pas terminé ma phrase que le médecin m’indiquait que le gamin essayer de dire quelque chose.

- Maman … Ma … Man … Mam… An…

- Qu’est-ce qu’il se passe gamin ? Qu’est-il arrivé à ta mère ? Comment est-ce que je peux t’aider ?


Silence radio. Le gamin s’était rendormi et impossible de lui soutirer la moindre information. Je profitais de ce retour au calme pour m’occuper d’Ignacio. Le soir venu, j’avais pris Ignacio sur mes épaules, lui qui était toujours endormi suite à l’effet des sédatifs. J’avais profité de son état pour le hisser dans un bateau de marchandise de passage à Las Camp afin qu’il aille embêter d’autres personnes sur je ne sais quelle île maudite de ce monde. Je savais que cette solution n’était que temporaire et qu’un jour ou l’autre j’allais me retrouver en face d’Ignacio.

C’était au bout de deux semaines qu’une première amélioration se présentait. Pour la première fois, le gamin parvenait à rester conscient. Mais il était mutique, la seule phrase qu’il avait prononcée était pour savoir combien de jours s'étaient écoulés depuis l’incident. Je n’étais pas présent lorsque cette situation avait eu lieu. Mais le médecin m’avait expliqué qu’aussitôt qu’il lui avait donné cette temporalité, le gamin n’avait pu s’arrêter de pleurer. Et, depuis, les pleurs valsaient avec le silence, qui se transformaient aussitôt en pleurs et ainsi de suite. Lors d’un épisode mutique, le premier que j’avais constaté, j’essayais de rentrer en contact tant bien que mal avec ce gamin pour savoir quelle était cette peine immense qui le rongeait.


- Dis … Je ne sais pas quelle est ton histoire mais je sais reconnaître un désespéré lorsque j’en vois un. Sache que tu as en face de toi quelqu’un qui te comprends. Je suis là si tu as besoin de parler. Mon nom est Montesinos Don Mendoza. Et toi … ?

Le silence. Puis les pleurs. Le silence. Puis les pleurs. Cette nuit-là, rien à en soutirer. Je tentais ma chance le lendemain.

- N’oublie jamais que la vie vaut la peine d’être vécue, lorsqu’un but est trouvé. Tu disais dans le Trafalgar Triangle “ à quoi bon rester en vie ? “. Qu’est-ce qui t’a poussé vers ce cheminement ? Je suis là pour t’ôter de tout doutes. Donc, encore une fois, mon nom est Montesinos Don Mendoza. Et toi … ?

Silence radio. Il ne savait pas qu’il avait affaire à un têtu comme il n’en existe pas d’autres. Cette situation durait depuis quelques semaines déjà. Puis un soir comme un autre, le silence mutique de ce gamin m’avait mené à bout. Je réalisais que je n’étais pas aussi dur que je le pensais.

- Je suis désolé, gamin. Désolé pour ce qui t’es arrivé. J’ai une confession à te faire. Je ne suis qu’un hypocrite, cette façon que j’ai de visiter ton chevet tous les soirs n’est qu’un moyen pour moi de faire amende honorable. Je me dois d’être honnête envers toi. C’est moi qui ai causé cette explosion dans le Trafalgar Triangle. Je suis le Baron Crimson, oui, celui qui est aussi responsable de l’explosion du navire de la marine qui s’est passé il y’a maintenant trois ans. C’est ma faute si tu, tu es … Dans cet état.

Je n’arrivais plus à retenir mes larmes.

- Accepte mes excuses, je … Si seulement je savais ce qui allait se passer ce jour-là, j’aurais tout arrêté. TU MÉRITES DE VIVRE ! ACCEPTE MES EXCUSES ET PERMETS MOI DE RÉTABLIR UNE FAUTE … PERMETS-MOI DE T’AIDER DE QUELCONQUE MANIERE QUE CE SO…

- Alexander McAllister.

- QUOI ?

- Mon nom est Alexander McAllister.

- Alexander … Bien ,bien. Et dis-moi quelle est ton hist…

- Merci, Baron Crimson. Merci de m’avoir fait échapper à une mort certaine. J’imagine que je devrais commencer à passer à autre chose maintenant.

- Passer à autre chose ?

- Maman est morte, maintenant. C’est une certitude. Elle l’est depuis au moins un mois.


Ce n’était pas les mots utilisés mais bien l’utilisation solennelle de ces derniers qui me glaçait le sang. J’avais affaire à un enfant qui n’en était pas un, finalement.

- Qu’est-ce que tu entends par la ?

- Je n’étais pas au Trafalgar Triangle pour le plaisir, non. J’avais besoin de dégoter une très grosse somme d’argent. Vous êtes mieux placé que moi pour le savoir, mais les Marines sont la pire espèce d’hommes qu’il puissent exister. Ils … Ils … Ils …


Les larmes coulaient sur les bandages qui recouvraient son visage.

- Ils ont kidnappé ma mère et mon donné un ultimatum de deux semaines pour leurs remettre une très grosse somme d’argent sans quoi elle serait tuée et jetée à la mer. Ce que vous avez vu ce jour-là au Trafalgar c’était un jeune homme qui pataugeait dans sa quatorzième journée de quête d’argent sans aucune réussite. Ce qu’il s’est passé cet après-midi-là était une action qui résultait de l’enclenchement d’un instinct de survie pour que je puisse sauver les miens. Mais je ne suis ni à l’aise pour porter une arme, ni pour menacer quelqu’un avec. C’est pourquoi je récoltais surtout de l’argent pour me payer des mercenaires et retrouver ma mère coûte que coûte. Mais aujourd’hui, maman est morte. Maman est morte. Donc dîtes moi, Baron. A quoi bon ?

- Tu ne t’en ai peut-être pas encore rendu compte, Alexander. Mais depuis cette explosion tu es devenu un autre homme. Un nouveau chapitre, que dis-je, peut-être même un nouveau livre te concernant a débuté. N’oublie pas ce que je vais te dire : Nous sommes tous conditionné par rapport à ce que l’on a vécu dans notre jeunesse. Et ce vécu s’est transformé en routine pour nous. Élevé dans la violence ? Alors la violence est d’une banalité sans nom. Élevé dans l’abondance ? Alors l’abondance est ton quotidien. Mais lorsque tu te rends compte qu’il y a plus que cela dans la vie, lorsque tu as trouvé ton but dans la vie, et bien c’est à cet instant que celle-ci débute véritablement. Pour ma part, dormir avec le ventre vide et lutter pour trouver quelque chose à me mettre sous la dent pendant que d’autres pouvaient prendre 90% de mon travail, je trouvais cela normal car c’est comme ça que j’ai été conditionné. Voir la Marine et les truands s’associer pour maintenir un statut quo, c’était tout aussi normal pour moi. Mais plus maintenant.

Un silence pesant avait enveloppé toute la pièce. Alexander était allongé dans son lit et ne faisait que fixer le plafond sans bouger durant tout cet échange. Il reprit la parole.

- On m’appelait le Sundance Kid, vous savez. Mais aujourd’hui ce surnom ne signifie plus rien pour moi.

- Sundance … Kid ? Pourquoi ce surnom ?

- J’étais celui dont le reflet du soleil dansait sur son visage. Celui qui apportait la joie et la bonne humeur au sein de sa communauté. Aujourd’hui, tout à été englouti dans un trou dans je ne vois pas le fond.

- Sundance Kid. C’est comme ca que je vais te désigner à partir de maintenant. Sundance Kid. Je peux te donner une chance d’être qui tu étais avant et plus encore, suis-moi, je t’aiderais à trouver ton but, ta raison de continuer.


C’est en entendant ces paroles que le Sundance Kid se redressait dans son lit et qui faisait émaner à travers tous ces bandages une colère noire.

- Lachez-moi la grappe, Baron Crimson. LACHEZ-MOI LA GRAPPE ! Je vous libère des chaînes avec lesquelles vous vous êtes attaché tout seul. Vous êtes libre, m’êtes redevable de rien. Donc, par pitié, allez-vous-en. PARTEZ, PARTEZ, PARTEEEEEEEEEEEZ !

Les paroles du Kid ne m’avaient pas blessée à cet instant-là. J’avais la capacité de me mettre à sa place. Mais je me disais aussi que chacun peut prendre des décisions en son âme et conscience et décider du chemin à prendre dans sa propre vie. Ainsi, je me levais de la chaîse sur laquelle j’étais assis, lançais une immense bourse remplie d’or pour les frais de traitement du gamin et je me retournais pour me diriger vers la porte. Une fois la main sur la poignée, je me lançais sur un discours d’adieu.

- Ce fut un plaisir, Sundance Kid. Je préfère imaginer un gamin sur lequel le reflet du soleil illuminait tout une communauté plutôt que ce que je vois devant mes yeux à l’instant. Tu as le droit d’être à bout, tu as le droit d’être en colère, tu as le droit de te morfondre. Mais tu t’engages dans une spirale de laquelle tu ne pourras jamais t’en sortir. Imagine-toi maintenant le moment où tu seras sur pieds et que le doc n’aura plus aucun traitement à te proposer. Que vas-tu faire ? Tu vas marcher en direction de ce qui sert de centre-ville de Las Camp et puis après ? Tu te dirigeras sans doute vers le Trafalgar et puis après ? Brûle ces étapes inutiles. Il n’y a pas de plus grande agonie que d’enfouir une histoire secrète à l’intérieur de soi. Ouvre-toi, écris ton histoire. Celle du Sundance Kid. Celle du gamin qui a remis les pendules à l’heure et qui a su donner un sens à sa vie. Si ce n’est pas avec moi, fais-le avec quelqu’un d’autre ou même tout seul. Mais FAIS QUELQUE CHOSE !

- ATTENDEZ !

J’attendais. J’entendais les pleurs du Kid. Je me retournais et je le voyais lui, celui qui s’est pris une explosion et deux balles dans le corps en train de se relever. Le médecin essayait tant bien que mal de le garder allongé mais le Sundance Kid le bousculait a terre pour pouvoir tenir tout seul sur ses jambes. Il prenait une canne pour l’aider à tenir debout.

- Je n’ai plus de force. Je suis vidé de tout : D’energie, d’envie, de motivation, de but. Aidez-moi, Baron. Je sais une chose : Je veux venger la mort de ma mère. Je ne me contenterais pas de tuer ceux qui ont causé sa mort, non. Je ne pourrais me contenter que de détruire tout ce système qui a créé ces monstres. Je pourrais le faire tout seul mais … Mais rien ne nous obligeait à rester à mon chevet durant tout ce temps. Je n’ai pas votre volonté, mais pitié … Inculquez-moi cette envie, aidez-moi à atteindre cet objectif, Baron. AIDEZ-MOIIIIIIIIIIII

J’ouvrais la porte et lui indiquait la sortie. Il avait compris le message et pessait devant moi afin de sortir en premier.

- MAIS ARRETEZ ENFIN, IL N’EST PAS ENCORE PRÊT A PARTIR !

- Il est prêt, doc. Encore plus prêt qu’il n’aurais jamais pu l’être.


C’était ainsi que le Sundance Kid avait trouvé la chose qui allait guider pour le restant de ces jours. C’était ainsi que nous nous étions rencontrés, lui le gamin perdu et moi celui qui peinait dans cette lutte de tous les instants. C’était ainsi que mon bras droit avait rejoint mon combat.

Terminé (3/3)
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