Des rires emplis de joie se faisaient entendre à travers la fenêtre d'une des tavernes du port de Koneashima. Dans cette chambre du second étage, on se partageait des liasses de berrys autour d'un vin de luxe. L'ambiance était à la fête. Les tonneaux de Grixendre qu'avaient fait sortir des marins corrompus pour le compte des Ailes poudreuses avaient été d'une excellente rentabilité. Le chef de cette bande de contrebandiers, Holdan Pierce, était là en personne. Si aucun sourire n'était visible, l'on pouvait voir ses yeux briller d'excitation tandis qu'il comptait ses gains et la part de ses deux associés clé. Ceux qui fêtaient l'événement à sa table. L'adjudant Makalof Loric, cigare et verre de vin en main, était déjà rougi par l'ivresse et chaque berry qu'il touchait lui décrochait un rire tonitruant. Le sergent Brognar Rodrig, quant à lui, arborait un air béat. Son verre était vide, tout comme la bouteille qu'il avait prise pour lui. Pourtant, c'était avec une vigueur vorace qu'il comptait les recettes de ses méfaits. Aucun d'eux ne s'attendait à voir la situation déraper.
— Je refusais d'y croire, jusqu'au bout, j'ai cherché une justification à vos actes... Force est de constater que vous n'étiez motivé que par l'appât du gain. Quelle honte...
— Commandant Itsumaru ?!
— Merde, c'est quoi ce bordel ? Rodrig, Loric, vous m'aviez dit que personne ne se doutait de rien !
C'était sous-estimé le bon Commandant Itsumaru Saki. Depuis que ce grand gaillard au regard sévère avait perdu sa femme dans une maladie, il s'était dévoué corps et âme à la marine tout autant qu'à ses deux enfants. Il avait gravi les échelons, sa loyauté étant tout autant apprécié que son aura paternel. C'était un homme bon, toujours à l'écoute de ses hommes et qui accordait grand soin à ce que chacuns comprennent bien l'importance de leur fonction. Il n'était pas homme à ignorer des comportements suspects au sein de son bataillon. Et il n'était pas homme à accepter un tel manquement à son devoir.
Depuis des semaines, il filait les deux marines. Il les avait observés patiemment et discrètement. Il avait d'abord cru qu'ils avaient agi d'eux-même en infiltrant une organisation criminelle pour préparer un coup d'éclat, mais ses espoirs s'étaient vite mués en doute. Et lorsqu'il eut la confirmation que son bataillon était touchée par la corruption, il prit son katana familial et partit trancher la tête des félons. C'était sa responsabilité.
Le lendemain matin
Depuis qu'il était devenu Commandant, Saki avait pris l'habitude de faire chaque jour le tour des entrepôts de Grixendre. Ce n'était donc pas la première fois que Stephen le voyait depuis qu'il avait rejoint une équipe de sécurité affiliée à la milice Figura. Le tueur avait appris, comme tout le monde, à apprécier l'homme et ce qu'il dégageait. Il eut pourtant l'impression d'être le seul à remarquer un changement. Peut-être était ce dû à son expérience de tueur à gages. À force de devoir observer les gens, on finit certainement par déceler des détails moins évidents pour d'autres. Il peinait pourtant à imaginer qu'on ne puisse par remarquer les cernes qu'arborait le Commandant, ses yeux ternes et sa démarche lourde. Et malgré lui, le balafré en était venu à apprécier l'homme, c'est pourquoi il l'interpella immédiatement dès qu'il passa près de lui.
— Mauvaise nuit ?
— Vous n'avez pas idée... Duncan, c'est ça ? Je suis navré, je n'ai jamais pris le temps de discuter avec vous. Vous aussi vous devez parfois avoir les nerfs à rude épreuve dans votre travail.
— Ne vous en faites pas pour moi. J'ai connu des boulots plus rudes. Ici, c'est plutôt calme. Honnêtement, je m'ennuie même un peu.
— Je vois...
Malgré le sourire de courtoisie de Stephen, bien heureux d'être couvert sous une fausse identité, le Commandant se montra peu enclin à la sympathie et tourna les talons. Un acte qui mit rapidement la puce à l'oreille du tueur. Ce dernier posa une main amicale sur l'épaule de Saki pour le retenir.
— Il y a un problème ?
— Vous savez quelque chose ?!
Le ton du Commandant devint soudain plus ferme et son regard noir incita Stephen à lâcher prise en levant les bras en signe de paix. Il sentait qu'il y avait une opportunité à saisir.
— Écoutez, quel que soit votre problème, il y a toujours une solution pour qui s'en donne les moyens. N'hésitez pas à m'en parler.
D'un geste, il écarta suffisamment sa veste pour qu'on y aperçoive la poignée de son pistolet. Ce qui mis bien évidemment le Commandant encore plus sur les nerfs.
— Vous ! Vous êtes un scélérat !
— C'est faux, je suis discret et efficace.
Tout sourire provocateur qu'il affichait ne caché en réalité que le stress montant face à la menace imminente. Cependant, attirant bien trop l'attention sur eux, il parla plus fort pour calmer la situation.
— Merci de m'avoir écouté, Commandant Itsumaru. Ce fut un plaisir. Passez une bonne journée.
Et les deux hommes en restèrent là.
Jusqu'à ce qu'en fin de matinée un des collègue de Stephen vienne le voir.
— Hé Duncan, Itsumaru à réquisitionné le bureau de l'entrepôt. Il veut te parler en privé. Tu veux rejoindre la marine ou quoi ?
— Ça me changerait de travailler pour ces types.
Une fois arrivé dans le bureau, on les laissa seuls comme convenu. Stephen n'attendit pas qu'on l'y invite pour s'installer sur la chaise face au Commandant.
— Vous ne me fouillez pas ?
— Inutile.
Sans s'embarrasser des détails, le Commandant posa une photo sur le bureau. Il avait pris soin de fermer les stores de chaques fenêtres, signe sérieux d'une volonté de garder l'affaire secrète. Lorsque le tueur prit la photo, il y vit très clairement trois personnes. Le Commandant, une adolescente et un petit garçon. Il comprit la situation rapidement.
— Vos enfants ? Quelqu'un les retient prisonniers ?
— ...Oui. Des hommes de mon bataillon se sont laissés corrompre par des contrebandiers. J'ai tenté de les éliminer hier soir, mais...
— Le chef des contrebandiers avait déjà un dossier sur vous et il a juste eu à prendre un escargophone pour que vos gosses soient entre ses mains... Vous voulez que je descende les ravisseurs et que je vous ramène vos enfants, c'est bien ça ?
— Inutile d'abattre qui que ce soit. Seule la vie de mes enfants importe ! Il suffit de les mettre en sureté pour que je puisse régler l'affaire par la voie officielle. Vous pouvez m'aider ?
— Ce n'est pas tout à fait ce que j'ai l'habitude de faire... Combien vous me proposez ?
— Votre prix sera le mien.
— Très bien. J'ai pour habitude de demander un acompte, mais au vu des circonstances, je vais faire sans. Vous avez quoi comme info pour moi ?
— Merci. Les scélérats fréquentent une grande taverne du port. Trois étages et ils y ont plusieurs chambres. Les contrebandiers ont un entrepôt en ville depuis lequel ils évacuent leurs marchandises. Ils utilisent leurs contacts marins pour faire passer de la Grixendre hors de l'île. J'ignore comment ils font, je n'ai assisté qu'aux transactions se passant en ville et à la taverne concerné.
— C'est un bon début. Vous avez des noms ?
— Adjudant Makalof Loric. Sergent Brognar Rodrig. Les contrebandiers sont dirigés par Holdan Pierce des Ailes Poudreuses. Je dois vous les décrire ?
— Ce ne sera pas la peine. J'en sais assez pour ce boulot. Oh, et c'est quoi le nom de vos gosses ?
— Le petit s'appelle Ken et ma fille, Kaori.
— C'est noté. Au boulot.
— Ce matin, j'ai crû que vous étiez l'un des leurs.
— Ah oui, qu'est-ce qui vous a fait changer d'avis ?
— Vous avez le regard franc.
— Pff... Bah voyons...
Dernière édition par Stephen Crowley le Mar 9 Jan 2024 - 16:57, édité 1 fois