Cher journal,
La lumière de l’aube illumine le parc d’une délicate lueur orangée. Elle se glisse entre les hauts cyprès, fait chatoyer les parterres de fleurs, et scintiller les pelouses couvertes de rosée.
Face à moi, distante d’une vingtaine de pas et fermement campée sur ses jambes, se tient une femme d’une quarantaine d’années. Elle est vêtue d’une redingote et d’un pantalon blanc, ensemble assez typique des tenues qu’affectionnent les membres de la bourgeoisie de Goa. Moins typique, le pistolet qu’elle tient à la main, tendu dans ma direction.
« - Mesdames, préparez-vous ! »
A ces mots, l’assemblée attroupée autour nous fait silence. Malgré moi, je sens mon corps se raidir et les battements de mon cœur s’accélérer. Je tiens mon propre pistolet fermement, le canon pointé vers le haut. Cela fait longtemps que je n’ai plus utilisé ce genre d’arme, rendue obsolète par ma maîtrise du rokushiki. Même si des années d'entraînement m’ont donné une certaine aisance dans le maniement des lames et des armes à feu en tous genres, je dois confesser un certain manque de pratique…
« - Trois… »
L’arbitre commence le décompte. Mon adversaire ne me quitte pas des yeux et son regard dur, souligné par une double couche d’eye liner qui lui donne une allure de tueuse, me fixe sans ciller ! Je choisis une attitude plus décontractée, presque provocatrice, avec une posture de duelliste : je me tiens de profil, mon avant-bras gauche -celui qui tient l’arme- (comme toutes les personnes dignes d’un minimum d’intérêt je suis gauchère) replié contre mon corps tandis que ma main droite est posée de manière décontractée sur la hanche. Mon visage affiche un sourire assuré, doublé par un regard pétillant que je m’efforce de laisser planté dans celui, imperturbable, de mon adversaire.
Je feins l’assurance, mais je dois avouer que je suis dans le flou. J’ignore à peu près tout de ses capacités : je la sais adepte de la chasse sportive, ce qui faisait d’elle une candidate susceptible d’accepter mon défi, mais à la réflexion j’ai peut-être été un brin optimiste. Ne serait-elle pas du genre à me cribler de balles en quelques secondes ?
« - Deux… »
Mmmh, trop tard pour changer d’avis de toute manière.
« - Un… »
Si jamais ça tourne mal journal, je…
Oh et puis tu trouveras bien quoi faire.
« - Feu ! »
D’un même geste, nous déplions notre bras et tendons notre arme vers l’adversaire. BANG ! BANG ! La double détonation rugit dans le parc, et résonne en écho. Une volée de corneilles s’enfuit en croassant. Devant moi, au bout de mon bras toujours tendu, un épais nuage blanc fume du canon de mon pistolet, m’obstruant un moment la vue. La fumée est également assez épaisse pour dissimuler celle qui s’échappe de mon épaule en train de se reconstituer, là où la balle de mon adversaire l’a transpercée sans douleur. Je n’ai pas cillé, personne ne devrait avoir remarqué.
Comment ça journal, c’est de la triche ? Bien sûr que c’est de la triche ! Tu ne croyais quand même pas que j’allais défier une simple bourgeoise dans un duel à la loyale ?! Une experte de la chasse au canard, en plus !
Experte ou pas, mon adversaire a été touchée elle aussi. Hélas pour elle, faute de logia, sa blessure au flanc sa cuisse se met à saigner généreusement, inondant sa redingote tandis qu’elle se laisse tomber dans l’herbe humide sans un mot, pas même un gémissement, et que ses témoins, ses proches venus l’accompagner et l’encourager, accourent autour d’elle pour la soutenir.
L’arbitre s’avance solennellement devant nous, fier et imperturbable dans son pantalon rouge et sa veste militaire, brandissant sa canne de parade pour nous séparer. Il annonce :
« - La vainqueure est Caramélie d’Isigny ! »
Quelques applaudissements se font entendre dans l’assistance. Je pourrais me sentir soulagée, mais…
Je me retourne vers la foule venue assister à l’échange. Ils sont venus nombreux, beaucoup plus que ce qu’on pourrait attendre pour un simple duel entre une députée de l’assemblée de Goa et une jeune aristocrate. Si quelques-uns d’entre eux sont de mes amis et ma famille, notamment ma sœur Réglisophie et mon cousin Augustin qui ont eu la gentillesse et le sens du devoir de venir me soutenir, les membres du camp d’en face sont plus nombreux. Beaucoup plus nombreux ! Parmi eux se trouvent en particulier une quinzaine de députés, tous issus de la bourgeoisie de Goa et membres du camp républicain à l’assemblée. Et tous partagent un point commun : je les ai défiés en duel pour ce matin.
Eh bien… au suivant j’imagine ?
La lumière de l’aube illumine le parc d’une délicate lueur orangée. Elle se glisse entre les hauts cyprès, fait chatoyer les parterres de fleurs, et scintiller les pelouses couvertes de rosée.
Face à moi, distante d’une vingtaine de pas et fermement campée sur ses jambes, se tient une femme d’une quarantaine d’années. Elle est vêtue d’une redingote et d’un pantalon blanc, ensemble assez typique des tenues qu’affectionnent les membres de la bourgeoisie de Goa. Moins typique, le pistolet qu’elle tient à la main, tendu dans ma direction.
« - Mesdames, préparez-vous ! »
A ces mots, l’assemblée attroupée autour nous fait silence. Malgré moi, je sens mon corps se raidir et les battements de mon cœur s’accélérer. Je tiens mon propre pistolet fermement, le canon pointé vers le haut. Cela fait longtemps que je n’ai plus utilisé ce genre d’arme, rendue obsolète par ma maîtrise du rokushiki. Même si des années d'entraînement m’ont donné une certaine aisance dans le maniement des lames et des armes à feu en tous genres, je dois confesser un certain manque de pratique…
« - Trois… »
L’arbitre commence le décompte. Mon adversaire ne me quitte pas des yeux et son regard dur, souligné par une double couche d’eye liner qui lui donne une allure de tueuse, me fixe sans ciller ! Je choisis une attitude plus décontractée, presque provocatrice, avec une posture de duelliste : je me tiens de profil, mon avant-bras gauche -celui qui tient l’arme- (comme toutes les personnes dignes d’un minimum d’intérêt je suis gauchère) replié contre mon corps tandis que ma main droite est posée de manière décontractée sur la hanche. Mon visage affiche un sourire assuré, doublé par un regard pétillant que je m’efforce de laisser planté dans celui, imperturbable, de mon adversaire.
Je feins l’assurance, mais je dois avouer que je suis dans le flou. J’ignore à peu près tout de ses capacités : je la sais adepte de la chasse sportive, ce qui faisait d’elle une candidate susceptible d’accepter mon défi, mais à la réflexion j’ai peut-être été un brin optimiste. Ne serait-elle pas du genre à me cribler de balles en quelques secondes ?
« - Deux… »
Mmmh, trop tard pour changer d’avis de toute manière.
« - Un… »
Si jamais ça tourne mal journal, je…
Oh et puis tu trouveras bien quoi faire.
« - Feu ! »
D’un même geste, nous déplions notre bras et tendons notre arme vers l’adversaire. BANG ! BANG ! La double détonation rugit dans le parc, et résonne en écho. Une volée de corneilles s’enfuit en croassant. Devant moi, au bout de mon bras toujours tendu, un épais nuage blanc fume du canon de mon pistolet, m’obstruant un moment la vue. La fumée est également assez épaisse pour dissimuler celle qui s’échappe de mon épaule en train de se reconstituer, là où la balle de mon adversaire l’a transpercée sans douleur. Je n’ai pas cillé, personne ne devrait avoir remarqué.
Comment ça journal, c’est de la triche ? Bien sûr que c’est de la triche ! Tu ne croyais quand même pas que j’allais défier une simple bourgeoise dans un duel à la loyale ?! Une experte de la chasse au canard, en plus !
Experte ou pas, mon adversaire a été touchée elle aussi. Hélas pour elle, faute de logia, sa blessure au flanc sa cuisse se met à saigner généreusement, inondant sa redingote tandis qu’elle se laisse tomber dans l’herbe humide sans un mot, pas même un gémissement, et que ses témoins, ses proches venus l’accompagner et l’encourager, accourent autour d’elle pour la soutenir.
L’arbitre s’avance solennellement devant nous, fier et imperturbable dans son pantalon rouge et sa veste militaire, brandissant sa canne de parade pour nous séparer. Il annonce :
« - La vainqueure est Caramélie d’Isigny ! »
Quelques applaudissements se font entendre dans l’assistance. Je pourrais me sentir soulagée, mais…
Je me retourne vers la foule venue assister à l’échange. Ils sont venus nombreux, beaucoup plus que ce qu’on pourrait attendre pour un simple duel entre une députée de l’assemblée de Goa et une jeune aristocrate. Si quelques-uns d’entre eux sont de mes amis et ma famille, notamment ma sœur Réglisophie et mon cousin Augustin qui ont eu la gentillesse et le sens du devoir de venir me soutenir, les membres du camp d’en face sont plus nombreux. Beaucoup plus nombreux ! Parmi eux se trouvent en particulier une quinzaine de députés, tous issus de la bourgeoisie de Goa et membres du camp républicain à l’assemblée. Et tous partagent un point commun : je les ai défiés en duel pour ce matin.
Eh bien… au suivant j’imagine ?