Suite à l'assaut sur Marine Ford...
Olek se réveilla, les paupières lourdes et douloureuses, comme tout le reste son corps. Il voulut bouger, mais un éclair vivide de douleur lui arracha un hoquet de surprise et le cloua au lit. Il sombra une énième fois dans l'inconscience, son système nerveux incapable de résister à la puissance du lancinement incessant de ses blessures. Le colosse, aux portes de la mort, refusait de les ouvrir, cherchant courageusement à revenir à la surface, à remonter ce fleuve de tourments à la seule force de son mental. Quiconque s'asseyait à son chevet y verrait une ressemblance frappante avec celle d'un cafard écrasé ou d'un serpent décapité, continuant à ramper, à respirer et à gesticuler sans savoir que son corps avait déjà rendu l'âme depuis longtemps.
Il se rendit rapidement compte qu'il était incapable de nager au-delà des courants du Styx, le fleuve des Enders. Le blessé, épuisé et au teint aussi pâle que le fion d'un albinos, ne se réveillait plus que rarement et à chaque fois, son corps s'affaiblissait davantage. La fièvre le faisait délirer, l'empêchait de guérir et le gardait enchaîné à des meurtrissures qui lui suçaient la vie jusqu'à la lui vider entièrement. Olek ne dut sa survie qu'à deux hommes, dont il discernait vaguement les visages à travers le voile opaque imposé par sa condition morbide. Red et Reyson, l'un qu'il détestait, l'autre qu'il connaissait à peine.
Les premiers jours, il mit ces visions sur le compte de la fièvre, les considérant comme de simples hallucinations. Il finit par se rendre compte que leur passage était souvent suivi de brefs moments salvateurs de paix et de lucidité, comme si sa douleur s'endormait quelques temps, comme si cette damnée Mort s'autorisait une pause clope avant de recommencer à lui ronger la moelle. Dans ces rares moments, les souvenirs récents de Marine Ford ressurgissaient dans son esprit aussi torturé que le reste de son corps. Il comprenait alors qu'il ne rêvait pas, que Red était bien venu le sauver de la potence, avec toute son armée.
L'homme qu'il avait aimé comme un deuxième père et détesté plus que quiconque était sorti de sa cachette, avait déclaré la guerre au monde entier pour le récupérer. Olek ne savait ni quoi faire de cette information, ni de la myriade d'émotions contradictoires qui en découlaient et qui le tourmentaient autant que ses blessures physiques. Le colosse finit par réaliser qu'il ne pouvait, dans tous les cas, pas faire grand-chose, là, à moitié mort au milieu de nulle part et à la merci de ses protecteurs. Le mieux qu'il pouvait faire était de fermer sa gueule et d'accepter sa misérable situation, conséquence de sa propre faiblesse. Et c'était bien ça qui faisait le plus de mal. Ça et le fait de ne plus rien sentir au niveau de sa jambe droite, là où tout le reste de son corps semblait à vif.
Lors d'un de ces moments de clarté, Olek laissa échapper un ricanement moqueur d'auto-dérision, en même temps, Red poussait le battant de la porte de sa chambre pour entrer.