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Entreprise de démolition.

    Perdu. A cette époque, je n’avais pas encore pris conscience de la profondeur de mon mal être, et des plans dont j’étais victime. Essayant de rassembler les morceaux brisés d’une mémoire défaillante et trafiquée, je ne me rendais pas compte que mon entreprise était impossible. Et il me fallut toute la force d’une volonté inébranlable pour ne pas sombrer dans le chaos et la perdition comme autrefois.

    Impitoyable. L’homme se savait impitoyable. Entendre parler de soi, sans jamais se souvenir exactement de toutes ces actions, voilà qui était déstabilisant. On lui avait expliqué que sa perte de mémoire était la conséquence de son accident. Seulement, tout ces discours ne prenaient pas, ne se frayait aucun chemin jusqu'à sa mémoire. Etrange témoin et spectateur d’une vie qui lui semblait trop éloigné, le soldat errait entre l’incertitude et le doute. Doute sur sa vie. Incertitude sur son âme.
    Qui était-il réellement ?

    ***

    - Crève, chien du gouvernement ! La réplique fut lancée d’un ton acide et péremptoire. Comme si son interlocuteur tentait de se convaincre lui même.

    Il ne prendrait même pas la peine de répondre. Hakumen ne parlait jamais, ne répondait jamais aux insultes ou aux suppliques. Se contentant de faire ceux pour quoi on l’avait tiré des griffes de la mort. Interlocuteur implacable et muet, son esprit troublé ne lui permettait pas la moindre incertitude sur le terrain. Parfois c’était bien pratique.
    Oui, mais ce dernier test était celui de trop.
    Même si le soldat n’avait jamais eu de pitié pour quiconque s’opposait à lui, une certaine morale commençait à naitre dans les sous sols de la base scientifique. Et qui y’a t-il de plus dangereux qu’un homme sans valeurs ? Celui qui s’attache trop fermement aux siennes. Et dans ce domaine, Hakumen se cramponnait fermement.

    Le coup de hache traçait un arc de cercle aux teintes métalliques. Tandis qu’il s’effaça d’un mouvement du buste. Minimaliste, presque avare, d’un simple glissé, le contact fût imminent. Ses doigts repliés s’enfoncèrent au niveau du foie de son opposant, lui causant une douleur terrible. La tranche de l’autre main mit fin au supplice. Sans qu’il n’eut à sortir son sabre de l’étui. Tête nue, il lance d’une voix péremptoire.

    « IL SUFFIT ! Je ne tuerai plus pour vous dans cet immonde cachot ! »

    Les doutes commençaient à s’effriter, et comme une plaie, l’immonde vérité suppurait. Etait-il donc vraiment prisonnier ? Dans ce cas, les doutes sur son identité commençaient à devenir priorités. Comprendre lui était toujours vitale. Toujours. Depuis toujours ? Vraiment … ? Il écarta ses questions d’un revers nonchalant, comme on essuie une tâche sur sa chemise. Seul restaient les résidus, qui gangrenaient toujours son être, souillaient son âme.
    De l’autre côté de la salle bien connue de l’homme, la porte céda sa place à une femme, à l’aspect militaire. Cheveux longs à la teinte dorée, attitude inflexible et implacable. La vierge de Fer méritait bien son surnom.
    Sans l’ombre d’un préambule, sa question frappa juste.

    « Cela veut-il dire que tu es prêt à le faire en dehors de ces murs ? »

    Derrière une nonchalance évidemment feinte, Hakumen pouvait sentir le relent d’une promesse. Celle de son retour dans les abysses.

    ***

    - Alerte ! Alerte ! On nous attaque … Le cri mourut dans sa gorge, d’un gargouillis fort convainquant. La main de la chose qui l’attaquait venait de lui briser une cervicale, le laissant sans force à terre.

    Etais-ce un homme ? Ou une machine ? Personne ne le savait, et tout le monde s’en fichait. Tout ce qui comptait, c’était que cette « chose » détruisait le navire, et qu’il fallait l’abattre pour survivre. Toujours perché sur la vigie, Hakumen observait. Une foule se créait rapidement à ses pieds. Tous armés de fusils ou de sabres. Pauvres fous sans cervelle. Sautant de son promontoire, son sabre au clair, le soldat sait ce qu’il doit faire. Le choix n’est plus une partie incertaine de l’équation. Non, clairement définit, sa ligne de conduite était inflexible.
    L’extermination.
    Atterrissant sur le plancher, son arme toucha le sol, fracassant une partie de celui-ci, avant que le feu ne se déchaine. A l’égale de celui qui lui brisait et consumait l’âme. Prenant sur le plancher, des excroissances grandissantes dévoraient tout ce qui se trouvait à leurs portés. Au milieu de ce chaos, il restait là, seul. Hakumen l’avait toujours été. Vision apocalyptique d’un servent de l’enfer ou ange destructeur, rédempteur pour les âmes damnées, peu importait. La chose apportait la mort, la semait comme d’autres semaient leurs jardins.
    Sa mission était d’une simplicité enfantine. Se baladant sur le pont, il détruisait d’un coup de sabre ce que son immense arme n’avait pas déjà calcinée. Coulant peu à peu, un sourire naquit derrière son masque. Echos du sourire de sa supérieur, sur son propre navire, à contempler l’arme qu’on avait mit à sa disposition.
    Se servant des débris qui flottait dans l’océan, il rejoignit le second navire, créant une ouverture béante sous la ligne de flottaison. Cela ne suffisait pas. Le soldat le savait. S’il ne voulait pas rejoindre le sous-sol puant et humide de Marie-Joie, aucun ne devait en réchapper. Il se dirigea vers un terrain plus pratique, le pont.
    Un voile rouge tomba sur ses yeux, à force de faire couler le sang de pirate. D’un coup de sabre dans l’air, une chaine de petites explosions se créa dans le sillage d’une, plus grosse. Dégâts considérables dans la troupe compacte qui lui opposait résistance. Se portant au contact d’un adversaire à la longue épée, il évita un coup de taille. Détacha à moitié la tête de ses épaules, et continua son carnage. Ce n’était pas un combat. C’était un génocide.
    Et cela ne lui plaisait pas. Pourtant, continuant son œuvre méthodique, l’homme s’attaqua à un troisième bateaux, qui connu le même désastre que ses deux camarades. Adieux rêves de Grand line, bonjour poissons des profondeurs.

    ***
    Et tandis que je tuais, le doute grandissait. Suivant les lignes de mon être comme de mon âme. Se développant comme une maladie, une gangrène qui ne me lâchais plus. Collante, poisseuse et désagréable. Etais-ce là justice ? Non. Etais-ce là pourquoi on l'avait sauvé ? Un massacre, c'était un peu faible. Des réminiscences de combats me revenaient au milieu de mes batailles présentes. Elles envahissaient ma mémoire, fugaces et insaisissables. Puis disparaissaient. C’était comme prendre conscience d’une présence gravitant autours de la sienne, mais de ne jamais pouvoir l’attraper.