L'épisode de la mouche 0

Mouillage sur Dead End, 1629.

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Le nez dans de vieilles cartes en parties effacées, le Capitaine du Helhest lorgna la belligérante d'un mauvais œil. Une nouvelle fois le grésillement du mange-merde venait brouiller le fil de sa pensée. Depuis quand les moucherons se donnaient le mot ? A croire que chaque jour apportait son lot. Pas plus tard que la veille au retour de l'Île du Levain, ils avaient déjà du en couler un appâté par la faible renommée du fanion. Le forban se demanda si la bestiole ne faisait pas la même erreur. Si grosse comme quatre grâce à la générosité faisandée de la cuisine, le bestiau n'aurait pas remonté le monte-plat de ses petites ailes avec l'idée de se hisser dans ses quartiers en nouveau maitre. Regrettable erreur qu'il allait châtier. Une mixture éctoplasmique d'un blanc laiteux germa doucement à l'extrémité de son index en une sphère parfaite. Ainsi à l'équilibre sur le doigt pointé vers le plafond, elle resta droite comme hésitante avant d'aller sans un bruit planer jusqu'à d'épaisses reliures de navigation posées sur son bureau. D'autres suivirent et la pile au complet se métamorphosa en une armée de fières tapettes à mouche. Bondissant à l’unisson dès que la cible se mettait à portée, avant de se refermer en de puissants claquements. Bordel sans nom que le Cavalier quitta d'un grommellement amusé. Le Destin l'envoyer prendre l'air et il était temps !


Libérant la place prestement avant de se prendre un coup dans le ventre, la porte de la cabine s'ouvrit en claquant sur son passage. S'il ne s'était pas annoncé, c'était chose faite. Le quartier-maitre entrain de goupiller ses ordres au cœur de l'agitation affairée par la cale sèche fut le premier à se retourner. La moue barrée d'une cicatrice ne cachait pas son déplaisir de la sortie du Capitaine. Il chassa son auditoire et accueillit le boitillement du chef de bord entrain descendre l'escalier.

- L'est où le Doc ?
- Ch'ai pas.. Pas encore revenu de sa course, tout ce que je peux en dire Capt'aine. Un autre sujet, mais les hommes et moi se demandions pour les permissions...
- Pas de permissions, on lèvera l'ancre avant la nuit. Pour de bon cette fois ! Héhé ! Préviens les gars qu'ils se bougent le fion ! La renommée des Faucheurs débute ce soir. Je veux un navire qui file !

La mine patibulaire de Bart se tendit d'une grimace. Difficile de dire si c'était la perspective de l’épopée sanglante des Faucheurs qui s'annonçait ou de savoir qu'il allait devoir trimer deux fois plus avec l'équipage pour remettre le navire aux eaux dans les temps. L'un comme l'autre, le vieux briscard ne perdit pas de temps pour relayer les ordres du Chef de Bord. Tout retard lui retomberait sur les épaules il le savait. Sous le regard du Cavalier satisfait, l'Affreux commença à parcourir le pont pour houspiller son petit monde. Les coups de trique et aboiements firent œuvre et les marins de corvées s'activèrent d'un nouveau regain. Le décapage des coquillages colonisant la coque et les réparations s'élancèrent dans un nouveau rythme. Le navire de course manquerait pas de filer comme un cheval au galop le boulot fini. Viendrait qu'ensuite le temps aux caisses entreposées sur les quais d'embarquer. Le timing était serré, ils allaient devoir cavaler..

Voyant l'allure fantomatique se hisser sur le bord, le Cavalier changea d'attention et héla le nouveau venu. Le Doc n'était pas encore arrivé, qu'il tira sur un tonneau mal arrimé et laissa lourdement tomber son pied dessus. A travers les ouvertures de sa geta, une boursouflure jaunâtre débordait de son gros orteil.

- William ! Viens donc par là ! Mal de chien avec ce machin qui me pousse sur le pied ! Rends toi utile et fais y quelque chose, pas envie de boiter... Héhé ! Ah ! Dis moi donc les nouvelles de l'île pendant ce temps !! Quoi d'intéressant dans le coin ?

Tissus, alcool, fil de couture, pierre à aiguiser, scalpel,...

Tout en retournant en direction du port, je ne pu m’empêcher de relire une bonne dizaine de fois cette liste de fournitures dont j’aurais besoin dans ma nouvelle fonction. Liste que j’ai trouvée au préalable dans un tiroir de l’infirmerie, appartenant probablement à mon prédécesseur. En espérant que ses compétences médicales étaient plus fiables que les miennes. De plus, un petit calepin servant de guide médical assez basique fut récupéré à bord, restant désormais dans la poche de mon manteau en permanence tel un réel guide en toute circonstance.

Doc.. Il y a encore une petite dizaine de jours, je n’aurais jamais pu m’imaginer terminer à ce poste là et encore moins dans un tel équipage. Mes seules connaissances médicales jusqu’ici ne se résumaient qu’à un rôle d’assistant d’urgence à Kanokuni, tenant la scie afin d’amputer ou simplement retenant un pauvre type pendant qu’on lui charcutait le corps au nom de la médecine. Enfin bon, je n’avais pas vraiment eu mon mot à dire et malgré l’explication de mes faibles compétences au capitaine, celui-ci me fis comprendre que personne ne ferait mieux à bord.

De toute façon, de par l’issue des épreuves sur l’île du Levain, j’étais désormais un membre à part entière des faucheurs. A mon réveil, j'ai vécu ça comme une réelle libération, enfin débarrassé de ces ignobles insectes aussi lâches que faibles au profit d’un équipage aussi fou que visuellement atypique. L’ambiance à bord, bien que vide de tout réel esprit de camaraderie me rappela de par sa rigueur et son aura, la division à laquelle j’appartenais autrefois.

Quoiqu’il en soit, ma courte escapade en solitaire sur Dead End touchait désormais à sa fin. Je n’eu que deux petites heures pour rassembler ce dont j’avais besoin avant un départ définitif selon le capitaine. Cependant, de ce que j’ai pu en voir, cette île à l’apparence douteuse ne me manquera pas plus qu’une autre.

C’est donc muni d’un sac de toile rempli à rabord que je remonta sur le pont du Helhest sur lequel le Cavalier m’attendait avec une certaine impatience traduite par ce panard usé trônant sur un tonneau renversé.

Je déposa donc le sac par terre avant de me saisir d’un couteau, d’alcool et d’une bande de tissu. Dans un second temps, je feuilleta rapidement le calepin médical avant de trouver le bon passage. En seulement deux minutes d’une lecture sommaire, je reposa l’ouvrage avant de me mettre au travail. Des plaies, des boursoufles, des cadavres en décomposition ou des membres détachés de leurs corps, tout ça ne me faisais pas plus d'effet qu’une mouche écrasée au sol.

[William] “Ce que je peux dire sur cette île, c’est que les gens sont très bavards. Beaucoup de pseudo capitaines tentent de recruter dans les rues tels des prêcheurs tandis que d’autres ne se vantent que de leurs précédents exploits sur Grand line..”

Tout en faisant mon rapport sommaire, une grande partie de ma concentration se faisait au niveau de la source de l’inconfort du capitaine, tentant de suivre à la lettre les étapes pourtant assez simplistes recensées sur le calepin.

“Inciser, vider, désinfecter, recouvrir.” 3 étapes simples et pourtant si minutieuses qu’elles te prennent une concentration folle.

C’est alors que mon opération se finit dans un délai loin des livres de record, me permettant de me souvenir du détail le plus important que l’on me partagea lors d’un de mes achats contre quelques berries supplémentaires.

[WIlliam] “Ah oui, j’oubliais ! J’ai aussi entendu dire que de gros poissons avaient étés attrapés par un grand corsaire et amenés en geôle sur cette île. Paraîtrait-il que certaines proies pourraient posséder quelques objets ou armes de valeur précieusement stockés non loin des prisons. De plus, quelques profils sembleraient assez intéressants tel qu'un soi disant "oiseau". Intriguant comme appellation n'est ce pas ? Je pensais donc qu’une petite escapade dans ces geôles pourrait nous rapporter au mieux de nouvelles recrues et au pire quelques équipements potentiellement utiles à notre bord.”

[WIlliam] “Pas besoin de rassembler une grosse équipe, un petit détachement pourrait s’y rendre discrètement et voir ce qu’on peut y trouver, qu’en penses tu ?”




Le Cavalier renifla bruyamment devant le temps que William avait mis à lui rafistoler l'orteil. Mais le massacre n'était pas si laid tout compte fait, le bonhomme s'était appliqué. Le vieux forban se félicitait de l'avoir choisi comme Médecin de Bord en attendant de trouver mieux. D'autres de ses hommes se seraient contentés d'enlever la gêne à la scie, jusqu'au genou parfois et en refermant salement la plaie. Les finauds ne courraient pas les mers, ils restaient le cul au chaud à terre... Posant la patte au sol, le Cavalier se releva en boitillant légèrement. La douleur passerait, elle avait déjà perdu en intensité. Tendant la main vers sa faux qui sautilla jusqu'à lui pour être saisie, le pirate coiffa son homme de confiance d'un sourire le plus glaçant. Même s'il n'en montrait rien, le médecin venait de lui activer frénétiquement les méninges. L'annonce lui ouvrait de nouvelles perspectives d'un futur plan de bataille qu'il préparait depuis de longues semaines maintenant. Il le pensait bloqué mais une clefs venait de lui être offerte sur un plateau. Le forban parla assez fort pour se faire entendre du quartier maitre.


- L'idée me plait bien ! Héhé ! Toi et moi ! Allons faire nos emplettes et voyons ce qu'il y a à y voir ! Un oiseau tu me dis ? Mouhéhé !
- Un Oiseau Capitaine, ça vous intéresserait ?
- Un peu.. Héhéh ! S'ra notre priorité t'entends ! On fouille les geôles tant qu'on l'a pas trouvé, quitte à s'y faire enfermer ! Bart !! Bouge leur le cul, se peut qu'on doive partir plus vite que prévu. Que l'ancre soit levée au plus vite ! Et préviens Hel, la bougresse va devoir donner du sien pour changer !
- A vos ordres Capitaine..
- Venez Monsieur Faust, allons voir ces culs à libérer ! Mouhéhé !!!