Au sein de Carcinomia, dans ses bas-fonds, une nouvelle fête se tient dans la pénible vie de la secte...
En observant au fin fond de la pièce, il voyait bien que toutes les personnes au sein de la secte s’attelaient à un nouveau travail de préparation. Lui, bien entendu, ne s’y intéressait guère : pas qu’il était feignant, non, on lui interdisait de souiller ses mains par des tâches ingrates. Il rigolait jaune au souvenir de ces paroles, tant elles étaient vides de sens : se battre n’en était pas non plus une tâche ingrate ? La seule tâche sainte, finalement, était de ne rien faire : à l’honneur du saint Zeno, qui ne savait que faire cela de sa journée.
Basile, pourtant, n’était pas médisant. Il ne se permettrait pas de l’être, car il n’apprécierait pas qu’on porte un tel jugement sur sa personne. Mais le très saint appréciait grandement se faire servir et aujourd'hui, encore, il observait.
La grande table, décorée pour d’une de leurs fêtes annuelles, était donc toujours dressée selon des recommandations bien prévues : le saint au bout, avec toujours à sa gauche sa bras-droit, la « mère » (ayant pour principale occupation les conseils aux mères et la gestion des enfants orphelins, ainsi que d’autres tâches comme la coordination des sage-femmes) et à sa droite, le "messie" ; enfin du moins, celui qui tenait ce rôle de figuration. De nombreuses décennies durant, cette place était restée vide. Vide, car elle avait été attribuée il y a bien longtemps pour le futur messie et seul lui avait le droit de s’y installer.
Une autre configuration avait été mise en place : à l’autre bout, trois places devaient être prévues, pour les esprits des trois fondateurs « nous rejoignant de l’au-delà pour rompre le pain ». On pensait que chaque réunion amenait ces trois grands sur terre, pour contempler leurs descendants. Mais que verraient-ils, alors ? Qu'entendraient-ils ? "Basile, ne touche pas à cela." Répétait sans cesse le saint avant chaque préparation. Il n’était jamais ravi de voir sa sœur jumelle passer devant lui, tenant un plateau et répartissant les couverts à chaque place.
Oui, les couverts. Parlons-en, des couverts : la secte possédait suffisamment de revenus pour s’assurer un service décent. Ainsi, chaque couvert était marqué d’une sorte de sceau, qui identifiait le propriétaire du poste. Là où 80% du service était constitué basiquement, d'un simple métal, du cuivre probablement, le reste avait quelques marques - souvent des stries - qui donnaient une esthétique plus aisée.
C'était bien sûr les trois rôles du bout de table qui bénéficiaient de ce traitement de faveur. De naissance, dans la secte, on gagnait une place qu'on conservait à vie. Le saint l'était à vie, désigné par le précédent au poste ; la mère, issue d'une caste précise - des orphelines mises de côté pour prendre éventuellement ce rôle - l'était aussi, mais désignée elle par le Saint et enfin, le Messie, l'étant de naissance, sous des conditions bien précises.
Ce qui, aujourd'hui, questionnait beaucoup Basile en se remémorant ses souvenirs, se trouvait être le terme de saint. Zeno et ses prédécesseurs se considéraient-ils les égaux des dragons célestes ?
"Assis." L'ordre était donné sèchement. "Assis." Et il était répété. "ASSIS." Et répété, jusqu'à être exécuté. "Oui, monsieur." Le jeune garçon de quatorze ans à peine, se mit à la place qui lui était dédiée. Bien des années durant, il avait obéi à des ordres qui le dérangeait. Et encore aujourd'hui, c'était le cas. Il vit plus loin sa mère passer et le regarder vaguement, mais il préféra détourner le regard.
Et au moment où il reposa son regard sur le saint de la secte, il vit ses yeux lourds le dévisager. "Sais-tu quel est ton rôle, ce soir ?" Un rôle, comme toujours. Une représentation, comme s'il ne jouait pas le fil de sa propre vie, comme s'il ne la contrôlait pas. "Me taire, probablement, monsieur." répondit le garçon, sourire léger au coin des lèvres. Le poing de l'homme frappa soudainement la table, mais Basile n'écarquilla pas les yeux face à cette réaction démesurée ; pas par manque de crainte, non, l'homme serait probablement bien capable de le frapper, ou pire... Mais car l'habitude était présente face à ces gestes du quotidien. "Non, monsieur, je ne sais pas." Il aurait pu dire qu'il ne savait rien, que cela serait revenu à la même chose : depuis petit, il n'était informé qu'à la dernière minute de ce qu'il devait dire ou faire. Simple ustensile utilisé au gré des besoins, il était un véritable outil de propagande pour maintenir le contrôle sur la secte.
Il croisa quelques instants le regard piteux de sa sœur jumelle. Un regard plein d'empathie, alors qu'elle s'attelait à la préparation de la salle. Quelques instants, il se souvint de ce même regard, sur une autre jeune fille. Nashira, de sa famille si spéciale qui priait les étoiles. De sa famille si spéciale, que tous possédaient le nom d'une étoile. Mais lui, il l'appelait Grin, car elle souriait toujours. Nashira avait une véritable joie de vivre, une humeur si joviale qu'elle avait apporté un soupçon de réconfort dans sa vie.
Puis, il avait appris la vérité.
Elle avait été vendue. Il ne savait pas à qui, à quoi, ni où. La seule chose dont il était sûr... Il en était le seul responsable. Car le saint Zeno avait jugé que la douce Nashira détournait Basile de ses enseignements, qu'elle était d'une mauvaise influence. Et le cœur brisé, Basile vit disparaître le sourire de son ami de sa vie et il éteignit une part de lui, celle qui aimait.
Le sortant de ses pensées, le patron de la secte tapota un parchemin qu'il venait de déposer devant lui. "Tu liras ceci et tâche de ne pas te tromper, Basile." L'homme se levant, laissant simplement l'adolescent dans ses pensées, avant qu'il ne vaque de nouveau à ses occupations avant la soirée de fête.
Paroles : Trihexa A. Basile - Saint Zeno
En observant au fin fond de la pièce, il voyait bien que toutes les personnes au sein de la secte s’attelaient à un nouveau travail de préparation. Lui, bien entendu, ne s’y intéressait guère : pas qu’il était feignant, non, on lui interdisait de souiller ses mains par des tâches ingrates. Il rigolait jaune au souvenir de ces paroles, tant elles étaient vides de sens : se battre n’en était pas non plus une tâche ingrate ? La seule tâche sainte, finalement, était de ne rien faire : à l’honneur du saint Zeno, qui ne savait que faire cela de sa journée.
Basile, pourtant, n’était pas médisant. Il ne se permettrait pas de l’être, car il n’apprécierait pas qu’on porte un tel jugement sur sa personne. Mais le très saint appréciait grandement se faire servir et aujourd'hui, encore, il observait.
La grande table, décorée pour d’une de leurs fêtes annuelles, était donc toujours dressée selon des recommandations bien prévues : le saint au bout, avec toujours à sa gauche sa bras-droit, la « mère » (ayant pour principale occupation les conseils aux mères et la gestion des enfants orphelins, ainsi que d’autres tâches comme la coordination des sage-femmes) et à sa droite, le "messie" ; enfin du moins, celui qui tenait ce rôle de figuration. De nombreuses décennies durant, cette place était restée vide. Vide, car elle avait été attribuée il y a bien longtemps pour le futur messie et seul lui avait le droit de s’y installer.
Une autre configuration avait été mise en place : à l’autre bout, trois places devaient être prévues, pour les esprits des trois fondateurs « nous rejoignant de l’au-delà pour rompre le pain ». On pensait que chaque réunion amenait ces trois grands sur terre, pour contempler leurs descendants. Mais que verraient-ils, alors ? Qu'entendraient-ils ? "Basile, ne touche pas à cela." Répétait sans cesse le saint avant chaque préparation. Il n’était jamais ravi de voir sa sœur jumelle passer devant lui, tenant un plateau et répartissant les couverts à chaque place.
Oui, les couverts. Parlons-en, des couverts : la secte possédait suffisamment de revenus pour s’assurer un service décent. Ainsi, chaque couvert était marqué d’une sorte de sceau, qui identifiait le propriétaire du poste. Là où 80% du service était constitué basiquement, d'un simple métal, du cuivre probablement, le reste avait quelques marques - souvent des stries - qui donnaient une esthétique plus aisée.
C'était bien sûr les trois rôles du bout de table qui bénéficiaient de ce traitement de faveur. De naissance, dans la secte, on gagnait une place qu'on conservait à vie. Le saint l'était à vie, désigné par le précédent au poste ; la mère, issue d'une caste précise - des orphelines mises de côté pour prendre éventuellement ce rôle - l'était aussi, mais désignée elle par le Saint et enfin, le Messie, l'étant de naissance, sous des conditions bien précises.
Ce qui, aujourd'hui, questionnait beaucoup Basile en se remémorant ses souvenirs, se trouvait être le terme de saint. Zeno et ses prédécesseurs se considéraient-ils les égaux des dragons célestes ?
"Assis." L'ordre était donné sèchement. "Assis." Et il était répété. "ASSIS." Et répété, jusqu'à être exécuté. "Oui, monsieur." Le jeune garçon de quatorze ans à peine, se mit à la place qui lui était dédiée. Bien des années durant, il avait obéi à des ordres qui le dérangeait. Et encore aujourd'hui, c'était le cas. Il vit plus loin sa mère passer et le regarder vaguement, mais il préféra détourner le regard.
Et au moment où il reposa son regard sur le saint de la secte, il vit ses yeux lourds le dévisager. "Sais-tu quel est ton rôle, ce soir ?" Un rôle, comme toujours. Une représentation, comme s'il ne jouait pas le fil de sa propre vie, comme s'il ne la contrôlait pas. "Me taire, probablement, monsieur." répondit le garçon, sourire léger au coin des lèvres. Le poing de l'homme frappa soudainement la table, mais Basile n'écarquilla pas les yeux face à cette réaction démesurée ; pas par manque de crainte, non, l'homme serait probablement bien capable de le frapper, ou pire... Mais car l'habitude était présente face à ces gestes du quotidien. "Non, monsieur, je ne sais pas." Il aurait pu dire qu'il ne savait rien, que cela serait revenu à la même chose : depuis petit, il n'était informé qu'à la dernière minute de ce qu'il devait dire ou faire. Simple ustensile utilisé au gré des besoins, il était un véritable outil de propagande pour maintenir le contrôle sur la secte.
Il croisa quelques instants le regard piteux de sa sœur jumelle. Un regard plein d'empathie, alors qu'elle s'attelait à la préparation de la salle. Quelques instants, il se souvint de ce même regard, sur une autre jeune fille. Nashira, de sa famille si spéciale qui priait les étoiles. De sa famille si spéciale, que tous possédaient le nom d'une étoile. Mais lui, il l'appelait Grin, car elle souriait toujours. Nashira avait une véritable joie de vivre, une humeur si joviale qu'elle avait apporté un soupçon de réconfort dans sa vie.
Puis, il avait appris la vérité.
Elle avait été vendue. Il ne savait pas à qui, à quoi, ni où. La seule chose dont il était sûr... Il en était le seul responsable. Car le saint Zeno avait jugé que la douce Nashira détournait Basile de ses enseignements, qu'elle était d'une mauvaise influence. Et le cœur brisé, Basile vit disparaître le sourire de son ami de sa vie et il éteignit une part de lui, celle qui aimait.
Le sortant de ses pensées, le patron de la secte tapota un parchemin qu'il venait de déposer devant lui. "Tu liras ceci et tâche de ne pas te tromper, Basile." L'homme se levant, laissant simplement l'adolescent dans ses pensées, avant qu'il ne vaque de nouveau à ses occupations avant la soirée de fête.
Paroles : Trihexa A. Basile - Saint Zeno
Dernière édition par Trihexa A. Basile le Mar 10 Oct 2023 - 20:16, édité 5 fois