L'Eclair Bleu fend le ciel pour l'aube d'une nouvelle ère

L’air frais fouettant son visage, une femme à la peau sombre contemple le port impréssionnant du légendaire Pays des Fleurs. Le navire sur lequel elle est passagère se noie dans un mer de mâts et de voiles. Tous différents, tous obéissant au même flux et reflux de cette Baie. La grande Jing lui fait enfin face. Cette femme, habillé d’un simple veston et de sa combinaison, fixe sa destination l’air placide. Marquée par un drame qu’elle n'oubliera jamais, la saveur de l'émerveillement l’a quittée. Soupirante, elle s’affale sur le bord du navire en patientant l’entrée dans les quais. La petite caravelle se fraye un chemin à travers toute cette intense circulation. A peine accosté, une douleur intense lui prend au cou. Les nécroses sous ses yeux bleus s'étendent pendant quelques instants.  Se crispant, elle ploie sur un genou. Le capitaine du navire, un grand moustachu, surgit visiblement inquiet de l'état de sa passagère.

“Trisha, tu veux un peu d'eau, ou un encas? Tu n'as pas mangé de la journée.”

Le poison en elle lui provoque des crises si elle se laisse aller à la détente. Une terrible affliction rongeant son être à petit feu. Repoussant la main venue la soutenir, elle se redresse rapidement.

“Je vais bien.”

Son ton sec coupe court à la tentative du Capitaine. Celui-ci ne semble pas lui en vouloir. Son regard la prend en pitié. Une attitude à son égard qu'elle a toujours haïs. Prenant sur elle, la femme aux paupières tombantes donne une bourse dans les mains de ce monsieur.

“Pour le voyage.
-Mais, ce sont les sous que l'on t’a donné pour votre séjour, ici. Je ne peux pas accepter.
-Je ne manquerai de rien. Tu sais pourquoi je suis ici. Prends le. C'est la moindre récompense pour avoir supporter mes insomnies.”

Sans entendre une nouvelle contestation de sa part, elle quitte le navire les mains dans les poches de son veston. La tête droite, la femme en combinaison avance d’un pas déterminé.

Sur le quai, un homme aux allures d'importance se poste sur son chemin. Il est escorté par plusieurs personnes. Le magistrat s'approche de Trisha pour la saluer. Visiblement, il l'attendait. Une certaine méfiance apparaît dans le regard de la nouvelle venue.

“Bienvenue à Kanokuni, Camarade Trisha Campbell. Toutes mes condoléances pour le désastre du QG d’Aeden. Ce massacre ne sera pas oublié. Même ici nous partageons le deuil.
-Vos condoléances changeront-elles la face de ce monde ? Vous savez ce que je suis venue faire à Jing. Dites moi en quoi une cavalière de la Révolution peut vous aider, Camarade Zao.
-Arum. Certes. Nous sommes ravis de vous accueillir à Jing. La cause révolutionnaire est toute acquise ici bas. On espère que cette mentalité se diffuse progressivement sur tout le pays. Mais, les traditions sont tenaces. La noblesse à encore une crédibilité au sein de notre peuple. Nous restons unis par un consensus fragile mais nous sommes une maison divisée. Et je m'en méfie. J’ai bien conscience que vous objectez de reconstruire votre flotte d’intervention mais, comme vous vous en doutez, j’ai bel et bien un service à vous demander.
-J’écoute.
-Restez quelques temps pour partager votre expérience et votre savoir à nos camarades. Je n’ai pas tout le loisir d’encadrer cette force avec mon poste au Conseil, mais il ne faut pas que la volonté du peuple s’affaisse dans ce foisonnement économique et cette prospérité relative. Nous ne sommes que partiellement maîtres de notre destin.
-Est ce le Télépathe qui vous a demandé de m’attacher à vos terres?
-...
-J'accomplirai cette demande, mais je partirai une fois toutes mes préparations accomplies. J’ai toujours choisi mes combats, alors ne tentais de m’en préserver.”

Sur ses mots, l'irréductible Trisha passe son chemin comme si la première personnalité de ce pays n’était qu’un simple personnage. Zao, l’Etoile jaune, comprend maintenant les mégardes de Niklas d’Aldo auprès des survivants d’Aeden. Le peu qu’ils restent de ce désastre sont des personnes traumatisées et brisées par le drame. L’As de la révolution devra s’attendre à son genre de réponses sèches autant qu’à l’absence de jovialité de leur part. Il va lui falloir les intégrer, malgré tout, au mieux, dont leur meilleur élément en vie, aujourd’hui : Trisha Campbell, l'Éclair bleu.

Pressé par le temps, Zoa ne la course pas. Il a réussi à lui donner un but à Jing. L’homme laisse donc ses camarades sur place tisser des liens avec cette âme meurtrie. Il met rapidement le cap vers la Cité Rouge où son poste au Conseil l’attend. Ce retour dans les débats acharnés contre les parties bien peu acquises aux idées révolutionnaires ne l'enchantent pas plus que cela, mais il est de son devoir de persévérer. Trisha, quant à elle, continue son chemin, sa première escale dans une modeste auberge. L'hôtel des Thés. Ici, la Cavalière de la Révolution logera et déjeunera.

Quelques jours se sont passés. Trisha Campbell s'est installée dans cette auberge sans prétention. Une de ces tables fait office de bureau de fortune. Des fiches et des notes, elle donne l'impression d'une réelle savante malgré son allure. Pendant qu'elle marmonne des plans, une femme en tablier interrompt ses réflexions.

“Camarade Trisha. J'ai posté toutes les affiches.
-Parfait.”

Cette serveuse l'assiste depuis qu'elle s'est installée dans l'auberge. Elle se nomme Min et semble vouloir s’investir de bon cœur dans la révolution. Son histoire personnelle y est pour grand chose. Orpheline de père, elle n'a connu que la misère. Enlevé pour finir au service d'un riche noble de Jing, Min a pu être libéré de son terrible sort grâce à la Révolution. Tous ceux ayant connu la servitude chérissent plus intensément la liberté. Voyant une Cavalière de la Révolution logé où elle travaille, cette humble serveuse saisit sa chance et, malgré  quelques quoics, à ces débuts, Trisha l'a accepté. Sa personnalité lumineuse rafraîchit le quotidien morose de l'ancienne Aedenienne. Puis, avec le travail que Zao lui a demandé, elle ne peut préparer son projet et partager son savoir en même temps. Surtout avec son mal et ses insomnies.

“Oh ! Et un message de Zao vous demande comment avancent vos cours publiques. Il dit aussi que des choses l'inquiétante à la Capitale, et de faire attention à vous.
-Dites lui que les basiques de l'art de la Météo ont été inculqués. Je n'attend que des volontaires pour la pratique.
-Et moi !? J'en suis moi !
-Toute seule, cela ne suffit pas. A priori, tu veux me suivre. Il faut des personnes pour rester et étendre ce savoir.
-Si une tempête peut détruire une armada, alors une personne suffit, non?”

L'enthousiasme de la jeune Min fit arracher un sourire à Trisha. Le premier depuis son arrivée à Kanokuni. Il s'affaisse rapidement.  Son regard blasé replonge dans ses notes. La serveuse sait que c'est le moment de laisser Trisha à sa tâche. Penchant respectueusement la tête, elle s'éclipse avec une simple phrase.

“J'attendrai, Camarade Trisha.
-Si tu es disponible, je peux t'enseignez quelques techniques, le soir après ton service.”

Les yeux de la jeune femme s'illumine. Elle hoche la tête à répétition avec beaucoup d'entrain.

“A ce soir. Ne fais pas trop patienter les autres clients.”

Tout sourire, Min se retire pour continuer son boulot de serveuse. Beaucoup de révolutionnaires ici ont un travail pour subvenir à leur besoin. Le reste de leur temps est offert à la révolution. Tout comme Trisha à le statut de professeur libre, ici, ne vit que grâce aux dons après ses cours.

Par des démonstrations simples, Trisha a adapté ses enseignements à une population non initiée. Elle a déjà accompli cette tâche de mentor au sein des premiers temps de Purple Rain. Parfois, certaines questions innocentes lui rappellent d'anciens souvenirs qu'elle continue à enfouir. Ses cours ont un succès très moyen, voir médiocre. Sa voix monotone ne parvient pas à accrocher un grand public. Il était un temps où ses cours avaient de la passion. Mais ce temps est derrière elle.

“Voilà tout le processus pour faire apparaître un arc-en-ciel…
-ZAO ! L'étoile jaune du petit Matin est revenu avec de graves nouvelles ! Venez vite au port !”

Le cours de Trisha sur une des places de Jing se voit perturber par une grande agitation dans la ville. Son regard placide scrute les foules coagulées vers les orateurs parcourant toutes les rues. De graves annonces sont à prévoir.

“Le cours est terminé.”

Laissant ses auditeurs, elle se dirige donc au port. Au centre d'une grande place face aux quais, une estrade a été érigée. En quelques minutes, la place est noyée de monde. Trisha , au milieu, reste de marbre alors que des murmures angoissés l'entourent. Le Grand Zao se montre enfin, les habits abîmés par un voyage précipité. Sous la forme d'un discours, il informe le peuple et ses alliés.

“Mes Camarades. Les temps tant redoutés sont arrivés ! La noblesse veut notre mal. Nous avons été accusés à tort pour nous mettre au pied du mur. Ils ont décidé de nous museler, nous, les véritables défenseurs du peuple ! Avec Lee Yan, le gouverneur oppresseur de la péninsule du Tigre et ses avares de corsaires Chaojin, ils veulent détruire nos espoirs dans le sang. Leurs abjectes manœuvres corrompues ne nous auront pas ! Nous avons vécu bien pire ici même au bastion de notre mouvement ! Aujourd’hui, l’ennemi ne vient pas de l'extérieur mais de l'intérieur. L’armée a été mandatée pour nous soumettre par la violence. Nous ne nous laisserons pas mourir de faim dans nos murs. Nous nous battrons pour notre liberté et jusqu’à la mort, Camarades !”

Certains paniqués par cette terrible nouvelle, d’autres galvanisés par ce discours. La foule conquise à la Révolution crie à l’union son approbation devant l’Etoile jaune. L’appel à la guerre semble avoir été attendu dans l’esprit de beaucoup de révolutionnaires locaux. Le court de l’histoire du pays des Fleurs prend un tournant décisif.

"Soyons prêts à mourir pour notre cause. Ensemble, nous écraserons l’avarice et l’injustice de la surface de Kanokuni ! Pour le peuple et pour notre avenir ! AUX ARMES !”

D’un grand geste du bras, Zao indique à tous les révolutionnaires de partir s’armer, à tous les Cavaliers et Valets de réunir les volontaires. Comme un grand vent mystique, et un esprit de corps remarquable, Trisha ne peut qu’être admiratif de toute cette dispersion. Elle a même quelques frissons. Il est tant de prendre ce combat pour toutes les luttes qu’elle a échoué à remporter. Comme une rédemption, elle suit le mouvement des foules empoignant son rôle de Cavalière à pleine main, malgré son arrivée récente.

La femme aux paupières fatigués ferment subrepticement les yeux quelques instants. Une voix l’interpelle. Le jeune Min grimée en soldat d’infanterie lui tient l’épaule. Sa douce voix se fragilise par le stress intense.

“Le Gouverneur et ses hommes sont en face, Trisha.”

Dans cette grande plaine au Nord Est de Jing, l’armée révolutionnaire s’est positionnée pour couper le chemin des agents de la répression. La stratégie de Zao est d’éviter de faire souffrir la ville d’un siège désavantageux sans la suprématie navale. Voici que tout le destin révolutionnaire du pays se joue sur cette bataille rangée. Le ciel gris, l’atmosphère devient lourde. Cette guerre fratricide semble ne ravir aucun des deux camps mais, le destin doit s’accomplir. Le compromis ne peut plus durer. Le visage dur de Yao fixe son adversaire, Lee Yan, posté au loin à la tête d’une cohorte de cavaliers. Le nombre est le seul réel avantage des rebelles de Jing. Trisha sait qu’elle peut mourir sur ce champ de bataille. Elle s’y est résolue, pour que la mort que l’on ne lui a pas offert à Aeden, elle puisse l’offrir pour la cause.

Face à cette mer d’hommes en armes positionnée avec prudence, la Cavalière sent des gouttes de pluies perler sur sa peau. Son regard peiné se pose sur la jeune femme qui a voulu la suivre. Ce n’est pas une guerrière. Une simple serveuse qui pourrait devenir une formidable mère honorer la mémoire de ses parents aux destins tragiques. Les yeux apeurés devant cette armée, Min tremble des jambes. Elle ne désire pas faillir pour la cause, mais son corps lui crie le danger. L'Éclair Bleu de la révolutionnaire se retourne pour faire face aux centaines de troupes sous sa supervision. Des centaines de volontaires armés comme ils peuvent, artisans, boulangers, forgerons, gardes, pêcheurs, pères et fils, tous ici pour donner leur vie, sacrifier leur futur pour des valeurs plus grandes. La majorité d’entre eux portent des lances, d’autres bénéficient d’un peu plus de protection. Une flèche leur suffira pour rejoindre l’autre monde.

Dans cette troupe, les visages se crispent, les boyaux se serrent. Trisha les voient prêt à faillir. Sa qualité de chef de cette cohorte, la Cavalière doit les rendre prêts à se battre de toutes leurs forces. Fixant ces hommes et ces femmes ordinaires, elle doit trouver les bons mots. Le ton grave, mais la voix empli de détermination, Trisha scande une seule phrase.

“Ce que l’on fait dans sa vie, résonne dans l’éternité.”

Levant son bras droit, les nuages gris s’assombrissent dans le ciel. Le tonnerre gronde. La pluie devient battante. Une volée de flèches est lancée par l’adversaire vers elle. D’un ample mouvement du bras, la femme en combinaison se tourne vers l’ennemi. Une grande bourrasque les balaye réduisant drastiquement leur effet. L’éclair bleu commence à marcher devant ce qui paraît pour tous leur arrêt de mort. Ses simples mots couplé à cette démonstration inspirent comme une traînée de poudre les volontaires à ses ordres. Dans un cri à l’unisson, ils dressent leur pique et avancent avec leur Cavalière.

L’objectif de Trisha et ses hommes est de tenir l’aile gauche de la ligne contre les manœuvres de la cavalerie. Cependant, la femme aux Climato-gantelets préfère les batailles qui se terminent rapidement. Alors que les armées s’entrechoquent dans une charge mutuelle. Une partie des camarades doit encaisser une charge cavalière en plus des guerriers poussant toujours plus les volontaires révolutionnaires. Les armes s'entrechoquent, des râles d’agonie se font entendre, du sang gicle. Dans cette gigantesque mêlée, Trisha plonge de front sans regarder en arrière. Un premier soldat est surpris par un poing fracassant son casque et l'envoyant directement au sol. Une fois l’attention portée sur elle au milieu de leur ligne, l'Éclair bleu invoque une déferlante de tonnerre en plein dans les forces ennemies.

La tempête de foudre se déchaîne dans ce champ de bataille et l’épuise grandement. Grillant ses adversaires, Trisha ne prend personne en pitié. Ses yeux perçants n'offrent que du mépris. Remarquant une énième charge de la cavalerie pour faire effondrer le flanc gauche, Trisha s'empare d'une lance au sol. Visant un cavalier, elle projette de toutes ses forces cette arme. Transpercé violemment dans la poitrine, l'homme tombe lourdement. S'apprêtant à continuer à réitérer ses éclairs, une douleur intense lui prend la nuque. Ses nécroses ravivent intensément. Ses tripes se tordent. Tombé dans la boue, son corps ne lui répond plus. Le regard vide, elle voit ses camarades lutter de toute leur force, tombé un à un. Est-ce à son tour de rendre l'âme? Ses paupières s'affaissent un instant.

Une main tremblante et ensanglantée surélève la tête de Trisha. Celle-ci sent son crâne s'adosser sur des genoux. L'ange ouvre lentement les yeux. La jeune et douce Min, la poitrine transpercée de flèches, un bras amputé, décore son visage enfantin d’un faible sourire aux lèvres.

“Trisha… merci…tu m’as donné la force…”

Des larmes coulent sur ses joues pâles.

“M… ma vie n'a pas été… inutile…hein?”

Rendant son dernier souffle, Min s'effondre. Les yeux de Trisha s'écarquillent. De puissantes larmes jaillissent comme si un barrage venait de s'effondrer. Toute la douleur, toutes les souffrances et toutes les pertes réveillées par une nouvelle âme innocente qu'elle n'a pas pu sauver. La grande détresse de la martyre d’Aeden se dessine enfin sur son visage. La profonde tristesse, la solitude et la lassitude sont toutes les émotions qu'elle ne peut plus contenir.

“Pourquoi… pourquoi je ne peux pas vous rejoindre… s'il vous plaît… emmenez moi avec vous…”

À travers ses sanglots, elle tente tant bien que mal de se redresser. Approchant le corps sans vie de sa première amie dans ce pays étranger, Trisha est envahie de regrets. Elle n’a jamais appris à la connaître. Ne lui a offert que des mots froids, des regards sans compassion, la cavalière n’a été qu’une ingrate avec cette serveuse. Il n’a rien fait pour mériter son admiration. Tout ce qui l’anime ne se résume qu’au désir le plus bas de vengeance. Elle ne mérite pas de porter ses rêves. Pourquoi lui en confier encore et encore? N’est ce pas assez lourd de porter les souvenirs de toutes les âmes d’Aeden? Sans volonté, Trisha, les épaules affaissées, contemple avec envi le visage paisible de Min.

Des sabots s’approchent dans ce bruit de bataille. L’air devient frais. Un cavalier fait face à la lieutenante révolutionnaire à genoux. Le regard haut, sa voix porte.

“Votre armée perd du terrain. Vous avez montrez de l’honneur dans ce combat. Préserver les vies de vos idéaux faussement salvateurs. Le poids de nos traditions n’a jamais fait autant de morts qu’à votre arrivée. Il est temps d’abattre ce mirage morbide, car j’aime aussi mon peuple. Je veux le préserver, là où vous ne faites que le diviser.”

Trisha lève lentement la tête. Le grand ennemi Lee Yan est devant elle. La percée de sa cavalerie semble parvenir à ses fins. Ce général est venu honorer la combativité d’un de ses adversaires. Est-ce comme cela qu’il s’excuse d’avoir tué des personnes pleines d’espoir et de désir de liberté ? Les gens comme lui ne comprendront jamais. Pourquoi devrions-nous supporter une pathétique existence ? De quel droit un autre choisit notre destin ? Comment ose-t-il cacher les idéaux de milliers de sacrifiés ?!

“Vous me dégoutez.”

Posant le corps de sa camarade, les nécroses de la Cavalière rétrécissent. Trisha ne laissera pas les aspirations de ses camarades mourir avec elle. Son devoir, sa raison de vivre. Tant que sa force lui permet, elle souffrira de toutes les malédictions pour le dernier souffle des gens ordinaires comme la pauvre Min. Elle s’est toujours cru abandonnée. Mais, maintenant, elle sait. Les esprits de tous ses camarades l’aideront à porter le grand idéal révolutionnaire jusqu’à son dernier jour. Se relevant les jambes tremblantes, le regard teinté d’une nouvelle énergie puisant dans cette colère. Lee Yan hoche légèrement la tête comme s’il comprenait la valeur de cette combattante. Il plante sa lance au sol et saute de son cheval.

“Battons-nous pour tous ceux qui sont derrière nous.”

Adoptant sa posture de combat, le Gouverneur attend l’offensive. Trisha, les bras ballants, commence à marcher vers lui. A portée, elle tente d'assurer un premier coup de poing. Par un mouvement d’art martiaux, il dévie son poing pour la paume de sa main dans le ventre de son adversaire. De violentes vibrations émanant de ce coup torturent les tripes de l'Éclair Blue. Malgré des râles de douleurs, victime du Hasshoken, Trisha parvient à empoigner le bras de son adversaire. Lee essaie de se retirer en donnant un nouveau coup vibrant percutant la joue de l’ange sans aile. Il s’attendait à la mettre hors combat avec sa maîtrise parfaite du Hasshoken. Mais la poigne de cette révolutionnaire s’est renforcée. La détermination d’une femme qui n’a plus rien à perdre prend le noble par surprise. La cavalière lève un bras, le regard satisfait. En un instant, un gigantesque éclair s'écrase sur eux. Comme une punition du ciel, ce tonnerre s’accompagne de multitudes d’arc électrique au sein même des troupes du Gouverneur. Prenant de plein fouet cette attaque, Lee Yan finit rampant et mal en point. Trisha s’effondre inconsciente après perturbé les forces de commandement.

“S’est elle réveillée?
-Miraculeusement, son état est stable, Secrétaire Générale Zao. Nous vous préviendrons lorsqu'elle ouvrira les yeux, mais j’ai bien peur que le poison en elle n’est raison bien avant.
-Elle a survécu à Aeden. L’éclair bleu ne se laissera pas mourir facilement.
-Vous pouvez… discutez ailleurs.”

Les deux hommes se retournent avec une grande surprise vers la femme alité. Trisha s’est enfin sortie de son coma. Habillé d’un simple kimono blanc et le corps parsemé de bandage, elle se redresse le visage crispé par la douleur. Le médecin et le dignitaire se précipitent auprès de sa couche matelassée.

“Attention, Camarade Trisha, vos blessures ne sont pas remises.
-Combien de temps suis-je resté, ici?
-Cela fera bientôt un mois entier.
-Nos morts ont-ils été utiles?
-La Révolution a remporté cette guerre, oui. Votre attaque a permis de perturber assez l’ennemi pour renverser le cours des choses .Après la capture du Gouverneur, nous avons pu négocier une véritable constitution avec l'Empereur. Beaucoup de vos hommes se sont illustrés dans cette lutte. Vous avez inspiré les cœurs de mon peuple, encore aujourd’hui, il voudrait faire de vous leur hé…
-Amenez moi au cimetière.
-Ce ne sera pas raisonna…”

D’un geste de la main Zao interrompt le médecin. Il constate l'obsession de la Cavalière d’Aeden. L’homme ne peut qu'adhérer à sa demande.

“Apportez des béquilles. Je l’accompagnerai, camarade.
-Bien, Secrétaire Générale Zao.”

L’As de la Révolution joue ainsi l’auxiliaire de vie, aidant Trisha à se relever. Il l’aide à s’habituer aux béquilles de bois. La guidant vers le mémorial, ils sortent du complexe médical pour progresser hors de la ville. Un gigantesque espace vert auquel des pierres gravées ponctuent le paysage. Alignés parfaitement, les deux cadres de la Révolution progressent entre les rangées de pierre. Zao prend le temps de lire les noms de tous ses soldats tombés pour leur cause. Le visage de Trisha s’affaisse à chaque nom prononcé. Ils parviennent à la tombe de Min.

“Min a toujours voulu combattre pour offrir à sa petite soeur, qu’elle a quasiment élevée, un avenir meilleur. Cette petite vient déposer une fleur chaque jour depuis. Elle refuse de voir faner la mémoire de son aînée.
-C’est elle, le véritable héros.”

Une larme coulant le long de sa joue, Trisha pose sa main sur cette tombe. Sans un mot, elle reste quelques secondes à fixer ce nom parti à tout jamais. Elle lève les yeux au ciel.

“Continuons, Zao. Parlez-moi de tous les gens que nous avons perdus.”

C'est ainsi que Zao le grand réformateur de Kanokuni passe finalement une grande partie de son séjour rapide à Jing à accompagner cette Cavalière honorant les morts. Peu après, il retourne à la Cité Rouge pour organiser les premières grandes élections à l'échelle du pays.

Une semaine plus tard, Trisha s’est à peu près remise de ses blessures. Elle n’a pas laissé le choix au médecin de la laisser partir. La Cavalière veut rétablir l’héritage de son ancienne flotte. Tous ses sacrifices à Kanokuni n’ont fait que renforcer sa détermination. Malgré les drames, l'Éclair bleu ne semble plus être la révolutionnaire accablé de ses débuts. Son regard a repris un peu de vie.

Progressant dans les rues, de nombreux passants la saluent et des enfants la fixent avec un mélange de crainte et d'admiration. Elle ne perd pas de temps à faire la discussion. Une fois sur le quai, un jeune homme avec des lunettes rondes lui coupa la route. Il n’est pas seul, neuf autres camarades l'accompagnent. Le groupe s’incline avec un profond respect devant l’héroïne du moment. Trisha effectue un mouvement de recul assez gêné par l’attention. L’homme prononce enfin des explications.

“Camarade Trisha ! Je me nomme Tang. Zao nous a prévenu de votre ambition. Nous sommes les volontaires qu’il a réunit.
-Je reconnais ton visage. Tu suivais mes cours. J’aurais préféré que l’on m’en parle avant. Vous vous pensez à la hauteur?
-Nous vous suivrons au péril de notre vie. La Révolution n’a jamais autant résonné en vous, laissez nous combattre à vos côtés.
-Vous vous trompez. La Révolution brûle en chacun de nous. Mais, j'aurai le temps de vous donner bien d'autres leçons pour relever le niveau.”

Le jeune homme est soulagé que la Cavalière accepte, malgré tout. Ces incertitudes balayées, Tang effectue d’un simple geste compris de suite par ses compagnons, comme s’ils venaient de préparer cette scène. Un de ses amis pose lourdement un coffre plein de berries au pied de cette femme. D’une main, il pointe à un navire à quai.

“Le Secrétaire Général Zao et le peuple de Jing vous offrent une part des biens confisqués aux nobles rebelles pour financer votre projet. Mais aussi cette frégate que nous avons déjà investi.
-Attendez, vous voulez dire que vous n'êtes pas seulement une dizaine?”

L'étonnement dans le regard, Trisha observe le nombre d’hommes aux abords du navire la saluant en hauteur. Tous à l’unisson scandent fièrement la même phrase.

“Ce que l’on fait de sa vie, résonne dans l’éternité !”

Un sourire inspiré éclaircit le visage de l'Éclair bleu de la Révolution. Les yeux humides, elle se dirige vers sa toute nouvelle frégate : L'Ellia Wayne. Un hommage à sa meilleure amie d'Aeden et ancienne supérieure tombé, lui laissant l'héritage des Purple Rain entre ses mains.