Méditez et vous comprendrez.
Inari.
La renommée de cette île de North Blue la précédait. Tout du moins, la réputation de cette fameuse « osmose divine ». Toujours à la recherche d'une nouvelle façon de s'améliorer, Hayato n'avait pas pu résister à l'appel de cette île entourée de tant de mystères. Qu'un nombre incalculable de religieux, chamans et autres illuminés puissent cohabiter sereinement sans s'étriper lui semblait impossible. Lui même ne s'était jamais laissé bercer d'illusion à propos d'une quelconque religion, et ce depuis son plus jeune âge. Il faut dire qu'en naissant à Las Camp, près de Last End, on ne pouvait émettre que deux hypothèses assez rapidement : ou bien Dieu n'existait pas, ou bien il avait délaissé cette partie de West Blue.
Hayato descendit du petit navire d'emprunt, lorsque celui-ci s'amarra au ponton de bois. Il remercia les pèlerins qui l'avaient aimablement invité à se joindre à eux, une fois qu'ils avaient appris l'envie de l'épéiste de découvrir Inari. Loin de toute velléité mystique, le sabreur avait un but plus terre à terre. La méditation faisait, bien entendu, partie de ses entraînements quotidiens pour affiner ses sens et sa maîtrise du sabre. Aussi, à force d'entendre à quel point ceux qui visitaient cette île atteignaient l'illumination, la clarté et une vision globale de la vie... la curiosité avait été trop forte. Se pourrait-il qu'il trouve ici une voie spirituelle à arpenter, afin d'en ressortir grandi ? Trouverait-il un guide pour l'aider à affiner la maîtrise de son corps et de son esprit ?
Rien n'était moins sûr.
Partout où se portait le regard, Hayato ne voyait que des songe-creux. Bien sûr, le délit de faciès s'avérait souvent nuisible, sinon fatal, mais que dire devant un tel spectacle ? Partout où se portait son regard, il voyait des robes de toutes les tailles, formes ou couleurs, des regards hagards et des sourires benêts. Il entendait des discussions lunaires, tandis que des effluves fortes d'encens l'assaillaient de toutes parts. Il hésita ; mais il fallait plus qu'un premier a priori négatif pour le détourner de son but. Le vagabond avait fait tout ce chemin pour tenter de trouver des réponses, il ne repartirait pas sans au moins avoir posé quelques questions.
Hayato posa son maigre balluchon sur son épaule et, armé de son bokken, commença à s'éloigner du port. Celui-ci grouillait de touristes, de charlatans et d'attrapes nigauds. S'il y avait bien un endroit où il n'avancerait pas d'un iota, c'était celui-ci ! Le voyageur laissa ses pas le porter où bon leur semblait, profitant de l'occasion pour laisser ses oreilles trainer et ses yeux fureter. Une vieille habitude, prise lorsqu'il s'était promis de rester en vie.
Si la marine était bien présente sur Inari, tout North Blue connaissait les rumeurs concernant la fameuse « Cabale ». Cette dernière réussissait à passer entre les mailles du filet et continuait d'officier au nez et à la barbe des autorités locales. Mais il n'était pas ici pour s'occuper de cette secte d'assassins. Et quand bien même l'aurait-il voulu, qu'aurait il pu faire, seul ?
- Oh, frangin ! l’interpella un jeune homme brun. T'es nouveau ici, hein ?
- Ça se voit tant que ça ? sourit Hayato.
- Pas qu'un peu ! Haha ! T'as l'air trop sérieux, trop... terre à terre. Tu vois c'que j'veux dire ?
- Non.
Un corbeau croassa, en arrière plan.
- Oh, frangin... détends toi un peu ! On est tous la pour prier un Dieu.
- Et bien... si on veut.
- Oh. T'es athée ?
- Plutôt agnostique.
- Ah... Ça se traite, tu sais ?
Devant le regard éberlué de l'épéiste, l'homme se mit à hurler de rire.
- T'es vraiment trop sérieux ! Qu'est ce que tu viens faire ici, frangin ?
Le vagabond hésita. L'homme semblait bien trop accueillant, bien trop amical... bien trop vite. Il portait un poncho jaune et vert sale, ainsi qu'un bandeau vert délavé retenant des cheveux crasseux. À présent, l'énergumène se grattait sa barbe hirsute d'un air absent et le regardait avec des yeux de merlan frit, attendant clairement une réponse. L'épéiste soupira.
- J'ai entendu parler de « l'osmose divine ». Ça vous dit quelque chose ?
- Là, on parle la même langue, frangin ! déclara-t-il avec un grand sourire.
Le nouveau venu lui passa un bras autour du cou, comme s'ils étaient tout à coup devenus les meilleurs amis du monde. C'est alors que son parfum étrange attaqua les narines de l'épéiste.
- Moi c'est Frank, comment tu t'appelles, frangin ?
- Hayato, répondit-il, peu rassuré.
- Hayato, j'vais t'apprendre à vivre comme il faut ! Suis moi !
Débarquer ici n'était peut être pas une si bonne idée que ça, finalement. Malgré tout, pratiquement pris en otage, il se laissa guider par la démarche chaloupée de Frank, Dieu seul savait où.