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L'Art de la Tempête ne s'apprend pas en un jour

Sur le pont d’Ellie Wayne, Trisha Campbell est postée sur la proue surélevée par rapport à ses nouveaux camarades. Pour faire renaître les Purple Rain et venger ceux qui ont voulu écraser la volonté d’Aeden, la climatologue a besoin de former ses troupes à la pratique de l’Art du Climat. Première à importer ce nouveau savoir, elle doit reprendre toutes les bases. Absolument toutes !

Autant dire que la tâche n’est pas aisée mais provoque un grand stress à la scientifique. Rongeant son frein en constatant les grandes difficultés, la vulgarisation n’est absolument pas sa tasse de thé. Elle ne pense qu’à une chose: expérimenter ! Malheureusement, elle doit devenir professeur à plein temps. Heureusement, le Secrétaire Général Zao lui offre l'affrètement et la subsistance de son nouvel équipage.

Lors de ce cours théorique, de nombreux membres luttent pour rester éveiller. Trisha grince des dents en voyant certains se distraire plutôt qu’écouter les informations cruciales. Cela fait, à ce jour, plusieurs semaines et, seulement, quelques prodiges sortent du lot. Le reste stagne dramatiquement. Faisant une énième démonstration en formant un petit nuage, elle entend des ricanements sur le pont. La frustration montant en elle, Trisha devient d’un coup très silencieuse. Le petit nuage devient gris et grossit lentement. Des éclairs inoffensifs en émanent. Le silence revient subitement sur le navire.

D’un côté d’un seul, les nécroses sous les yeux s’élargissent. Sa tête commence à tourner. Le nuage s'évapore. Une douleur lui retourne les tripes. S'effondrent sur les genoux, la Capitaine se tient le cou en souffrance. Elle s'est laissé distraire, le poison en elle se réveille, encore. Les nuits courtes, les journées épuisantes et un mal empoisonnant son existence. Il lui rappelle que le fil fin qui la maintient en vie peut se rompre à tout moment. Il lui réveille les douloureux souvenirs du jour où elle a tout perdu. Pour ces souvenirs, cette misérable existence, elle s'y accrochera jusqu'au bout.

La panique se propage dans l'équipage quand leur Cavalière est prise d'un soudain malaise. Ils accourent pour la soutenir. Le second de l'équipage est le premier à réagir. Soutenant le bras de Trisha sous son épaule, il essaie de la guider dans sa cabine.

Écartez-vous. Vous allez l'étouffer. Je m'en charge, que quelqu'un fasse venir le médecin !
-Ce n'est pas la peine. Repose-moi, Tang…
-Camarade Trisha, on ne sait jamais. C'est la quatrième fois en une semaine.


Trop épuisé pour émettre une résistance ou supporter un débat, Trisha se laisse assister jusqu'à sa cabine. Elle se couche dans son lit avec l'aide du jeune homme. Regardant le plafond, son visage continue de se crisper de douleur. Tang, à son chevet, semble inquiet en attendant le médecin. Agitant nerveusement la jambe, il observe avec désarroi que cette crise est plus longue que les anciennes.

Calme toi, tu veux. Mon heure n’est pas pour tout de suite.
-Il y a de quoi s'inquiéter.
-Je n’ai pas besoin de quelqu’un pour cela. Je sais déjà ce qu’il m’arrive. Renvoie le médecin chez lui. Je n’apprécie pas ces aiguilles.
-Son acupuncture vous a pourtant soulagé.
-L’effet s’estompe. La douleur est un avertissement. Je paye pour ma négligence. Ma tête est prise par beaucoup de choses en ce moment. Laisses-moi méditer.

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D'abord hésitant, Tang se résigne à écouter sa Capitaine. Les nécroses ont commencé à s’estomper. L’homme, un peu rassuré, se redresse s'apprêtant à laisser la Cavalière se reposer. Menacé par une nouvelle solitude, Trisha regrette ses mots et lui accroche le vêtement pour le retenir.

Il… Il faudrait que l’on trouve une solution pour accélérer l’apprentissage.
-Veux-tu que je prodigue tes cours pendant tes méditations?
-Tu es talentueux comme ton oncle, mais ce n’est pas la bonne solution. Tu finiras par buter sur les mêmes difficultés. Il faut totalement changer de méthode.
-A quoi tu penses?
-Depuis le temps que je côtoie votre peuple, je ne connais pratiquement rien de vos coutumes. Je vois bien que vous êtes tous très indulgents avec moi…
-Non, tu te trompes. Nous n'avons aucun mal à nous adapter.
-Tu n’as pas besoin de jouer les flatteurs avec moi. Racontez-moi plus tôt comment vos écoles fonctionnent.
-Oh… il n'y a rien à en dire.
-Pourquoi?
-C’est… ça ne change pas vraiment de vos cours.
-L’ennui dans ton regard en dit long sur mon échec.
-Votre savoir n'est peut-être pas fait pour tout le monde. Nous restons peu à avoir réussi vos tests.
-Je ne suis pas à mon premier essai. Je veux accélérer les choses le plus possible. À croire que je dois me conformer à la vitesse moyenne des cerveaux environnants.
-Nous ne naissons pas tous prodigieux.
-Je sais. Je suis agacé par la situation. Le théorique demande bien trop de temps à être assimilé.
-Comme dit mon oncle, les cours n'ont jamais beaucoup plus aux esprits rebelles.


Sa crise calmée, Trisha se place en position assise sur son lit. L'air réfléchi, cette phrase vient d'éclaircir son esprit. La solution au problème était pourtant si évidente. Elle s'adresse à son second avec un plus d'entrain qu'au début.

Hum. Ton oncle est perspicace. Il me faut changer totalement de modèle. Au lieu d'imiter les professeurs, imitons les colonels.

La cavalière sort du lit pour écrire sur sa table de chevet une liste de noms.

Sélectionne les meilleurs éléments. Nous allons planifier de la dure pratique des corps d'armée.

Elle donne cette liste à Tang. Celui-ci s'exécute, curieux de connaître quelle idée portera les Pluies Pourpres dans les prochains jours.
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Des cris de guerre retentissent dans le grand port de Jing. Dans une énergie à l’unisson, les exclamations en rythme suivent les sons d’un grand tambour. Toute cette énergie émane d’un seul navire réunissant des curieux à son quais. Cette frégate est survolée de nuages étincelants et de bourrasques. Comme un appel à la tempête, l’équipage s’adonne à des chorégraphies de mouvement. Chaque groupe prend modèle l’un des leurs guidant des mouvements qui leur sont propres. La pluie, la chaleur, le vent et les éclairs, chacun leur spécialité, tous unis dans le même objectif.  

Sur le pont supérieur, la chef d’orchestre de toute cette prestation guide de ses bras la coopération de tous les groupes. Le regard fixant le ciel, elle tente de doser sans influencer l’ouvrage de ses disciples. Deux femmes à ses côtés jouent le tambour pour rythmer les gestes de chacun. Tous faisant qu’un à cet instant, chacun suit avec passion cet esprit de corps. Une camaraderie sublimée par l’Art de la Météo, voilà ce que tous pensent. Pour Trisha, ce n’est que diviser les tâches et créer des mouvements types pour inculquer au moins une force de frappe possible à son équipage. Sous sa direction, un nuage commence à assombrir le bâteau.

Le cumulus s'épaissit, des éclairs retentissent et de la pluie tombe en averse sur le pont. Malgré la fatigue de l’équipage, la Cavalière continue les mouvements. Elle veut les pousser dans leurs limites. Même les repousser jusqu’à l’évanouissement. Sa passion pour les orages la submerge, prenant le pas sur son discernement. Trisha ne prévoit pas les faux mouvements et les erreurs. Si bien qu’après plusieurs minutes de forte intensité, les éclairs deviennent subrepticement incontrôlable. Une frappe menace les musiciennes. La Cavalière fait bouclier inextremis prenant de plein fouet l’attaque.

L'entraînement s'arrête instantanément. Stupéfaits par le drame, tous offusqués de honte par l’accident, ils restent tous bouche-bée. Les guides des groupes accourent vers leur capitaine encore fumante. Le genou au sol, Tang, parmi eux, s'approche pour tenter de la redresser.

Ne me touche pas !

D’un mouvement de recul, Tang fait un pas en arrière. L'Éclair bleu se redresse avec des étincelles bleues parcourant encore son corps. Elle contemple ses gants chargés comme au bon vieux temps. Sa résistance naturelle semble s'être renforcée, mais la climatologue n’est plus capable de contrôler les flux électriques. Comme une amputée, son regard est teinté de mélancolie. Un silence s’impose pendant un court moment. Chassant sa tristesse d’un soupir, elle fait porter sa voie vers ses hommes.

C’est tout ce dont vous êtes capables. Ce n’est pas ce genre d’attaque qui mettra la Marine en déroute.

L’assemblée est intriguée que leur capitaine les réprimande sur leur manque de puissance plutôt que sur leur manque de contrôle. Heureusement, Tang vient aux oreilles de Trisha.

Il serait probablement mieux de protéger le navire et nos compagnons par des installations comme vous en aviez l’idée au début.
-La cage de Faraday? Hum, j’ai été un peu prise par les cours. Où en sont nos commandes?
-Elles nous parviendront le lendemain s’il n’y a pas de problème.
-Très bien. Reprenons les mouvements sans les bâtons climatiques. Nous orienterons les cours sur la bonne réalisation et le contrôle pour aujourd’hui.


Malgré la fatigue, Tang et le reste des troupes acquiescent. Cette nouvelle méthode d'entraînement prend d’enthousiasme tout le monde. Les frayeurs, les lassitudes et les conflits sont balayés pour ne laisser place qu’à l’Art de la Météo. Tous sont à cet instant devenu des fervents disciples de l'Éclair Bleu, bien plus que des volontaires auprès d’un héros révolutionnaire. Les Pluies Pourpres renaissent sous une nouvelle énergie. Celle de Kanokuni.
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