[FB 1616] Destrugo, ergo sum.

Toute mort mérite châtiment. S’il n’est pas de rigueur que l’homme, éphémère de condition, s’en régale certains outrepassent cette règle. Bien peu en ont la véritable présomption, mais ils se pavanent là avec l’apanage des rois. Ce ne sont que de simples marcheurs parmi les autres mais leur propre conscience d’eux-mêmes est faussée par des années de fausses convictions. Comment alors, pouvoir lutter contre cet idéal, ce but inexorable qu’est la vengeance ? On peut dispenser les souffrances en réponse à cette fin, mais jamais elle n’est justifiable. La revanche n’est pas correcte, elle ne sied pas aux mœurs volubiles de ce monde en déclin. Mais que penser alors de celui qui la met au profit de sa cause, celui qui nourrit sa haine en l’honneur d’un ultime acte ? L’homme qui consacre sa vie à la poursuite d’une cause et y verse tout son être. Doit-on alors penser de lui qu’il n’est qu’un flagorneur comme les autres, que la justice qu’il dispense est d’ors et déjà faussée par un constat noircit de ce qui l’entoure ? Pourquoi, alors, ne pas envisager son point de vue ? Essayez d’embrasser sa cause ne serait-ce qu’un instant, et alors vous serez à même de juger si sa rancœur n’est pas, au final, qu’un outil nécessaire. Son châtiment ne se dicte pas à la seule mesure de sa volonté, n’y-a-t-il rien de plus terrifiant qu’un meurtrier méthodique ? Et si la mort d’une seule personne, ou d’une centaine, pouvait sauver le monde ? Ah, ça oui. C’est une question terrifiante à laquelle vous ne pourriez répondre, ou ne voudriez pas afin de conserver cette façade de bonimenteur que vous arborez. Lui a choisi. Lui a perdu son âme dans un choix devant lequel il ne pouvait fermer les yeux. Il fut victime de ce déclin avant même qu’il ne vienne au monde. Il fut victime de cette décadence alors même qu’il balbutiait dans le monde. Il fut plongé dans la misère, apprit à connaître les moindres recoins infâmes et obscures de l’âme humaine pour s’en faire un bouclier de braises. On perd tout un tas d’idées préconçues sur la notion de bien et de mal la première fois que l’on vole pour manger. Et il en va de même lorsqu’on élimine sa première cible. Un mal pour un bien. Une idée trop peu répandue, mais si les ténèbres se sont ancrées trop profondément c’est parce que personne ne les a vues s’enraciner dans nos cœurs. On ne peut couper la mauvaise herbe, mais seulement espérer qu’elle ne viendra pas nous envahir. Tout ceci n’a que trop duré. Tout ceci est ridicule, pourquoi ne pas lutter ? Parce que l’homme est couard de nature, parce que laisser faire est préférable au changement. Alors, est-il vraiment présomptueux de se croire maître de châtiment, de vouloir corriger le monde en éradiquant tout ce qui a nature à le corrompre ? Non, c’est audacieux.

[Île de Tanuki, il y a huit ans.]

« Mes mains tremblent encore sur le parchemin, alors que je couche ce qui risque d’être mes derniers mots sur le papier. Je les entends, ils arrivent. Je les entends, ils viennent des profondeurs. Je l »
Derniers mots d’une page du journal de mission de J.H. Carter, jeune recrue, le reste est maculé de sang.

Jeune. Oui, il l’était encore. Seulement dix-sept ans mais déjà une rage sourde coulait dans son cœur. On le voyait dans chacun de ses gestes, et cette impatience n’était pas feinte. Il jouait avec une de ses dagues et la faisait repasser sans cesse entre ses doigts agiles. Il n’aimait pas cette idée, que son frère ait décidé de s’en remettre à un pouvoir subjectif qui n’avait rien d’humain. S’il avait accepté de devoir se vouer à une cause qu’il comprenait préjudiciable, il n’en était pas encore au point de devoir sacrifier sa condition d’homme. Elle était pour lui le symbole de ce pour quoi il luttait, et la puissance ne nécessitait pas un tel sacrifice. Sa lame était bien plus agile que bien des langues, et ses jambes le porteraient encore sur des milliers de lieues. Pourquoi alors qu’ils étaient si jeunes, si purs, devaient-ils se souiller avec les armes de leurs adversaires ? Mais Césare avait consentit à cela. Il était plus mature que son jeune frère et le savait. Celui-ci n’avait pas encore digéré la perte de son maître et en voulait en ce moment à la terre entière. Il avait légèrement changé dans ses méthodes, et penchait peut à peu vers une version sans pitié du tueur qu’il désirait être. Non pas que tueur soit un terme adapté, mais c’était ainsi qu’on parlait de lui. Il débutait dans sa vocation à détruire tout ce qui nuisait au peuple mais dans sa rage, il oubliait peu à peu que la Marine entière n’était pas forcément mauvaise, qu’elle incarnait une base rigide sur laquelle bon nombre de citoyens se reposaient. Mais ils étaient aveugles, trop emmitouflés dans leur satané confort. Ils auraient regardé un gosse crever devant leurs yeux sans même réagir. Ils étaient béats et se complaisaient d’une situation compromise d’avance mais là n’était pas le débat en cette journée. Rafaelo attendait Césare depuis plus d’une dizaine de minutes et commençait à s’impatienter.

« Plus de cinq cent petits rats qui nous attendent, juste là. Cinq cent qui se complaisent et abusent de leur pouvoir. Voilà ce qui a coûté la vie de tant d’honnêtes gens … voilà pourquoi c’est ici que tout se passera … » se murmura-t-il.

Oui. Tout débuterait ici. Aujourd’hui, ils allaient étaler leur puissance aux yeux des blues. Ils allaient détruire cet endroit et prouver à ces insectes que les Auditore étaient toujours vivants, que les Auditore étaient invincibles et que jamais ils ne pourraient détruire ceux qui luttaient pour le peuple. Ils étaient des Révolutionnaires car tel était l’archétype qu’on leur imposait mais dans le fond de son âme, Rafaelo n’aspirait pas au pouvoir et au bonheur de tous. Il était aveuglé par sa colère, et peut-être était-ce pour cette raison même que Césare avait choisit cette occasion. Il avait prétexté lui prouver que son choix était justifié, que le fruit était nécessaire. Le jeune Auditore avait bien conscience que cette caserne était un très gros morceau et qu’il allait falloir ruser pour en arriver là, mais cinq cent vies ne seraient pas de trop pour rendre hommage à la Volpe. Déjà il tissait l’écheveau d’un plan complexe impliquant de la poudre et une mèche bien placée. Mais il s’intéressait bien plus aux entrelacs subtils que les vaisseaux sanguins de ses proies dessineraient lorsqu’il leur aurait ôté toute substance. Il était impatient d’en découdre, beaucoup trop pour de telles circonstances mais sa soif de revanche était inextinguible. Ils étaient tous coupables d’avoir choisi le camp des oppresseurs. Il n’y avait pas de place pour la pitié, et encore moins pour le pardon ! Ils devaient mourir pour ne pas avoir arrêté un chef lorsqu’il torturait un vieil homme, ils devaient mourir pour avoir tué un homme chez lui … et mis en fuite sa femme en ceinte ! Ils devaient tous y passer, les uns après les autres. Pas d’exception, cette nuit serait une nuit rouge et Rafaelo se relèverait lavé des affronts de ses adversaire. Mais il oubliait le principal … quelle surprise lui réservait donc Césare ? Un léger bruit attira alors son attention. Il cessa de jouer avec ses dagues et plongea son regard sur le fort qui apparaissait en contrebas, à quelques centaines de mètres. Il afficha un masque détendu sur ses traits, tentant de masquer par là qu’il était dans un état de nerf proche d’une crise meurtrière. Césare n’aimait pas cela, en général, car les émotions nuisaient à l’analyse, au sens logique. Rafaelo pouvait reconnaître son frère entre mille, rien qu’au bruit de sa respiration, à sa démarche ou encore sa présence si unique. Il ne se retourna pas mais arbora une mine déterminée. Il n’appréciait pas ce qu’il venait de faire, mais peu importait. Chacun était encore libre de ses choix.


« Donc ça y est. Tu l’as fait. » trancha-t-il, comme une évidence.
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[Hrp : ça aussi, il fallait le terminer ^^]

Les mots étaient superflus. L’assassin parlait d’évidences, et jamais son frère ne prenait la peine de confirmer ce genre d’abus. Il s’agissait d’une constatation qui trahissait à la fois l’amertume et l’envie du jeune homme. Il savait que, dès à présent, il était le seul des deux à être resté humain. Il n’avait pas sacrifié sa condition pour devenir plus puissant, et comptait sur son humanité pour faire la différence en ces temps obscurs. Il était un meurtrier implacable, et rien ne pouvait se dresser sur sa route. S’ajoutait à cela le fait qu’il était secondé par son frère, l’Empereur qui n’avait jamais connu la défaite. Il l’admirait en un sens, mais savait aussi que son flegme cachait un monstre tout aussi impétueux que lui. Rafael contempla le vide qui se dessinait autour de lui, sondant les abysses. C’était donc leur tir d’essai. Ils n’avaient pas droit à l’erreur, et ils devraient faire mouche à tout prix. Et, étrangement, ce n’était pas la peu qui le faisait trembler, mais l’excitation de ce défi. Une nouvelle occasion de mettre ses capacités à l’épreuve. Et quelle épreuve : mettre à sac un des forts les mieux gardés de la Marine sans se faire attraper. Et qui sait, peut être même tuer un Colonel ! Non, ça mieux valait ne pas trop compter dessus … Césare l’avait bien mis en garde, de ne rien tenter contre lui si jamais ils n’étaient pas deux. L’assassin se concentra alors sur sa tache. Il ne pouvait plus penser en temps que le novice qu’il était, mais comme l’artiste qu’il allait devenir ce soir. Il fit sortir sa lame de sa gaine, puis la rengaina sans bruit, le mécanisme était parfaitement huilé. Il adressa un signe de la tête à son frère qui lui répondit par un sourire énigmatique avant de se jeter dans le vide, les mains dans les poches. Rafael resta quelques temps interdit, comprenant que son fruit lui avait donné des capacités inédites, puis il écarta les bras et se laissa lui aussi tomber en avant. Se retournant dans les airs, il frôla la roche du bout des doigts et crocheta une prise puis une autre afin de se stabiliser contre la paroi tandis qu’en bas, Césare s’écrasait de tout son poids, dans un bruit sourd puis se relevait. Il ne fallut pas moins d’une minute à l’assassin pour rejoindre son frère, ce qui le laissa amer, jamais il n’avait perdu à ce genre de jeu … c’était comme tricher.

« Je m’occupe de la diversion. » murmura-t-il avant de se ruer à l’assaut d’une maison non loin de là.

Passant sur le toit de l’obstacle en quelques secondes, il se mit à courir de toutes ses forces, sautant par-dessus les rues avec une discrétion étonnante. Il enchaînait cabrioles et acrobaties comme un maître, rien ne semblait pouvoir freiner sa course. Le vent claquait à ses oreilles, synonyme de liberté. Il pliait le décor à ses envies et rien ne semblait pouvoir lui résister. Du moins jusqu’à ce qu’il parvienne à la gigantesque muraille qui abritait le casernement des Marines. Le toit sur lequel il se tenait jouxtait celle-ci, mais ne dégageait aucune prise apparente. Il en fallait heureusement plus pour décourager l’assassin. Tirant deux dagues de sa ceinture, il prit trois pas d’élan et les planta dans une faille entre deux pierres. Le choc ne fit pas plus de bruit qu’une porte se claquant, mais déjà, forçant sur ses muscles, Rafael se hissait sur ses dagues. Il dégagea la première et la planta aussi tôt un peu plus haut, atteignant enfin des prises praticables. Se maintenant du bout des doigts, il rengaina ses lames, et commença son ascension. Il arriva enfin à ce qui semblait être des remparts, où la ronde s’exécutait à en témoigner par le bruit des bottes claquant contre la pierre. Attendant que les soldats se soient éloignés, il se hissa sur le chemin et, restant accroupi, partit dans la direction opposée. De là, il pouvait voir l’ensemble des bâtiments que contenait le QG, ainsi que le mouvement des troupes, visibles au possible grâce aux torches qu’elles véhiculaient. Il frôla du bout des doigts sa sacoche, inspectant les deux fioles de feu grégeois qui y trônaient. La plupart des soldats dormaient à cette heure tardive, et les rondes étaient mal organisées, tout semblait tranquille dans cette petite ville où plus d’un dixième de la population était dans la Marine. C’en était presque pitoyable. Soudain, de l’autre côté de la caserne, au pied de la muraille, une torche vacilla puis s’éteint. Césare était déjà là. Il n’y avait donc pas de temps à perdre.

Courant sur la muraille, l’assassin tira à nouveau deux lames de sa ceinture et les plaça entre ses doigts. Grand bien lui en fit car la lumière d’une torche se fit alors apercevoir. Devançant ses cibles, il bondit dans les airs tout en expédiant ses deux lames. Deux Marines tombèrent, frappés à la gorge par le dard mortel. Le troisième eut seulement le temps de voir la lame secrète de l’assassin sortir de sous son poignet gauche, avant qu’elle ne lui perfore la carotide. Rafael s’écrasa de tout son poids sur sa cible, et récupéra de son autre main la torche avant qu’elle n’embrase les habits des soldats et l’étouffa rapidement. Il se saisit du trousseau de clefs pendu à la ceinture du plus costaud des trois puis fit basculer les cadavres dans l’ombre, du côté civil de la muraille. Il s’assura cependant que personne ne se trouvât là avant. Ils s’écrasèrent à terre avec un bruit écœurant, mais personne ne sembla le remarquer. Poursuivant son œuvre, il se glissa dans l’escalier qui quittait le chemin de ronde et se faufila à terre entre les bâtiments. Il dut à plusieurs reprise rester dans l’ombre mais à part un Marine qui leva la tête en entendant ses bruits de pas avant de replonger dans la contemplation d’un feu, nul ne sembla le remarquer. Il atteint ainsi bien vite les dortoirs, à moitié essoufflé. Il se posa contre le mur, le temps de se calmer un peu, puis sortit une fiole de feu grégeois. Rien de mieux pour un départ de feu. Il attrapa sa cape dans sa main et l’enroula autour de son bras avant de frapper du coude la vitre, qui vola en éclat de manière un peu trop bruyante pour l’assassin. Mais ce n’était plus l’heure de passer inaperçu. De son autre main, il balança la fiole au milieu du bâtiment, où elle explosa en une gerbe de feu, prenant à la fois lits et humains. Un cri strident s’éleva alors de la salle, et tout se mit à bouger. Mais Rafael n’était déjà plus là. Il était passé de l’autre côté de la cour, se cachant derrière le bric-à-brac entassé ça et là, pour se faufiler derrière les quartiers de l’armurerie. Bien entendu, celle-ci était fermée à clef, et des barreaux ceignaient ses fenêtres, mais sa porte étaient orientée vers l’entrée du fort, ainsi, en allant au dortoir, personne ne passerait devant dans les prochaines minutes. Il dégaina alors sa lame secrète et frappa d’un coup sec dans la serrure qui bloquait l’entrée de la pièce. Le mécanisme résista un peu mais céda devant l’insistance de l’assassin. La porte pivota sur ses gonds en grinçant, et l’assassin s’engouffrait à l’intérieur.

La réserve de poudre était derrière des barreaux en métal, inaccessible. Mais peu importait. Il envoya une de ses dagues percer un des tonneaux, d’où un mince filet de poudre noire s’échappa. Elle se répandit aux pieds de la réserve en un petit monticule, tirant un sourire à l’assassin. Il se saisit alors de sa seconde fiole et la soupesa. Des cris commencèrent à résonner dehors. Ainsi qu’une sirène. Bien. Il recula jusqu’à la porte et l’ouvrit en grand, avant de lancer la fiole de feu juste devant les barreaux, où elle éclata. Le liquide enflammé se répandit sur la poudre qui s’accumulait, tandis que Rafael était déjà de l’autre côté du chemin. Il contourna un des baraquements puis s’accroupit derrière lui, gardant un œil sur son prochain objectif. Soudain, une violente explosion secoua la cité, suivie d’une pluie de morceaux de bois et de métal enflammés. L’assassin, même protégé par la façade d’un autre bâtiment, fut projeté à terre par la violence du choc. Il roula sur le côté pour éviter de se faire écraser par la charpente de son abri qui s’écroulait. Il se releva, épaule ensanglantée et vêtements entachés de boue, mais globalement en bon état. Il toussa pour évacuer la poussière qu’il venait d’avaler et se massa la poitrine, sonné par l’explosion. Rafael secoua la tête avant de se remettre en marche. Pas le temps de divaguer, même si la force de la ‘diversion’ l’avait surpris. Tout autour de ce qu’il restait de l’armurerie n’était plus qu’un vaste cratère, et les bâtiments avaient été soufflés une quinzaine de mètres à la ronde, ce qui impliquait deux autres dortoirs et une salle de repos. L’assassin venait de marquer là son plus beau ratio de mort par secondes … Tombant nez à nez avec un Marine débraillé, il lui fractura la trachée du plat de la main, puis l’expédia vers les décombres, alors qu’il était en train d’agoniser. Trop tôt pour être découvert. Il longea les murs et se rapprocha en toute discrétion du bâtiment central, censé abriter ce qu’il y avait de plus important en terme de Marine dans les environs. Déjà une longue file d’hommes en sortait, à moitié réveillés et défroqués.

« Dure nuit, messieurs ? » se moqua l’assassin à voix basse.

Avec un petit sourire moqueur, Rafael se glissa dans l’ombre pour gagner la petite porte, dissimulée sur le côté. Certainement fermée à clef, mais ce n’était pas assez pour l’arrêter. Il se plaqua contre le mur et commença à s’approcher de la porte, lorsque le son distinct d’une clef dans une serrure se fit entendre. Il dépassa la porte et s’aplatit contre la surface froide de la bâtisse. Son sang se gela dans ses veines, alors qu’un homme passait l’encadrement. Rafael frémit, remerciant la porte de descendre jusqu’en bas, reconnaissant par le maigre espace entre la palanque de métal et la pierre le Colonel de l’endroit. Cinq secondes plus tôt, et c’était cuit. Il détala alors, aussi silencieux que possible. Avant même que le gradé n’ait eu l’idée de regarder derrière lui, le jeune Auditore était passé de l’autre côté du bâtiment et avait commencé à grimper, s’aidant des fenêtre comme prises. Son sang était en feu, et la peur face à ce type lui avait donné des ailes. Non, pas la peur. Il s’était laissé surprendre voilà tout, mais de le voir débarquer là, en face à face, il savait très bien qu’il n’aurait eu aucune chance. Il se hissa non son mal à un balcon et s’adossa aux volets clos de la fenêtre. Le Colonel n’était pas sorti par la porte principale, il devait donc se douter qu’il s’agissait d’un acte terroriste, logique en somme, et avait préféré ne pas s’exposer. Ou bien comptait-il prendre les fauteurs de trouble à revers ? Peut importait, il n’y avait plus aucun risque de ce côté-là. L’assassin dégaina son épée courte et la fit glisser entre les deux battants puis remonta d’un coup sec et écarta les deux panneaux en forçant sur sa lame. Le bois grinça avant de céder, petit à petit. Ils n’étaient pas conçus pour autre chose que protéger du Soleil, c’était une aubaine. Rafaelo écarta doucement les volets et répétant les mêmes gestes que pour le dortoir, il fractura la vitre. Il y passa la mains puis ouvrit la fenêtre et se faufila en douceur à l’intérieur du bâtiment. Il n’y avait là pas âme qui vive, parfait.

La porte se referma sans bruit derrière le Lieutenant-colonel, alors que l’assassin progressait derrière lui, lame au clair. L’homme avait faillit le surprendre, alors qu’il remontait les escaliers, mais il s’était bruyamment raclé la gorge, pestant contre le sort. Le Colonel lui avait ordonné de rester ici, au cas où. Et ça tombait bien, ce ‘au cas où’. Alors qu’il regagnait le bureau des officiers, Rafael s’était discrètement faufilé derrière lui et caché dans l’ombre. Il sortit une dague de sa ceinture, et l’envoya cogner contre le fond de la pièce. Elle s’enfonça dans la boiserie comme dans du beurre, et attira comme prévu l’attention du Lieutenant Colonel. Celui-ci se précipita vers la source du bruit, fronçant les sourcils en apercevant la dague. Mais trop tard. Alors qu’il se retournait, une lame acérée lui transperça les boyaux, fouillant sa chair et l’épingla au mur. De sa seule force, Rafael le souleva et trancha son abdomen avant de le relâcher. Le soldat tituba en se tenant le ventre, d’où un mélange visqueux de sang et de tripes tombait, et dégaina son épée. Admirant sa ténacité, le jeune homme esquiva son premier coup maladroit, perturbé par la douleur, et profita de l’élan de son adversaire pour l’envoyer s’écraser à terre. Le Lieutenant-colonel tenta de se relever une fois. Deux fois. Puis il ne bougea plus. L’effet de surprise était toujours décisif pour un assassin. Fouillant le cadavre, il récupéra un jeu de clef certainement bien plus utile que le précédent, puis entreprit de faire rapidement ses poches et trouva à peine quelques berrys, en plus de babioles personnelles sans intérêt. Il haussa les épaules et s’empara d’une lampe à huile encore éteinte et l’alluma avec empressement. Le but de cette attaque n’était pas de récupérer une quelconque information, mais de faire le plus de dégâts possible, afin que la Révolution soit mise en avant, et que la Marine tremble devant les deux Auditore … et devant la Confrérie. Soudain, un mouvement dans le noir attira l’attention de Rafael, le faisant sursauter. Il se retourna, lampe à la main, et faisant face au Colonel de la Marine, qui le dévisageait avec un air empreint de colère et de haine.

« Te voilà, sale rat. Je le savais. » pesta-t-il, son regard oscillant entre le cadavre du Lieutenant-colonel et l’assassin.

Sans répondre, ce dernier envoya la lampe se briser sur les piles de paperasse de la caserne, adressant un sourire narquois à son opposant. Son cœur battait la chamade, mais il avait un coup d’avance. Il dégaina sa rapière et lui fit face, tandis que le feu prenait de l’ampleur derrière lui. Les parchemins secs s’enflammaient, auréolant l’assassin d’une étrange lueur cramoisie.

« Il est encore temps pour vous de rendre les armes, et de vous prosterner au nom du Peuple. »
proposa-t-il, sa capuche masquant ses yeux.

Le Colonel lâcha un sombre éclat de rire puis dégaina à son tour son épée, dans un chuintement sinistre. Il la leva bien haut puis se mit en garde. On sentait son assurance et les années d’entraînement. Ses tempes étaient grisonnantes, mais on lisait dans son regard une détermination sans faille, ce qui en aurait fait flancher plus d’un. Une légère barbe mangeait ses traits, adoucissant ses traits marqués par le temps, et ses yeux noirs étaient comme deux billes d’ombre sous ses arcades. Il ne sortait pourtant pas du lot, mais dégageait une aura propre aux grands hommes. Seulement, il avait tord. Le sourire sur le visage de Rafael s’agrandit d’autant plus.

« Vous n’êtes que des criminels, versés dans les complots pour vous attirer pouvoir et fortune. Tu vas périr sous ma lame, Révolutionnaire, c’est la seule justice que tu auras pour tous tes crimes. » répondit le Colonel, tout en faisant un pas en avant.

« Qu’en est-il des miens ? »
susurra une voix dans l’ombre.

Le coup partit avant même que la question ne puisse trouver réponse. Le couteau papillon tourna autour des doigts du second frère et frappa le Marine en trois points : côtes, abdomen et clavicule. Surpris, ce dernier recula et tenta de frapper son agresseur, mais déjà Césare s’était reculé, laissant la place à son frère, qui plongea sa lame vers l’avant. De sa main libre, le Colonel attrapa l’arme, s’entaillant profondément la chair, et écarta l’attaque, évitant de se faire tuer sur le coup. Plus vif qu’il ne l’avait jamais été, Rafael lâcha sa rapière et d’un geste mainte fois exécuté, il dégaina sa lame secrète et frappa de sa main gauche. Le plat de la main toucha violemment le plexus de sa cible, tandis que la lame perçait sa cage thoracique et se frayait un chemin jusqu’à son cœur. Le gradé recula, abandonnant ses armes et contempla, incrédule, le dernier assaut des jumeaux. L’un, de noir vêtu, avait les cheveux teints et les pupilles jaunes, comme un animal. L’autre, de blanc vêtu, était aussi pâle qu’un spectre et ne laissait apercevoir que son sourire, alors qu’il donnait la mort. Les deux lames s’entrechoquèrent, alors qu’elles s’enfonçaient dans la gorge de l’impudent Colonel. Celui-ci tomba à terre, ouvrant les yeux sur ce qui était sa dernière vision terrestre, les assassins au milieu des flammes.

« Resquiescat in pace. » mumura Rafaelo, avant d’abandonner le cadavre au cœur du brasier.

~~~
« Salut. » fit l’ombre blanche.

« Re. » répondit la noire.

Il était adossé contre le mur d’enceinte de la caserne, nonchalant. Alors que Rafael venait de courir à travers la muraille et s’était glissé comme un fantôme entre les patrouilles alarmées qui ne trouvaient plus leur Colonel, ni leur Lieutenant-Colonel. Tout entre ces murs n’était que braises et cadavres, et ceux qui avaient survécu aux explosions et aux assassins étaient à présent en train d’essayer d’aider les blessés, alors que la population de la cité commençait à peine à se rendre compte de ce qu’il se passait. La grande porte des murailles de la caserne était encore close, personne n’ayant eu l’idée de chercher dehors, la panique régnait à l’intérieur.

« Bien, et maintenant, comment on revendique ? » soupira Rafael, s’adossant non loin de son frère.

Ce dernier ne répondit pas, et se contenta de craquer une allumette afin de s’allumer une cigarette. Il en proposa une à son frère, qui refusa comme toujours, puis en tira une bouffée. Il avança de deux pas, et jeta la brindille enflammée derrière lui, négligent. Elle rebondit contre la porte, qui prit alors feu instantanément. Les flammes s’envolèrent et dévorèrent le bois massif de celle-ci, formant un symbole familier aux yeux des deux jeunes hommes. L’assassin emboita le pas à son frère, alors que dans les ténèbres, le A des Auditore se dessinait, tout de feu vêtu. Un léger sourire narquois s’étira sur ses lèvres, en parfaite symétrie avec celui de Césare.

« Comme ça. »
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