Ils étaient quinze matelots,
Sur le coffre du mort,
Yo ho ho ho et une bouteille de rhum !
Sur le coffre du mort,
Yo ho ho ho et une bouteille de rhum !
La nuit tombe prudemment sur l’un des quartiers les plus pourris de Last Camp. Laissant persister une dernière lueur de clarté pour les pauvres retardataires encore dehors au moment ou le soleil se couche.
Dans la rue laissée aux truands de toutes sortes, un pauvre vétéran beugle une vieille chanson de marin en faisant tourner la manivelle de son orgue de barbarie…
Tous finiront par danser la gigue
La corde au cou au quai des pendus
Toi John Forrest et toi John Merick
Si près du gibet qu'j'en ai l'cou tordu
La corde au cou au quai des pendus
Toi John Forrest et toi John Merick
Si près du gibet qu'j'en ai l'cou tordu
Bandeau sur l’œil, barbe de deux semaines, habits crasseux et odeur de fauve. Il n’y guère que la possession de l’orgue qui le différencie du fond du fond de la vermine des taudis de Last Camp. Une possession qui, si maigre soit’elle suffit dans le coin à faire naitre l’envie. Pendant qu’il avance au hasard dans les rues, trois silhouettes se glissent dans son sillage. Furtives, prédatrices, l’encadrant doucement mais surement et attendant le moment propice pour frapper. Le musicien choisit un embranchement, et les suiveurs jubilent, le vieux s’est engagé dans une impasse. Immédiatement les trois hommes convergent vers leur proie prise au piège.
-Hé le vieux, tu t’es perdu on dirait, t’inquiète on va t’aider à rentrer à la maison…
-Commence par nous filer l’orgue et le pognon… On va les porter pour toi…
-Ouais, et comme on est des bons gars après on va te chauffer les os avec nos bâtons…
La vie est dure à Last Camp, et les petits poissons solitaires ne font pas long feu dans les rues.
Le vieux ne moufte pas, prenant la coupelle posée sur l’orgue, il la tend avec les quelques pièces qu’elle contient vers ses agresseurs. Souriant méchamment le premier s’approche pour la récupérer quand le vieux lui crochète le poignet. Il n’a pas le temps de réaliser ce qui se passe que déjà le vieux lui enfonce sauvagement la coupelle métallique au fond de la gorge, lui faisant sauter la moitié de ses dents au passage… Les autres ont aussi un temps de latence, difficile de comprendre ce qui a foiré entre le moment ou tout allait bien, et le moment ou leur pote se retourne vers eux en crachant du sang, avec un regard qui passe de la surprise à la panique la plus totale. Mais les habitudes reprennent vite le dessus, sortant couteau et batte à clou, les deux voyous encadrent le vieux et passent à l’attaque.
Le premier n’a pas le temps de comprendre d’où sort la machette que le vieux tient dans la main. Celui ci bloque le bras de l’agresseur avant de lui enfoncer quarante centimètres d’acier de la mâchoire jusqu’au haut du crane. Tenant le type il pivote juste assez pour que le corps lui serve de bouclier. Et pendant que le dernier type contempla d’un regard étonné la batte qu’il vient de planter dans le crane de son pote, le vieux sort un couteau et lui poinçonne les reins à plusieurs reprises.
Dans la ruelle le calme revient lentement, normal, même lui se méfie. Le musicien qui semble soudain nettement moins vieux termine tranquillement le boulot, il achève le premier larron d’un coup de dague dans l’œil, essuie ses lames sur les cadavres, peste en constatant qu’ils se sont chiés dessus et qu’il ne pourra pas récupérer les fringues. Puis leur fait consciencieusement les poches avant de vider les lieux…
La vie est dure à Last Camp, et les petits prédateurs malchanceux ne font pas long feu dans les rues.
Ils étaient quinze matelots,
Sur le coffre du mort,
Yo ho ho ho et une bouteille de rhum !
Sur le coffre du mort,
Yo ho ho ho et une bouteille de rhum !
Une mission de surveillance… On lui avait confié une mission de surveillance, à lui… Red était sur le cul, outré. Vingt ans de Cypher Pol pour en arriver la. A faire une mission de surveillance habituellement dévolue aux débutants…
Il revoyait encore le briefing batard qu’il avait reçu…Enfin le briefing, plutôt le papier à entête du service qui l’envoyait au boulot sur la verrue de West Blue. L’atoll le plus pourrie de cet océan minable… Last camp.
Agent Red … bla bla bla … Importante mission de surveillance… bla bla bla …Contrebande, marchandises illégales, grand banditisme …L’imposante boutique de Cigare d’El Monstro… Planque et surveillance … durée indéfinie...
C’était du délire pur et simple. Franchement, une mission visant à localiser une bande ou un réseau de contrebandier à last Camp… Ici c’est les citoyens n’ayant rien à se reprocher qui sont rares, pas les truands. Et une bande de trafiquants lié à une boutique de ventes de cigares… C’était même plus du délire… Le sombre crétin d’officier à l’origine de cette mission devait carrément avoir sombré dans la démence…
Le problème évidemment quand on est agent, c’est que supérieur dément ou mission pourrie, quand on est en bout de chaine de commandement on se doit d’obéir sans discuter.
Et c’est précisément à cette chaine que l’agent Red devait de se retrouver planqué devant une putain de boutique de cigare de luxe, implantée dans un quartier tellement pourri que malgré son costume de clochard ivrogne on avait manqué à trois reprises d’essayer de l’agresser pour lui tirer ses pompes… Et il n’était la que depuis deux jours…
Red se lève une nouvelle fois de la paillasse pourrie qui lui sert de couchage. Il jette un regard morose sur les murs de terre, le toit de branchage à l’étanchéité douteuse, et le sol encombré de détritus et de débris divers. Et il regrette une fois de plus d’être un agent consciencieux et scrupuleusement respectueux des impératifs de sa couverture. Parce que parfois, respecter sa couverture, c’est dur. Et c’est rien de le dire.
Red tend la main pour récupérer le ptit déj du matin, des rations de survie de la marine qui sont son unique repas depuis trois jours. Un genre de biscuit brunâtre, dur comme une brique, à peu prés inodore et parfaitement imputrescible. Le genre de truc qu’on ne peut mâcher qu’une fois longuement trempé dans un liquide quelconque. Enfin, si on est un marines normal. Un agent du Cypher Pol lui, les avale tel quel… Mais si c’est nourrissant, c’est aussi tout à fait infâme. Ce qui, quand on y réfléchit parait logique. Un type ne mangeant que ce genre de bouffe devient rapidement d’une humeur tellement mauvaise qu’il peut se lancer dans n’importe quoi. Et voila pour la réputation de terreur des troupes d’assaut de la marine… Juste une histoire de biscuits.
La ration du jour avalé Red enfile ses frusques, des habits soigneusement déchirés, salis avec soin et un certain sens artistique, trainés dans la boue, couverts de taches de vins, et dégageant une odeur capable d’agresser violemment un individu normal à prés de trois mètres. Il récupère ses outils de travail, la sébile pour les éventuels généreux donateurs, le bandeau, le vieil orgue de barbarie et la bouteille d’alcool qui lui servent de couverture, Puis il retourne au boulot. L’aube pointe à peine à l’horizon quand il se retrouve à pied d’œuvre devant la boutique de cigare. Et qu’il continue comme tout les matins de noter patiemment tout ce qu’il s’y passe.
D’abord il y a cette bande de types, les Princes, une bande de truand qui rodent autour de la boutique. Red, qui tient à faire du boulot soigné les suit pendant trois jours avant d’abandonner. Les types sont des truands presque haut de gammes pour le milieu local, une vingtaine de types, tous jeunes, spécialisés dans les drogues qui font planer et dans les petits services maison, tabassage, vidage de baraques, voire meurtres et plus si affinités.
En faisant chanter un de leur revendeur Red se fait une idée claire de leur business, en payant une bande locale pour une baston il se renseigne sur leur force de frappe. Il passe même une soirée avec eux à chanter des chansons de pirate histoire de compter précisément le nombre de présents…Red note tout, et en quelques semaines il a fait le tour de leurs noms, de leurs planques, de leurs amis et de leurs façons de fonctionner. S’il n’avait pas passé la limite d’âge qu’ils ont fixé, il pourrait même être embauché dans le gang.
Mais surtout Red à découvert pendant ses planques un truc que son instinct pressent énorme…Un truc qui n’a rien à voir avec les Prince, mais tout avec la boutique de cigare. La boutique de cigare sans histoire mais avec qui le gang semble avoir des problèmes…
Alors Red laisse trainer l’oreille, paye des gens, suit les clients et note leurs noms et ce qu’ils achètent… Et ce qu’il découvre est formidable. La boutique n’est qu’une couverture, une couverture pratique et tout ce qu’il y a de plus vraie. Mais quand on achète des cigares on achète aussi autre chose. Des services illégaux, meurtres, contrebandes, planques, contrefaçons…Des marchandises volées... Mais surtout des renseignements, des renseignements tellement précis qu’ils ne peuvent provenir que d’un seul endroit, le QG de la marine. Ce qui signifie qu’un gradé est impliqué dans l’affaire. Le ver est dans la pomme…
Alors Red se met à chercher le gradé, et en agent hors pair, il finit par le débusquer dans le passé d’el Monstro… Toji Arashibourei. Le seul colonel homme poisson de la Marine…
Un très très gros poisson mouillé jusqu'au cou. De quoi enchainer les mauvais jeux de mots.
Red rassemble son épais dossier et se prépare au meilleur moment de sa mission, le moment ou il va rendre des comptes, ou on se rendra compte qu’au lieu de la petite bande sans intérêt qu’on lui a demandé de surveiller il a découvert un superbe abus d’autorité et à de quoi faire chuter un haut gradé de la marine.
Cette fois c’est sur, aujourd’hui Red se fait mousser et grimpe sur le tableau d’honneur du CP. Mais d’abord un petit détail, contacter la hiérarchie.
Via escargophone:
- Ici l’agent Red, au rapport pour la mission code « pas de fumée sans feu ». Passez-moi le patron
-Une minute agent Red, je vérifie…
Dix minutes plus tard
-Euh agent Red ? J’ai des consignes un peu particulières pour cette mission, je vous passe l’officier qui s’en occupe…
Dix minutes d’attente supplémentaires, mais avec cette fois ci une sensation désagréable en train de naitre creux de l’estomac..
-Agent Red ? Une voix grave et rapeuse, menaçante, comme une scie mordant de l'os...
-Euh oui monsieur… Euh… Qui est à l’appareil ?
-Ici le colonel Toji Arashibourei …
Dans la tête de l’agent Red, l’importance des relations du capitaine Toji vient de subir un énorme changement d’échelle…. Bordel ce type se paye des agents du CP5 pour faire son boulot…
-Agent Red, ou en êtes vous de votre mission ?
-Euh…de ma mission ? Et bien.. Et bien j’ai infiltré les princes et… Et je pense savoir tout ce qu’il y a à savoir sur eux monsieur.
-Rien d’autre d’intéressant ?
-Non monsieur, rien d’autre…
-Beau boulot agent Red. Pour la suite, mettez vous en contact avec l’agent El Monstro. Il vous indiquera vos nouvelles instructions…. Arashibourei, fin de transmission…
Dans sa baraque pourrie Red regarde tristement l’épais faisceau de preuves et de présomptions qu’il a patiemment réunie depuis un mois… De quoi créer un sacré remue ménage au Qg de la marine… Ou pas évidemment, peut étre juste de quoi faire sauter un agent du Cypher Pol 5…
Red hausse les épaules et vide sa bouteille d’alcool sur le dossier avant d’y mettre le feu. Quand on est un pauvre agent en bisbille avec sa hiérarchie, il y a des lièvres qu’il vaut mieux éviter de lever. Red reste assis devant le feu jusqu'à ce que la dernière feuille soit partie en fumée, puis, récupérant le dossier sur le gang des Princes, il part vers la boutique de cigare…
Dernière édition par Red le Sam 7 Jan 2012 - 14:57, édité 3 fois