Je me réveillai encore et toujours dans la même cellule. Cela faisait désormais bientôt deux mois que je croupissais sous terre, dans cet endroit sinistre, un mélange parfait entre l’insalubrité et le désordre mais où la désobéissance n’est pas permise. Plusieurs semaines, parsemées par les pleurs et les cris des détenus des cellules voisines. En dehors de la nourriture qui n’en était pas vraiment, ainsi que de l’isolement perpétuel, je n’avais pas tant de raisons de pleurer pour l’instant. Certes, mes pulsions artistiques commençaient à obséder mon esprit, voire même mon corps au vu des scarifications qui commençaient à peupler celui-ci. Faute de pouvoir me couper les ongles, ces derniers semblaient avoir appris à s’exprimer sans que je ne sache les arrêter. Je tentais ici et là de récupérer des infos, restant collées à la porte de ma cellule pour gratter toute information orale pouvant passer par là. Mais en dehors de la taille importante que l’endroit semblait occuper, en me basant sur l’écho des cris que j’entendais, rien ne me permettrait de situer l’endroit. Des bruits de pas résonnaient dans le couloir, la “nourriture” quotidienne semblait finalement arriver.
Cependant, pour la première fois depuis plusieurs semaines, les verrous s’actionnaient et la porte laissa place à deux grandes personnes en blouse blanche, totalement masquées et auxquelles je ne pouvais pas me soustraire. Sans hésiter, ils me guidèrent à travers moults couloirs qui débouchèrent sur une salle au carrelage tantôt d’un blanc immaculé, tantôt d’un rouge à la teinte inquiétante. On me poussa sur un fauteuil au-dessus duquel se trouvaient plusieurs lampes au clignotement irrégulier. A partir de ce moment, mes souvenirs devenaient flous, épars, ponctués de moments d’inconscience. Mes oreilles vibraient encore sous le son des divers outils de torture, scies, visseuses, scalpel, tandis que mon cerveau faisait au mieux pour me préserver de cette expérience qui charcutait le bas de mon corps.
La douleur que je ressentais dans mes hanches était indescriptible tandis que le nouvel assaut qui avait pour cibles mes jambes suffit à me faire perdre connaissance jusqu’à la fin de l’opération. Je me réveillai à nouveau dans ma cellule, tirée de ma torpeur par d’autres cris, auxquels les miens avaient dû ressembler peu de temps avant. Je tentai de me redresser, mais la partie inférieure de mon corps me semblait inerte, lourde, étrangère à ce que j’avais l’habitude de ressentir. En touchant mes jambes du bout des doigts, je m’aperçus de la dureté de celles-ci ainsi que de leur nature désormais métallique. L’illusion était tout de même impressionnante et je semblais tout de même avoir conservé une certaine forme de retour nerveux. J’essayai de me lever, mais mes hanches me faisaient un mal de chien, à tel point que je ne pouvais retenir une larme tandis que mes dents se plantaient dans ma lèvre inférieure, veine tentative de détourner la douleur. Levant la tête comme pour penser à autre chose, je remarquais que les lumières de ma cellule avaient elles aussi été remplacées. Plus lumineuses, plus neuves et étonnamment plus réconfortantes. Je ne saurai expliquer pourquoi, mais être à leur portée semblait me revigorer d’énergie.
Plusieurs jours passèrent, alors que je parvenais petit à petit à récupérer l’usage de mes jambes. Seules mes cuisses et le bas du dos semblaient avoir été épargnés, mes jambes avaient été entièrement remplacées et mes hanches comportaient désormais des orifices, comme pour laisser l’air circuler librement. A ce moment-là, j’ignorais toujours le but de ma présence ici ainsi que l’intérêt de cette opération.
Une nuit, alors que je bougeai ma jambe car celle-ci me démangeait, j’entendis comme un bruit métallique, un système s’était activé quelque part dans la pièce. Je plissai les yeux et je me retins d’hurler en voyant ma jambe gauche ouverte en plusieurs parties. En réalité, il s’agissait plutôt de plusieurs cavités, dans la longueur de la jambe et réparties tout autour de son axe. Elles semblaient s’être ouvertes depuis le haut et elles s’inclinaient désormais d’une manière à former un angle droit. Je me penchais au-dessus de ladite jambe, approchant lentement ma tête d’un des compartiments. Puis je me concentrai sur la partie concernée, tentant aussi bien que mal de la mouvoir d’une manière ou d’une autre. D’un coup, une bourrasque d’air à pression étonnante me parcourut le visage, décoiffant à coup sûr mes cheveux approximativement entretenus. Si en tant qu’artiste on m’avait souvent demandé si le pinceau faisait office de prolongement des membres, ici c’était réellement le cas. Cette sensation de se découvrir de nouvelles articulations, de nouveaux mouvements et mécanismes, était grisante. Je passai alors le reste de la nuit à triturer mon esprit et mes réflexes pour m’approprier ce nouveau corps. Éventuellement, je parvins à actionner de manière plus ou moins fluide les différentes parties composant mes prothèses d’abord à l’unisson puis indépendamment. De même pour le système d’expulsion d’air qui me paraissait aussi étrange qu’amusant. Je me demandais déjà quel type d’utilisation je pourrai leur trouver lors de mes peintures ou d'autres œuvres d’art.
Davantage de jours passèrent, tandis que j’essayais de comprendre à quoi les orifices au niveau de mes hanches pouvaient servir. Je parvenais tantôt à faire circuler de l’air, entrant d’un côté, sortant de l’autre, mais sans réelle utilité. Il faut dire que leur disposition était assez atypique et chercher à activer un équivalent de muscle au niveau des hanches n’était pas chose aisée. Cela servait-il peut être à approvisionner mon autre prothèse en air comprimé, mais l’installation semblait assez conséquente pour simplement résoudre un problème d’alimentation. Enfin, je n’allais pas non plus m’inventer des connaissances en mécanique, cette technologie me dépassait totalement. Cependant, je parvenais néanmoins à faire aller et venir l’air, à vitesse plus ou moins constante, faisant frémir les stries qui parcouraient ces espèces d'aérations.
The Culling Game, First part
Design by Ash'Dernière édition par Calypso Blossom le Mer 10 Jan 2024 - 18:06, édité 1 fois