Chasse à la Caramélie

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Une élégante demeure pour de prestigieux invités : le domaine Vendetta pourrait s’enorgueillir de faire de l’ombre aux plus belles demeures royales (et à vrai dire, un certain nombre d’éléments du mobilier proviennent effectivement de l’ancien palais royal, recherchés avec énergie après son pillage et rachetés, parfois à prix d’or, parfois -souvent- pour une bouchée de pain). On s’attend naturellement au meilleur pour accueillir les grands pontes du Parti Républicain de Goa, premier parti politique de la jeune république en termes d’influence et d’électeurs ! Hélas, les plus beaux meubles, les plus beaux tableaux, les tapis si épais qu’on voit à peine ses pieds dedans, la grande table de la salle à manger autour de laquelle tout le monde est installé, et qui a reçu autrefois les plus fastueux banquets royaux, les chaises aux pieds en bois précieux et aux moulures en peinture d’or et même les statues d’angelots tout nus, ne sont rien quand la conversation prend une tournure désagréable !

« - L’un de vous peut-il m’expliquer comment, alors que nous disposons d’une large majorité à l’assemblée, nous avons pu perdre un vote ?! » s'exclame à bout de la table une députée dont la mise élégante contraste terriblement avec son visage rougi par la contrariété.
« - Je ne dirais pas que nous avons perdu. Je dirais que notre dernière proposition n’a pas su rencontrer son public. » réplique placidement son voisin de table.
« - Oui, donc on a perdu. » soupire une troisième.
« - De seulement deux voix !
- Ça ne nous explique pas pourquoi.
- Je vais vous dire pourquoi : où est notre collègue Barbier ? » Le député à la mine sévère et aux cheveux en catogan désigne du menton une chaise vide -une très belle chaise cela dit en passant, avec une moulure de chérubin doré qui joue de la trompette et un velours bleu parfaitement inconfortable !- « Et Maréchal ? Et Pevrel ? Et Silva ? »

Les regards se font fuyants : personne n’ose contrarier le maître des lieux, le député Servo Vendetta, lorsqu’il se lance dans une tirade.

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Servo Vendetta

« - Avec vingt-sept députés absents pour cause de blessures, huit excusés pour « raisons personnelles » -comprenez par là qu’ils ont perdu la face et n’osent plus se montrer en public- et deux morts, sans parler de tous ceux qui n’osent plus se présenter de peur de se prendre un coup d’épée dans le ventre, nous sommes tout simplement en train de perdre notre majorité à l’assemblée !
- Mais c’est ridicule, enfin ! Ils ne peuvent pas… juste… refuser un duel qu’ils savent perdu d’avance ?
- Et accepter une humiliation publique ? » Grogne la députée à la mise élégante. « L’effet serait encore pire ! Non seulement nous ne pouvons pas exiger ça de nos membres alors que leur honneur de politicien est en jeu, mais je botterai moi-même les fesses d’un député de notre parti qui se laisserait ridiculiser sans rien dire par une saleté d’aristo !
- Nous avons bien tenté de faire interdire les duels, de les rendre illégaux. Mais précisément nous étions en minorité ce jour-là à l’assemblée, et la décision nous a échappé. »
- Et le résultat est pire que si vous n’aviez rien fait. A présent, c’est comme s’ils avaient l’aval du gouvernement pour se faire trucider pour des raisons futiles ! »

Silence.

« - Que faisons-nous dans ce cas ? A ce rythme-là, la séance de demain sera encore une raclée !
- On pourrait peut-être… faire venir de force les blessés et les absents ?
- Et pourquoi pas faire voter les morts pendant qu’on y est ? Réfléchissez un peu, de quoi aurait-on l’air ?!
- Et si on autorisait le vote par procuration ?
- J’ai dit ça en l’air, mais en vérité ce n’est pas si bête cette idée de faire voter les morts…
- Il faudrait qu’on fasse appliquer cette résolution à l’assemblée. Ce qui implique un vote. Ce qui implique une défaite, vu la propension qu’ont les nôtres à se faire bêtement trucider en duel !
- Tenez, Novak par exemple. Sa sœur lui ressemble pas mal, avec une perruque on y verrait que du feu !
- Ça suffit. »

Tous les regards se tournent vers le seul membre de l’assemblée à ne posséder aucun mandat électif. Affalé dans son fauteuil, comme si supporter la présente conversation était une douleur physique, c’est un homme de taille moyenne, légèrement empâté, mais au visage fier et élégant où s’animent deux yeux vifs et intelligents, et un sourire charmeur. Roland de Grammon est une véritable célébrité : ministre de la république, homme le plus proche du gouverneur, ancien noble mais premier défenseur de l’abolition des privilèges, républicain convaincu avant même la révolution, mécène, protecteur des pauvres et des opprimés, il allie aisance pour convaincre et intelligence politique. Le bilan gouvernemental très mitigé ne l’a que très peu éclaboussé, et il reste extrêmement populaire à la capitale.
S’il n’est officiellement qu’un invité d’honneur, un observateur, un membre honoraire du groupe pourrait-on dire, c’est uniquement parce qu'en tant que ministre du gouverneur, Grammon se doit de préserver les apparences et de faire mine de soutenir la politique de son supérieur. Mais dans les faits personne autour de cette table ne s’y trompe: il est l’âme du parti, et du renouveau de la République de Goa qu’ils appellent de tous leurs vœux !

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Le ministre Roland de Grammon

« - Vous voyez bien que cette affaire dépasse de simples querelles d’ego entre députés républicains et monarchistes. Nous avons affaire à un plan orchestré par les monarchistes pour semer la peur dans nos rangs, vider nos sièges à l’assemblée, et gagner la majorité que la légitimité des votes ne leur a pas donnée.
- C’est évident, mais… »

Il fait taire l’importune d’un simple geste de la main :

« - Nos adversaires nous ont porté un mauvais coup, mais personne n’est dupe quant à leurs manœuvres. Ils tentent de gagner par la traîtrise ce qu’ils n’ont pas su conquérir dans le cœur du peuple ! Mais ne vous en faites pas mes amis : nous allons compter les coups, et chacun leur sera rendu au centuple. Et nous apporterons la liberté et la justice à Goa ! »

Du vent, rien que du vent, se dit Grammon en regardant ses collègues ragaillardis par son discours. Pourtant, les voilà déterminés, combatifs, prêts à faire face avec la même énergie qu’au premier jour de l’assemblée, lorsqu’ils étaient majoritaires, conquérants, prêts à réformer tout Goa !
C’est ça être politicien, se dit-il encore. Savoir dire les bons mots aux bonnes personnes pour les pousser à donner le meilleur d’elles-mêmes.

« - On a quand même un problème… » marmonne un député, un homme d’un certain embonpoint paré d’une courte barbe pointue et blanche qu'il entortille machinalement du bout des doigts. « Enfin… j’ai un problème. »

On se retourne vers ce casseur d’ambiance, qui ose poursuivre malgré tout :

« - Il se pourrait que j’aie… accepté une provocation en duel moi aussi. Contre la d’Isigny. Cela doit avoir lieu demain et…
- C’est pas vrai… !
- Vous avez accepté un duel demain, alors que vous devez soutenir notre projet de loi jeudi prochain à l’assemblée ? Et que vous êtes l’homme phare de ce projet ?!
- Mais quel idiot !
- Après tout ce qu’on a dit !!
- Comprenez-moi, elle a été particulièrement odieuse ! Devant les journalistes en plus ! C’est mon honneur qui était en jeu. Et puis c’est juste une gamine, ce n’est quand même pas elle qui…
- Cette gamine a fait ravaler leur fierté à plus d’une dizaine des nôtres. Dont quelques excellents duellistes. Et demain, vous et votre honneur finirez avec une pointe de sabre dans le ventre !
- On doit se battre au pistolet. Ça m’a semblé plus… simple.
- Oh. Merveilleux. »

Instinctivement, les regards se tournent une nouvelle fois vers Roland de Grammon. Ce dernier, une main sur le front, semble plongé dans une profonde réflexion.

« - Si vous voulez », propose la députée placide aux boucles d’oreilles presque aussi larges que ses oreilles, « je connais un shimotsukien qui pourrait lui régler son compte et faire en sorte que ça passe pour un accident.
- Jamais ! » gronde Grammon avec autorité. « Nous ne nous abaisserons pas à des manœuvres aussi minables ! Si nous voulons incarner le camp du bien, nous devons rester moralement irréprochables, même si ça implique d’encaisser les coups que nos adversaires: en fin de compte, nous triompherons à la loyale. Mais que ce soit bien clair : nous, le camp de la justice, de l’égalité des droits et de la liberté des peuples, nous ne nous réduirons jamais à commettre des meurtres ! »
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« - Servo, mon ami, j’ai besoin de votre aide. Il faut que vous tuiez quelqu’un pour moi ! »

Les autres députés partis, il ne reste plus dans la grande salle que le ministre Grammon et leur hôte, le député Vendetta. L’homme aux cheveux en catogan, le regard vif de prédateur -pour le moment empli d’une sympathie bienveillante envers son compère-, prend le ministre par l’épaule et l'entraîne avec lui dans les couloirs de la riche demeure.

« - Ne nous précipitons pas. Venez, marchons un peu. »

Quittant la salle et ses fauteuils en bois peint de doré, les deux hommes atteignent tranquillement une magnifique galerie où s'alignent, aux murs comme au plafond, de nombreuses toiles de maître, allant des paysages splendides aux portraits criants de réalisme, scène de bataille, de chasse, et de divertissement. Par les hautes et nombreuses fenêtres, l’on peut admirer le parc qui borde la demeure Vendetta.

Servo est un homme fiable, Roland de Grammon le sait. D'aucuns pourraient d’ailleurs s’étonner des si nombreux talents de son ami ! D’admirer le fait qu’il ait réussi la prouesse de devenir un des membres les plus importants du mouvement républicain alors qu’il était autrefois un proche conseiller du roi-tyran de Goa. De constater à quel point il semble si bien informé sur tout ce qu’il faut savoir, que ses moyens semblent presque sans limites, et encore de convenir que les obstacles l’arrêtent rarement.
Tout ce qu’il y a à savoir -et que Grammon est un des rares dans tout Goa à connaître-, c’est que Servo Vendetta est l’un des maîtres de l’organisation secrète d’assassins Umbra et que c’est par lui que se font ses principaux contacts avec leurs bienfaiteurs de l’Armée Révolutionnaire, qui leur fournissent à tous les deux argent, renseignements, et personnel qualifié. « Principaux contacts », parce qu’un homme prudent sait ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier…

« - J’ai déjà enquêté sur votre cible. Il s’agit de la petite sœur de Réglisophie d’Isigny -une de nos adversaires à l’assemblée que tu connais bien-. Elle occupe un poste dans l’administration du gouvernement mondial, une sinécure sans responsabilités comme on en offre généralement aux personnes sans grand talent quand des personnalités influentes veulent favoriser leur clientèle. Mes informateurs ont pu faire le lien entre elle et une société de vente du nom de Sirena, qui est implantée sur plusieurs îles. Avec ceci de notable qu’il s’agit toutes d’îles de la route de tous les périls.
Nous avons donc une gamine d’à peine dix-huit ou dix-neuf ans qui se promène sur Grand Line sans sembler être inquiétée par ses dangers, qui engrange autant d’argent qu’elle en dépense, et qui revient sur son île natale pour y semer la terreur parmi les adversaires de sa caste en mal de privilèges.

- Et qu’en pensez-vous ?
- Je pense que nous avons affaire à une aventurière, une combattante de talent qui a trouvé à Goa soit un nouveau pourvoyeur de sensations fortes, soit un simple terrain de jeu. Elle a fini de chasser les pirates et des trésors, et elle vient à présent chasser nos têtes ! Il est très probable qu’il s’agisse d’un atout dans la manche de vos adversaires, qui ont fait appel à elle pour nous décimer. »

Grammon hoche la tête, pensif. Puis il demande, en s’efforçant de dissimuler le trop plein d’espoir qui anime sa voix :

« - Et vous pensez pouvoir l’éliminer ?
- Allons, l’époque où “Vengeance” laissait des allées de cadavres ensanglantés derrière lui est révolue ! Il faut savoir laisser la place aux jeunes. »

Il sourit, ce qui sur son visage d’oiseau de proie lui confère un aspect encore plus dangereux :

« - Nos “amis communs” ont intégré dans leurs rangs un nouvel “assassino”. Il s’agit de mon ancien élève. Son nom de code est “Paix”, ce qui lui va plutôt bien, et je crois qu’il est temps de mettre un peu de Paix dans la vie de Caramélie d’Isigny. »
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Cher journal,

Autrefois activité un peu insolite, les duels sont devenus, depuis quelques temps, une attraction qui réunit petits et grands plusieurs fois par semaine. Nombreux sont ceux qui, par honneur, par ambition ou par envie d’en découdre, viennent s’affronter dans l’ancien grand parc royal de Goa, renommé parc de l’égalité par la nouvelle autorité gouvernementale, et parc des duels par de plus en plus de nos concitoyens.

Tour à tour, des paires de participants de tous âges et de tous sexes (quoique plus généralement de jeunes hommes), viennent se mettre face à face pour s’affronter, tantôt au pistolet, tantôt à l’épée (et tantôt avec des armes moins conventionnelles), pour le plaisir des badauds qui se déplacent souvent en nombre pour profiter du spectacle, et agrémenter leur promenade dominicale de quelques sensations fortes !

Des journalistes, avides d’une bonne chronique, font souvent le déplacement eux aussi, surtout lorsque les participants sont un peu connus. Ce qui fait que la plupart de mes duels sont couverts par au moins quelques-uns d’entre eux, puisque je ne défie pratiquement que des membres de la classe politique de Goa. Et ce à un rythme effréné !
Je pensais que, après avoir fait un tel carnage dans leurs rangs (nos duels sont généralement non létaux, je te rassure journal, mais une blessure d’ego est souvent bien plus difficile à guérir qu’un coup de sabre sans l’épaule !), les candidats pour m’affronter se feraient peu nombreux. Mais cela a eu l’effet inverse en réalité : une partie de la population de Goa semble être prise d’une manie du duel, les gens sont plus chatouilleux que jamais en ce qui concerne leur honneur, et faire tomber l’odieuse Caramélie d’Isigny semble être devenu l’objectif de nombre de membres du camp républicain.

Rien que ce dimanche, j’ai réussi à me trouver trois adversaires, deux hommes et une femme. J’ai fait léger aujourd’hui : ma mission est d’éliminer les cibles que l’on me désigne, pas de faire un carnage parmi la haute bourgeoisie de Goa ! (‘’On’’ étant tantôt ma supérieure au Cipher Pol, tantôt les membres du Parti Monarchiste de Goa, ces derniers ignorant que je joue double jeu). La rencontre d’aujourd’hui n’est rien qu’une formalité, et ce autant plus que mon entrainement de combattante a été sublimé par la fulgurante expérience que j’ai acquise en matière de duels. Ah, et aussi parce que je triche : les duels se terminent généralement au premier sang, et bon courage pour faire saigner une détentrice de logia… hihihi !

Mon premier adversaire est un homme dans la force de l’âge (comprends par-là journal : un vieux qui ne s’assume pas) : le député Colin… Calin… Claquin… un nom comme ça.
Il tend vers moi un pistolet, et je fais de même. Sur ordre de l’arbitre de duel, nous nous tenons prêts à tirer. La foule, jusque-là joyeuse et insouciante, se tait soudainement. Et l’arbitre commence son décompte : trois … deux… un…

BANG ! BANG !

Même pas besoin de tricher : la balle de mon adversaire me manque de plusieurs dizaines de centimètres, tandis que la mienne atteint sa cuisse avec une précision chirurgicale. L’homme tombe par terre en grognant, sous les cris divers de l’assistance, allant de la joie saine et cruelle d’assister à une scène de violence, la satisfaction de ma victoire ou la contrariété du contraire, l’effroi de voir du sang, et même un petit garçon qui pleure : « j’ai rien vu ! J’ai rien vuuuuu ! ».

Je me permets une élégante révérence en direction de l’assemblée, qui apprécie de me voir fanfaronner et applaudit. Je souris, satisfaite de mon petit tour. Puis on me reprend mon pistolet, et m’en apporte un nouveau alors que le second duel va commencer.

J’affronte la femme cette fois. Rhétalia Richard (il faut vraiment être stupide pour donner le nom d’un pays à son enfant !) : elle doit avoir mon âge ou à peine plus, et visiblement le même don que moi pour s’attirer des ennuis : on m’a suggéré de l’éliminer parce qu’elle a eu le malheur de provoquer en duel un député de chez nous.
Même histoire, une formalité : l’arbitre décompte, les pistolets tonnent, et…
BANG ! BANG !

La balle de mon adversaire siffle juste à côté de mon oreille, au point que celle-ci se met à bourdonner. Fait plus surprenant, au point même que je ne réalise pas tout de suite, une mèche de mes cheveux se détache et vole dans les airs. Depuis quand est-ce censé arriver, ça ? Habituellement, mon corps tout entier sait faire la différence entre les ciseaux du coiffeur et une attaque adverse ! Encore heureux, la vie serait compliquée s’il me fallait des instruments de toilette en granit marin !
Second élément contrariant : mon adversaire est indemne. J’étais parfaitement sûre de mon tir, et elle devrait être en train de tacher l’herbe avec le sang de sa jambe ! Au lieu de ça elle me regarde droit dans les yeux, avec regard que je devine provocateur derrière ses lunettes noires fumées (autre élément provocateur : c’est horriblement malpoli de fixer quelqu’un quand on porte des lunettes de soleil !), prête à enchaîner sur un second tir !

« - On continue ? » Me lance-t-elle avec un mélange d’assurance et de défi.

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Rhétalia Richard. C’est une grognasse

Mais l’arbitre nous écarte avec autorité. Il nous inspecte brièvement, constate l’absence de blessure, puis se recule et nous lance :

« - Vous ferez feu à mon signal ! Trois… deux… un… »

Pas le temps de réfléchir : je vise avec naturel et rapidité, et tire ! BANG ! BANG !
Sauf que cette fois-ci je ne prends pas le risque de tout miser sur le logia, et bien m’en prend : la balle heurte mon visage en plein dans l’oreille, et rebondit sur mon tekkai avec un petit bruit métallique avant de filer se perdre dans l’herbe. Je porte la main à mon oreille douloureuse, mais n’y trouve heureusement aucune trace saignement. Rien que de la chair endolorie, probablement un hématome. Enfin… « rien que » … ne va pas trop diminuer ma peine quand même, journal : ça fait super mal un bleu à l’oreille ! Ça brûle, ça pique, au point que me donner la sensation qu’on me l’a arrachée !
En plus, mon adversaire n’a rien non plus ! J’avais pris soin de viser un endroit facile pourtant, en plein dans le ventre, et je n’en reviens pas d’avoir raté mon tir une seconde fois !

Là, ça devient vraiment contrariant… Je suis sûre de ne pas avoir manqué ma cible, et je suis également sûre que je n’aurais pas dû être touchée ! Est-ce qu’elle triche, comme moi ? Est-ce qu’il y a autre chose ? Je devrais peut-être aussi bien abandonner maintenant, avant que ça ne finisse mal ?
Pas le temps de tergiverser, car déjà l’arbitre s’écrie : « feu ! »

BANG ! BANG !

Cette fois encore, la balle adverse me frappe au visage et rebondit sur mon tekkaï ! Cependant j’ai doublement anticipé le coup, et détourné la tête au dernier moment pour que la touche se fasse à un endroit recouvert par mes cheveux, là où la marque ne se verra pas trop. Difficile de prétendre que je ne triche pas si je commence à arborer des marques violacées un peu partout sur le corps !

La perplexité semble gagner autant la foule que l’arbitre. C’est inhabituel que les duels demandent autant d’échanges de coups, surtout lorsqu’on a affaire à une professionnelle comme moi capable de coucher presque toutes ses cibles en un seul tir ! Les soutiens de mon adversaire, eux, semblent se réjouir. Tsss… bande de nullos ! Ils fanfaronnent, et semblent considérer que la situation présente compte déjà comme une victoire ! Ils ont même amené avec eux un chat en guise de mascotte, un vilain matou noir qui me fixe avec un air goguenard, gloussant et miaulant lorsque je croise ses yeux aux paupières fendues !

J’essaie de passer en revue toutes les options possibles, mais elles vont être limitées. Essayer de gagner à la loyale semble compromis, tant aucun de mes tirs n’arrive à la blesser. Mais laisser le duel s’éterniser, c’est courir le risque d’être moi-même blessée, ou en tout cas de laisser dévoiler la supercherie. A moins que je n’arrive à mettre à jour la sienne avant ! Je pourrais tenter d’asperger la femme de gaz pour lui faire perdre ses moyens, mais ce serait courir le risque que mes méthodes de triche ne deviennent flagrantes.
Zut, pas le temps de réfléchir ! Cette fois je vise son visage, sur une des rares zones qui n’est couverte ni par ses vêtements, ni par ses lunettes, ni par ses cheveux noirs qui s’étalent pèle mêle sur son front et ses joues. En plein sur le bout de son nez !

BANG ! BANG !

Elle me touche directement dans gorge cette fois, sans dommage visible heureusement ! En revanche, j’hérite d’un sévère mal de gorge couplé d’une envie d’un besoin de partir dans de violentes quintes de toux, que je retiens avec peine ! Je m’empresse de scruter le visage de mon adversaire pour voir si mon tir a fait effet, au moins un peu, mais rien ne se laisse voir lorsque la fumée de la poudre se dissipe d’autour d’elle, sinon un nez en parfait état, bien clair et bien droit.

Une pause s’impose, le temps de remplacer nos armes (auraient-elles un défaut ?), de nous rafraichir, de faire le point, et de laisser l’assistance dans un suspense plus intenable que jamais ! Même si j’essaie de faire bonne figure, je commence à avoir la tête qui tourne à force de me faire marteler dans tous les sens.
Ma sœur Réglisophie, qui me sert habituellement de témoin (et qui profite de la situation pour se faire mousser devant les journalistes, copieusement payés par nos soins pour écrire les textes les plus élogieux à son égard !), vient me rejoindre, inquiète.

« - Qu’est-ce qui se passe ? J’ai pourtant eu l’impression que tu la touchais à chaque fois ! Il y un problème ? »

Je me contente de hausser les épaules, impuissante. Je fixe mon adversaire qui semble être elle aussi en conciliabule avec son témoin, ce dernier étant visiblement en train de lui expliquer quelque chose tout en me fixant du coin de l’œil. Cachée derrière ses lunettes teintées, difficile de dire quelles sont ses émotions. En revanche, son gros matou noir est venu se jucher sur ses épaules et il me fixe méchamment avec yeux aux paupières fendues, l’air hautain et supérieur comme le savent si bien faire les chats. Brr, vilaine bête !
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Nous nous remettons finalement en place. L’arbitre nous donne une nouvelle fois le signal, et le duel reprend :

BANG BANG ! BANG BANG !

Deux autres échanges de tirs s’ensuivent, sans que n’émerge de vainqueure. A chaque fois, je profite de ce que la fumée de nos armes sature un peu l’atmosphère pour attaquer un peu plus les poumons de l’affreuse aux lunettes de soleil ! J’ai essayé de briser ses horribles accessoires oculaires d’ailleurs, mais ils semblent aussi immunisés à mes tirs que le reste de son corps !

Nous pointons une nouvelle fois notre arme. J’essaie d’ignorer la foule autour de nous qui s’agite, les quelques encouragements, sifflets, les ‘’Allez Caramélie’’ que j’entends, et même le vilain chat noir qui miaule d’un air désagréable en continuant de me fixer !
Je sens bien qu’ils me déconcentrent alors que mon cerveau a besoin de fonctionner à plein régime : comment toucher une adversaire sur laquelle rebondissent toutes les attaques… ? Et comment le faire sans déployer de méthodes trop visibles… ?
Au signal de l’arbitre, nous tirons de concert.

BANG ! BANG !

Une fois de plus, la balle ricoche sur mon tekkaï. Sauf que cette fois, à peine le coup encaissé, je projette du bout de mon doigt un shigan volant ! L’attaque, semblable à un coup de poignard ou à une munition de pistolet invisible, vole dans les airs et suit la trajectoire de mon vrai tir avec à peine une ou deux secondes de retard. Et alors que la balle de pistolet, anticipée, n’a eu aucun effet sur mon adversaire, ma seconde attaque touche au but ! Une giclée de sang se déverse au niveau de sa poitrine, éclabousse son vêtement, tandis qu’elle s’effondre dans un hoquet de surprise et de douleur.

♦♦♦♦

Je m’accorde une courte pause sur un banc, légèrement à l’écart de la foule qui s’affaire, feignant l’indifférence à l’égard des nombreux badauds qui me dévisagent après ce duel singulier.

« - Caramélie ? »

Ma sœur s’assied à côté de moi. Après s’être enquise (pour la cinquième fois au moins !) de mon état, elle m’informe :

« - Les témoins de ton prochain adversaire sont venus me parler. Ils disent qu’ils comprendraient tout à fait que tu sois trop fatiguée après ton combat, et qu’ils sont disposés à remettre votre duel à plus tard. »

Je prends un petit moment avant répondre. Évidemment que j’ai très envie de mettre fin à tout ça pour aujourd’hui : j’ai eu mon compte de mauvaises surprises. Mais me priver du plaisir de mettre sur la touche un prétentieux petit bourgeois de Goa alors qu’il est sur le point de présenter un projet de loi extrêmement néfaste pour la mainmise du Gouvernement Mondial sur l’île à l’assemblée ? Jamais de la vie !

« - Dis leur que c’est très gentil de leur part, et que j’apprécie beaucoup le geste, mais que ça ne sera pas nécessaire. Pour la peine, je ferai attention à ne pas trop le blesser quand je lui tirerai dessus ! »
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Lieu inconnu

« - Servo.
- Sivis. »

L’ancien maître et l’ancien élève se serrent chaleureusement la main. Nul besoin de beaucoup de mots entre Servo Vendetta et Sivis Pacem, alias ‘’Vengeance’’ et ‘’Paix’’. Les années passées au sein de l’Umbra, à agir dans l’ombre côte à côte, les ont rendus plus complices que des frères.

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Sivis Pacem, alias Paix

« - Comment va-t-elle ? »

La jeune femme aux cheveux ébouriffés, allongée dans le lit à côté d’eux avec un chat sur les genoux, se redresse. Elle tousse, grimace, mais s’exclame avec un éclat de détermination dans les yeux :

« - Je survivrai… héhéhéhé ! Kof kof ! Ce n’est pas ça qui ne m’empêchera de lui régler son compte la prochaine fois !
- Tu vas devoir améliorer ton haki avant de l’affronter à nouveau. Elle est plus puissante qu’on le pensait si elle a pu passer à travers.
- Je suis pratiquement sûre qu’elle a triché !
- Miaou miaou ! Ajoute le chat sur ses genoux.
- Toi aussi tu as triché.
- C’est regrettable que notre cible n’ait pas été mise hors d’état de nuire, mais il y a du positif à retirer de cet échec. Sivis, j’imagine que tu as pu profiter du duel pour analyser sa technique plus en détail ?
- En effet. Et je suis catégorique : elle a encaissé les tirs, tous, mais sans broncher et sans être blessée.
- Nous pensions qu’elle utilisait un fruit du démon ou quelque chose du genre, mais si le haki n’a pas pu passer à travers ce n’est sans doute pas le cas. Ou alors le haki de ta disciple était peut-être juste trop faible ?
- Hé ! N’importe quoi ! Mon haki est très performant ! Kof kof !
- Miaou !
- Tu penses que c’est ce qu’elle utilise elle aussi, Sivis ?
- C’est possible, mais je n’en ai pas vu de signes directs. Si c’est le cas, elle avoir un haki de très haut niveau. Il doit être tellement puissant que son armure doit prendre la forme d’une aura qui la protège intégralement, tout en étant assez subtile pour qu’elle puisse la dissimuler !
- Mhh… »

Vendetta reste un moment pensif.

« - De toute manière, il n’y a qu’un seul moyen de le savoir. J’ai un plan pour la mettre hors d’état de nuire, haki ou non. La question étant : qui va se dévouer pour l’attaquer, la prochaine fois ? »
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Cher journal,

Après les résultats mitigés de ma dernière séance de duels et le coup de projecteur assez malvenu qui en a résulté, ma grande sœur Réglisophie m’a tout bonnement interdit de provoquer de nouveaux affrontements ! Étant plus ou moins obligée de me conformer à ses ordres puisqu’elle est mon aînée (et la cheffe de famille puisque notre père se tient à l’écart des affaires, gnagnagna !), je lui ai répondu par quelques grommellements qui ont dû passer pour une réponse acceptable, avant de venir prendre mes instructions auprès de ma véritable cheffe, ma supérieure au sein du CP5.
Par principe, il m’a déplu d’apprendre qu’elle était d’accord avec ma sœur. Hélas, elle estime que toutes les bonnes choses ont une fin et que l’astuce des duels pour éliminer les gêneurs arrive sans doute à terme. Et puis, maintenant que j’ai fait des émules, les politiciens en herbe de Goa n’ont plus besoin de moi pour s’entretuer tout seuls !

Il s’agirait maintenant de pousser l’enquête sur cette Rhétalia Richard, la femme que j’ai affrontée en duel et à qui je dois une collection de bleus sur le corps, afin de déterminer son niveau de menace, ses éventuelles implications et allégeances, et ce qui peut bien expliquer son demi-succès. D’après le rapport de notre agent infiltré au sein des têtes de file du parti républicain, il semblerait que ces derniers n’aient rien à voir avec elle, ni avec une quelconque tentative d’élimination à mon encontre. Le mystère reste entier pour le moment…
Quoi qu’il en soit, il est clair que j’ai un peu trop attiré l’attention, et soi-disant que d’ici à ce que ça se calme j’y gagnerais à faire mine de m’assagir !

Faute de mieux, et en attendant de me voir attribuer d’autres activités, me voilà donc revenue à ma mission initiale: conserver ma couverture pour renseigner le CP sur les activités du camp monarchiste, et servir de garde du corps à ma sœur. Cette dernière ignorant tout de mes véritables allégeances, et prenant mon inclinaison à l’aider comme une parfaite dévotion, elle me traite comme sa propre sbire !
Lorsque je ne l’accompagne pas à une de ses nombreuses invitations, salons, réunions politiques ou mondaines, je supervise en son nom certains des chantiers qu’elle a entrepris pour se faire une réputation. Mais je le fais avec d’autant plus d’attention qu’elle les finance avec mon argent !

♦♦♦♦

Centre-ville de Goa, place du peuple (anciennement place « Félix II Von Avezel »), chantier de l’hôpital d’Isigny


On trouve deux choses en quantité à Goa de nos jours : des quartiers entiers de ruines abandonnées, et de la main d’œuvre sans travail. Il était donc tout naturel de mettre à profit les seconds pour exploiter les premiers !
Notre chantier actuel est celui d’un hôpital qui devrait englober, une fois achevé, tout un quartier de maisons actuellement à l’abandon. Réglisophe et son équipe ont vu les choses en grand : nombreuses chambres, personnel pléthorique, hospice ouvert à tous, hall d’entrée digne d’un hôtel cinq étoiles… Officiellement, il s’agit de l’œuvre de ma grande sœur dont elle ne fait que me déléguer quelques soucis de gestion. Étant uniquement une pourvoyeuse de fonds, je pensais pouvoir me dispenser de m’impliquer d’avantage, mais j’ai très vite compris que si je me contentais d’ouvrir mon portefeuille à Réglisophie sans lui imposer de limite, alors qu’elle considère déjà mon compte en banque comme un puits sans fond, je me retrouverais rapidement endettée sur sept générations ! Ce qui donnerait quatorze au total, puisque la famille est déjà endettée sur sept générations…
Quel est l’intérêt d’une entreprise philanthropique dans ces conditions ? Notre, enfin mon argent, ne serait-il pas mieux employé ailleurs ? La réponse est dans l’explication de pourquoi nos parents, et nos grands-parents avant eux, étaient déjà criblés de dette : la réputation ! Quand on veut avoir une envergure politique comme celle que vise ma sœur, il faut voir les choses en grand et marquer les esprits ! Et le futur « Hospice d’Isigny », idéalement situé à la capitale et qui ouvrira ses portes à tous les nécessiteux sans distinction (enfin sauf si ce sont des gens que l’on n’aime pas), sans qu’il ne leur en coûte rien fait déjà parler dans les salons et les journaux !

Heureusement, ou malheureusement c’est selon, je n’ai pas à attendre très longtemps pour que l’on me parle à nouveau de choses intéressantes. Alors que je quitte les lieux en compagnie du contremaître en chef, un homme charmant vient m’aborder :

« - Mademoiselle Caramélie d’Isigny ? Sivis Pacem, pour vous servir. »

L’homme qui se tient devant moi me salue avec une élégance tout à fait acceptable pour le bourgeois qu’il est. Mon ego d’aristocrate mis à part, c’est un honneur qu’un homme comme lui s’intéresse à moi : Sivis Pacem, monsieur Pacem, est l’un des hommes les plus respectés et les plus aimés de Goa. Mécène de la restauration de la capitale, donnant sans compter, toujours à l’écoute des plus faibles, toujours prêt à protéger les opprimés, il dispose également d’une fortune qui lui a permis de se faire sa place dans le grand monde. Et en plus, il est assez bel homme !
Son seul défaut, parce qu’il en faut bien un, c’est que son cœur balance plutôt dans le camp des républicains.

Malgré cela, je dois avouer que je suis plutôt flattée du simple fait qu’il me connaisse et daigne se déplacer pour me rendre visite. Dommage, je risque de devoir refuser sa proposition : je ne doute pas qu’un homme aussi généreux soit naturellement intéressé par le fait d’apporter sa pierre à l’édifice en finançant la construction d’un hôpital, mais nous avons tendance à choisir nos contributeurs du côté… « sang bleu » de la balance. Dommage également, si j’avais su que je le rencontrerais aujourd’hui j’aurais mis ma belle robe bleue et mon collier de perles assorti !

« - C’est un plaisir de vous rencontrer, monsieur Pacem ! Êtes-vous venu visiter notre chantier ? »

Il plonge ses yeux pâles dans les miens. Gnihihi, je fonds !

« - Je serais ravi de le faire en votre compagnie. Hélas, ce sont des affaires plus graves qui m’amènent.
Il m’est parvenu la rumeur de vos odieuses pratiques. Vous avez entrepris, de manière très discutable, de passer au fil de l’épée un certain nombre d’hommes et de femmes parmi les plus dévoués et les plus sincères artisans d’un monde plus juste. Certains sont de mes amis. Par ailleurs, j’ai appris avec un certain désagrément que vous aviez fait démarcher un certain nombre de membres du personnel de la clinique de Fuchsia, afin de les employer dans votre propre établissement tout en éliminant la concurrence. »


Sa puissante poitrine s’affaisse et se soulève, comme si un juste comme lui souffrait d’en arriver à de telles extrémités :

« - Mademoiselle d’Isigny, je suis au regret de vous défier en duel. »

Mon petit cœur se brise. Je suis doublement humiliée car je suis contrainte de répondre :

« - Hélas, mon aînée Réglisophie m’a interdit de me battre à nouveau en duel. Je suis obligée de décliner votre offre.
- Si vous êtes incapable de défendre l’honneur de votre famille, je vais devoir m’adresser à elle. C’est elle votre responsable après tout, et je sais que vous agissez pour son compte.
- Vous êtes un homme très indélicat. Moi qui avais une si haute opinion de vous ! Vous me laissez le choix entre désobéir à ma cheffe de famille, ou laisser ma sœur exposée à votre violence ? »

Je reste un bref instant silencieuse avant d’ajouter :

« - Très bien, mais voici ma condition : afin de ne pas désobéir entièrement à sa consigne, nous ne nous affronterons ni à l’arme à feu, ni à l’arme blanche. »

Pacem semble réfléchir un moment, puis hoche la tête.

« - C’est entendu : nous ne nous combattrons ni à l’épée, ni au pistolet, ni avec aucune forme de ces deux armes. Et je vous laisse le choix de l’outil de notre duel. »
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Évidemment, Réglisophie n’est pas ravie quand elle l’apprend. Mais c’est probablement une constante chez les grandes sœurs de désapprouver les initiatives de leurs petites sœurs ! Si les gens la connaissaient aussi bien que je la connais, ils arrêteraient de lui faire de grands sourires en la trouvant formidable.

« - La montgolfière ?! Tu as choisi la montgolfière comme arme du duel ?!
- Eh bien ? C’est plutôt classe je trouve !
- Et tu as pensé au prix que ça allait coûter ? Je te rappelle qu’on a un hôpital à payer !
- On trouvera bien l’argent. Non mais réfléchis-y, c’est un super plan ! Non seulement je n’aurai pas à me poser la question de savoir comment percer la peau de mon adversaire ou de comment ne pas me faire percer la mienne, mais en plus c’est un combat qui marquera les esprits !
- Je te dirais bien que tu viens de me convaincre que ma petite sœur est folle, mais en réalité je le savais déjà. » Elle lève les yeux au ciel : « bon, entendu, je vais t’aider comme je peux. Par contre je te préviens, je t’interdis d'abîmer monsieur Pacem : il est vraiment trop beau ! »

♦♦♦♦

Il aura fallu le travail acharné de centaines de couturiers, d’artisans et d’ingénieurs, pour mettre au point les deux montgolfières en un temps record. A présent assemblés, les deux ouvrages ont été soigneusement entreposés dans deux hangars distincts dans le quartier du port, et placés sous surveillance pour éviter toute action malveillante avant le jour fatidique.
Je me suis chargée de payer quelques braves personnes pour assurer la protection de la mienne (non pas que je crois capable monsieur Civis de ce genre de pratiques, mais j’ai un peu moins confiance en ses associés !), et j’ai choisi de faire quelques petites économies en m’occupant moi-même du sabotage de celle de mon adversaire !

Il est très tôt, à l’heure où le soleil est sur le point de laisser ses rayons apparaître en une fine lueur à l’horizon. L’aurore, l’heure où même les veille-tard ont fini par sombrer dans les affres du sommeil. Je me faufile à pas feutrés entre les différents bâtiments qui bordent les quais, me glisse avec une extrême vigilance d’un coin d’ombre à un autre, et… ait la grande surprise de découvrir le port en pleine activité ! Des marins et des dockers vont et viennent, chargent des provisions de cageots, filets, et tout ce qu’il faut pour partir en mer. Et je découvre, avec un mélange de surprise et d'embarras, que les pêcheurs se lèvent encore plus tôt que les agents secrets, puisqu’ils commencent leurs journées de travail en pleine nuit afin de pouvoir présenter leur marchandise, fraîche, à l’ouverture des marchés.
C’est… On dira que c’était calculé, entendu journal ?

L’animation sur les quais est telle que personne ne prête attention à moi, et que je parviens sans mal jusqu’au hangar où a été rangée la montgolfière de mon adversaire. Lui aussi a pris le soin d’y poster des gardes, ce que je trouve assez vexant : je lui inspire donc si peu confiance ?!
Une courte observation me permet d’en dénombrer trois : un devant la porte, un qui fait des rondes, et probablement un troisième à l’intérieur.
Pssssht… je me décompose sous la forme d’un gaz pratiquement invisible ; sous la forme d’un petit nuage, je me glisse dans l’air de la nuit. M’engouffrant à travers les interstices qui ne manquent pas entre les murs en bois et le toit en tôle, je parviens sans mal à l’intérieur du hangar. Il y a bel et bien un garde, assis sur une caisse et occupé à fumer une cigarette. Facile : d’un simple gaz léger, je me transforme en un gaz soporifique terriblement chargé, et fond sur lui pour le câlin le plus apaisant de sa vie ! L’effet est si brutal que l’homme a un petit mouvement de panique, tente de se lever, de bredouiller quelque chose, mais le sommeil le gagne déjà, et il s’endort avant même que sa cigarette n’ait le temps de toucher le sol.

Reprenant forme humaine, je tire ma victime derrière une pile de paniers, lui étire confortablement les jambes, lui croise les mains sur le ventre, lui cale la tête avec sa veste et lui glisse sa cigarette entre les doigts. Puis je recule d’un pas et contemple mon œuvre : on dirait une parfaite imitation du garde qui pique un petit roupillon pendant que ses collègues font tout le travail !
J’hésite à lui dessiner des moustaches et des lunettes sur la figure mais… non, une autre fois !

La montgolfière est là, soigneusement repliée. L’immense toile serait assez grande pour recouvrir entièrement le hangar si elle était dépliée, et la collection de câbles destinée à la harnacher me font me demander par où commencer. Si je sectionne quelques-uns de ces cordages maintenant, j’ai peur que ça se remarque au moment de l’installation. Idem pour l’immense ballon de tissu : si un souci de gonflage est identifié, l’on risque d’annuler purement et simplement notre duel.
Reste le panier en osier destiné à accueillir le passager : c’est un habitacle relativement petit, conçu pour un seul occupant. Une collection de sacs garnis de sable assez lourds y sont accrochés, permettant au pilote de gagner rapidement de l’altitude en cas de besoin. Aucune idée discrète et facile à mettre en œuvre ne m’inspirant pour ces derniers, je m’attaque directement au panier. Je soulève le fond et, à l’aide d’un couteau, sectionne les tresses en osier qui le composent à intervalles réguliers. En apparence il semble toujours intact, et pourtant une fois dans les airs, lorsqu’il devra supporter le poids d’une personne qui s’agite et qui tente de manœuvrer, la surprise risque d’être mémorable !
Hihihi, avec un peu de chance je n’aurais même pas besoin de m’embêter à l’affronter directement !

Je prends bien soin d’effacer toute trace de mon passage, et disparais par là où je suis venue…
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Si j’ai l’habitude de réunir des spectateurs pour mes démonstrations armées, ce n’est rien en comparaison de la foule qui s’est massée près du port en ce jour ! Il y a au bas mot des milliers de curieux massés sur les quais, venus assister au duel improbable entre monsieur Pacem et la terreur des députés !

Des représentants de tous les journaux de Goa sont venus, et même d’autres des îles voisines. Ce n’est pas tous les jours que l’on voit apprêter des montgolfières, encore moins dans le cadre d’un combat ! Alors si en plus les participants sont des célébrités locales…
Certains journalistes ont été payés par mes soins ou par ceux de mes camarades du camp monarchiste, mais d’autres font cause pour la faction républicaine et ils se feront une joie de me tailler un costume au moindre faux pas !

Je reconnais aussi dans la foule quelques collègues du Cipher Pol, glissés l’air de rien au milieu des badauds. Je les soupçonne d’être plus là pour profiter du spectacle que pour m’aider à me tirer d’un mauvais pas…
Étrangement, ma cheffe au Cipher Pol a bien pris l’annonce de mon combat. Elle a même suggéré que, si j’arrivais à suffisamment amocher mon adversaire pour qu’il disparaisse de la circulation quelque temps, ce serait une bonne opportunité pour lui mettre la main dessus et enquêter à propos de quelques rumeurs troublantes le concernant.

Nos deux montgolfières ont été dressées chacune sur un quai, à l’écart des bâtiments, de manière à ce qu’elles s’écrasent en mer plutôt que sur des habitations en cas d’accident. Pour l’instant clouées au sol par un harnachement de cordages, nos équipes ont entrepris de les gonfler depuis très tôt ce matin. Ma montgolfière est de couleur bleu, blanc et or (les couleurs traditionnelles de la monarchie de Goa), celle de Pacem arbore les couleurs de l’arc en ciel.
Pacem, d’ailleurs, est entouré d’une foule nombreuse et toute acquise à sa cause. Il est indéniablement populaire et célébré, au point que j’ai l’impression d’être une sportive étrangère venue affronter une star à domicile ! Heureusement j’ai mes propres supporters, qui ont eux-mêmes payé ceux qui le voulaient bien pour m’acclamer en concert ! De fil en aiguille, les factions réunissant leurs forces, nous sommes devenus malgré nous les champions d’une cause qui nous dépasse un peu !

Pacem et moi nous retrouvons malgré tout, à mi-chemin de nos engins, pour un dernier salut. Je remarque qu’il s’est vêtu pour l’occasion : il allie un style coloré et avantageux, un complet sportif tout de velours rouge mais avec un grand manteau en cuir de mouton doublé de fourrure, pour se protéger du froid de l’altitude. J’ai moi-même fait des efforts pour me composer un style élégant, valorisant, et qui attire l’attention : j’arbore une tenue de duelliste complètement fantasque, d’inspiration amazone moderne, avec de longues cuissardes, une courte jupe mais dont certains pans retombent et virevoltent comme la traine d’une robe, un haut en corset pouvant évoquer une cuirasse antique (tout en appuyant bien sur le fait que la personne qui la porte est une femme), et un chapeau à plumes blanches. J’ai bien évidemment pensé au froid de l’altitude, et mon manteau de fourrure m’attend sagement rangé dans la nacelle ; je l’enfilerai tout à l’heure, quand je n’aurai plus personne devant qui frimer.

Nous nous saluons devant une foule enthousiaste tandis que Sivis Pacem me murmure, avec un sourire compatissant qui lui donne un air charmant :

« - Je suis navré que cela ait pris de telles proportions. Mais ne soyez pas impressionnée, je suis sûr que vous serez à la hauteur !
- Si je gagne vous me devrez en plus une faveur, une invitation. Est-ce entendu ?
- C’est entendu ! Et si je gagne, c’est vous qui devrez répondre favorablement à la mienne. »

Moi, fleur bleue ? Ne te fais pas d’idées journal : si je gagne, ce cher monsieur Pacem aura le droit à un dîner aux chandelles soporifiques, suivi d’une petite visite dans une cave avec un sac sur la tête !

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Les nacelles quittent le sol, et je découvre avec plaisir la vue de ma ville natale depuis les airs. Malgré les épreuves qu’elle a subi, malgré la ruine qui a manqué de la détruire, malgré des années de gouvernement insuffisant et malgré toutes les menaces qui pèsent encore sur elle, c’est vraiment un endroit magnifique : coloré, élégant, immense…

Mon appareil se stabilise à une soixantaine de mètres au-dessus du sol, celui de Pacem également. Couverte de mon manteau fraîchement enfilé, j’attends. Tout est beaucoup plus calme de là-haut : le bruit de la foule, quoique toujours présent, est beaucoup plus diffus. Mon regard croise celui de mon vis-à-vis ; nous sommes adversaires maintenant. Et puis soudain, nous entendons une détonation depuis le sol. BANG ! Le combat commence !

Il se pose rapidement un problème essentiel à deux cornichons ayant décidé de s’affronter dans un duel de montgolfières : ce genre d'aéronefs, conçus principalement pour monter et descendre, ne disposent de pratiquement aucun moyen de se diriger ! Un pilote expérimenté saurait sans doute trouver son chemin en s’aidant de différents courants aériens, mais ni mon adversaire ni moi n’avons ce genre de compétences !
Pour pallier notre incapacité, nous avons à notre disposition plusieurs types de matériels : un brûleur situé entre la nacelle et le ballon, qui nous permet de l’alimenter en air chaud pour moduler notre altitude, des sacs de lest pour une montée rapide, des cordages, et des grappins. Ce sont ces derniers qui font office de premières armes : dans un sifflement, le triple crochet métallique lancé par mon adversaire vole dans ma direction. Il se fiche dans le rebord de ma nacelle du premier coup, et je sens aussitôt qu’il me tire vers lui !
J’ai fait moins subtil : dès mon premier tir, j’ai visé le bas de son panier en osier. Tchac ! Même si je ne l’ai pas agrippé je sais que je l’ai abîmé, provoquant un déséquilibre chez mon adversaire qui cesse un instant de tirer. Je réitère mon lancer : je fais prendre de l’élan au crochet en le faisant tournoyer dans le vide, et le lance avec force en direction de la nacelle. Re-tchac ! Cette fois le crochet se fiche dans l’osier. Au lieu d’essayer de tirer moi aussi, je fixe le cordage qui retient le grappin à ma nacelle. Puis dans le même temps, et alors que nos ballons se rapprochent, je libère plusieurs sacs de lest et actionne mon brûleur à pleine puissance ! Immédiatement, mon appareil a gagné plusieurs mètres de hauteur ; entraîné par le grappin toujours accroché, mon adversaire est happé avec moi, par le bas de sa nacelle, et je l'entend crier alors qu’il se renverse !

« - Haaaa ! »

Mais il résiste ! Cramponné à la fois aux cordages de son ballon et à celui de son grappin, il tire de toutes ses forces et me ramène vers lui ! A mon tour, c’est ma nacelle qui commence à se renverser ! Vite ! Je me penche en direction du crochet fixé dedans et, avec l’aide d’un autre grappin, entreprends d’essayer de le sectionner. Du moins je fais semblant. Mimant des coups de grappin dans le câble, je lui administre en réalité quelques shigan bien sentis et la corde se détache, libérant ma nacelle. Hélas, ma manœuvre a suffi à laisser le temps à mon adversaire de reprendre le contrôle de son propre appareil, et celui-ci revient à la charge.
Nouvelle technique cette fois, il vise directement la toile du ballon ! Je dois rendre coup sur coup pour ne laisser passer aucune attaque : chaque fois qu’il lance un grappin, j’utilise un des miens pour le bloquer ! Je manque plusieurs fois ma cible, mais lui aussi heureusement ! Lorsque nos armes improvisées s’entrechoquent, les cordes et les crochets s’emmêlent, et nous tirons de concert pour tenter d’arracher son grappin à l’autre !

Pacem est plus robuste, mais j’ai plus d’énergie et de rapidité. Alors qu’il prépare son prochain lancer, je prends les devant et profite de mon altitude légèrement supérieure pour lui lancer un sac de lest ! Le sac, rempli de sable, parcourt une parfaite ellipse dans les airs avant d’atterrir violemment au fond de sa nacelle ! Fond qui commence à s’enfoncer et, dans une succession de craquements, se détache brusquement du reste de la nacelle !
Sivis Pacem manque de passer à travers, mais il se rattrape ! Il se cramponne au niveau des câbles de son ballon, et parvient à se hisser sur le rebord du panier désormais sans fond, pour se ficeler à celui-ci à l’aide d’un câble enroulé autour de sa taille.
Je ne lui laisse pas de répit ! Alors qu’il se débat encore pour ne pas tomber, je lui projette un nouveau sac de lest, en pleine figure cette fois ! Il l’encaisse de plein fouet, mais ne bronche même pas ! Au lieu de ça il lâche ses propres lest, active son brûleur à puissance maximum, et tente comme il le peut de rattraper ma hauteur ! Profitant de l’avantage en altitude dont je dispose encore, j’utilise mon dernier grappin pour une attaque directe : un coup en plein dans la toile du ballon ! Je fais tournoyer le crochet dans les airs, assez loin de ma propre nacelle pour éviter de l’empêtrer dans mes cordages, et… à ce moment, mon brûleur s’arrête net. Brusquement interrompu par cet arrêt d’apport en carburant, mon ballon est pris d’une secousse et je dois m’accrocher pour ne pas tomber ! Cramponnée comme je peux aux cordages, je me hisse à la hauteur du brûleur et l’ouvre pour constater que son réservoir a été percé à mi-hauteur. je grogne: voilà qui explique qu’il se soit vidé si rapidement et que toute sa réserve d’huile ait été consommée. Est-ce dû à nos échanges violents ? Difficile à croire, le trou est propre et discret !

Une ombre recouvre mon ballon et me cache le soleil, m’indiquant que mon adversaire s’est de nouveau porté à ma hauteur. Si nos pitreries nous ont largement éloignés de notre point de départ (nous dérivons actuellement au-dessus de la ville), nous sommes cependant toujours très proches l’un de l’autre. Je peux voir son sourire, malgré l’effort et la difficulté pour maintenir son appareil et s’y maintenir lui-même, à près de cent cinquante mètres au-dessus du sol.

Tsss ! Je referme le boîtier du brûleur et, alors que ma main est plaquée sur le trou, j’y déverse un intense jet de gaz inflammable. Voilà pour le carburant ! Puis je me retourne pour faire face à mon adversaire qui tente une nouvelle approche : il appuie de toutes ses forces d’un seul côté des cordages de sa montgolfière, de manière à la diriger droit sur moi.
BOM ! Les deux ballons se heurtent, rebondissent et s’éloignent, violemment ébranlés. Alors que je me cramponne comme je peux pour ne pas tomber à la renverse, je sens un puissant souffle d’air chaud quitter l’enveloppe supérieure, chassé par le choc, et mon ballon descend soudainement de plusieurs mètres ! J’alimente comme je peux le brûleur pour compenser cette perte, mais j’entends déjà :

« - Attention me revoilà, haha !
- Hééé ! Non, non, noon ! »

BOM ! Les ballons se heurtent à nouveau ! Cette fois le choc est plus violent, et je manque d’être éjectée de la nacelle ! Tu sais quoi journal ? S’il veut jouer à l’andouille, je vais jouer à l’andouille aussi ! Imitant sa manœuvre, je réunis mes derniers lest du même côté de la nacelle pour créer un déséquilibre, et appuie sur les cordages de tout mon poids pour incliner la montgolfière dans sa direction !
BOM-BOM ! Les ballons se heurtent une nouvelle fois et s’écartent violemment. Si la manœuvre est très impressionnante et très déstabilisante, elle ne provoque toutefois aucun véritable dommage sur les deux appareils. tout au plus continuons nous de perdre de l’altitude par poignées de mètres. Je suis tentée, maintenant que nous sommes loin de tout témoin, de lui asséner une bonne lame d’air dans la gorge pour en finir. Hélas, une autopsie révélerait très vite la supercherie. Sans parler du fait que ma patronne le veut vivant, ce qui m’oblige pratiquement à trouver un moyen de faire se poser sa montgolfière intacte !

Nous prenons chacun notre élan à nouveau et… BOM-BOM ! Les ballons se heurtent à nouveau ! Sauf que cette fois Pacem est rapide et, avec une poigne étonnante, réussit à agripper un des cordages qui relient ma nacelle à mon ballon ! Alors que je m’attendais à ce qu’il le sectionne, il l’attache à l’aide d’une corde à sa propre montgolfière, liant de fait le destin de mon ballon au sien. Et surtout… faisant que nous ne nous trouvons plus qu’à quelques centimètres l’un de l’autre…

Nos regards se croisent, et derrière l’assurance et le sourire charmant, je lis une lueur meurtrière dans son regard. Il prend son élan, et projette son poing ganté de cuir dans ma direction ! J’esquive le coup à la dernière seconde grâce à la technique du kami-e, décision qui me sauve probablement la vie : le poing de mon adversaire poursuit sa course en arrachant toute une portion de ma nacelle : osier, jointures métalliques et cordages, tout ce qui se trouve sur le passage de son coup est tout bonnement arraché, volant en éclats et formant un trou dans presque un quart de ma nacelle !
Ce coup n’était pas humain. Ces capacités sont surhumaines, même si j’aurais dû m’en douter dès le moment où il a commencé à me tenir tête en faisant des acrobaties dans les airs ! Il arme de nouveau son bras, coude plié et poing fermé, visiblement bien décidé à ne pas me manquer. En désespoir de cause, j’arrache mon brûleur à son support et le pointe dans sa direction à pleine puissance, en l’alimentant avec tout ce que je peux lui fournir de gaz inflammable !

Fsshhhhhh !
« - Aaargh ! »

Pacem est déstabilisé, mais pas repoussé. Se protégeant d’un bras, encaissant sans broncher l’assaut de la flamme, empestant le gaz et le cuir roussi, il assène un violent coup dans la direction ! Mon brûleur vole en éclats, tandis que je suis projetée dans le fond de ma nacelle !

Sans brûleur, ma montgolfière est condamnée à chuter : ce n’est plus qu’une question de temps avant que l’air chaud ne se vide, et me ramène en douceur vers le sol. Je pourrais évidemment tricher, et remplir ma toile de gaz produit par mes soins, mais la fraude serait évidente, tout comme le dévoilement de mes pouvoirs. Il ne reste alors plus à Sivis Pacem qu’à défaire le lien avec mon ballon, à séparer nos nacelles d’un bon coup de pied, puis à nous regarder nous éloigner et à apprécier sa victoire en toute sérénité, tout en me faisant un grand signe de la main accompagné d’un sourire triomphant. Nos deux ballons s’écartent, et le sien continue de gagner de l’altitude tandis que le mien décroît…

Sauf qu’il me reste un dernier coup à jouer : premièrement, je lâche mes derniers lest pour compenser ma perte d'altitude. Ensuite, usant du pouvoir de mon fruit du démon, je me concentre pour générer une parfaite zone de vide dans laquelle je chasse toute trace de gaz, tout autour de son brûleur. En l’absence d’alimentation, ce dernier s’éteint lui aussi.
Pacem tente de l’actionner, fait pliqueter le mécanisme, contrôle le niveau de carburant, mais rien n’y fait ! Et sa montgolfière, qui cesse d'abord de gagner de l’altitude, commence bientôt à en perdre. En perdre de plus en plus vite, d’ailleurs… !

« - Un souci technique, monsieur Pacem ? »

Il répond par un haussement d'épaules et un sourire, l'air de dire "ce sont des choses qui arrivent !".
Nos ballons chutent à présent de concert, et nous ne pouvons plus y faire grand-chose. Le mien abîmé par notre échange de coups et privé de son brûleur, le sien désespérément contaminé par mes soins et incapable de lutter contre la poussée qui l’attire irrémédiablement vers le sol. Les toits de la ville se font de plus en plus visibles alors que nous nous approchons. Notre course nous a amenés vers le centre-ville, moins agité que de coutume à cette heure, probablement parce que beaucoup d’habitants de Goa se sont rendus au port. Je crois même que je reconnais ce quartier, on doit être juste au-dessus de l’ancienne place Victor II, qu’ils ont stupidement renommée place du peuple. Et d’ailleurs, ce bâtiment au toit tout neuf dont je me rapproche à toute allure, c'est celui de mon hôp…
Oh non !!!

BRAAAAAM !!!
L’assemblage de cordages et de tissu gonflé d’air s’écrase violemment sur la toiture toute neuve ! Sous le poids de plusieurs centaines de mètres carrés de tissu qui s’écrasent de tout leur long, les tuiles volent en éclats, les poutres se descellent et se brisent, et je passe à travers le plafond accompagnée d’une pluie de débris ! Je heurte violemment un échafaudage qui s’effondre à son tour, traverse violemment un plancher, et atterris dans l’atrium, heureusement en cours de transformation et pas encore meublé.
La pluie de débris qui m’accompagne met encore une petite minute à déverser tout ce qu’elle a charrié.

Aïe.

Je crois que je suis bonne pour payer la réparation du carrelage, en plus du reste.

Mon corps se régénère doucement, et malgré ça je reste un long moment pensive, allongée sur le sol, à fixer le trou dans le plafond et le ciel bleu au-dessus de moi.
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« - Egalité, ce n’est pas si mal, non ?
- Mmh.
- En tout cas, vous êtes vraiment chanceux de vous en être tiré indemnes tous les deux ! En plus, Civis Pacem a fait savoir dans les journaux qu’il acceptait ton invitation à dîner. Comme quoi, tout est bien qui finit bien ! Un repas en tête à tête avec monsieur Pacem… je t’envie presque !
- Tu ne veux pas y aller à ma place ? C’est plutôt ton domaine les soirées mondaines, et le fait de te faire aimer par les gens. En plus tout le monde nous confond, alors il n’y verra que du feu !
- C’est pour te faire plaisir que les gens font semblant de nous confondre : j’ai les cheveux bien plus blonds et bien plus jolis que les tiens, et j’ai l’air bien plus raisonnable et intelligente ! »

Je lui renvoie une mine bougonne qui croise la sienne, rieuse et taquine.

« - Ose prétendre le contraire, que je puisse te rappeler qui a été assez folle pour se battre en montgolfière ! »

Nous nous fixons mutuellement… et partons dans un fou rire !

♦♦♦♦

Faute d’avoir pu trouver une autre sosie (notre troisième sœur ne nous ressemble pas du tout, et puis elle réside actuellement à Saint Uréa pour ses études), je me suis résolue à me rendre moi-même au dîner convenu avec monsieur Pacem. Un repas aux chandelles, dans l’un des restaurants les plus chics de la capitale, avec l’un des hommes les plus en vue de la ville… j’aurais pu envisager bien plus désagréable comme épilogue ! Peut-être même que s’il est assez charmant, j’attendrai la fin du dessert pour lui administrer mon gaz caradort.

Une petite pluie s’abat sur la calèche, obligeant le conducteur à remonter la capote en feutre. Ce n’est pas pour me déplaire : j’aime écouter le bruit de la pluie qui tombe, cela donne à la soirée une atmosphère romantique. Paisiblement bercée par le son des gouttes et par le trot régulier du cheval, je me laisse aller…

Bang ! Bang ! Une violente douleur me traverse le bras, et je vois mon chauffeur s’effondrer juste devant moi ! Avant même que je réalise ce qui se passe, ayant juste le temps de contempler avec incrédulité le flot de sang qui gicle de mon bras et tache ma robe, une nouvelle série de détonations retentit : bang ! Bang ! Cette fois je suis touchée à l’abdomen, tandis que le second projectile fauche le cheval ! Ce dernier s’effondre dans un horrible hennissement, renversant avec lui la calèche et moi avec !
J’ai mal. J’ai horriblement mal ! Je n’avais jamais eu aussi mal depuis… même avant avoir mangé le fruit du gaz, j’avais rarement eu l’occasion de subir des blessures pareilles ! La douleur s’étend dans tout mon corps comme un courant électrique, faussant mes sensations et brouillant mon cerveau !
La calèche se retourne par-dessus moi, m’écrasant en partie. Mon corps, qui aurait dû être broyé en deux, se retrouve heureusement en partie dissipé sous la forme de gaz, preuve que mon pouvoir fonctionne toujours.

Je n’attends pas la prochaine attaque. Tant pis pour le chauffeur s’il vit encore, tant pis pour le cheval qui hennit de manière horrible, subjugué par la douleur. Je transforme l’intégralité de mon corps en gaz explosif et… j’explose !!!

La détonation se fait entendre à des rues à la ronde. Elle pulvérise la calèche et même un morceau de la route qu’elle transforme en cratère. Des pavés, des morceaux de terre, de goudron, de bois calciné et de ferraille tordue se retrouvent éparpillés un peu partout. Les fenêtres des bâtiments alentour sont soufflées, tout comme l’est en partie la façade de la maison la plus proche. Plusieurs arbres à proximité prennent feu, ajoutant à ce spectacle une ambiance apocalyptique !
Les gens commencent à sortir de leurs maisons en panique, moitié hagards, moitié hurlants. Que se passe-t-il ? Un accident ? Une attaque ? Le retour de la guerre ?!

Quant à moi, de petits nuages de fumée carbonisée se dispersent dans les airs, et se regroupent à une petite distance de là, au-dessus des toits. Je me reconstitue peu à peu sous la forme d’un nuage qui saigne à plusieurs endroits. Je n’ose pas reprendre forme humaine de peur que mon attaquant ne puisse me voir et ne frappe à nouveau. Je n’ose pas non plus trop inspecter l’état de mes blessures, de peur que ce que je découvre ne soit trop horrible.
Aucune autre attaque ne venant, je prends le large et me laisse porter plus que je ne vole, loin de la scène de crime…

♦♦♦♦

« - Houla, on y est allé un peu fort, non ?
- Miaou miaou !
- Alors, tu vois Crevette : il marche bien mon haki ! Héhéhé ! Kof, kof !
- Miaou ! »

Sur ces mots, la femme passe une main dans ses cheveux trempés, enveloppe soigneusement son fusil encore chaud, et disparait dans l’ombre de la nuit…

Chasse à la Caramélie Aula
Rhétalia Richard et Crevette
  • https://www.onepiece-requiem.net/t21492-l-envers-du-journal#2313
  • https://www.onepiece-requiem.net/t21479-caramelie-la-critiqueuse