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Un requin dans le noir

Année 1626, Palais impérial de Kanokuni, appartement du médecin Liu.



C’était une chaude nuit d’été qui alourdissait les esprits et poussait aux excès. Le médecin impérial Liu avait réuni un petit comité dans ses appartements afin de s’attirer leurs bonnes grâces. Je faisais partie des invités et j’observais silencieusement la joyeuse congrégation en train d’engouffrer des quantités indécentes d’alcool et de rôtisseries laqués.

Liu était un homme ambitieux mais qui avait le malheur de n’être guère brillant et compétent, alors il compensait par le léchage de bottes. Un exercice où il était particulièrement assidu et ne ménageait pas ses efforts.

Depuis mon arrivée au Palais en tant que jeune officier ayant fait ses preuves au bureau des douanes de Jing, il n’avait cessé de me courtiser en espérant que mon ascension rapide lui permettrait d’être mis en valeur s’il était suffisamment proche de moi. D’ordinaire je ne lui accordais qu’une attention limitée mais depuis quelques mois il avait fait preuve d’une audace dans son office de médecin en employant des techniques nouvelles ou originaires de pays particulièrement éloignés. Ce changement m’intriguait et je désirais comprendre ce qui le provoquait. Mon entrée au palais devait me permettre de trouver les espions de la Révolution qui s’y était infiltré et je devais suivre n’importe quel changement étrange ou suspicieux.

Une coupe d’alcool brusquement placée sous mon nez me tira de mes pensées. La main tenant la coupe appartenait à Liu dont la face avinée tentait maladroitement de me faire comprendre de boire. Je lui rendis un sourire éclatant avant de m’en saisir pour la boire cul sec en pérorant sur mon plaisir d’être en si bonne compagnie. Heureusement pour moi, l’entrainement du Cipher Pol intégré l’art de boire sans se saouler.  

Je balayais subrepticement la congrégation d’un regard pour me tenir informé de l’état des invités. Il y avait le vieux maître Eisei, un bureaucrate dont les heures de gloire étaient derrière lui mais qui conservait une certaine influence. Cuang, un jeune militaire fameux pour avoir mis un terme à un début de révolte paysanne et enfin Chu En, le biographe personnel de l’Empereur. Les autres invités comataient dans leurs fluides et ne valait guère que je m’y intéresse.  

Si ceux que j’ai cité étaient tous fortement alcoolisé, Eisei me semblait intriguant car son expression interdite ne me laissait pas deviner s’il était fin saoul ou encore maitre de ses pensées.

Sur un ton amusé alors que je resservais la coupe de Liu, je l’interrogeais sur les vertus médicinales de l’alcool. Sans une hésitation il se lança dans une grande explication pseudo-scientifique mais surtout à la diction bancale sur le sujet. Il adorait être flatté sur ses connaissances ce qui me permit d’attirer l’attention de tous sur son “immense” savoir et sur comment il parvenait à maîtriser tant de sujets.

Pris au piège de l’ébriété et de l’attention de tous, il ne put s’empêcher de glisser fatalement vers ce qui m’intéressait. Il eut un instant d’hésitation qui le coupa en pleine tirade puis essayant tant bien que mal d’avoir l’air solennel, nous fit promettre sur nos ancêtres de garder son secret.

Cuang était un jeune beaucoup trop pétri d’honneur pour ne pas être pleinement sérieux lorsqu’il jura. Eisei n’avait pas la réputation de colporter des racontars, quant à Chu En il était trop pusillanime pour vouloir s’attirer l’hostilité de quelqu’un, même celle de Liu. Pour ma part, un subtil numéro de charme mêlé à des références au respect des traditions et de l’honneur de la parole donnée fit s’abattre ses dernières réticences à nous parler.

Liu - “ Mes amis, je suis...” un rôt intempestif l’interrompit. “Je suis un homme de science comme vous le savez. En homme de science je suis tombé il y a quelques temps sur une créature fascinante que j’étudie depuis.”  Il resta un instant l’oeil vitreux à nous regarder en silence puis reprit. “Ce qui est le plus fascinant au-delà de son apparence est ce qu’elle sait ! Un savoir médical immense qu’un érudit tel que moi doit reconnaître et je dois bien admettre qu’elle m’a été d’une aide précieuse”.

Nous restâmes un instant circonspect devant la révélation ne sachant s’il s’agissait du délire d’un homme ivre ou d’un mensonge éhonté pour noyer le poisson. Cuang fut le premier à réagir.

Cuang - “Une créature Ah ! Mais bien sûr vieille fripouille ! Et pourquoi pas un dragon aussi ? Un dragon qui exauce les souhaits des médecins” Lança-t-il dans un rire guttural.

Le visage de Liu se rembrunit non pas sous l’effet de l’alcool mais de l’orgueil piqué au vif.

Liu- “Je ne suis pas un menteur jeune Cuang ! Sachez que cette créature existe bel et bien et qu’elle est même dans l’enceinte du Palais”.

Cuang éclata d’un rire pataud. Les imbéciles ont bel et bien leur utilité car l’occasion était trop belle.

Cai - “Tenez votre langue Cuang, j’ai toute confiance en maître Liu et j’ai la certitude qu’il va nous prouver ses dires et faire fermer votre clapet”.

Je perçus la gêne passer sur le visage de Liu.

Cai - “Maître Liu est un homme d’honneur qui a fait promettre sur nos ancêtres. Croyez-vous vraiment qu’il réclamerait pareil engagement s’il ne pouvait nous montrer la créature ! La jeunesse est une chose Cuang mais l’insolence en est une autre.”

Cuang - “Eh bien qu’il nous la montre donc !”  

Le jeune militaire semblait également piquer au vif. Rien de mieux que deux imbéciles orgueilleux pour se pousser mutuellement.

Liu - “Je...Je ne sais pas si je devra..”

Cai - “Maitre Liu ?”

Mon regard imitant la sincérité du respect qui vacille face au doute eut raison de son ultime réserve.

Il se leva et s’empara piteusement d’une bougie afin de pousser un meuble dissimulant une trappe.

Liu - “Suivez-moi !”
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Liu guida ses chers invités en direction d'une pièce secrète, dissimulée dans les entrailles du palais. Autrefois une zone de stockage pour les réserves en cas de siège, l'endroit était depuis longtemps en désuétude après que des infiltrations d'eau l'aient rendu incompatible avec l'entreposage des grains. Personne ne s'était vraiment soucié de le remettre en état. L'illustre médecin était tombé dessus par hasard et y avait installé un petit atelier, pour travailler en paix loin des regards indiscrets de ses rivaux. Une précaution qui s'était avérée bien inutile jusqu'à ce qu'il y rapporte le monstre acheté à ces marins étrangers. Il savait qu'il aurait des ennuis si tout le monde venait à apprendre qu'il avait laissé une bête potentiellement dangereuse dans un endroit si sacré. Mais les bénéfices qu'il tirait de cette chose en valaient la peine, et la douce chaleur de l'alcool avait brisé les barrières de sa prudence. Il ne se laisserait pas traiter de menteur de la sorte !

Tapis dans l'obscurité, assis sur la peau de bête qui lui servait de paillasse, un étrange Homme-Poisson fixait le vide avec intensité, ses yeux blancs luisant à travers les ténèbres comme deux lunes. Le monde d'Ojom se limitait aux barreaux de sa cage et à la pièce sombre qu'il apercevait au travers. Il en connaissait maintenant jusqu'aux plus insignifiants détails par cœur. La moindre fissure, le nombre de dalles, tous les instruments que son maître laissait traîner sur sa table. Même les conversations avec ce dernier commençaient à toutes se ressembler. Il arrivait aux limites de ce que pouvait lui apporter cette captivité... Combien de temps avait-il passé assis ici d'ailleurs ? Des semaines ? Des mois ? La notion du temps avait perdu beaucoup de son sens ici-bas. Le seul indicateur des jours passant était la barbe de son geôlier qu'il faisait tailler toutes les deux semaines. Il avait aussi repéré un patch de mousse sur un mur dont la lente croissance représentait tant une horloge primitive qu'une pseudo-forme de distraction. Il aurait tué pour quelque chose de nouveau... Un livre en particulier.

Sachant que maître Liu n'avait que peu de chance de passer aujourd'hui, Ojom avait passé la journée à pratiquer le karaté de son peuple. Reconstituer un art martial entier à partir des souvenirs de manuels lus il y a des années n'était pas chose aisée, mais il ne manquait pas de temps. Il pouvait presque toucher son évasion du bout des doigts.

Mais c'est alors que quelque chose vint bouleverser son quotidien morose. Une visite surprise du maître ! Et... Accompagné en plus ? Oh, doux miracle que voilà. Un sourire s'étendit sur le visage d'Ojom, comparable à celui d'un enfant qui voit le Père Noël arriver. Ses rangées de dents fines comme des aiguilles lui donnaient des allures de prédateur prêt à frapper. Le médecin de la cour introduisit fièrement sa créature comme on présente une bête de foire. Ratatiné comme il l'était, Ojom faisait assez pathétique, quand bien même il ferait presque deux fois la taille des gens présents s'il se tenait debout.

    "Je vous présente le monstre ! Alors, ne vous avais-je pas dit la vérité ? Vous pouvez vous approcher, malgré son aspect repoussant, il est parfaitement inoffensif. Et étonnamment verbeux."

Mais les paroles de Liu n'étaient que de lointains murmures pour l'Homme-Poisson. Il était trop occupé à fixer ces nouveaux humains. De belles mines de nouvelles informations que voilà ! Ils étaient plus robustes que le maître, plus jeunes aussi. Mais le plus intriguant du lot était sans nul doute l'individu aux yeux masqués. Ojom le dévisageait dans la pénombre avec une intensité gênante.
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Le secret de Liu se dressait devant moi et malgré sa posture voutée, dominait l’assemblée d’une bonne tête. Un homme poisson aussi loin de Grand Line était une rareté et je n’en avais encore jamais vu ailleurs que dans les manuels d’entrainement du Cipher Pol.
Bien que je ne sois pas un expert celui-ci semblait particulièrement disgracieux et tenait plus de la bête sauvage. Il y avait cependant quelque chose qui me mettait mal à l’aise dans son regard. A la fois une forme d’intensité, bien que ses yeux ne soient que deux perles noires et vitreuses. Précisément le genre d’individu que je préférais éviter tant il est difficile de décoder les mimiques d’un tel facies.

Liu - “Alors Cuang, je ne vous entends plus ?”

Cuang - “Es....Est ce que cette créature est dangereuse ?”  

Liu - “Il est docile comme un agneau mais c’est pourtant un vrai puit de connaissances. Il sait un grand nombre de choses de par-delà les mers.”

Il n’était pas surprenant que des natifs de Kanokuni n’ait jamais entendu parler des hommes poissons et de leur île. Ce qui était certain était que ce spécimen avait dû parcourir une distance faramineuse ce qui expliquait que ce qu’il ait vu et entendu semble aussi extraordinaire aux yeux de Liu.

Eisei et Chu En restaient d’un silence de marbre, tiraillés entre la curiosité et peur. Pour ma part je m’interrogeais sur la relation que Liu entretenait avec cet être. Orgueilleux comme il l’était, il pouvait s’être confié par suffisance à cet homme requin. Liu en tant que médecin, côtoyait un grand nombre de courtisan du Palais ce qui pouvait l’amener à entendre des choses. S’il s’était épanché auprès de son esclave, celui-ci pouvait se révéler être une mine d’or d’informations.  

Je plongeais mon regard dans les pupilles ébènes du squale avant de lui demander son nom sur un ton neutre.

Ojom - “Je m’appelle Ojom”.

Sa voix était douce contrastant avec son apparence mais également froide comme dénuée d’émotions.

Ojom -”Vos yeux. Ils sont étranges. Vous les cachez.”

Liu - “Ne soit pas importun avec mon invité, monstre !”

Je le considérais un instant et le peu que je percevais ne semblait transpirer aucune malveillance mais plutôt une curiosité. Il nous étudiait autant que nous l’étudions.

Cai -”J’ai ce qu’on pourrait appeler un défaut de naissance. Une tare dont j’ai su m’accommoder et ce voile m’aide à la rendre plus supportable”.

Liu - “Vous êtes trop bon avec lui, jeune maître Qin Shi. C’est un esclave, il ne devrait pas vous questionner de la sorte. Je le corrigerais plus tard. Pour l’heure nous ferions mieux de le laisser.

Liu semblait avoir quelque peu reprit ses esprits. La crainte que son monstre ne se comporte mal l’avait dégrisé et il prenait conscience qu’il avait fait une erreur en nous dévoilant sa trouvaille.

Je me dirigeais vers la sortie sur ses invitations empressées tandis que me suivait en ronchonnant Cuang qui aurait voulu rester plus longtemps.

Le reste de la soirée fût d’une platitude inintéressante après cette découverte. Liu redoubla d’obséquiosité pour nous rappeler que nous avions juré de ne rien en dire et fit tout pour détourner la conversation de son invité abyssale. Je n’opposais guère de résistance et me montré docile et avenant, mon intérêt était déjà focalisé sur mon prochain mouvement.

Je laissais quelques jours s’égrener pour n’attiser aucune suspicion et lorsque finalement Liu dut s’absenter du Palais, je saisis ma chance.

Bien qu’idiot, il ne faisait aucun doute que Liu avait dût solliciter un eunuque pour veiller sur ses appartements, trop inquiet que Cuang, Eisei ou moi-même ne saisissions l’opportunité d’aller voir son monstre.

Malgré cette précaution, il me fut aisé de trouver une autre entrée vers les souterrains, puis, avec habilité, de me repérer pour m’orienter vers la direction ou devait se trouver la cellule. Les souterrains étaient de vrais labyrinthes mais fort heureusement, les documents de ma mission contenaient les plans du Palais que j’avais mémorisé.

Au bout d’un certain temps à parcourir l’obscurité, je débouchais sur un mur sommaire de briques. Si mes calculs étaient exacts, derrière se trouvait le couloir menant à la cellule.

La nuit n’était pas trop avancée, créer une ouverture en retirant brique après devrait me prendre tout aux plus deux heures me laissant ainsi le temps d’un entretien.
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La réponse de l'inconnu aux yeux bandés firent briller d’intérêt le regard d'Ojom. Il n'avait jamais eut l'opportunité d'observer ce genre de tare génétique. Cela devait être fascinant ! Déjà les idées fusaient silencieusement dans la tête du médecin aquatique. Une telle chose pouvait-elle être soignée ? Les remèdes affectant le nerf optique ne manquaient pas... Mais était-ce seulement là l'origine du soucis ? Cela pouvait tout autant être la cornée! Ou un problème plus profond encore. Derrière son expression figée et son ton posé, l'Homme Poisson était fébrile comme un petit garçon. Si seulement il pouvait lui demander de retirer son bandeau, ne serait-ce qu'un instant, peut-être pourrait-il en apprendre plus. Il s'apprêtait à tendre la main...

Mais Liu ne l'entendait pas de cette oreille. Le vieil homme se hâta de mettre un terme à cette entrevue avec toute la précipitation de quelqu'un qui comprend qu'il a fait une connerie. Ojom ne dit mot, regardant avec tristesse ses nouveaux invités être escortés vers la sortie. Cette délicieuse distraction était repartie aussi vite qu'elle était arrivée... Le maître avait sûrement peur qu'Ojom ne révèle certain des secrets qui lui avaient été confiés. Il faut dire que le médecin de la cour avait la langue bien pendue quand son unique auditoire était une bête captive inconnue de tous. L'Homme Poisson était un parfait executoir pour évacuer toutes les frustrations et le stress engendrés par son métier, un genre de punching bag verbal qui répondait juste ce qu'il fallait pour maintenir l’intérêt. Combien de fois s'était-il lamenté d'affaires n'allant dans son sens, combien de secrets sur ses patients avaient-ils laissés s'échapper au hasard d'une crise de colère ? C'était à travers ses complaintes qu'Ojom en avait autant appris sur les us et coutumes de cette île. Et il comprenait fort bien qu'il en savait assez pour démolir la réputation de cet homme, peut être même le faire exécuter. De sordides histoires de drogues circulant dans le palais, voir d'empoisonnements sordides camouflés en suicides. Non pas que le requin ait l'ambition de faire chuter son maître. Ou la possibilité d'ailleurs. Pour tous ses défauts, Liu était aussi sa ligne de vie dans ce territoire hostile. Et puis quand bien même l'envie le prenait subitement, qui prêterait l'oreille aux délires d'un "monstre" ? Mais toute la logique du monde n'avait aucun poids ici.

    "Ne t'avise plus jamais de parler à qui que ce soit sans ma permission !"

Liu était revenu une fois la soirée terminée, fulminant de colère. Il avait honte de ce moment de faiblesse, d'avoir exposé ainsi un de ses plus terribles points faibles. Et il comptait bien faire payer cette humiliation à son esclave. Il se saisit d'un long bâton et commença à frapper à travers les barreaux. Ojom aurait pu se défendre. Attraper ce bâton, lui saisir le bras puis lui briser la nuque aurait été un jeu d'enfant. La plupart des humains étaient fragiles comme des nouveaux nés et Liu ne faisait pas partie des rares exceptions. Mais cela ne servirait à rien. S'excuser non plus. Et de toute façon les coups ne lui faisaient pas si mal que ça. Mieux valait attendre que ça passe... Attendre. Encore. Mais plus pour si longtemps... Bientôt la prison de la routine ne serait plus qu'un lointain souvenir.

Une fois la tempête passée, les choses étaient revenues à la normale. C'est à dire que le requin était de nouveau seul dans le noir face à ses pensées, avec quelques bleus en plus. Tant pis, ça avait été une bonne journée, toutes choses considérées.
Et puis tout à coup, un bruit. Un son qui n'appartenait pas à la longue liste des possibilités dans ce petit royaume souterrain. Son regard perçant l'obscurité, Ojom observa avec un mélange d'excitation et d’appréhension le mur d'en face se démonter brique après brique. C'est alors que l'étranger aux yeux bandés fit de nouveau son entrée. Le cœur de l'Homme Poisson fit un tour dans sa poitrine. Ooooh c'était décidément une bonne journée. La surprise suffit à le faire se redresser dans sa cage pour mieux observer cet intrus. Hésitant à parler trop fort, il fait sa voix un murmure sifflant et désagréable.

    "Seigneur Quin Shin... Je ne m'attendais pas à une seconde visite..."

Il avait bien enregistré le nom prononcé plus tôt par le maître. Et bien remarqué la révérence avec lequel il s'adressait à lui aussi. Cela devait être quelqu'un de plutôt important pour que le maître le craigne. Quant à l'interdiction de tantôt... Il s'en fichait complètement. Tout ce qu'il voulait savoir c'est le pourquoi. Le comment. Tout. Cela étant... Il n'était pas exclus que Shin soit venu pour l'éliminer. Ou pire. Mieux valait rester prudent.

    "Puis-je vous venir en aide ?"
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La lueur d'une torche murale faisait onduler les ombres et les silhouettes. L'homme requin au physique déjà peu avenant, s’enveloppait d’une aura proprement terrifiante aux grés des atermoiements de la lumière.

Sa voix était toujours froide, dénuée d’hostilité mais comme distante des réalités de la situation. Il continuait de me fixer de ses grands globes noirs d’où je ne parvenais à tirer le moindre indice quant à ses motivations. C’était bien cela qui me mettait profondément mal à l’aise en sa présence. Ne pas pouvoir deviner ses réactions m’interdisait de connaître ses véritables intentions et sans cela il m’est plus difficile de savoir quel levier actionner pour orienter la discussion et obtenir ce que je cherche.

Toujours est-il, qu’au vu du contexte, le squale ne devait avoir guère de sympathie pour le médecin impérial. Délivrer ses secrets et potentiellement causer sa chute serait probablement un met de choix pour le prisonnier.  

Ojom : "Puis-je vous venir en aide ?"

Je fis quelques pas dans le silence glaçant des souterrains pour me positionner face à la cellule.

Cai : “Il est rare de croiser un homme poisson aussi loin de Grand Line.”


Je laissais un instant planer pour qu’il comprenne pleinement ce que je venais de dire. A mes yeux, il n’était pas une créature mystérieuse et incongrue.

Cai : “Je suis curieux de savoir ce qui a pu te pousser à atterrir dans ce trou. De plus ton maître ne semble pas attacher une grande importance à ton bien être, je me demande pourquoi tu sembles l’aider avec une telle assiduité. Voilà des mois qu’il se pavane dans les couloirs du Palais à dispenser des avis et conseils qu’il serait incapable de délivrer d’ordinaire.”

Je longeais la cellule en faisant de lents aller retours sans cesser de le quitter des yeux.

Cai : “Je me doute qu’il ne te laisse guère le choix. Je sais pertinemment qu’un homme poisson n’aurait aucun mal à broyer un faiblard comme Liu mais tu dois t’interroger sur comment survivre sur des terres que tu ne connais pas. En un sens, il est ta seule garantie de ne pas finir lyncher par la populace locale.

Il y aurait peut-être une solution à tous tes problèmes. Je pourrais t’enseigner les coutumes du pays, l’endroit où tu trouves et la géographie du pays. Tout ce qui pourrait t’aider à quitter cet endroit et survivre à l’extérieur. Une vie en fuite n’est pas des plus agréables mais cela pourrait te laisser un espoir contrairement à une vie de servitude dans ce trou.

Qui sait, je pourrais peut-être même t’obtenir une place à bord d’un navire quittant le pays des fleurs.
La seule interrogation que j’ai est, qu’est-ce que j’obtiendrais en échange ?
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Voilà un retournement de situation inattendu. Au gré de ses conversations avec son maître, Ojom avait acquis la conviction que personne ici n'avait connaissance de l'existence de ses congénères. Il en avait prudemment touché quelques mots au vieux médecin sans pour autant tout lui révéler, afin de sonder ses connaissances sur le sujet et en était ressorti déçu. Aux yeux de Liu, l'Homme-Poisson était un monstre, une bizarrerie unique née des profondeurs. Nul doute que la perspective qu'il existe un peuple entier de ces "créatures" à la force bien supérieure à celle des hommes le terrifierait. Qu'est-ce qui différenciait cet homme aux yeux bandés des autres ? Même en dehors de cette île isolée, la connaissance de l'île des Hommes-Poissons n'était pas si courante sur les Blues. Sans parler du fait qu'il venait converser sans aucune appréhension avec quelqu'un que même les membres de sa propre espèce préféraient éviter... Avait-il déjà fait face à ce genre de situations ? Accès à des informations confidentielles peut être ? Ojom le dévorait des yeux, sa curiosité piquée au vif comme rarement elle l'avait été par un seul être humain.

L'offre était alléchante. Un peu trop peut être. Pouvait-il vraiment faire confiance à cet individu...? Il ne disposait pas assez d'informations pour en être sûr mais en toute franchise... Qu'avait-il à y perdre ? Dénoncer les indiscrétions de l'esclave lui attirerait certainement les foudres de Liu à lui aussi. Après tout sa seule présence en ces murs était tout aussi illégale que cette discussion. Cet homme offrait à Ojom ce que son cœur désirait le plus : le savoir, un moyen de tromper cet ennui. Il ne croyait pas vraiment en cette histoire de bateau, mais c'était toujours un plus dans la balance. L'homme poisson laissa échapper un genre de sifflement d'appréciation.

    - Mon maître peine à supporter la pression de la vie au palais. Il lui plait de confier ses angoisses à une oreille qu'il sait incapable de partager ses secrets.

Il avait le sentiment que c'était le genre de choses que Qin était venu chercher. Ojom ne le connaissait pas, mais il savait reconnaître la poker face d'un expert lorsqu'il la voyait. Il était familier avec le mur invisible que l'on pouvait ériger autour d'un coeur pour camoufler ses vraies intentions. Tous deux étaient difficiles à lire, pour des raisons différentes. Cela pouvait de chacun l'ennemi naturel de l'autre... ou de terrifiants associés.

    - Il a de nombreux patients haut placés. Et trempe dans des trafics tout aussi juteux. J'ai entendu des choses qui pourraient faire couper de nombreuses têtes. Un grand pouvoir si entre les bonnes mains. Et aussi...

Par instinct il tend une main à travers les barreaux de sa cage, se retenant avant de trop la rapprocher du visage de l'humain.

    - Je pourrais peut être apaiser vos problèmes de vue.


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La main visqueuse et gluante du squale s’étendait vers ma direction. S’il me répugnait quelque peu, je n’en laissais rien paraître et restais stoïque sans pour autant me mettre à sa portée.

J’esquissais un sourire poli.

Cai : “Hélas cher ami, cela ne fait pas parti des termes de notre marché mais qui sait ce que l’avenir nous réservera lorsque nous nous connaitrons mieux.

Maintenant que disais-tu au sujet de ces rencontres que notre ami commun effectue à l’insu de tous ?”

Lorsque je regagnais le Palais, je ne pouvais réprimer une joie sincère. La joie de celui qui avait beaucoup appris et qui possédait désormais une source précieuse d'informations.

Certes les magouilles de Liu ne relevaient pas de la Révolution mais c’était un début. Ce squale du nom d’Ojom ne m’avait pas tout révélé. Il était rusé, je pouvais le sentir, et il conservait probablement ce qu’il connaissait de plus croustillant pour plus tard, sans compter ce qu’il apprendrait encore dans le futur.

Pour l’heure, les menus trafics de Liu me permettaient d’étendre ma toile car je disposais désormais de leviers sur les personnes avec qui le médecin trafiqué. Qui sait si cette toile ne finirait pas par atteindre un membre impliqué dans le complot ?

Les mois s'égrenèrent...

Au fil des mois, les rencontres nocturnes se multiplièrent. Je contais à Ojom, les merveilles de Kanokuni et tout ce qu’il méritait de savoir. Rien de bien utile à dire vrai mais je sentais que ces rencontres étaient un émerveillement pour lui. Il buvait mes paroles, avides d’appréhender ce que l’extérieur avait à offrir. Je ne saurais dire encore aujourd’hui s’il s’attendait réellement à ce que je l’aide à s’échapper mais je suis persuadé que nos échanges l’aidèrent à supporter sa captivité.

Quant aux choses qu’il m’apprit. Eh bien, je pus tisser mon réseau et faire progresser mon enquête. Cependant mon avancée fut trop lente pour le cours de l’histoire.

Les tensions de Kanokuni finirent par éclater bien avant que je puisse identifier les auteurs impliqués au sein du gouvernement. La guerre civile éclata et s’étendit à un conflit entre la Marine et la Révolution.

C’est à ce moment que je perdis de vu Ojom. Le Palais était devenu trop dangereux et je n’eus d’autre choix que de disparaître.

Néanmoins, le squale était malin. Il aura peut-être survécu et aussi improbable que cela puisse être, les informations que je lui ai données sur Kanokuni et le Palais lui auront possiblement permis de survivre. Un jour peut-être, nous reverrons nous. La mer est vaste
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