Objectif en vue
Natsu et Hayato venaient de se séparer. Si le futur seigneur des pirates avait bien changé et, surtout, beaucoup progressé depuis leur première rencontre sur Sirup, il en allait de même pour Hayato. Ce dernier se trouvait à un point de bascule, en équilibre précaire entre deux mondes. Ces neuf dernières années, il avait sillonné les mers en tant que civil, protégeant la veuve et l'orphelin, se tissant un réseau sous cape afin de se faciliter la tache qu'il s'était confiée. À présent, le vagabond naviguait en eaux troubles. Il le sentait, son voyage initiatique touchait à sa fin. L'épéiste avait pris le temps de la réflexion mais, à présent, il se sentait prêt.
L'heure n'était plus au barbotage, mais au grand bain.
Aussi, alors qu'il lançait un dernier signe de la main au trublion d'East Blue, le criminel lui sourit, avant de retourner auprès des hommes poissons. Les informations qu'il avait recueillies, par un concours de circonstances étonnant et une chance éhontée, se révélaient éminemment précieuses. Comme tout bon chef de clan qui se respectait, Hayato avait besoin d'une base d'opération. Un endroit discret, crédible aux yeux du monde de l'ombre et, surtout, disposant de richesses naturelles et d'un potentiel énorme. Aussi, lorsque les hommes-poissons lui avaient appris l'existence d'une île sous marine, cachée aux yeux de tous, et déjà aux mains de familles de criminels ennemis, son cerveau s'était agité.
*Carcinomia, hein...*, se dit-il en son for intérieur. *Il me faudra sans doute en changer le nom, mais les caractéristiques de cette île me plaisent !*
Ses pas le menèrent naturellement en direction de Tevall, le chef de la tribu locale. Il s'inclina devant le doyen du village, avant de lui demander avec respect :
- Chef Tevall, pourrais-je vous opportuner un moment, en privé ?
- Vous ne m'importunez pas, jeune homme, répondit-il en souriant.
La baudroie demanda, par gestes, à l'épéiste de le suivre. Tous deux cheminèrent quelques instants à travers les habitations creusées dans les mangroves, jusqu'à arriver à celle du patriarche. Ils entrèrent et, une fois seuls à l'intérieur, son hôte l'invita à s'asseoir sur un coussin végétal, pendant qu'il faisait de même. Avec un sourire, Tevall reprit la parole :
- De quoi vouliez-vous parler, pour le faire absolument en privé ?
- Je vous suis très reconnaissant de votre accueil, chef. Je vois que votre tribu compte beaucoup sur vous, aussi je serai direct. L'île dont vos chasseurs ont parlée, Carcinomia, que pourriez-vous me dire sur elle ?
- Pas grand chose, j'en ai peur, répondit-il en se grattant les écailles. Les chasseurs on suivi les sous-marins par curiosité mais, quand ils ont disparus dans une ouverture du rocher, ils ont rebroussé chemin.
- N'y a-t-il rien d'autre qui les ai interpellé ? insista le vagabond.
- Malheureusement non. Mais, pourquoi tourner autour du pot ? Je croyais que vous alliez être direct.
Devant la taquinerie, Hayato sourit en se grattant l'arrière du crane. Il inclina la tête avant de reprendre d'un ton serein :
- J'aimerais vous demander de l'aide, chef Tevall.
- Après ce que vous avez fait pour nous, ce serait la moindre des choses. Encore faut il que ce soit dans nos cordes...
- Si vous le permettez, j'aimerais demander à vos hommes de m'aider à atteindre Carcinomia.
Ici, Tevall marqua une pause, regardant Hayato d'un air étonné. Il se caressa ses nageoires sous la machoire, avant de reprendre :
- Qu'avez-vous en tête, Hayato ?
- Je ne possède pas de sous-marin, et je ne dispose d'aucun ami ou allié qui en soit doté. Cette île semble pleine de promesses que j'aimerais explorer. Aussi, je vous demande la permission de solliciter certains de vos hommes pour m'aider à l'atteindre, grâce à vos talents de nageurs.
- Et ensuite, que feriez vous d'eux ? insista Tevall.
- Ceux qui le souhaitent m'accompagneront jusqu'à la porte, puis seront évidemment libres de repartir.
- Mais, j'imagine, vous espérez en convaincre quelques uns de rester.
- Je ne vous ferai pas l'insulte de le nier. Je ne les forcerai à rien, pas plus que je n'entretiendrais une quelconque animosité en cas de refus.
- Oui, vous n'êtes pas un homme mauvais, Hayato, cela je le sais. Je crains juste que certaines âmes influençables ne se lancent dans une aventure qui les dépasse, ou n'attire l'attention sur le village.
Le hors-la-loi hocha la tête, comprenant parfaitement où son interlocuteur souhaitait en venir.
- De quelles garanties auriez-vous besoin ?
- De garantie ? releva Tevall, d'un air amusé. Voilà bien longtemps qu'un humain ne m'a pas parlé ainsi. Une garantie... simplement votre honneteté. Natsu et vous avez avivé la flamme de l'aventure chez plus d'un jeune. Il faut dire que les récits de vos voyages, pour quelqu'un qui n'a jamais connu que ce village, sonnent comme un appel puissant, auquel il est difficile de résister. Mais pour moi, qui ait connu le monde après des années de service, je sais à quoi m'en tenir.
La baudroie pencha la tête sur le coté, avant de fixer Hayato de ses yeux de poissons. Tevall reprit la parole d'une voix chargée d'émotion :
- Vous nous avez aidé à nous débarasser des morts-vivants, vous avez sauvé une famille de notre tribu, et vous nous parlez d'égal à égal et non pas comme à des esclaves, ou à des rebuts de la société. Pour cela, vous avez ma reconnaissance, Hayato. Vous êtes un homme d'honneur, c'est évident.
Il se racla la gorge, avant de continuer d'un ton plus ferme :
- Mais j'ai besoin de votre parole. Promettez-moi de leur dire la vérité. Le bon, le mauvais, l'incertain... la vérité dans sa globalité. Alors seulement, j'accepterai de vous voir entrainer des jeunes en dehors de la sécurité de notre village.
- Je vous le jure, chef Tevall.
- Bien. En ce cas, j'espère que votre discours est prêt.
Il claque ses mains sur ses deux genoux, avant de se relever. Hayato l'imita et, tous deux, repartir au centre du village, où l'ambiance était toujours à la fête. Le chef de clan espérait que sa proposition ne jetterait pas un froid.