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L'Arbre qui cache la forêt

    Quelques heures après avoir été tirés comme des boulets depuis l’île de Bulgemore, Kant et Hayase aperçurent enfin la terre ferme. Elle était loin, cependant, et eux étaient terriblement hauts. Leur trajectoire décrivit une courbe se glissant au travers des nuages, et ils s’approchèrent de plus en plus du sable, des rochers, de la terre ferme. À quelques vingtaines de mètres du sol, Kant se métamorphosa en paravoile. Une sorte de vulgaire petit parachute, mais suffisamment performant pour qu’Hayase s’y cramponne et atterrisse en douceur. Bulgemore était derrière eux.

    D’abord, ils ne surent pas où ils étaient. Le sable sous leurs pieds était muet, tout comme l’horizon. Après s’être félicités d’être encore en vie, ils marchèrent en direction de l’imposante barrière végétale qui se dressait devant eux. Maints corridors, plats et grimpants, s’étendaient devant eux, perçant la flore dense çà et là, décrivant des chemins incertains. Kant épuisa ses jambes jusqu’à ce qu’elles vacillent. D’un commun accord, ils décidèrent de dormir au milieu de la jungle, bien que ces enchevêtrements de chemins et d’escaliers dévorés par la végétation n’eussent rien d’accueillant.

    Malgré la fatigue qui les tenaillait, ils discutèrent. Hayase évoqua à demi-mots les sévices qu’elle avait subis sur Bulgemore, tout en insistant sur sa hâte de connaître son nouveau corps. Kant l’interrogea bien sûr à propos de celle qui se cachait derrière cette sombre histoire, Devola Maple, mais aussi à propos de la perte de son fruit du démon, du laboratoire… En veillant à éviter certains sujets.

    Ils marchèrent toute la journée du lendemain. Après avoir grimpé, trébuché, et enduré des heures durant les piqûres d’opiniâtres moustiques, Kant entendit le son salvateur d’un signe de civilisation. Boum, boum, boum, boum, quelqu’un jouait du tambour, non loin. Il courut, guidé par cet espoir, longeant un ruisseau jusqu’à ce qu’il le vît : un immense temple trônait en contrebas.

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Bâtie le long de la cascade, une ville entière prospérait face à un lac éblouissant. D’énormes statues dominaient une multitude de pontons enchevêtrés, au cœur desquels déambulaient tranquillement ce qui semblait être, à première vue, des religieux. Sans perdre une seconde, Kant invita à Hayase à le suivre et ils se précipitèrent dans les allées, à la recherche d’un toit et de nourriture.

    Les moines qui vivaient là vouaient un culte à la cuisine, faisant d’eux des maîtres dans l’art de l’hospitalité. Contre quelques broutilles, Kant et Hayase s’offrirent un repas chaud et une chambre confortable pour la nuit. Le lendemain, les deux amis se séparèrent et vaquèrent chacun à leurs occupations : Kant se mit une murge colossale. Il en avait besoin, oh oui, pour oublier la mort qu’il avait semée sur Bulgemore, d’une part ; et, surtout, pour avoir le courage de confronter Hayase. Le soir venu, après être parvenu à retrouver le chemin de l’étrange temple dans lequel il créchait, Kant en poussa les portes battantes avec fracas. Titubant, mais d’un pas sûr, il s’avança jusqu’à Hayase et la prit dans ses bras. L’étreinte fut longue… ou courte ? Il ne s’en souvenait plus.

« Tu t’souviens quand, sur Logue Town, on s’est battus contre l’autre follingue avec ses z’oiseaux ? S'enquit-il, larmoyant.
- Tu sais, tous ces bonds dans les airs… Que tu maîtrisais à la perfection ? On n’en a jamais reparlé, enfin, je crois… Puis la fois où tu prenais ton bain ? »

À ces mots, Kant se tut, comme s’il venait de faire une bourde magistrale. Il replongea cependant son regard dans celui d’Hayase, puis prit son courage à deux mains.

« Une fois… quand tu prenais ton bains …  Je r’cherchais quelque chose d’important, un… un de mes outils ! Et du coup, je m’étais retrouvé par hasard tout près de la fenêtre de ta chambre d’hôtel… Il marqua une pause, empourpré.
- MAIS, je devais récupérer quelque chose, hein ?! Enfin, bref… Ce jour-là, je t’ai entendu parler à l’escargophone… »

Sa voix oscillait entre celle d’un ivrogne et celle d’un enfant. Quelque chose de complexe essayait de sortir. Kant lutta, et parvint finalement à poursuivre.

« Maple, là… Elle t’a appelé "Agent" Yorha… T'es "Agent" de quoi, au juste ? »

Au fond, la vérité lui était connue. Mais seul un aveu sincère d'Hayase pouvait sceller la confiance absolue qu’ils devaient à présent se vouer.
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L'Arbre qui cache la forêt
L'heure de se livrer à livre ouvert était enfin venue. La pression que je ressentais à cet instant était telle que j'aurais voulu me terrer dans un trou afin de ne pas affronter le regard plein d'attente que mon ami posait sur moi. Ce n'était pas une question de se débiner ou de ne pas vouloir tout lui dire comme je lui avais promis lors de mon sauvetage; mais je pensais avoir plus de temps avant d'affronter toutes ces interrogations de sa part. Ne souhaitant donc pas revenir sur cette promesse et lui devant surtout bien cela pour ce qu'il avait fait pour moi, je me décidais donc de tout lui avouer.

- " Avant toute chose, je comprendrais que tu doutes de moi après cela et que même, tu m'en veuilles au vu de la situation. " Lui exprimais-je tout en croisant les jambes l'une pardessus l'autre, assise au bord de mon lit. " Tu as bien entendu en effet, je suis bien une agente comme l'a précisé l'autre garce. " Soupirais-je avant de porter à mes lèvres le verre de jus de mandarine que je tenais en main pour en siroter une gorgée. " Enfin.. Plus exactement, j'étais une agente du Cipher Pol. "

Suite à cette bombe enfin lâchée, un lourd silence s'abattit dans la chambre. Sans quitter Kant du regard qui en était resté bouche bée, je faisais tournoyer le contenu de mon verre à moitié vide d'un mouvement du poignet en attendant de voir comment aller réagir ce dernier.

- " Je le savais ! " S'exclama le lutin en tapant du poing sur son genou, me surprenant par cet aveu auquel je ne m'étais clairement pas attendu.

- " Co... Comment ça, tu le savais ? " Ne puis-je me retenir de lui demander, stupéfaite par le fait qu'il semblait en savoir bien plus sur moi que je ne l'aurai cru.

Face à mon étonnement, Kant me fit part de tous les doutes qu'il avait eu depuis notre première rencontre. Puis à la fois où le grand benêt d'Alegsis avait lâché l'information avec la maladresse qui le caractérisait tant, lui confirmant mon statut d'agente du Gouvernement Mondial.

- " Pourquoi tu ne m'as jamais rien dit si tu étais au courant ? " Voulais-je savoir bien que cela n'avait plus vraiment d'importance aujourd'hui.

- " Parce que je voulais que ça vienne de toi et de toi seule. " Affirma le jeune homme qui affichait un large sourire sur son visage avant de reprendre sur le même ton joyeux. " Je souhaitais savoir si je comptais assez pour toi pour que tu m'avoue enfin tout. "

À ces mots, mes jolies lèvres roses s'étirèrent en un grand sourire de bonheur. Savoir que ce dernier et néanmoins précieux ami qui me restait ne m'en voulait pas le moins du monde, rempli mon cœur de joie. Moi qui craignais de le voir m'abandonner pour cette raison, je sentis la peur qui s'était emparée de moi s'évanouir. En signe de remerciement pour sa compréhension et surtout sa fidélité indéniable, je levais mon verre en son honneur avant d'en finir le contenu d'une traite.

- " Hé, au fait, ça m'a l'air d'aller bien mieux que ce matin. " Insinua mon compagnon en réalisant que mon état s'était amélioré depuis notre séparation. " Et puis, t'as trouvé des fringues ?! " Rajouta-il en me détaillant des pieds à la tête, voyant que j'étais toute vêtue de cuir noir dans une combinaison sans manche et aux épaules dénudés, ainsi que des bottines à talons et des mitaines.

En effet, comme il venait de le surligner, je me sentais beaucoup mieux et non sans raison. Contente de voir qu'il me posait la question, je lui expliquais sans omettre le moindre détail ce qui s'était passé durant notre séparation. La rencontre avec une jeune adolescente qui m'était venu en aide après que je me sois retrouvée sans énergie. Les trouvailles que nous avions faites toutes les deux aux sujets de mes nouvelles capacités ainsi que de tous les gadgets que mon corps dissimulé. Mais par-dessus tout, je lui confia que grâce à elle, j'avais découvert ce qui me permettait de recharger mes batteries.

- " C'est quoi ?! " S'enquit le jeune homme impatient de le savoir tandis qu'il se relevait d'un bon du lit opposé.

Pour seule réponse, je levais mon verre vide tout en affichant un petit sourire amusé. Comprenant rapidement ce que je voulais dire, ce dernier ricana avant de se laisser retomber sur le martelât. La discussion continua ainsi pendant une bonne heure pendant laquelle je lui montrais tout ce dont était capable mes prothèses cybernétiques. Durant ce laps de temps, je me rendis compte avec une légère pointe de tristesse, que je m'habituais finalement à ce nouveau corps. Et que tout comme Kant à cet instant, je m'étais émerveillé en découvrant tous ces dispositifs qui faisaient dorénavant partie intégrante de moi.

- " C'est vraiment trop classe ! " S'extasia le beau brun qui avait légèrement décuvé lors de la soirée. " En plus, t'es trop belle dans cette tenue " Ne put se retenir ce dernier qui n'avait pas encore totalement dessaoulé et qui s'apprêtait à faire une énorme bourde. " Mais pas autant que quand tu étais dans ton bain ! "

Un nouveau silence s'abattit dans la pièce tandis que Kant, lui, était en train de blêmir en réalisant ce qu'il venait de dire. Gardant un sourire de façade, je le fixais sans rien dire, faisant planer une tension morbide autour de nous. Déglutissant, le lutin ne bougeait plus d'un cil, priant tout ce qui pouvait l'être que je fasse abstraction de ce qu'il venait de se passer. Cependant et malheureusement pour lui, il n'en était rien.

D'une grande vivacité, une de mes mains se détacha de mon bras pour venir le frapper de toutes mes forces en plein milieu de son visage blafard. La suite des événements ne furent pas de tout repos pour le pauvre Kant qui en vit de toutes les couleurs. Hors de moi et voulant lui faire regretter son attitude lubrique de l'époque, je le passais à tabac sans ménagement, lui faisant au passage l'honneur d'utiliser mes nouveaux gadgets sur lui. Pendant ce temps, de l'autre côté de la porte, des personnages qui traversaient alors le couloir pour se rendre dans leur chambre ou bien la quitter, s'éloignèrent le plus vite possible en entendant tout le brouhaha qui s'y dégageait.

Électrocuté et le visage boursouflé suite aux nombreux coups reçu, Kant gisait au sol en gémissant de douleur. Quant à moi, satisfaite du châtiment que je lui avais infligé, je me glissais sous mes draps pour entamer une nuit qui je l'espérais serait sans trop de cauchemars du passé.

- " Bonne nuit ! " Souhaitais-je gaiement à mon ami avant d'éteindre la lumière, le laissant ainsi passer la nuit dans la douleur et la complainte.


Dernière édition par Hayase Yorha le Dim 17 Mar 2024 - 10:47, édité 1 fois
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    Le soulagement, d’abord, puis la douleur. Les révélations d’Hayase, bien qu’attendues, apaisèrent Kant au plus haut point. Son dégoût viscéral envers le Gouvernement Mondial n’était guère plus ardent que l’amour et l’admiration qu’il éprouvait à l’égard de sa nakama. De plus, après les événements survenus sur Bulgemore, il était évident qu’Hayase avait rompu tous ses liens avec la bande de criminels qui prétendaient gouverner le monde. En dépit de cela, elle n’avait pas changé : une fois de plus, Kant se fit rosser à cause de ses manies libidineuses, et aucun Haki de l’Armement ne put le protéger de ces coups-ci.

    Le lendemain, la veisalgie lancinante du révolutionnaire le contraignit à rester au lit jusqu’à midi. Lorsqu’il sortit enfin de la chambre, il retrouva Hayase en pleine conversation avec une vieille dame. Frêle, délicate, ses cheveux parsemés de grains de sel étaient soigneusement noués sous un bandana rose. Elle arborait des vêtements colorés, de grosses boucles d’oreilles dorées et une paire de lunettes aux verres épais.

« Enfin debout ? » lança Hayase d’un ton qui ne souffrait pas de réplique, avant de reprendre sa discussion avec la vieille dame.

Cette dernière leur apprit alors qu’ils se trouvaient sur l’île du Levain, et plus précisément à Anaconda Falls, une ville cultuelle bercée par une dévotion pour la cuisine. Sans quitter son tricot des yeux, elle palabra longuement à propos de la majesté de ces lieux, de la gentillesse de ses habitants, de leurs velléités révolutionnaires…

« C’est bien beau ça mamie ! lança Kant en lui coupant ostensiblement la parole. Mais nous, on a besoin d’un bateau ! »

Hayase posa un regard si sévère sur son ami qu’il en vint à s’excuser de sa désobligeance.

« Oui… Pardon. En fait, madame…

- Je vous pardonne, jeune homme, répondit promptement la vieille dame sans quitter ses aiguilles des yeux. Appelez-moi Midona, je vous en prie.

- Oh… Midona, d’accord ! Bin en fait, on aimerait bien la quitter, cette île. Pour ça on a b’soin d’un bateau.

- Oh ! Et où comptez donc vous aller si prestement ? »

Durant quelques secondes qui parurent durer des heures, Kant se heurta à la question de Midona avec une inquiétante perplexité. Il tâtonnait ses méninges pour trouver une réponse, mais à la vérité, il ne savait guère où aller. Depuis les événements d’Hungeria et de Bulgemore, il n’avait cessé d’être ballotté d’incongruités en urgences et il n’avait jamais pris le temps de se poser la question de sa destination.

« Nous avons à faire, chère Midona… » répondit Hayase très calmement, tout en gratifiant Kant d’un clin d’œil complice.

D’abord, il ne comprit pas ce que ce geste exprimait, puis en y réfléchissant, il comprit. Au fil de leurs longues discussions, Kant avait avoué à Hayase tous ses déboires avec le Gouvernement Mondial sur l’île d’Absurde, sur ses accointances vis-à-vis de la Révolution, ainsi que sur sa volonté d’aller toujours plus loin en semant la liberté. Quand ils en discutèrent, Kant était convaincu de ne passer que pour un trublion compulsif, mais ce n’était apparemment pas le cas.

Midona déposa ses aiguilles sur le comptoir devant elle et plongea son regard dans celui d’Hayase, puis de Kant. À son contact, l’air paraissait plus doux, la vie plus suave, cette mystérieuse grand-mère inspirait la confiance à tous les égards.

« Que vous êtes mignons !!! s’exclama-t-elle. Comment pourrais-je refuser de vous aider ? À Anaconda Falls, il n’y a qu’un seul navire qui mouille à quai et…  Il se dirige vers vous. »

- Vers nous ? s’ébahit Kant. Comment un navire pourrait-il se diriger vers nous ? »

En guise de réponse, le révolutionnaire n’eut le droit qu’à un sourire. Midona déposa à nouveau ses yeux sur son tricot. Elle revint alors sur la typologie de l’île, sur l’immense jungle bordant Annaconda Falls et sur le mince courant qui liait la ville à la mer. Kant faillit s’impatienter, quand tout à coup, elle se fendit soudain de paroles surprenantes.

« Nul ne sert de nous précipiter, les enfants. Elle arrive, nous partirons bien assez tôt.

- " Nous ? " " Nous ? " » s’exclamèrent Kant et Hayase, stupéfaits.

Une fois de plus, Midona se contenta de sourire, puis reposa soudainement son regard sur son tricot. Kant et Hayase se regardèrent interloqués, silencieux… Bien que les paroles de la vieille dame fussent déconcertantes, elle inspirait une telle confiance et une telle quiétude qu'il était difficile de les contredire. Kant s’apprêtait à lui répondre quand soudain, les portes du temple claquèrent brusquement.

« GUNNM ! »

Une jeune femme débarqua soudainement et se précipita vers Hayase.

« Je l’ai ! Grâce à toi ! La pièce manquante ! Je l’ai, enfin ! » s’exclama-t-elle.

Sans un mot de plus, la jeune femme à la chevelure rougeoyante prit Hayase dans ses bras et la serra tendrement contre elle.
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L'Arbre qui cache la forêt
Suite à cette annonce, les présentations furent de mise. Kant à son habitude joua son bellâtre auprès de la gente féminine, se présentant la bouche en cœur face à une Chromie qui ne sut comment réagir face à ce dragueur invétéré. Après un sourire quelque peu crispé et les joues légèrement empourpré, l'adolescente tourna son regard dans ma direction comme si elle espérait que je lui vienne en aide. De mon côté, ne cachant pas ma lassitude de le voir se comporter de la sorte, je décidais d'attraper ma nouvelle amie par la main afin de l'éloigner de lui.

Laissant mon compagnon aux mains de la septuagénaire qui ne prêta même pas attention à lui, bien trop concentré sur son tricot, je me mis à l'écart pour m'entretenir en privé avec Clic Clic au sujet de cette annonce.

- " Raconte-moi tout. " Lui sommais-je, curieuse de savoir ce qui avait pu se passer dans sa petite tête en seulement quelques heures pour qu'elle ait enfin le déclic. " Je croyais que cela t'était impossible de fabriquer la pièce qui te manquait. Que cela dépassait tes compétences. "

- " Eh bien... " Commença à se justifier la bricoleuse en se massant l'avant-bras tandis qu'elle regardait ses pieds légèrement honteuse de ce qu'elle s'apprêtait à m'avouer. " En fait, ce n'était pas tout à fait vrai... "

- " Oh, voyez-vous ça. " Lâchais-je d'un ton amusé au moment de croiser mes bras sous ma poitrine.

- " Oui... Fin.. Tu vois... " Balbutia cette dernière sans réussir à aligner une phrase tellement elle se sentait bête de m'avoir menti à ce sujet.

Voyant la détresse de la jeune fille, je mis fin à ce suspens et à ce petit jeu malicieux. Posant délicatement un doigt sous son menton, je lui relevais la tête pour plonger mon regard dans le sien. Affichant un sourire chaleureux, je la regardais un instant sans rien dire.

- " Tu n'as pas besoin de me le dire. " Lui stipulais-je en faisant glisser ma main sur sa joue. " Je l'ai tout de suite compris hier. "

À ces mots, Chromie ouvrit de grands yeux ronds en réalisant que je n'avais pas été dupe à son mensonge. Mais qu'au contraire, j'avais tenté de lui apporter le courage de surmonter sa crainte de quitter ce seul lieu qu'elle avait toujours connu. Après mon départ, cette dernière n'avait cessé de ressasser ce que je lui avais dit sur les beautés de ce monde et tout ce qui pouvait l'y attendre. Mais par-dessus tout, ce qui l'avait décidé à finalement achever son œuvre, ce fut le moment où elle réalisa qu'elle venait de gagner ce qu'elle n'avait jamais eu le plaisir de connaître. Une amie avec qui elle pourrait parcourir le monde.

- " Et qu'est-ce que tu comptes faire maintenant ? " La questionnais-je juste pour la forme, me doutant parfaitement de la réponse qu'elle me donnerait.

- " Partir avec toi. " N'hésita pas un seul instant à me répondre l'adolescente tout en posant une main sur la mienne qui se trouvait toujours logée sur sa joue.

La détermination et l'espoir pouvaient se lire dans son magnifique regard turquoise. La veille encore, j'aurai refusé sa proposition de nous rejoindre. Rejetant par la même occasion l'opportunité de pouvoir jouir de son navire. Seulement, de mon côté aussi, il s'était passé quelque chose durant la nuit. Ne trouvant pas tout de suite le sommeil à cause de mes nombreux cauchemars, j'avais repensée à la journée que j'avais passée en sa présence. À l'amitié que nous avions tissée toutes les deux. Il est vrai que je ne voulais pas la mettre en danger en l'invitant à nous rejoindre. Surtout pas avec ce qui pouvait nous attendre.

Malgré les risques, je ne voulais pas me passer d'elle. Comme l'évidence qu'on peut ressentir lors d'un coup de foudre amoureux, ce que je ressentais pour elle amicalement parlant était très fort. Je savais que je pourrais toujours compter sur elle. Et peut-être était-ce quelque peu égoïste de ma part, mais Chromie serait également très utilise pour me " réparer ".

Hochant la tête pour lui faire part de mon accord, je la saisis ensuite par la main, entrelaçant mes doigts au sien avant de repartir en direction du pauvre Kant qui devait se demander ce que je faisais. Mais alors qu'on revenait sur nos pas, la scène à laquelle j'assistais me laissa bouche bée. Devant moi, se dressait mon camarade servant de mannequin à la vieille dame.

- " Hé, t'as vu Haya ! " S'exclama ce dernier en m'apercevant avant de se retourner pour montrer ce qu'il avait dans le dos. " C'est trop classe, tu ne trouves pas ?! "

À l'aide de son pouce qu'il brandit par-dessus son épaule, ce dernier me désigna une longue cape noire qu'il ne possédait pas, il y a encore quelques minutes. La tête penchée légèrement sur le côté, ce n'était pas ce détail-là que Kant souhaitait me montrer, mais bel et bien ce qui se trouvait dessus. Cousu à la perfection dans le tissu se trouvait un emblème représentant une mandarine arborant un grand sourire et qui était barré d'une flèche en argent.

- " Woaaah ! " S'emporta à son tour Chromie qui lâcha ma main pour se précipiter vers le lutin afin de regarder de plus prêt. " Elle est trop belle, Obâsan ! " Félicita la petite vieille qui réprimanda Kant d'avoir bougé alors qu'elle n'avait pas encore totalement terminé.

Surprise, je regardais mon amie faire preuve de familiarité avec cette dernière. En voyant mon expression, Clic Clic nous expliqua que madame Andersen était la seule personne à s'être occupée d'elle quand sa mère était décédée.

- " Tu es bien maigrichonne, Chromie " Déclara Midona en attrapant le visage de la jeune fille qui fut légèrement écrasé entre ses mains, lui donnant une petite moue amusante. " Est-ce que tu manges à ta faim ? "

- " Boui.. Enfin... " Chercha à nier Clic Clic en sachant pertinemment que son mensonge ne passerait pas inaperçu aux yeux de cette vieille dame qui la connaissait que trop bien.

Après lui avoir tiré l'oreille pour lui apprendre à ne pas mentir, la grand-mère fouilla dans son petit sac à main duquel elle sortit quelques biscuits qu'elle tendit à Chromie avant de l'enjoindre à en manger.

- " On dirait pas comme ça, mais elle est vachement stricte la grand-mère. " Me chuchota mon comparse qui pendant ce moment de quiétude m'avait rejoint.

- " Nous n'avons pas fini, jeune homme ! " La rappela à l'ordre madame Anderson une fois s'être occupée de nourrir presque de force Clic Clic et qui le regardait les sourcils froncés.

Sans se faire prier, Kant retourna auprès d'elle, lui présentant toutes ses excuses au passage de façon la plus formelle en s'inclinant les mains sur les hanches. Le voir agir ainsi, lui qui pourtant ne craignait pas grand-chose, m'étonna grandement, mais à la fois, je ne pus retenir un petit gloussement en le voyant se faire tirer l'oreille par celle-ci. De son côté, la bricoleuse se retrouvait à quatre pattes, la tête entre les bras.

- " Qu'est-ce qui t'arrive ? " Lui demandais-je avec une petite pointe d'inquiétude après l'avoir rejoint et m'être agenouillé à côté d'elle une main sur le dos.

- " Les gâteaux... Ils sont immondes " M'avoua-t-elle le teint verdâtre et grimaçant de douleur tellement, son ventre la faisait souffrir.

Cette vieille dame si douce d'apparence venait à elle seule de mettre hors course mes deux amis. L'une en l'empoisonnant avec d'étranges biscuits qui semblaient pourtant inoffensifs, et l'un en le torturant à coup d'aiguille dans la chair ou en tirage d'oreille... Elle était diabolique. Une parfaite future recrue pour nos prochaines aventures en mer. Le sourire aux lèvres, je me relevais après avoir massé le dos de Clic Clic dont les jours n'étaient pas compté, mais qui aurait juste besoin d'un petit digestif.

- " Les amis ! " Les hélais-je avec énergie pour avoir toute leur attention après avoir pris ma décision sur la suite des événements. " En route pour le navire et de nouvelles aventures ! "

À cette annonce, leur regard se posèrent sur moi et tous ensemble en parfaite harmonie, incinèrent la tête pour montrer leur consentement. Avec mon aide, l'adolescente se remit sur pieds et prit la tête pour nous guider vers l'emplacement où mouiller le bateau qu'elle avait crée de ses propres mains.

- " On embarque vraiment la veille avec nous ? " Me demanda Kant le plus bas possible pour que cette dernière ne l'entende pas.

- " Bah ouais ! " Lui affirmais-je avec engouement sans prendre la peine de baisser le ton. " Je la trouve chouette, pas toi ? "

L'air hésitant, le beau brun tenta de rétorquer quelque chose quand malheureusement, la vieille Midona lui piqua les fesses avec une de ses grandes aiguilles, lui arrachant un petit râle de douleur.

- " Un peu de respect, mon garçon. " Le sermonnât madame Anderson d'un ton sévère.

- " Hé Gunnm ! " M'interpela Chromie en tournant la tête dans ma direction, toujours en tête de notre groupe. " L'emblème qu'Obâsan a cousu sur la cape de Kant, ça pourrait être celui de notre équipage, non ?! "

- " Totalement ! " Lâchais-je sans la moindre hésitation devant cette idée qui me plaisait beaucoup. " Tu en penses quoi, Kant ? "

Pour seule réponse de sa part, ce dernier poussa des petits cris de douleur avant de se mettre à détaler sous nos yeux. Dépassant le groupe à vive allure, ce dernier se débattait contre une Midona qui était montée sur son dos et qui le sanctionnait pour son manque d'égard envers son ainée. Amusées par la situation, Chromie et moi échangions un regard avant de nous mettre à rire de bon cœur. Voyant que ces derniers prenaient de plus en plus d'avance sur nous, nous décidions de nous mettre à courir pour les rattraper.

Ainsi, vit le jour, l'Adventice. Un équipage bien que loufoque s'apprêtait à rentrer dans l'histoire en grande pompe.  
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