Une Araignée et un Poisson pratique la Juste Violence

Une femme en vetement de nonne se dresse soudain les mains sur la table et s’exclame sur un vieux mercenaire solitaire, au milieu de ce pub bruyant.

“Comment? Mais c’est une magnifique prime que je vous propose ! Le plan est parfait.
-Vot’ Adrienne, vous croyez que l’on connaît pas son passif, p’tet?
-Par dieu ! Que sont devenus les chasseurs de prime de nos jours?
-Y a des plans foireux qu’il faut savoir éviter, ma sœur. Et j’préfère vous l’dire, personne ne voudra risquer sa vie contre une armoire à glace qui a survécu à Grandline.
-Restez donc à claquer des genoux dans cette taverne. Je trouverai quelqu’un pour vous faire mentir.
-Un ou deux suicidaires, c’est pas de ça qui manque si vous voulez mon avis. Y en a bien une dans les ordres.
-Comme il y a des pisseuses mercenaires, apparemment. Hihi !
-Pff ! J’ai trop de respect pour fracasser une nonne mais c’est pas l’envi qui me manque.”

Agacée, la jeune blonde ne se décourage pas. Elle en est à son troisième refus de la soirée. Probablement que son approche est mauvaise, ou qu’elle ne vise pas les bons profils pour son plan de capture.

En circulant dans les tables, un individu attire finalement son regard. Dans un coin isolé, il été planté là un homme poisson avec une sorte d’animal de compagnie étrange. L’aubaine de trouver un chasseur de prime capable de maîtriser le karaté aquatique dans cette île. Il faut à tout prix qu’elle l’engage.

Toute seule, la nonne ne peut s’occuper de la grande Adrienne Ramba, mère supérieure de la Juste Violence. Voilà un long moment, que la petite blonde joue les sœurs apprenties. Sa véritable identité est Capulina Dubal, alias Agent Tarentule, fleuron -selon elle- du Cipher Pol venu mettre un terme à la source principale de dissidence au sein de l'Ordre de la Juste Violence. D’après son évaluation, elle a besoin d’une petite assistance pour assurer ses arrières, d’où ses recherches dans les lieux de réunion connus de chasseurs de prime.

S’installant avec un petit sourire devant l’individu seul, elle reste un petit instant silencieuse. Inclinant légèrement la tête, l’agent Tarentule commence sa quatrième tentative de recrutement.

“Salutations, cher monsieur. Cherchez-vous un travail facile, avec peu d’effort qui promet des gains plus que potables? Si tel est le cas, je peux vous en proposer un. Mais avez-vous, comme tous les autres, trop peur de vous mouiller? Hihi !”

Remarque raciste, s’il en est. C’est suivant la sensibilité de chacun, comme la blonde le dirait.

Costume:

L'approche de la nonne ne manqua pas de faire sursauter la loutre qui vient rapidement se cacher dans les vêtements de Beethoven. Lui qui se targué depuis plusieurs minutes d'avoir pu leur trouver un abri sûr et une petite auberge modeste, mais propre, où se regroupaient nombres de chasseurs de prime. Il sautillait sur la table fière de lui, en se jetant des fleurs imaginaires et en racontant que maintenant, ils devaient trouver de quoi payer le logement. Car même si Beethoven avait accepté d'abandonner son statut plus riche de Koneashima, Maître Lulli avait du mal à faire le deuil de leurs berries perdues.

- "Pourquoi aurais-je peur d'être mouillé ? Si je le suis, il me suffit de me sécher ?"

Beethoven était très troublé par l'étrange question de cette inconnue sortie de nul part et aux vêtements saugrenus. Maître Lulli avait sorti sa tête du kimono de l'homme poisson pour dévisager la nonne un peu plus. Puis, grimpant aux oreilles de Beethoven, il lui dit sans aucune discrétion :

- "Elle est bien étrange cette bonne femme. Méfie toi."

Sans quitter des yeux l'étrangère, le chasseur de prime acquiesça d'un geste de la tête.

- "Et puis c'est quoi cette tenue, pourquoi elle est déguisée ?"
- "Il s'agit là d'un déguisement donc ?"
- "Je ne vois pas qui porterait ça par plaisir."
- "Peut-être il y a t'il un carnaval dans cette bourgade ?"
- "Surement."

Les deux garçons échangeaient en gardant les yeux rivés sur la femme et en inspectant sa tenue sous toute ces coutures. Pourtant, quelque chose ne sortait pas de l'esprit de Beethoven. Elle avait parlé de gain et l'homme-poisson, sachant sa bourse vide, semblait intéressé par ce qu'elle pouvait proposer. Innocemment, il la questionna alors :

- "Vous souhaitez que je vous protège pendant les festivités du carnaval ?"

Un cheminement logique appuyé par une validation de la tête de Lulli, maintenant debout sur l'épaule de Beethoven, les bras croisés.

L’agent Tarentule ne peut s'empêcher d’une expression de dédain devant la loutre parlante. Elle sent comme une odeur se dégager de l’animal. Elle tente d’ignorer cette gène pour le bien de sa mission. L’individu semble bien peu averti et expérimenté sur le monde. Une main d'œuvre naïve, il y a rien de mieux pour arriver à ses fins. Faire beaucoup avec peu de moyen, c’est ce qui mesure l’excellence d’un agent du Cipher Pol.

“Arum. Je sens qu’il faut reprendre certaines bases, mon… Messieurs? Quoi qu’il en soit, vous pouvez m’appelez Soeur Béatrice. Je vois que vous avez quelques minutes pour que l’on parle de notre Seigneur. Hihi !”

Il est temps de montrer à quel point sa couverture est tellement bien ficelé qu’elle en est même devenue la meilleure disciple de la cible qu’elle doit vaincre. Sortant un chapelet, l’agent Tarentule pose ses mains jointes sur la table.

“Figurez vous, mon brave, que je suis de celles qui ont voué leur vie à la prière et à l'enseignement du Divin. Nous sommes les disciples de sa règle, d’où la fondation de notre Ordre : La Juste Violence. Partout où nous passons notre mission est de propager cette pratique du Bien et honorer ainsi le Seigneur. Que son nom soit sanctifié.”

Ses yeux regardent vers le plafond et ses mains tenant le chapelet se rapprochent de sa poitrine. Son intonation imite celle d’une prière lui donnant l’air d’une grande illuminée.

“En vérité, je vous le dis, nous sommes les bourreaux du Mal sous toutes ses formes les plus abjectes. La criminalité en première ligne.  Nous abandonnons notre vie à ce combat perpétuel. En combattant les criminels, nous nous condamnons à porter ainsi le poids lourd de leurs péchés. Nous offrons ainsi une issue vers le Salut de leur âme. Par un don de soi ultime, nous leur offrons une chance dans l’au-delà. Notre existence, nous la passons, ainsi, à nous laver les péchés que nous portons pour eux. Par la piété, l’humilité et l'austérité, nous portons camouflons notre corps tel un uniforme. Oui, nous sommes les soldats de notre Seigneur en ce bas-monde ! Notre Foi inébranlable sauvera nos âmes car Notre Seigneur incarne le Bien et le Pardon. Bénis soient nos fondateurs, nos mères, nos pères, nos frères et sœurs. La Juste Violence persévéra ! Amen.”

Son regard se pose à nouveau sur ses interlocuteurs étrangers. Elle constate bien que son discours n’a pas l’air de les transcender. Soupirante, la nonne laisse tomber ses mains sur la table.

“Je vous ai perdu à partir de quel moment? Bref, ce n’est pas le cœur du sujet. Le vrai problème est que l'ordre n’est pas exempt d’égarement. Ma mère supérieure Marie Thérèse en est l’exemple parfait. Elle initie une dangereuse réforme qui ronge son âme. Sa méthode est d’infiltrer et côtoyer le Mal pour en sortir le Bien. Quelle ineptie ! C’est comme vouloir faire du blanc avec du noir. Dans tous les cas, l’Inquisiteur a toléré cette nouvelle vision du dogme. Un ébranlement historique pour l’ancestralité de notre règle. J’estime qu’en tant que jeune sœur, il est de mon devoir de corriger cet écart. L’empathie pour le Mal crée les conditions du chaos, de la souffrance et de la perte de sa propre âme. Ce n’est qu’un leurre dont la profonde gentillesse de notre Mère Supérieure n’a pu résister. Je sauverai son âme en la battant et en la livrant purger sa peine.”

Accoudée, elle baisse le ton de sa voix et s’incline un peu plus vers les deux hommes-poissons.

“Passons à ce qui vous intéresse certainement bien plus. Si tout se déroule parfaitement, nous partagerons une prime de 72 millions de berries. Il faudra l'assister contre mes propres sœurs et notre mère supérieure pour pouvoir espérer la toucher.”

Perdu à quel moment ? À tous les moments. Pendant ce long et terrible monologue, le regard de Beethoven n’avait cessé de se tourner vers maître Lulli qui avait répondu à son air circonspect par un haussement d’épaule. Toute cette démonstration, ces paroles, ces gestes. Cela sonnait si étrange aux oreilles de l’homme-poisson. Pourtant, il semblait appréhender un peu de la foi de cette femme au travers de la sienne enver l’Océan. Mais beaucoup d'explications restaient floues. En revanche, lorsque la jeune femme commença à parler prime, là, elle semblait communiquer avec la langue de la loutre.

Sautant de l’épaule de Beethoven, maître de Lulli se rapprocha rapidement de la femme en la pointant du doigt, comme s’il se voulait menaçant.

- “Ah ah vile gredine, je savais que ton attitude était loin d’être bien nette, tu essayes de nous entourlouper ! Tu n’es qu’une pauvre civil, tu ne peux toucher l’argent de la prime alors tu essayes d’utiliser notre licence pour te procurer la richesse ! Je vois clair dans ton jeu !”

La petite loutre était certain courageuse de s’opposer de la sorte à la femme, dévoilant avec une vive voix son plan maléfique. Pourtant le regard noir de la nonne suffit à le faire rebrousser chemin à retourner se cacher dans les vétements de l’homme-poisson en poussant un petit crie de terreur. Le regard de beaucoup d’habitués de l’endroit s’était tourné vers eux alors que Beethoven restait perdu face à la demande de la nonne. Pourtant, son âme de bon samaritain lui donnait envie de croire en cette femme.

- “Maître …”
- “Hmmm” grogna la loutre.
- “Peut-être pouvons nous l’aider tout de même. Cette pauvre femme semble avoir besoin d’aide.”
- “Mais elle veut nous voler notre argent !”
- “Nous pouvons négocier la prime.”

Puis la loutre acquiesça d’un geste de la tête, descendant encore une fois de sa cache pour venir faire les cent pas devant la présumée cliente en disant :

- “Bien ma petite dame. on accepte de vous aider. CEPENDANT ! Nous voulons les deux tiers de la prime de cette hors-la-loi !”

Puis crachant dans sa petite patte poilue, il la tendit à la nonne en espérant qu’elle la sert.

- “Deal ?”

L’argent aguiche et met tout le monde d’accord. Les chasseurs de prime ne sont pas plus vertueux que les pirates. Ce n’est que instrumentaliser la vénalité de certains. Cela tombe bien, Capulina n’est absolument pas attaché aux billets verts.

“Oh ! Marché conclu. Et si vous êtes efficace, je pourrai même vous en offrir la totalité. Hihi !”

Malgré son approbation, Soeur Béatrice ignore la main dégoûtante qui lui est tendue. Elle préfère largement tapoter le haut du crâne de cette petite créature parlante. La blonde n’a jamais vu d’homme-poisson de cette forme. Est-ce une malformation de naissance? Ou un croisement entre un tonttata et un homme-poisson? L’agent Tarentule se lève donc, un regard discret sur le katana de l’autre chasseur de prime bien plus charmante… enfin pour un homme-poisson.

“Alors, suivez moi. Nous avons du pain sur la planche pour les préparatifs.”

Quittant la taverne, la nonne les guide ainsi vers une sombre forêt. Le sourire aux lèvres, elle touche quelques troncs marqués par un symbole d’araignée gravé. Ce sont ses repères. A travers quelques buissons, Soeur Béatrice arrête le pas du chasseur de prime et sa créature parlante.

“A partir de maintenant, ne criez plus, soyez discret. Si vous rencontrez un sanglier, ne le provoquez pas. Si vous remarquez ou êtes surpris par une autre de mes sœurs, fuyez. Oh, et ne vous perdez pas, il se peut que vous activiez un de mes pièges dissimulés sur le chemin vers l’abbaye. Ce serait dommage que vous mouriez pitoyablement sans avoir combattu. Hihi !”

Elle s’approche ensuite d’un parterre de feuillage banal. S’accroupissant, l’agent Tarentule plonge la main sous quelques feuilles. Elle y tire une toile épaisse dissimulée. Dévoilant un espace à peine creusé avec trois pelles. L’agent Tarentule a tenté toute seule mais la tâche est bien trop laborieuse pour ses mains délicates.

“J'espérais avoir plus de mains secourables, mais il semble que les chasseurs de prime ne sont plus ce qu'ils étaient. En tout cas, il faut creuser un trou assez large pour piège un gros gabarit. Je vous laisse commencer, je dois récupérer des tonneaux pour compléter ce piège ultime. Soyez sérieux, cette préparation pourra nous sauver la vie. Pensez aux douches de billets que vous prendrez après cette grosse prise. Hihi !”

Elle plaque une pelle sur le ventre de l’homme-poisson, avant de filer.

“Je reviens vite, mes chers petits poissons. Hihi !"

Disparaissant entre les feuilles et les arbres, la nonne laisse ainsi les deux compères seuls devant leur tâche laborieuse.

La jeune nonne était partie depuis maintenant une bonne heure. Elle avait filé entre les buissons, sans un bruit, sans un regard en arrière, laissant Beethoven à sa tâche comme un maître abandonnant son chien en forêt car il lui était trop désagréable de l’emmener en vacance. Mais devant les piques à peine dissimulées sur la potentielle incapacité du duo, le chasseur de prime avait répondu par un haussement d’épaule avant de commencer à creuser.

un coup de pelle après l’autre, soulevant la terre pour la sortir du trou qui commençait à devenir sacrément profond, l’homme-poisson répétait ces mouvements inlassablement alors que tournait autour de lui la petite loutre.

- “As-tu vu comment j’ai négocié ? Nous aurons potentiellement toute la prime ! Ah ah, elle pensait nous arnaquer mais enfaite, c’est nous qui l'arnaquons. Nous creusons un trou et récupérons des millions !”

Lully était particulièrement fier du dernier échange concernant l’argent. Il avait l’intime sentiment d’avoir réussi à extirper une somme astronomique à la nonne alors qu’en vérité, elle lui avait laissé facilement. Il n’était pas compliqué de deviner que pour une femme de foi, les berries valaient bien moins que l’équilibre de son église. Mais même pour Beethoven, ce genre de subtilité lui échappait. Il se contentait de laisser le manche de sa pelle glisser le long de son bras et de se caler contre son épaule pour applaudir de ses deux mains la loutre.

- “Bravo Maître, vous êtes un champion de la négociation.”
- “Je ne me laisse pas facilement embobiner !”
- “Que nenni !”
- “Je suis un génie !”
- “Oui, un génie Maître.”
- “Mais on continue de creuser quand même, on perd du temps.” Répondit la loutre en appuyant ses mots d’un geste de la patte.
- “Excusez-moi !” Se reprit Beethoven qui reprit rapidement sa pelle pour reprendre son entreprise.

Et une fois que le trou dépassait l’homme-poisson en hauteur, ce dernier se stoppa, jetant sa pelle vers la sortie pour d’un bond, attraper le rebord et se hisser avec force à l’extérieur.

- “Pensez-vous que cela convient ?” demanda-t’il à son maître.
- “L’océan aurait préféré plus large et plus profond. Mais pour la nonne, cela suffira bien.”

Et alors que les buissons se secouaient à nouveau, attirant l’attention du duo, tout deux s’attendait à voir revenir la jeune femme avec la suite de son plan.

Essoufflée et dégoulinante de sueur, la nonne apparaît enfin à travers les en transportant une charrette de barils d’eau de mer. Elle lâche prise en s’affalant au bord du trou creusé par ses mercenaires. Agitant sa main pour s'éventer, la blonde regarde avec jugement le boulot des hommes-poissons.

“Hum. Du travail de poisson, j’aurais dû m’y attendre. Le strict minimum. Espérons que cela suffise pour éviter que l’un d’entre nous ne décède dans le processus de capture. Hihi !”

Reprenant sous souffle en levant la tête un instant, elle contemple la position de la lune. Il ne faut pas qu’elle prenne trop son temps dans les préparatifs. La sœur se redresse et pose une main sur un des tonneaux empilés.

“Passons à la deuxième étape des préparatifs. J’ai la chance d’avoir des empl… arum, des partenaires ayant une affinité avec l’eau. Il est temps de montrer une plus grande efficacité en remplissant ce trou. Je me charge de la toile, des feuillages et du marquage des troncs pour finaliser notre piège.”

Elle s’arrête un instant, comme si elle venait de penser à un truc.

“Nous allons être des alliés dans un combat, mais je ne connais pas vraiment vos capacités réelles, ni vous ne connaissez les miennes. Il serait probablement utile de faire plus ample connaissance pour élaborer une certaine synergie. Que vous ne me tranchez pas un membre par inadvertance. Hihi !”

Tout en tendant l’oreille, l’Agent Tarentule élabore la toile et réunit les feuillages pour son piège. Cette nuit sera certainement sans sommeil.

Beethoven regardait son trou, puis la nonne râleuse avant de dresser un sourcil. Cela n’était donc pas suffisant pour la demoiselle ? Il aurait pu reprendre le creusage si Lully n’avait pas grimper sur son épaule pour lui murmurer à l’oreille.

- “Ne l'écoute pas cette sale rabat-joie. Il est très bien ton trou !”

Si quelqu’un d’autre aurait gonflé le torse en signe de fierté, Beethoven se contentait de sourire béatement devant la suite des demandes de la nonne. Non pas pour s’attirer une quelconque sympathie, mais parce qu’il avait été rassuré par les mots de son maître, suffisamment pour perdre le fil et ne se reconnecter à la conversation qu’à la prononciation du mot “capacité”.

- “Je suis un Homme-poisson, j’ai donc naturellement appris les arts du karaté aquatique.” confiait-il à sa camarade de traque. “Et je suis un épéiste correct.”

Beethoven était allé décharger la charrette, un tonneau à la fois, avant de les placer autour du trou. Une fois tous en cercle, il perçait des trous à l’aide de son sabre pour laisser s’écouler l’eau dans un flux laminaire, tombant dans le trou dans un écoulement délicat et agréable aux oreilles de l’homme-poisson.

- “Et vous donc ? Quelle capacité de “combat” peut posséder une dame de foi ?”

Il s’interrogeait vraiment sur ce que la nonne entendait par “capacités réelles” et “alliés dans un combat”. Elle ne comptait tout de même pas se battre contre la renégate ? Si ?

- “Je suis plutôt bonne pour tisser des pièges. Hihi. Pour attraper les insectes désagréables, ou les poissons qui ne remplissent pas correctement leur travail.”
- “Un poisson dans un piège à insectes ? Comme cela serait curieux.”

Beethoven n’avait pas vraiment compris où voulait en venir la nonne. Il surveillait le remplissage du trou et dès lors que l’écoulement se terminait, il venait pencher les tonneaux de bois pour finir de les vider un à un dans le trou creusé. Et rapidement, l’homme-poisson avait comblé le creux d’une eau salée odorante et la jeune nonne avait tissé sa toile de feuillage pour en cacher l’entrée. Il ne restait plus qu’à attirer la proie jusqu’ici.

“Pfiou. L’aube pointe enfin le bout de son nez. Il est temps de pêcher du gorille. Hihi ! Utilisez donc vos meilleures techniques de camouflage, en patientant que notre proie tombe dans notre piège.”

S’essuyant les mains sur un torchon, la nonne laisse ainsi ses partenaires prendre position en embuscade près du piège. La seconde phase du plan peut être accélérée. Accourant vers l’abbaye, la jeune femme défie en duel la Mère Adrienne qui, comme à son habitude coupé du bois à la hache.

“Alors la grosse truie, vous ne semblez pas au meilleure de votre forme. Cette fois-ci, je vous vaincrai.
-Tes piques sont toujours inoffensives, Béatrice. J’ai l’habitude de forger le Mal pour en extraire le Bien. Désires-tu vraiment devenir une sœur confirmée?
-Mon rêve le plus cher, Mère supérieure. Hihi ! Et je le ferai en collectant votre prime !
-Hum. Tu as toujours des vices à dompter.
-La Juste Violence ne reconnaît que la puissance dans le Bien, Mère Marie Thérèse.”

Étendant des fils aux alentours, l’assaillante utilise son rope Action pour accrocher les membres de sa proie. La montagne de muscles agrippent d’une poignée ferme plusieurs fils pour tirer violemment dessus. La force herculéenne de la mère supérieure attire brusquement l’agent Tarentule vers sa position avant de décrocher un coup directement dans le bide de la ricaneuse. Propulsée sur quelques mètres, la blonde tousse fort étalé sur le sol. Adrienne contracte tous ses muscles rompant les liens, un air supérieur.

“Tes petits tours ne fonctionnent pas avec moi.
-Espèce de grosse brute…”

Malgré le Tekkai pour atténuer le choc, la sœur Béatrice se redresse difficilement, mais toujours le sourire aux lèvres, elle ne laisse transparaître le moindre aveu de faiblesse.

“Tu peux encore abandonner et passer les épreuves des nonnes de façon plus classique.
-Hihi ! Dans vos rêves les plus fous ! Quand est-ce que vous allez comprendre que je suis irrécupérable !
-Dans l'obscurité, il y a toujours une infime lumière.
-Comme dans une vive lumière, on trouvera une parcelle d’ombre. Votre philosophie est ridicule, grosse truie ! Hihi !”

Adoptant une posture typique du rokushiki, l’agent du gouvernement effectue plusieurs rankyaku en direction de son adversaire. Adrienne les encaisse en continuant de progresser. Béatrice joue la distance, et la mère supérieure la réduit; Le parfait dispositif permettant de guider cette armoire à glace où elle le souhaite, malgré les dommages collatéraux. Il suffit de ne pas se faire attraper.

- "Etes vous sûr Maitre ?"
- "Mais oui, mais oui." Répondait la loutre en posant sur le crâne de son élève accroupi une feuille de plus. "Comme ça, tu es une très jolie fougère !"

La nonne leur avait demandé de se cacher, mais l'Homme-poisson n'avait jamais été à l'aise dans les milieux boisés. Lui qui s'était contenté de s'aligner derrière un arbre avait été repris par la loutre pour s'accroupir derrière des buissons, tenant dans les mains des branchages et recouvert de feuille de fougère. Une cacophonie visuelle dans ce milieu naturel qui ne tromperait aucun habitué des zones forestières. Même les animaux environnants avaient préféré fuir le ridicule de la scène.

- "Je ne suis pas sûr que tout cela ait un quelconque sens."
- "Chut ! Tais-toi, voilà qu'elle arrive !"

Et rapidement, la jeune loutre avait sauté contre Beethoven pour venir se caler dans le kimono large du chasseur de prime. Tous deux regardaient au travers des feuillages l'arrivée éclaire de la nonne. Elle était rapide, mais aussi suivis de près par la cible, une gaillard femme vêtue comme la commanditaire. Et une fois en visu, son visage disait enfin quelque chose à l'homme-poisson. Vaguement. De loin.

Menaçante, elle s'approchait de la blonde qui avait pris soin d'éviter son propre piège. Recouvert mais peu discret pour un initié, il était clair qu'une piège était tendu si jamais la femme venait à baisser les yeux. Et lorsque son regard sévère glissa vers le sol, Beethoven intervint pour l'en dissuader. Lâchant ses branchages, sautant au delà de son buisson en dégainant son sabre, le voilà à trancher de haut en bas pour venir entailler la cible. Mais cette dernière, pas née de la dernière pluie, avait tourné la tête et s'était mise en garde, bloquant la lame de ses poignés entrainés sans que ces dernier ne soit entaillé de plus d'd'un demi centimètre.

- "C'est donc cela ton plan pour me vaincre Béatrice ? Engager un amateur ?"

Dégageant son bras, et la lame par la même occasion, la mère supérieur venait ouvrir la garde du sabreur pour lui coller un coup de boule le désorientant.

“Je mets toujours toutes les chances de mon côté. Finissons-en.”

L'agent Tarentule bondit sur son adversaire. Paraissant comme un acte désespéré, elle sait très bien ce qu'elle fait. Adrienne lève le poing pour la frapper. La jeune se contorsionne grâce au Kami-E. Comme un serpent, elle glisse le long du gros bras de la mère supérieure, puis atterri à dos, les jambes fléchies. Avec vélocité, la blonde n'attend pas une seconde pour se propulser à la nuque de son ennemi. Encore portée par son élan, la montagne de muscles retourne brusquement son buste. Son avant bras percute Béatrice avec force, mais cet enchaînement l'oblige à mettre un pied en arrière pour récupérer son équilibre. Alors que la blonde est envoyée dans les buissons, Adrienne pose un pied sur le piège. Le sol s'affaisse et la nonne tombe dans une baignoire d'eau de mer boueuse.

L'agent Tarentule se redresse en se tenant le flan. Elle approche prudemment les abords de son siège. Observant de haut, sa cible se débattre dans cette eau qui l'affaiblit. D'un grand sourire, elle joint les mains en prière.

“Il y a un temps pour naître, et un temps pour mourir; un temps pour planter, et un temps pour arracher ce qui est planté. Que ton démon soit terrassé de la surface de la terre. Au nom de Dieu, que sa Justice s'impose en tout temps et en tout lieu.”

Les mouvements d'Adrienne s'affaiblissent de plus en plus, jusqu'à que la nonne en détresse s'enfonce de son poids dans cette eau marine. Malgré les blessures et la fatigue, Béatrice rit avec une grande joie.

“Gnihihihi ! Hihi…”

Mais son rire s'interrompt subitement et son sourire s'affaisse. La jeune femme fait un pas en arrière. Une terrible aura alourdit soudainement l'atmosphère.


Un monstre immense émerge brusquement des eaux poussant un cri strident. Un insecte géant et fou pose lourdement ses pattes aux abords du trou. De ses yeux rouges, il fixe un instant l'agent Tarentule. Dans un intention meurtrière, le grand bousier se met frénétiquement à bouger pour se sortir du piège aqueux. Prise aux tripes, Béatrice ne parvient plus à réfléchir à un plan d'urgence sur le moment. Son instinct lui crie de fuir. Malheureusement, son seul avantage se trouve ici. Après une inspiration, elle prend une posture de combat du Rokushiki. Elle qui déteste le front, doit s'adapter. Jettent un regard du coin de l'œil à Beethoven, la blonde va devoir accorder sa confiance pour survivre à cet affrontement.

“Visons les pattes.”

Si devant les mantras récités par la Nonne, Beethoven et Lully se regardaient, troublés,  ils avaient pris la peine de faire un pas en arrière lorsque la bestiole émergea de l'eau. La curieuse force retrouvé d'Adrienne fit s'interroger Lully qui, droit sur l'épaule de l'Homme-Poisson, se frottait le menton en réfléchissant.

- "Je pensais que l'eau de mer bloquait les pouvoirs des fruits du démon. Elle a la rage de vivre." se questionnait le mink à haute voix "Fait attention Beethoven !"

Une patte velue et crochue de l'insecte venait fendre l'air. L'épéiste s'abaissait pour éviter le coup aussi tranchant que la lame d'un katana. De toute évidence, la Nonne leur avait trouvé un adversaire bien coriace. Posant une main sur le pommeau son sabre, Beethoven esquivait les attaque de la créature avec agilité pour se rapprocher doucement du trou d'eau et y plonger le bout de son sabre. L'eau grimpa le long de sa lame, défiant la gravité.

Abaissé entre les pattes rageuse de l'insecte, Beethoven tournait son sabre vers lui, le laissant longer son fourreau alors qu'un filet d'eau épais suivait chacun de ses mouvements. Adrienne regroupa alors ses pattes, les dressant toutes en l'air pour venir transpercer l'homme-poisson. Cependant, à peine abaissait-elle ses appendices que Beethoven murmurait quelques mots :

- “Suprématie de l’océan : Valse d’eau.”

Et voilà qu'en un instant, Beethoven tournait sur lui même, tranchant chaque patte de son sabre affuté par l'eau marine et dessinant un tracé continuant de tourner même une fois le coup terminé. Les membres insectoïdes tombaient les une après les autres alors que la créature hurlait de douleur en glissant un peu plus dans le trou d'eau maintenant qu'elle n'avait plus de prise sur la terre ferme.

Un série de geppous dans les airs, la nonne Béatrice se positionne juste au-dessus de la tête du monstre Adrienne qui s’enfonce. Ployant les genoux sur l’air conditionné sous ses pieds un instant, elle se propulse vers le bas, les poings en avant. Dans une onde de choc, son attaque connecte en plein crâne du bousier géant.

“Rokyogan !”

L’eau de mer boueuse déborde soudainement du trou. Les dégâts internes que cette technique du Rokushiki inflige font effondré la bête déjà affaiblis dans le piège. La créature disparaît ainsi dans la boue marine. La blonde atterrit et quelques secondes s'écoulent sans un mouvement dans la mare de boue. Prudemment, l'agent Tarentule s'en approche. Plissant les yeux, elle analyse la surface de cette eau immonde.

“Pfiou. Vous l'avez échappé belle. Un peu plus et votre récompense vous passez sous le nez.”

Croisant les bras, l'air satisfaite, Béatrice semble attendre un mouvement de leur part.

“Allons, les poissons. Les 200 kg de muscles ne vont pas se transporter tout seul. Hop ! Hop ! La prime, cela se mérite.”

Elle regarde ensuite le ciel bleu pour jauger la position du soleil.

“Si vous êtes efficaces, nous devrions parvenir au fortin de la Marine le plus proche dans la soirée.”

On dit que les hommes-poissons ont une force surhumaine à défaut d'être une race très cérébrale. La blonde se fait un plaisir à l'exploiter. Devant leurs gros yeux, l'agent Tarentule sourit à pleine dents.

“Ne me regardez pas avec des yeux de merlan fris. Vous n'allez quand même pas laissé une femme de religion mourir noyé dans de la boue odorante. Inconsciente, vous n'avez rien à craindre d'elle.”

C'est ainsi que le parcours du combattant est imposé au pauvre Beethoven, Lully s'étend jugé inapte. Adrienne, souillé de boue, est traité tout le long du chemin jusqu'au poste de la Marine dont les soldats se retrouvent pantois devant la scène. Ce n'est pas tous les jours que l'on voit un homme-poisson en sueur traînant une nonne inconsciente avec la carrure d'un bûcheron. Sans oublier la loutre qui se dispute avec une bonne sœur bien trop moqueuse pour être une Sainte.