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Un retour attendu

Robina était enfin revenu sur les Pythons Rocheux. Elle avait mis plus de temps au retour qu’à l’aller. Non guidé par les amazones et faisant des détours. Elle n’était pourtant pas frustrée de cette situation. Elle avait fait de nouvelles rencontres, récupérée de nouveaux trésors et découvert de nouveaux plats délicieux. Elle revenait à son point de départ, comme si rien ne s’était passé. Pourtant, elle se voyait maintenant armée avec de nouveaux sabres.

Il s’était posé un souci alors qu’elle se retrouvait maintenant avec quatre lames. Aube et Crépuscule marchaient toujours en duo. L’un sans l’autre perdait leur valeur et leur pouvoir. C’est pourquoi elle devait toujours les garder sur elle. Toutefois, marcher avec cinq lames d’exceptions sur le dos n’était pas le plus facile. Alors qu’ils se trouvaient sur le chemin du retour, Billy s’était présenté à elle.

— Capitaine, si vous voulez, je peux les porter pour vous, comme à Marine Ford. D’une voix fluette, presque imperceptible, il avait tenté de proposer de devenir le porteur de la cuisinière.

Sur le pont supérieur, la Sanderrienne se tourna vers le Bronze du Baroque Works. Billy Mullet en forme de chaudron la regardait alors que ses bras formaient des anses. Possiblement un signe montrant qu’il avait les bras sur les hanches en forme humaine.

— Porter mes armes pour moi ? Mais vous l’avez déjà fait sur Karakuri et Marine Ford, non ? La chasseresse de primes avait de plus en plus confiance en Bill.

— Je vois bien que vous avez des difficultés avec Libertalia, Coupe-faim ainsi qu’Aube et Crépuscule. Je vous propose de vous suivre dans vos aventures. Ainsi vous aurez toujours vos armes avec vous. Et moi je pourrais m’occuper d’elles pour qu’elles soient toujours au mieux de leurs formes.

— C’est très gentil Billy. Je vois bien que ça part d’une bonne intention. Mais pour l’instant, je préfère me débrouiller seule, je vais juste laisser l’espadon de Minoël sur le navire pour l’instant. Elle le regardait avec un léger sourire, elle appréciait cet homme. Un peu maladroit quelques fois, mais toujours prêt à aider son prochain.

Suite à cette discussion, il n’avait pas retenté sa chance, depuis qu’il était sur l’Iceberg, il avait appris à connaître la Silver. Revenant au présent, elle passa son baudrier au creux de ses reins, vérifiant que ses deux premières armes coulissaient bien dans leur fourreau respectif. Elle attrapa Hinode Tasogare et glissa le couple de katanas à son côté droit. Véritable armurerie ambulante avec ses quatre armes à ses côtés, la capitaine des Glaciers pouvait impressionner.

Le navire de ligne était déjà à quai, les moussaillons étaient en train de nouer les cordages aux bittes d’amarrage. Ceci fait, la rampe d’accès au port fut glissée. Ils avaient repris la même place qu’à leur première arrivée. Seul véritable bâtiment de grande taille de l’île, ils avaient le choix sur l’emplacement. Le douanier fit quelques pas vers la membre du Baroque Works, pourtant en voyant qu’il avait déjà eu affaire à elle, il fit demi-tour. Il avait bien compris que tenter d’arnaquer cette dernière ne marcherait pas. Il alla se poster à son guichet, attendant le passage de la jeune femme aux longs cheveux blancs pour récupérer la taxe douanière et lui souhaiter une bonne journée.

Sortant des quais, Robina rentra dans le Port, elle avait vu des ventes de navires chez les marchands la première fois qu’elle était venue. Elle comptait bien trouver quelqu’un qui pourrait devenir le maître charpentier de l’Iceberg. Les hommes-poissons ainsi que les charpentiers faisaient du bon travail. Néanmoins, elle avait besoin de quelqu’un de plus expérimenté, elle voyait bien que les réparations étaient plus souvent du bricolage que des remises en état.

L’avant-bras droit reposant sur les pommeaux de ses sabres jumeaux, la cuisinière regardait avec plaisir ce qui s’offrait à elle. Du poisson, quelques céréales, des bêtes pour ceux qui voulaient du lait sur leur navire, de la viande qui était plus rare, et des épices. Elle n’était pas pressée. Le voyage avait été long depuis Amazon Lily et les réserves du navire se faisaient maigres. C’est pourquoi la gastronome regardait avec envie chacun des produits, se demandant ce qu’elle allait bien pouvoir faire pour le repas de ce soir.

Elle se détourna tout de même des étals, elle n’était pas là pour ça, mais pour trouver un charpentier. Un leader qui pourrait suivre les ordres qu’elle lui donnerait tout en étant une figure d’autorité pour ceux qui travailleraient sur l’Iceberg. Elle sortit des quais où se trouvaient les vendeurs de nourriture pour aller plus loin. Ici, pas de cris, de bousculades. Quelques navires affichaient des prix que les plus pauvres ne pourraient jamais se permettre dans leur vie entière.

La chasseresse de primes avait les moyens et elle pensait véritablement à craquer. Acheter une frégate pour faire l’aller et le retour entre l’Archipel aux Éveillés et les Pythons Rocheux semblait être une bonne idée. Elle pourrait ainsi se faire livrer régulièrement du poisson frais et des fruits. Et cela diversifierait le commerce des Pythons. Elle se ferait aussi un peu plus d’argent. Un détail tout au plus. Elle devait aussi penser à relier Little Garden aux Pythons Rocheux. Elle avait tant à planifier qu’elle ne savait plus où donner de la tête.

Enfin, avant de vouloir créer son réseau alimentaire, pour pouvoir avoir toujours des produits frais sans avoir à les payer. Elle devait continuer ses recherches.
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Robina regardait à gauche et à droite, légèrement perdue. Ne voulant pas crier comme une poissonnière, elle ne savait pas comment procéder. Se voulant discrète, elle se rapprocha de l’un des vendeurs de navires qui attendaient à côté de leurs écriteaux.

— Pardon de vous déranger. Mais, connaîtriez-vous un charpentier ? Un bon de surcroît, je voudrais l’engager pour mon équipage. Timidement, la cuisinière posa la question.

— Vous n’en trouverez pas ici. Nous ne sommes que des commerçants et l’île est principalement spécialisée dans le commerce de la pierre. L’homme avait une petite moustache, elle frétilla en entendant la question de la jeune femme. Toutefois, je sais qu’il y en a quelques-uns qui se baladent dans le Port. Je crois en avoir vu un ou deux.

— Ah bon ? Surprise, la voix de la Sanderrienne partit dans les aigus. Vous sauriez me dire à quoi ils ressemblent.

— Mmmmmmh… Il tortilla l’extrémité de sa moustache avec son doigt, perdu dans ses pensées. Oui, je crois pouvoir vous en décrire un, il est plutôt connu comme bonhomme même.

— Je vous écoute ! Telle une enfant, la chasseresse de primes attendait les informations qu’on lui avait promises avec impatience.

— Ah ! Malheureusement, j’ai un trou de mémoire, si seulement vous pouvez me rafraîchir la mémoire. Un petit sourire carnassier fit son entrée sous le guidon moustachu. Quelques berries ne feraient pas de mal pour m’aider, j’en suis certain.

La douche froide fut immédiate. L’homme ne cherchait qu’une seule chose, s’enrichir encore et toujours plus. La capitaine des Glaciers avait les moyens, là n’était pas la question. Mais voir la cupidité des autres la dégoûtait, toute cette scène pour une poignée de berries. Elle chercha dans ses poches et mit quelques billets dans la main du vendeur de navires.

— Je pense que cela devrait suffire pour ce que je vous demande. La jeune femme aux longs cheveux blancs avait perdu sa chaleur avec l’homme. Elle attendait impatiemment devant lui, plantée comme un piquet, ayant perdu toute envie de continuer à discuter avec lui.

— Ah ! Oui, bien sûr ! Il rangea rapidement les quelques billets dans sa poche avant de continuer. Il est plutôt grand, les cheveux blonds, sa femme est possiblement avec lui. Je crois les avoir vus ensemble débarquer il y a peu de temps. Vous devriez le reconnaître assez facilement, il est plutôt célèbre sur les mers bleues.

Vous n’avez pas d’autres informations ? Elle posa ses mains sur ses hanches, elle avait payé le prix et pourtant elle n’avait pas reçu grand-chose en échange. Je m’attendais à mieux.

— Ah ! Si seulement je n’avais pas autant de trous de mémoire, je pourrais vous aider un peu plus. Je suis vraiment navré, mais vous savez que je ne suis plus tout jeune. Les sourcils broussailleux de l’homme se levèrent pour la regarder dans les yeux pour la première fois. Le plan du marchand était simple, la saigner jusqu’au dernier billet qu’elle avait en poche pour lui donner le moins possible.

— Je n’ai plus rien. Robina fit demi-tour, elle n’allait pas perdre plus de temps. Je vous remercie pour vos indications. Elle n’allait pas se faire extorquer de l’argent par un vieil homme qui pouvait possiblement inventer des faits.

Elle était chasseresse de primes depuis maintenant plus d’un an, elle avait appris une ou deux choses durant ce laps de temps. Elle allait mettre son second travail à profil. Rare étaient les fois où cela lui était profitable. Elle n’allait pas se plaindre pour une fois que cela l’aidait à trouver quelque chose.

La première chose à faire était de poser des questions. Sans discrétion. Plus les rumeurs d’une femme qui cherchait un charpentier se propageait et plus elle avait de chance de ferrer un poisson. Telle une bonne odeur d’un plat mijoté, la rumeur se propagea dans le Port. Robina était en chasse et personne ne l’arrêtera, pas même le Roi de Sanderr en personne. Elle remuait la marmite, faisait discuter les habitants autour d’elle.
Elle cherchait aussi un homme qui aurait pu rentrer dans son équipage en même temps. Mais ça n’était pas le but premier. Elle voulait attirer l’attention, qu’ils viennent à elle pour faire son marché entre les différents candidats. Cela aurait dû mettre beaucoup de temps dans une ville. Mais ici, dans le Port des Pythons Rocheux, tout allait très vite. Attirés par l’odeur de la cuisinière, les hommes et femmes se précipitaient vers elle. Elle n’avait plus qu’à attendre que les informations viennent à elle, accoudée à une table d’un bar qu’elle avait choisi.

Une bière ambrée venant d’Astérion dans une main, elle écoutait un homme qui lui répétait pour la trentième fois la même chose. Un homme blond, grand, marié avec une femme qui semblait légèrement caractérielle. Elle le remercia en payant un verre à ce dernier. Au moins, elle n’avait pas à dépenser des milles pour avoir quelques miettes d’informations, comme avec le vendeur de navires.
Une tornade entra alors dans la pièce, une blonde entra dans le bar, elle regarda à gauche et à droite. La cuisinière avait assez repéré de personnes qui cherchaient à la contacter pour la repérer, pourtant elle ne fit rien pour la joindre. Tout devait venir de la cible et non pas d’elle. Elle était la chasseresse et non la proie. Les yeux verts de cette dernière se posèrent sur la chasseresse de primes après qu’elle ait posé une question à l’homme le plus proche de l’entrée.

Ce dernier avait vu le manège pendant une heure ou deux. Il aurait bien voulu soutirer quelques pièces à la belle demoiselle blonde. Mais en voyant le regard furibond de cette dernière quand il commença à parler berries, il oublia. D’un mouvement du bras, il indiqua la toison blanche qui se trouvait derrière lui, une chope à la main.

— C’est vous qui cherchez un charpentier ? Les yeux verts de la blonde se plongèrent dans ceux jaunes de la commandante de l’Iceberg. J’ai entendu dire que vous cherchiez quelqu’un. C’est bien vous ?

Elle n’aimait pas faire attendre quand les personnes face à elle lui posaient une question. Toutefois, un membre du Baroque Works lui avait expliqué qu’il fallait faire comme cela. Mars était dans le métier depuis longtemps, d’après lui cela donnait un air mystérieux. Elle but une gorgée de sa bière avant de répondre.

— En effet, c’est moi, je cherche un charpentier. Elle passa sa langue sur ses lèvres pour enlever la mousse qui s’y était déposée. Vous avez des informations à ce sujet ?

Un peu que j’en ai. Je suis mariée avec l’un des meilleurs ! S’emportant, le petit brin de femme éleva la voix.

— Oh ? Seriez-vous la femme mariée avec un homme blond, grand et qui travaillerait à Bliss sur South Blue ? Les dernières informations venaient de différentes sources qu’elle avait récoltées durant les dernières heures.

Oui ! Vous allez voir, il est exceptionnel dans son métier. Fière de son mari, elle prit la main de la jeune femme aux longs cheveux blancs, la traînant derrière elle.

Ne voulant pas partir sans payer, Robina déposa un billet qui payerait ses frais avant de se faire emporter par cette tornade mordorée. Elle n’avait plus qu’à suivre cette femme pour le trouver. Et possiblement avoir son chef charpentier pour les Glaciers.
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Robina se trouvait sur un des pontons qui composait la ville du Port. Attirée par la femme qui se prétendait mariée avec un charpentier. Jusque là, la cuisinière n’avait aucune raison de douter d’elle. C’était la façon dont elle l’avait trouvé qui la rendait méfiante, comment avait-elle fait ? Certes, elle n’avait pas été très discrète dans ses recherches, mais il n’y avait pas une pancarte au-dessus de sa tête pour l’indiquer à tous les passants.

— Attendez ! Elle s’arrêta, toutefois, son binôme continua et une vive douleur se répandit dans le bras de la cuisinière. Je me demandais, comment saviez-vous que je cherchais un charpentier ?

— Des rumeurs circulaient dans le port de la ville. Une furie se baladerait en cherchant absolument à rencontrer un charpentier. Et vous n’êtes pas très difficile à retrouver. Elle mit l’accent sur ses paroles en détaillant la Sanderrienne de pied en cap. Disons que vous n’avez pas des cheveux qui passent inaperçus. Vous venez maintenant ?

— Attendez encore un peu. La chasseresse de primes n’avait toujours pas bougé d’un seul iota. Je veux dire, nous ne nous sommes même pas présentées l’une à l’autre. Je m’appelle Robina Erwolf, je suis cuisinière et capitaine des Glaciers.

— Martha Bontuyau et mon mari s’appelle Benjamin. Le rose monta aux joues de la civile qui tenait encore la main de la jeune femme aux longs cheveux blancs. Je suis juste une très bonne amie à lui, oui, c’est ça… Une très bonne amie.

— Je vois. Robina porta sa main libre à son menton pour réfléchir quelques instants. La réponse de la femme faisait sens, elle avait fait exprès de ne pas être discrète. Elle avait voulu se faire remarquer, c’était chose faite. Maintenant il fallait aller de l’avant. Très bien. Je vous suis pour retrouver ce Benjamin.

— Vous allez voir, il est un peu benêt, pas forcément très courageux. Mais il sait faire son travail et il le fait bien. Elle se retourna pour guider la cuisinière vers l’endroit où elle avait vu sa moitié pour la dernière fois. Nous nous sommes vus la dernière fois dans les environs, je ne saurais pas dire exactement où il pourrait se trouver néanmoins, avec toute cette foule…

La guide de la Sanderrienne semblait véritablement perdue. Ne voulant pas la froisser, elle allait trouver une excuse pour s’éclipser quand la blonde se retourna vers elle.

— Vous pourriez peut-être m’aider à le retrouver ? Elle semblait légèrement paniquée. Je sais que c’est moi qui devais vous aider à la base, mais il est tellement tête en l’air qu’il va lui arriver du mal. Elle se triturait les mains en parlant à la chasseresse de primes. Il ne sait pas s’en sortir sans moi, il fait le fier, mais il va vite se perdre.

— On dirait que vous parlez d’un enfant. La jeune femme aux longs cheveux blancs leva un sourcil vers le ciel. Elle s’était attendue à un homme bourru, très fort physiquement avec une impressionnante carrure. Pas à chercher un enfant.

— Oh, mais sans moi, c’en est un. Elle se passa une main dans les cheveux pour replacer une mèche derrière ses oreilles. Il ne saurait pas où mettre ses ciseaux à bois sans moi. Vous connaissez un peu l’île ?

— Un peu. Je crois qu’il y a un poste de garnison de la marine pas très loin. Elle pointa une station de tyrolienne à quelques centaines de mètres de là où ils se trouvaient. Nous allons nous y rendre rapidement avec ça.

— Qu’est-ce que c’est ? Dubitative, Martha n’avait pas du tout envie de s’approcher de cette invention qu’elle ne connaissait pas.

— C’est un système de transport qui est un peu la signature de cette île. Elle fit signe à la fiancée de Benjamin de la suivre. C’est tout simple, on vous met un harnais en cuir et on vous accroche à un câble. Ensuite, vous n’avez plus qu’à attendre d’arriver à votre destination.

— Et c’est sans danger ? Sur la défensive, la blonde semblait toujours dubitative sur le sujet.

— Je n’ai eu aucun problème les premières fois que je les ai utilisés. Elle montra tout le réseau de câbles qui se dispersait dans toutes les directions. D’ici nous allons pouvoir atteindre le sommet en quelques secondes, une minute maximum et nous pourrons après nous diriger vers la caserne sans rencontrer de problèmes. Dans quelques minutes nous serons là-bas.

— Je vous suis alors. Elle passa son pouce sur ses lèvres. Je ne voudrais pas qu’il lui arrive quelque chose.

— Vous semblez vraiment tenir à lui. Un léger sourire sur le visage de Robina tentait de rassurer celle qui suivait Benjamin comme son ombre. C’est beau à voir.

— Oui, bien sûr que je tiens à lui. Cela fait déjà plusieurs années que nous sommes ensemble. Les lèvres de la blonde se relevèrent pour former un sourire enjôleur. Je ne me vois pas vivre sans lui. Mais en ce moment, c’est compliqué.

Ils venaient d’arriver dans la file d’attente pour prendre leur place et louer les harnais pour utiliser le réseau.

— Pourquoi donc ? Un souci avec une autre femme ?

— Oh, non. Elle se mit à rire doucement à cette idée. Il ne me tromperait pas, jamais. Mais il travaille beaucoup. Trop pour moi. Et même s’il gagne très bien sa vie, je ne le vois plus autant qu’avant. Elle soupira après avoir énoncé ce fait. J’aime la vie que nous menons et l’argent que nous avons, mais notre amour se flétrit j’ai l’impression.

— Je… Gênée, la cuisinière prit le temps de rassembler ses pensées. Vous avez essayé de lui en parler ? Si ça se trouve, il pense pareil que vous.

— J’ai déjà essayé des centaines de fois, mais il n’en fait qu’à sa tête. Il y a encore quelques heures, j’ai essayé d’avoir une conversation avec lui, mais il s’est éclipsé.

— Nous allons donc remédier à ça. Elle attrapa la main de Martha et la serra légèrement. Dès que nous l’aurons retrouvé, vous pourrez lui dire ce que vous avez sur le cœur. Et me présenter par la même occasion.

— C’est promis. La blonde remercia la cuisinière d’un signe de tête.

Déjà, c’était presque leur tour dans la file. Quelques instants après, la Sanderrienne payait les deux harnais de location que les femmes allaient prendre pour pour remonter jusqu’au sommet de l’île. Les poids et les poulies s’actionnèrent et en quelques instants les deux demoiselles se voyaient remonter à toute vitesse vers les sommets rocheux des Pythons. Vivant cela pour la première fois, la jeune femme blonde s’époumona de joie, de peur et d’un trop-plein d’émotion qu’elle laissa s’échapper de sa gorge. Elle se mit à rire aux éclats en voyant la terre disparaître peu à peu pour rejoindre le ciel.

En arrivant au sommet, une équipe détacha les deux femmes des câbles qu’elles avaient utilisés pour arriver jusque là. La location était pour la journée, elles pouvaient garder l’équipement jusqu’aux aurores. Toujours avec leur équipement, elles sortirent pour prendre une nouvelle route et atteindre la garnison quand un homme blond en sueur se détacha de la pointe rocheuse. Benjamin venait de faire son entrée en scène. Le reconnaissant instantanément, Martha se mit à aller vers lui de plus en plus vite.

— Benjamin ! Tu m’as fait peur ! Je te cherchais partout.
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— Martha. Quel plaisir… Tu ne me présentes pas ton amie ?

— Cache ta joie… Je vous l’avais dit, un sale tempérament. Un éternel insatisfait.

— Parce que t’as eu le temps de lui faire mon portrait ? Putain. Mart’, merde ! Je t’ai pourtant expliqué qu’il ne fallait pas parler de moi aux inconnus. Des gens veulent ma peau ou m’utiliser. Regarde ce qu’il s’est passé avec les pirates la dernière fois.

— Est-ce qu’elle ressemble à une pirate ?

Benjamin toisa du regard l’inconnue.

— Peut-être pas, mais peut-être bien qu’elle a pris une douche.

Martha frappa la paume de sa main sur son front, désespérée.

— Il s’agit de Robina Erwolf, cuisinière et capitaine d’un équipage qui s’appelle les « Glaciers ». Elle m’a aidé à te retrouver. Je te cherchais, mais tu connais mon sens de l’orientation…

— M’en parle pas. Merci à vous, Madame Erwolf, d’avoir gentiment escorté cette demoiselle à bon port. D’ordinaire, ça ne se passe pas aussi bien. »

Une cuisinière, hein, songea le charpentier de Bliss. Selon lui, elle dégageait tout de même bien plus que cela. Dans la mer voguaient de nombreux équipages commerciaux, d’artisans de tout horizon, donc la cuisine était également un domaine répandu. Néanmoins, loin de douter de ses compétences culinaires, Benjamin la suspectait d’être un peu plus que cela. La méfiance était de mise, et malheureusement, la vie lui avait confirmé que c’était un bon réflexe à avoir.

— Que puis-je faire pour vous dédommager ou remercier ?

Robina avait regardé les retrouvailles entre les deux tourtereaux. Et s’il y avait bien une chose qu’elle avait pu constater, c’était qu’il y avait du plomb dans les ailes des deux. Étaient-ils en couple depuis trop longtemps ? N’étaient-ils pas faits l’un pour l’autre ? Des questions qu’elle ne s’était jamais posées pour elle-même. Passionnée par son travail et absorbée par les aventures qu’elle avait vécues ces dernières années. Elle était passée à côté des affaires de cœur toute sa vie, pourtant elle ne regrettait rien. Elle aurait tout le temps de le faire plus tard, pour le moment, le but de devenir la meilleure cuisinière du monde était une priorité.

Un mot qui revenait souvent dans leur conversation était les pirates. D’après ce qu’avait compris la cuisinière des bribes de conversation qu’elle arrivait à entendre, l’homme avait des soucis avec. Et il était de notoriété publique qui ils étaient. Cet homme était en danger, la situation était claire. Toutefois, elle ne voulait pas être indiscrète, elle ne le connaissait pas et il se méfiait d’elle de ce qu’elle avait compris. Un pas à la fois, comme l’adage le disait.

Elle laissa un peu d’espace au couple, restant légèrement à l’écart. Benjamin, comme l’avait nommé Martha, se rapprocha pour remercier la Sanderrienne. N’ayant aucune raison de se méfier, la chasseresse de primes se rapprocha en lui tendant la main pour la serrer.

— Ne me remerciez pas ! Elle affiche un grand sourire. C’est votre femme qui m’a trouvé après tout. Je cherchais un charpentier pour s’occuper de mon navire, de l’équipe, de mon équipage et potentiellement faire partie des nôtres. Elle enleva lentement son baudrier pendant ses explications. Et comme je ne me suis pas faite discrète pendant mes recherches, c’était le but voulu. Elle m’a retrouvé et nous avons parlé de vous.

— Me dédommager et me remercier ? Elle partit de son rire guttural et caractéristique. Brah brah brah brah brah… Vous n’en avez pas besoin, disons qu’elle s’est perdue en me cherchant, donc j’ai réparé le souci que j’avais créé. Toutefois, si vous voulez me rendre service, j’aurai bien besoin de vous.

Elle fit une petite pause avant de reprendre.

— Je m’excuse, mais je ne me suis pas présentée, Robina Erwolf, capitaine et cuisinière des Glaciers. Nous remontons cette voie de la route de tous les périls pour nous rendre sur l’archipel de Shishoku. Comme je vous le disais, je cherche un charpentier, qualifié, avec assez d’expérience pour former ceux qui sont déjà dans mon équipage. Elle se tourna alors vers le port en direction de la ville en contrebas. Et aussi faire un bilan des réparations qu’il reste à faire sur mon galion. Je l’aime beaucoup, mais je sais qu’il n’est clairement pas bien réparé depuis longtemps.

— J’aimerai l’avis d’un expert. Elle plaça ses mains devant elle. Je ne vous force pas la main, je vous promets de vous payer pour votre travail. J’aimerais savoir l’étendue des réparations à entreprendre et combien ça me coûterait. Et aussi si l’Iceberg est sauvable, je l’aime beaucoup, mais je sais qu’il a connu des jours meilleurs. Elle souffla, dépitée de savoir que le navire de ligne qui lui avait fait vivre tant d’aventures était peut-être dans ses derniers moments. C’est mon premier navire, celui avec qui j’ai traversé la route de tous les périls jusqu’à Amazon Lily et Shabondy avant de revenir ici. Il a une valeur sentimentale. Vous voulez bien le voir ?

— C’est d’accord. Parce que vous m’avez ramené cette tête en l’air saine et sauve. Benjamin lui tendit une main pour lui serrer, néanmoins, la discussion fut interrompue par la blonde qui se trouvait à quelques pas derrière.

— Qui est-ce que tu traites de tête en l’air ? Elle foudroya le dos de son aimé du regard. Vous voyez comme il me traite ? Je lui apporte une cliente, du travail, de quoi gagner sa croûte et aucun remerciement. Aucune reconnaissance !

Faisant la sourde oreille et comme si Martha n’était pas là, le charpentier continua la conversation comme si de rien n’était.

— Pour vous remercier, je vais faire un bilan complet de votre navire et des réparations qui lui seront obligatoires pour être comme neuf. Il se gratta l’arrière du crâne pendant un instant avant de reprendre. Toutefois, je ne peux pas vous assurer qu’il soit sauvable s’il est en trop mauvais état, je préfère vous prévenir.

— Je comprends. Elle invita Benjamin et sa compagne à la suivre. Vous préférez redescendre avec le système de tyrolienne ou en marchant ? La vue est magnifique depuis les hauteurs et nous pouvons voir l’océan à des kilomètres à la ronde. Mais les cordages permettent d’aller très rapidement presque partout sur l’île. Ça a été bien pensé. Elle se retourna vers les deux amoureux. Vous préférez une option en particulier ?
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Quand la chasseuse de prime lui proposa d’utiliser le système de tyroliennes pour descendre, il ne put s’empêcher de sourire avant de décliner l’invitation. Pourquoi s’encombrer de tout cet équipement alors qu’il irait plus vite ? Et la sensation de chute libre était plus importante avec ses propres moyens. Depuis ce tournoi d’Air Ball à Hinu Town, il ne troquerait pour rien au monde ses patins.

— Laissez, je vous attendrai au port. Il lui répondit de manière un peu hautaine.

Il se laissa tomber dans le vide. Quelques instants plus tard, il avait disparu dans les nuages qu’ils surplombaient à cette hauteur. La combinaison de Green Pop, notamment en manipulation les lianes, ainsi que des racines, offrait presque une sensation de vol. Il pouvait accélérer à chaque impulsion, planer entre deux, un véritable bonheur en somme. Tout autour de lui, il observait ce qu’il avait ignoré jusqu’ici, le système de déplacement des Pythons Rocheux. Des tyroliennes partout. Cela rajouta de la complexité à son déplacement, puisqu’il devait maintenant éviter tous ces obstacles. Rien de plus amusant pour le charpentier qui enchaîna diverses acrobaties aériennes sous les regards, parfois médusés, des touristes et des locaux qu’il frôlait.

Robina avait voulu retenir le charpentier alors qu’il se lançait dans le vide, mais elle ne l’avait pas entendu. Le chapeau de ce dernier s’envola légèrement, mais la main de Benjamin le retint sur sa tête. Se penchant au bord pour voir au-delà du sommet du pic rocheux, la cuisinière put voir l’homme se balader entre les tyroliennes et s’amuser comme un enfant. Elle fit non de la tête en se retournant vers la compagne de ce dernier.

— Je pensais qu’il allait s’écraser en bas de la falaise plus bas. Elle souffla longuement après cette frayeur. Il m’aura fait une de ses peurs.

— Oui, il fait ça de temps en temps. La blonde passa sa main dans ses cheveux, les recoiffant légèrement après être montés jusqu’ici. Vous ne savez pas à quel point cela m’agace. Il pourrait faire comme tout le monde, venir avec nous. Avec moi ! Sa compagne ! Mais non, monsieur préfère vivre une grande aventure. Me laissant derrière la plupart du temps.

— Ce sont les hommes. Elle se rapprocha de Martha. Vous savez, un jour, il comprendra peut-être que vous voudriez le suivre aussi pour vivre aussi les vôtres. La cuisinière avança un peu plus, se rapprochant du guichet pour reprendre les transports des Pythons Rocheux. Et puis, vous aussi, vous vivez des choses qu’il ne connaîtra pas. Après tout, il ne nous suit pas sur les tyroliennes.

— Vous avez raison. L’ancienne serveuse s’approcha du petit comptoir et accrocha les attaches de sécurité pour redescendre au Port. Ne nous faisons pas attendre plus longtemps, il est parti sans vous demander quel était votre navire cet empoté.

— Je suis juste derrière vous. Elle fit un geste de la tête à celle qui se trouvait devant elle pour montrer qu’elle la suivait de près.

Quelques secondes plus tard, les deux femmes se lançaient pour faire le chemin inverse qui les avait amenées là. Elles avaient pu observer Benjamin pendant un temps, s’amusant sur les cordages des tyroliennes, faisant peur aux passants, volant avec les plantes qui poussaient instantanément. La chasseresse de primes se demanda comment il pouvait bien faire ça. Mais la question serait pour une prochaine fois. Elle venait pour parler des affaires avec lui et non pas de ses acrobaties. Atterrissant quelques minutes plus tard sur les lames de bois qui composaient le Port, la compagne de charpentier et la capitaine des Glaciers se dirigèrent vers les quais.
Le charpentier les attendait là de voir le galion de la jeune femme aux longs cheveux bleus. Cette dernière se tourna vers lui pour lui répondre en souriant.

— Merci de votre aide. Elle se tourna alors vers l’un des quais les plus larges, un emplacement proche de l’entrée de la ville et des magasins pour un approvisionnement facile et rapide. Le voilà, l’Iceberg.

Déjà l’homme se mettait au travail. Il était en train d’examiner le navire de ligne de Robina sous toutes les coutures. Se penchant pour regarder sous la ligne de flottaison, vérifier la coque et les dégâts dessus. Les Glaciers se rapprochaient, curieux et pour certains méfiants de l’homme qui s’intéressait un peu trop à leur moyen de transport. Toutefois, la cuisinière mit fin à tout ce manège.

— Il est là pour voir les réparations à faire sur l’Iceberg. Elle plongea son regard dans celui du quartier-maître Lanch. Que tout le monde se remette au travail ! Laissez-le faire le sien !

— Vous avez entendu la capitaine ? Alors vous allez me faire briller ce pont bande de moules ! Et celui que j’entends jacasser ou gêner ce cher monsieur sera de corvée de latrines pour les trois prochaines semaines ! L’ancien sergent givrelame se retourna en hurlant ses ordres. Est-ce que je me suis bien fait comprendre ?

Toujours ce langage imagé, un peu trop au goût de la Sanderrienne. Elle grimaça en l’entendant, mais elle ne pouvait pas empêcher cet homme de le faire. Déjà parce qu’elle n’en avait pas envie, ensuite parce que cela faisait rire tout le monde. L’ancien militaire avait pris la façon de parler des vieux marins et tout l’équipage en faisait ses gorges chaudes.

— Eh bien, vos hommes vous obéissent au doigt et à l’œil. Martha regarda la chasseresse de primes avec un mélange d’amusement et de respect.

— Oui. Même si je ne suis pas spécialement stricte. J’aime juste que tout se passe comme je l’ai prévu. Elle se tourna vers la blonde alors qu’elle avait encore le regard levé par le pont supérieur jusque là. Tout le monde est bien traité ici et je m’entends bien avec mes hommes. Nos voyages sont mouvementés, la plupart du temps, mais au moins on ne s’ennuie pas.

— Mouvementés ? Le sourcil de Martha se souleva à ce mot. Vous parlez du temps sur la route de tous les périls ?

— Oui et non. La commandante de l’Iceberg sourit à cette idée. Nous avons rencontré notre lot de pirates aussi, de chasse aux monstres marins, des dinosaures aussi. Nous avons eu nos surprises.

— Et vous n’avez pas eu peur ? Curieuse, la compagne de Benjamin continuait de poser ses questions. Je veux dire, vous n’êtes pas spécialement taillée pour le combat contre des pirates, ou des dinosaures.

La jeune femme aux longs cheveux bleus se mit à rire doucement.

— C’est vrai que je ne paie pas de mine. Mais j’ai déjà fait mes preuves, ne vous inquiétez pas pour moi. Elle regarda à gauche et à droite, ne voyant pas le charpentier, elle se tourna vers la blonde. Nous devrions monter sur le pont supérieur, je ne vois plus votre compagnon.

Joignant le geste à la parole, elle monta sur la rampe d’accès, suivie par l’ancienne serveuse. Le pont du galion craqua en réceptionnant les deux jeunes femmes qui s’avancèrent dessus. Les manœuvres s’activaient pour s’occuper, elles n’avaient pas peur de se voir ne rien faire, cela arrivait quand on était à quai. Mais le chien de garde qu’était Lanch veillait au grain. La corvée de latrine pourrait bien tomber sur quelqu’un qui se voyait tirer au flanc.

— Et vous commandez tout ce beau monde ? La blonde regardait à droite et à gauche, ainsi que dans le ciel. Les gréeurs s’activaient à bien vérifier chacun des cordages qui retenaient les voiles.

— Exact. Nous revenons de Shabondy où nous avons dû faire un détour pour revenir ici en suivant la Translinéenne. Un sacré voyage, une tempête nous est tombée dessus, figurez-vous. Mais je vous embête avec toutes mes histoires. Allons voir votre mari pour savoir si mon navire est encore sauvable.

Le charpentier se trouvait au niveau du gaillard avant. Proche des cabestans. Robina s’approcha discrètement, elle espérait avoir de bonnes nouvelles.

— Alors, selon vous, il est réparable ? Sa voix se fit toute fluette, elle espérait tellement que le navire puisse encore continuer de voguer.
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— Naturellement.

Mais tout dépendait des charpentiers à son bord. Il était nécessaire de tailler certaines pièces avec une grande précision pour les remplacer. À en juger par les rafistolages déjà effectués, on pouvait dire qu’ils se débrouillaient bien, mais pas suffisamment encore pour un tel chantier. Enfin, le chantier en lui-même n’était pas insurmontable, mais la finesse de ce dernier demandait bien trop de compétences. Benjamin dressa le bilan à Robina. Point par point, de compartiment en compartiment. La demoiselle semblait suivre la discussion et le charpentier ne s’arrêta donc pas.

— Et que me conseillez-vous ?

— Mh… Sincèrement, vous devriez faire appel à mes services. Il existe des tas de bons charpentiers, mais vous en avez un juste sous vos yeux. Par ailleurs, je pourrais façonner certaines parties directement dans mon comptoir. Honnêtement, la simple expertise me suffisait amplement. J’ai trop de boulot. Mais j’aime bien votre navire, j’ai un bon sentiment à son égard et je veux l’aider.

En regardant de plus près, le charpentier avait la désagréable sensation d’avoir été pris au piège, que cette Robina Erwolf avait toujours désiré que les choses se déroulassent ainsi. Les ricanements de Martha le confortèrent dans cette idée. Il pensait toujours que sa passion le tuerait un jour. Il abandonna l’idée de vouloir contrer ces bonnes femmes et accepta son échec.

— Bien. Je dois d’abord effectuer quelques mesures à inscrire dans le calepin. Il tapota ce dernier avec un stylo. Avec celles-ci, je pourrais commencer des maquettes et passer aux choses sérieuses. Autre chose, mademoiselle Erwolf ?

Robina venait d’entendre le diagnostic du charpentier. L’Iceberg pouvait être sauvé, après cela, un poids s’enleva de ses épaules. C’était une si bonne nouvelle ! Elle écoutait attentivement ce que lui disait le charpentier face à elle. Son bureau se trouvait à quelques mètres d’ici. Il était Pythonnien ? Pas de ce qu’elle avait compris dans leur conversation ni dans sa façon de parler. Un commerçant peut-être ? Après tout, s’il était dans la même situation qu’elle, il devait avoir plusieurs bureaux sur plusieurs îles. Cela ne la surprendrait pas.

— Je vais vous suivre alors, que je sache l’étendue des travaux à faire. Souriant jusqu’aux oreilles, la cuisinière n’allait pas gêner plus longtemps. Prenez toutes les mesures dont vous avez besoin, je vous attendrais au niveau de la rampe d’accès.

Martha échangea quelques paroles avec son amant et revint vers la Sanderrienne. L’ancienne serveuse s’assit sur la balustrade, tournant le dos aux quais. Elle regardait son homme du coin de l’œil en train de travailler.

— Vous n’avez pas encore dit ce que vous aviez sur le cœur. La chasseresse de primes taquina la Blissoise d’une pique. Je croyais que vous deviez tout lui dire.

— Oui, mais avec votre histoire de navire, il s’est enfui tout de suite. La blonde s’arrêta, gênée en voyant un mousse passé à côté d’elles. Je n’allais tout de même pas lui faire une scène en haut de ce piton.

— Vous préféreriez la faire ici ? La jeune femme aux longs cheveux bleus montra le pont supérieur de son galion. Elle était amusée, ici des dizaines de personnes allaient être témoins de la discussion.

— Non plus. La moitié de Benjamin souffla, agacée de tout cela. Vous sauriez comment faire ?

— Prenez un moment pour discuter avec lui. Robina posa ses coudes sur ses genoux, détendus. Vous savez, j’ai une solution sinon.

— Laquelle ? La blonde leva un sourcil, elle était curieuse. Même si légèrement méfiante.

— Comme je vous l’ai dit, à vous, comme à Benjamin, je cherche un charpentier qualifié. Elle désigna l’homme qui prenait des mesures avec son mètre ruban. Vous pourriez le suivre pendant qu’il travaille sur l’Iceberg, vous rapprocher, et lui dire ce que vous pensez.

— Il n’acceptera jamais que je le suive. Triste, la voix de l’ancienne serveuse se cassa légèrement. Je le gênerais.

— Et si… L’idée traversa l’esprit de la cuisinière en discutant. Et si, moi, je vous demandais de venir ?

— Il va vous demander pourquoi. Sa voix s’était faite moins énergique. C’est qu’il est bête, mais pas complètement stupide mon homme. Un sourire de dépit sur le visage, elle ne s’attendait pas à une véritable réponse.

— Vous pourriez devenir ma secrétaire. La Sanderrienne se leva du tonneau où elle se trouvait pour continuer de développer son idée. J’ai plusieurs entreprises que j’ai ouvertes durant ma traversée sur la route de tous les périls. Et maintenant que ça marche bien, il me faudrait quelqu’un pour gérer tout cela.

— Votre secrétaire ? La moitié de Benjamin partit dans une intense réflexion. Et vous me payeriez combien dans ce cas-là ?

— Pour ce poste, avec toutes les entreprises que vous devriez gérer, je pense que trois cent mille berries semblent être un bon début. Elle continua de réfléchir, se perdant dans ses réflexions.

— Trois cent mille, seulement ? L’ancienne serveuse fit la moue. J’espérais un peu plus.

— Je penserais à vous augmenter dans l’année, si les affaires marchent bien et si vous faites du bon travail. La chasseresse de primes passa ses cheveux derrière ses oreilles. Je pense possiblement doubler votre salaire si mes affaires marchent bien et que vous êtes compétentes. Qu’est-ce que vous en dites ?

— Je ne sais pas, il faut que je réfléchisse.

— Je vous laisse réfléchir alors. Elle releva les yeux en voyant que le charpentier arrivait vers eux. Je crois que votre moitié a fini ses mesures.

Benjamin revenait, son carnet était rempli de chiffres, de numéros et de croquis. Après quelques minutes à discuter, le groupe prit la décision d’aller à son bureau. Un établissement creusé directement dans la pierre, une petite activité avec plusieurs dizaines de personnes qui travaillaient pour construire les plus beaux navires. L’artisan les mena dans son bureau, là il présenta un siège aux deux jeunes femmes qui l’accompagnaient pour s’asseoir.
Ne voulant pas attendre plus longtemps, Robina lança la conversation.

— Alors, d’après vous, combien cela me coûterait-il ?
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— Voici le devis des travaux. Comme vous avez sauvé Martha d’un danger qui serait de toute manière arrivé, j’ai retiré 50 millions de berries.

— T’es en train de dire que je ne vaux que 50 putains de berries ? Lui répondit férocement la jolie blonde.

— Hem… Ta valeur est inestimable, ma chère. Je dis simplement que je fais un petit geste commercial pour l’aide fournie, rétorqua tant bien que mal le charpentier.

La demoiselle acquiesça sans être trop convaincue. Cette femme le tuera un jour, il le savait. Ce ne serait ni une maladie ni un vil pirate, mais bien ce joli minois qui paraissait inoffensif au premier abord. De l’autre côté, Robina semblait réfléchir à la proposition faite. Elle analysait clairement le document fourni. Ce qui laissait le temps à l’ancienne serveuse d’aborder un second point. Elle était maligne et Benjamin comprenait que sa première intervention ne servait en réalité qu’à entamer celle qui allait arriver. Elle se racla la gorge et commença :

— Je ne retournerai pas sur Bliss. Elle avait annoncé cette nouvelle sur le ton de la conversation.

Premier coup de fouet.

— Pardon ? Surpris, l’homme ne savait pas quoi répondre d’autre.

— Je partirai avec Les Glaciers, l’équipage de miss Erwolf. La blonde croisa les bras, montrant qu’elle avait pris sa décision.

— Connais-tu son activité ? Il leva un sourcil vers le ciel.

— À ton avis, gros bêta ? Elle le regarda comme s’il était stupide. Elle traque des criminels primés.

— Des personnes allant de dangereuses à extrêmement dangereuses, Mart ». Il pointa son doigt vers sa moitié. Et je te rappelle que certains d’entre eux peuvent être des clients.

— Tu penses à qui ? Un empereur ? Miss Erwolf s’en occupera. Elle souriait, contente d’elle.

— Miss Erwolf n’a pas les moyens de rivaliser contre de grosses pointures.

Attentive à la conversation, la cliente en question intervint.

— N’oubliez pas que je suis une sous-traitante du Gouvernement Mondial et que j’aurais leur soutien.

Le charpentier était peu convaincu par cela et comptait bien l’affirmer, mais son amie le coupa.

— Ma décision est prise, Ben. Je partirai que tu l’acceptes ou non. Son ton était sans appel. Tu ne pourras pas éternellement m’enfermer dans notre demeure. Elle se tourna alors vers la cuisinière. Et la mienne est également prise. J’accepte votre offre.

Les yeux larmoyants, le blondinet ne comprenait pas pourquoi la raison qui poussait celle qu’il aimait à se jeter dans une aventure aussi dangereuse. Elle lui avait permis de vivre son rêve, alors il n’osera jamais lui empêcher de vivre le sien. Impuissant, il décida de se renfermer dans ce qu’il savait faire de mieux : la rénovation de navire. Il transmit le devis à Tajar, qui valida et ordonna déjà à certains ouvriers de commencer les préparatifs. Benjamin les accompagna sans regarder Martha.

— La rénovation durera une quinzaine de jours. Souffla, le jeune homme avant de quitter les locaux.

Avant d’atteindre le seuil de la porte, Eärendil l’aperçut en train de se frotter les yeux.

- Rah ! Foutue poussière ! Il disparut ensuite.

La Sanderrienne se leva de son fauteuil pour se rapprocher de la blonde. Elle plia la feuille du devis et la glissa dans une poche de son pantalon.

— Vous savez, je suis très heureuse que vous vouliez venir avec moi. Elle posa sa main sur l’épaule de l’ancienne serveuse. Mais je ne voudrais pas que vous preniez votre décision pour de mauvaises raisons.

— Je ne le fais pas pour de mauvaises raisons. La blonde tourna la tête vers la capitaine des Glaciers alors qu’elle fixait encore la porte. J’ai envie de vivre ma vie aussi. Et votre offre m’intéressait, je n’ai fait que la prendre au vol.

— Je comprends. La chasseresse de primes se tourna vers la sortie. Nous devrions sortir pour le moment, j’aimerais discuter de certains détails avec Benjamin. Je vous rejoindrai plus tard à l’Iceberg. Dites à Lanch que vous venez de ma part pour être ma secrétaire. Il vous fera préparer des appartements.

— Je ne peux pas vous attendre ? Martha s’arrêta au pas de la porte, juste derrière sa nouvelle patronne.

— Si, si vous voulez. Je ne sais juste pas combien de temps cela prendra. Elle fit un sourire contrit tout en replaçant une mèche de cheveux derrière son oreille.

— Aucun souci, je me doute que vous vouliez possiblement avoir plus de détails sur les réparations que vous allez payer. La blonde se mit à sourire. Je dois tenir vos comptes à présent, je dois me tenir au courant. Je vais m’installer là en attendant.

Elle pointa un banc du doigt et s’installa dessus, laissant la commandante de l’Iceberg seule dans ses recherches du charpentier. Se retrouvant ainsi, la jeune femme aux longs cheveux bleus se présenta au comptoir. Elle appuya sur la sonnette vissée sur le bois quand un homme sortit de derrière une paroi en glissant sur une chaise.

— Bonjour, mademoiselle. Il se leva de sa chaise pour la saluer convenablement. Que puis-je faire pour vous ?

— Bonjour, je suis Robina Erwolf. Elle posa sa main sur son torse. Je viens de voir avec un de vos hommes, pour faire réparer mon navire. J’aurais aimé lui parler un petit peu si c’était possible.

— Ah oui ! Il pointa la porte de sortie. Il est déjà parti à votre navire. Un gros chantier à ce qu’il nous a expliqué et vu le devis, il y a du pain sur la planche. Il est avec des ouvriers. Vous devriez pouvoir les rattraper en vous dépêchant un peu.

— Parfait, je vous remercie.

Elle frappa le comptoir du plat de la main avant de se retourner. Elle avançait à grandes enjambées vers sa nouvelle secrétaire. Elle lui attrapa le bras par le poignet et la tira vers elle pour avancer.

— Il est déjà parti sur le chantier d’après la personne au comptoir. Robina parlait vite. Nous pouvons encore le rattraper en nous pressant.

L’ancienne serveuse retira sa main de la poigne de la cuisinière en tirant légèrement. Elle se frotta le bras légèrement et regarda durement sa nouvelle employeuse.

— Moi je ne veux pas le voir ! Je vais aller faire un tour en ville et je reviendrai plus tard !

— Je comprends. Elle souffla. Je vous reverrai sur l’Iceberg alors. Bonne après-midi à vous.

— À vous aussi… capitaine ?

— Oui, capitaine c’est comme ça que tout le monde m’appelle. Bien venu à bord, Martha !

— Merci ! Elle fronça les sourcils. Capitaine Erwolf ! Elle claqua des talons dans un salut militaire approximatif.

Les deux femmes se mirent à rire avant de se séparer. Elles s’appréciaient toutes les deux. Elles avaient un caractère marqué, des femmes fortes et elles savaient ce qu’elles voulaient. Elles avaient sympathisé presque instantanément. Il était temps de le faire comprendre au compagnon de la blonde. Et c’était ce que s’apprêtait à faire la Sanderrienne.
Voyant le blond au loin, elle se mit à courir en levant la main en l’air. Elle se mit alors à crier pour attirer son attention. Le patron de l’entreprise de charpenterie s’arrêta pour voir ce qui se passait derrière lui. Sa cliente lui courrait après, il se stoppa en la reconnaissant.

— Oui ? Je peux faire quelque chose pour vous ? Il ne comprenait pas. Il venait de la quitter, il n’y avait même pas cinq minutes.

— Non. Elle était un peu essoufflée et prit un moment avant de reprendre la parole. Mais moi je peux faire quelque chose pour vous.

— Comment ça ? Perdu, le Blissois leva un sourcil.

— Pour votre femme. Elle vit la réaction de l’homme de métier. Je sais, ça ne va pas forcément entre vous en ce moment. Mais il faut que vous la compreniez. Elle a toujours été indépendante. Seule. Maintenant que vous vivez bien votre vie, vous pourriez passer un peu plus de temps avec elle. Prendre des vacances. Mais vous êtes toujours à travailler. Elle est frustrée ! Elle aussi voudrait pouvoir vivre par elle-même, gagner sa vie, ne pas être un poids pour vous. Elle mit les mains en avant pour calmer les ardeurs du blondin. Car c’est comme ça qu’elle le ressent. Imaginez-vous, à ne rien faire à la maison et votre compagne vous ramène de l’argent et de la nourriture tous les jours. Est-ce que vous aussi vous n’auriez pas envie de participer ? C’est comme ça que votre femme le prend. Elle se sent inutile et délaissée en plus de tout ça. C’est pour ça que je lui ai proposé de travailler pour moi. Un petit poste où elle gérera les finances de mes différentes affaires à travers le monde. Rien de dangereux. Je vous propose de la suivre si vous voulez. Vous pourriez ainsi faire la maintenance de mon navire. Vous assurez que votre femme est en sécurité. Et moi je suis aussi gagnante, une comptable et secrétaire, ainsi qu’un maître charpentier. Qu’est-ce que vous en pensez ?
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- Miss Erwolf, je vous remercie de l’intérêt que vous portez à la relation entre Mart’ et moi, mais je crains que cette histoire ne regarde qu’elle et moi. Et même si vous avez certainement raison, je reste convaincu que cela ne regarde qu’elle et moi. Il croisa les bras devant lui. Martha n’est pas ma chose ni ma prisonnière. Si elle veut partir, elle le peut.

Les derniers mots prononcés provoquèrent une douleur abdominale absolument atroce chez le charpentier qui dut se tenir au bastingage. Il fit signe que tout allait bien pour éviter de répondre à la question qui allait forcément venir. Il réfléchit quelques instants. Entre ses différentes activités, Benjamin devait se déplacer régulièrement. L’éventualité de voyager à bord du navire d’une représentante du gouvernement, en plus de garder un œil sur son amie, n’était pas une idée stupide. Bien sûr, le charpentier ne serait pas toujours à bord du navire, mais cela sera suffisant.

- Cependant, j’accepte votre proposition de devenir le maître charpentier de votre navire. À une seule condition : je dois absolument être libre de mes mouvements afin d’assurer tous mes engagements.

Si Robina Erwolf était une femme d’affaires, Benjamin l’était au moins tout autant et elle allait naturellement comprendre sa demande.Ses clients douteux ne seraient pas forcément contents. S’il doutait du fait que le gouvernement viendrait en aide à la demoiselle, il comptait sur son ambition pour gagner en puissance, en réputation et ainsi accédée à de tels privilèges.

- Je ne pensais pas à ce que ça en soit autrement. Elle montra l’ensemble de son navire. Ici, chacun est libre de ses mouvements. Ça en sera de même pour vous.

- Nous avons donc un accord. Il serra la main de la cuisinière dans la foulée.

Les travaux pour réparer l’Iceberg commençaient, deux semaines pour qu’il soit comme neuf. La Sanderrienne avait hâte de le voir.
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