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Braver la tempête

Treizième jour.

Si on me donnait un berry pour chaque vol que j’ai effectué d’une île à une autre, immobilisé dans un cercueil d’air comprimé créé par les pouvoirs démoniaques de Sloth, j’aurais deux berries… Ce qui n’est pas beaucoup, mais c’est tout de même curieux que ça se soit produit deux fois. Toujours est-il que je sais mieux que de lutter en vain pour me libérer, et je me laisse simplement porter jusqu’à ma destination alors que le soleil commence à se coucher. Combien de temps vais-je rester dans les airs ? Aucune idée… Mais Anaha Douri ne m’enseignera que pour un mois, alors j’espère que le temps passé à voler dans les airs jusqu’à notre prochain lieu d'entraînement ne compte pas !

Je profite du trajet pour commencer à émettre des hypothèses quant à la nature de l’endroit où je vais atterrir, n’ayant pas grand chose d’autre à faire que de me triturer les méninges. Maintenant que je suis capable d’utiliser les Hakis de l’Armement et de l’Observation avec une grande compétence… Peut-être qu’il est temps de les mettre en application ? Après avoir surmonté la brume acide d’Ombralia… Que peut-elle bien me demander ? De plonger dans la lave d’une île volcanique ? De survivre sur une île peuplée d’animaux sauvages, ou de pirates extrêmement dangereux ? A moins que nous retournions sur Turpitude, pour que Sloth me combatte ? Au vu de la première épreuve qu’elle m’a donnée et de la diversité sans limites des îles qui parsèment notre monde connu et inconnu… Je n’ai que très peu de chances de trouver !

Mes inquiétudes quant au temps passé en vol ne sont finalement pas fondées, alors que je sens mon altitude décroitre. Je suis déjà arrivé ? Cela ne fait pourtant que quelques heures que je me trouve dans les airs… Et il m’est à nouveau impossible de me repérer. Mais là où a Ombralia, c’était à cause de l’omniprésence du smog acide que je n’y voyais rien, ici c’est à cause de la nuit noire dans laquelle je suis plongé.

BRAOUM.

Un éclair violet traverse le ciel, passant juste à côté de moi et frappant le sol avec une puissance démentielle, illuminant les environs. Dans le flash de lumière qu’il crée, je peux un bref instant apercevoir une île rocailleuse et aride, sur laquelle se trouvent plusieurs cités. Bon, c’est déjà ça… Même si la foudre vient de manquer de me carboniser en plein vol, l’île semble déjà bien plus accueillante qu’Ombralia. Mais je reste néanmoins prudent… Car Grandline sait abriter des îles aux environnements plus tordus les uns que les autres… J’en ai immédiatement la preuve quand une série de multiples éclairs zèbre le ciel nocturne, le quadrillant comme un véritable filet d’électricité. A moins que ça ne soit qu’un coup de malchance, et que j’arrive sur l’île pile au moment où elle est frappée d’un violent orage… Mais j’en doute. Mon intuition me pousse à penser que ce n’est pas le fruit du hasard… Les yeux rivés sur les arcs électriques qui dansent au-dessus de ma tête, je ne me rends même pas compte que mon atterrissage est imminent… Finalement, la bulle d’air dans laquelle je me trouve s’écrase au sol et éclate, me déposant avec fracas sur le sol de l’île. Sloth arrive quelques secondes plus tard, alors que j’ai toujours le regard tourné vers le ciel.

Quel spectacle, n’est-ce pas ?
Où sommes-nous ? Sans détourner le regard de l’orage, je rentre directement dans le vif du sujet. Je veux comprendre où je suis, et ce qu’elle attend de moi pour me mettre rapidement au travail. J’ai mis treize jours pour compléter la première étape de mon entraînement à Ombralia… Et j’ai le sentiment que j’aurais pu être plus efficace, si j’en avais saisi les subtilités plus tôt. Au vu de mes améliorations fulgurantes, qui sait quels progrès je pourrais faire avec quelques jours de plus ?
Pas si loin d’Ombralia que ça, nous sommes toujours dans le Nouveau Monde. Bienvenue à Raijin Island.

Raijin Island ? Le nom me parle bien plus qu’Ombralia. Il s’agit d’une île qui exporte une quantité massive d’énergie vers les îles du Cercle d’Or, notamment… Et au vu de la multitude d’éclairs que j’ai vu s’abattre sur le sol alors que je ne suis là que depuis deux minutes… Je comprends pourquoi. Je sais également que le Gouvernement Mondial a déjà bien essayé d’annexer l’île pour mettre la main sur ces ressources… En vain. Depuis, la Marine entretient des relations commerciales distantes avec l’île… Mais au moins, les habitants ne devraient pas forcément autant me haïr qu’à Ombralia…

BRAOUM.

La foudre frappe à nouveau, juste à côté de nous, faisant trembler le sol. De l’électricité statique crépite et semble absorbée par la terre et les végétaux, juste à l’endroit de l’impact. Fascinant.

Et qu’est-ce que vous allez me demander de faire, ici ?

Le sourire sadique de Sloth, que je commence à identifier, se dessine sur son visage.

Braver la tempête, pardi !

J’esquisse également un sourire. J’aurais dû m'en douter…


Dernière édition par Alex Raines le Mer 6 Mar 2024 - 16:42, édité 6 fois
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Braver la tempête… Qu’est-ce que vous voulez dire par ça ?

Je pose la question, mais au vu de ce qu’elle m’a demandé de faire à Ombralia, vis-à-vis de la brume acide, j’ai peur de la réponse…

Qu’avez-vous travaillé, à Ombralia ? Au lieu de rentrer directement dans le vif du sujet, Sloth me pose une question en retour, avec sans doute la volonté de passer en revue les enseignements de la première étape de mon entraînement.
Mon Haki de l’Observation, et mon Haki de l’Armement… J’ai appris à étendre le premier à longue portée, et le deuxième à l’ensemble de mon corps… Même en situation de combat.
Très bien. Vous utilisiez le Haki comme une barre de métal pour frapper vos ennemis. A Ombralia, vous avez appris à le forger pour en faire une lame, à lui donner une forme qui puisse être utilisée. Mais si votre arme ne peut trancher, et casse au premier choc, alors elle ne présente que peu d’intérêt. Elle marque une courte pause, puis conclut. Ici, vous allez renforcer et affûter votre Haki.

C’est logique, et j’acquiesce en silence. Elle continue.

Vous comprendrez très vite que nous sommes passés à la vitesse supérieure, par rapport à Ombralia… Utilisez votre Empathie, et vous verrez.

Je m’exécute, et fait pulser mon aura sur la plus longue portée possible. La différence avec l’île rongée par l’acide est immédiate. Sur Ombralia, je n’ai eu aucun mal à détecter Drake, Nathalia ou Sloth, à condition d’être à leur portée. Même les poissons volants se détachaient sans problème du lot d’humains et d’animaux normaux, dont les forces étaient suffisamment anecdotiques pour que je puisse les filtrer. Là… Ce n’est plus la même histoire. Si les auras dont la magnitude se démarque suffisamment des autres sont assimilables à des lueurs qui brillent plus fortement que d’autres, comme quelques étoiles qui parsèment le ciel nocturne… J’ai ici l’impression d’assister au bouquet final d’un feu d’artifice. Il y a une multitude d’auras en mouvement sur l’île, et dont une partie non négligeable sont du même ordre de grandeur que la mienne… Même celles de certains animaux. Je ravale ma fierté. Voilà… C’est ça, le Nouveau Monde. Alors que je maintiens déployé mon Haki de l’Observation, je me rends également compte que ma détection est régulièrement perturbé par les éclairs qui s’abattent autour de moi… Comme si la décharge violente d’énergie qu’ils provoquent disrupte mes facultés.

Vous les sentez, n’est-ce pas ? Je ne réponds pas, étant toujours en train d’assimiler toutes les informations que je reçois. Ombralia était dangereuse pour la présence de son smog acide… Et Raijin Island est tout simplement dangereuse, tout court. Je déglutis lentement.

Et donc… Braver la tempête ?

Sloth sourit.

Djambuwal, ça vous dit quelque chose ?

Je lui fais signe de la tête que non.

Négatif. Jamais entendu parler.
Et si je vous parle d’Aqua Laguna ?
C’est le célèbre raz-de-marée qui a lieu une fois par an aux alentours de Water Seven, non ?
Exact ! Djambuwal c’est pareil… Mais en plus “électrisant”...

BRAOUM.

Un éclair violet d’une puissance inouie frappe le sol et le fait trembler juste à côté de nous, et je serre les dents lorsque le bruit assourdissant atteint mes oreilles. Quelle que soit son entraînement sur cette île, j’espère qu’il ne va pas durer trop longtemps, sinon je vais finir dur de la feuille… Sloth pointe la zone d’impact de l’index et l’indique de la tête.

Pour vous faire une idée, Djambuwal est à cet éclair ce que l’Aqua Laguna est à une vaguelette qui s’écrase sur la plage. Je déglutis lentement. Elle continue. Il s’agit de la plus puissante des tempêtes, durant laquelle la foudre frappe l'île plusieurs centaines de fois chaque minute et qui se produit tous les cinq ans. Elle est tellement dévastatrice que les protections et paratonnerres qu'ont développés les habitants de l’île pour y vivre malgré les tempêtes permanentes ne sont pas suffisantes, et ils doivent se réfugier dans des souterrains pour ne pas mourir…

J’écoute ses explications avec attention. Je ne suis pas étonné qu’elle soit aussi cultivée sur autant de détails morbides de ces îles, entre son pouvoir qui lui permet de s’y déplacer à sa guise et en un rien de temps, et sa recherche permanente de dangers et d’adversaires capables de la tuer… Elle reprend.

La prochaine aura lieu dans trois jours. Et vous, ce que vous allez faire pour valider la prochaine étape de votre entrainement… Elle marque une courte pause, puis me fixe droit dans les yeux. ... C’est jouer à la Roulette Electrique !
Qu’est-ce que c’est que ça ? Je suis intrigué… Et j’ai un mauvais pressentiment. D’autant plus qu’elle sourit à pleines dents.
Je vous l’ai dit, vous allez renforcer votre Haki… Et braver la tempête.

Mes yeux s’écarquillent alors que j’ai peur de comprendre.

Attendez… Vous ne voulez quand même pas que je…
Si ! Vous allez encaisser la foudre avec votre Haki ! Vous voulez devenir Amiral, n’est-ce pas ? Alors après avoir survécu au pouvoir de Green Wolf sur Ombralia, il paraît logique de faire de même avec celui de White Bird ici, non ?

Je déglutis à nouveau. J’apprécie l’attention… Et remercie le ciel que l’Amiral Akainu ne soit plus en poste… Sinon, m’aurait-elle fait sauter dans un volcan ?

BRAOUM.

Alors qu’un nouvel éclair tonitruant s’abat encore à côté de nous, je me dis que finalement, je ne suis pas sûr d’avoir gagné au change…

Je repasserai vous chercher au matin du quatrième jour… Vous n’avez qu’à mettre ce temps à profit pour entraîner votre Haki de l’Armement à déjà vous protéger des éclairs normaux ! Essayez peut-être de vous frotter à la faune locale, comme vous l'avez senti, elle vous donnera du fil à retordre ! Bonne chance !

Et sur ces mots elle disparaît, me laissant seul au milieu de la plaine rocailleuse, plongé dans le noir total d’une nuit sans lune périodiquement éclairée par la foudre violette. Seul, et droit, sans aucune autre surface aux alentours, dans une configuration qui maximiserait particulièrement bien les effets de pointe…

Et merde.

BRAOUM !
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Après la tempête, le calme. Ou plutôt, après la foudre, le silence… Un silence temporaire, jusqu’au prochain coup de tonnerre, bien évidemment… Et qui ne durera du coup pas longtemps.

Et au milieu du champ de pierre lissé par les impacts répétés par la foudre, il y a mon corps fumant. Les bras croisés devant le visage, j’ai pu in extremis me mettre en garde et me protéger en combinant un renforcement intégral grâce à mon Haki de l’Armement et le Tekkai. C’était moins une… Et malgré ça, j’ai tout de même l’impression d’avoir encaissé un boulet de canon… Flammes comprises. La sensation et la douleur me rappellent la puissante attaque pyrotechnique de Cendre, que j’avais combattu à Aeden… Je peste intérieurement. Bordel. Ce n’était qu’un éclair normal. Et j’ai eu besoin de tout mon arsenal défensif pour y résister, non sans douleur… Alors qu’est-ce que ça sera, quand l’intensité des éclairs sera décuplée, lors du Djambuwal ? Je saisis rapidement l’urgence de la situation : je ne suis pas assez stupide pour croire que la foudre ne frappe pas deux fois au même endroit. Comme à Ombralia, il faut tout d’abord que je me mette à l’abri de cet environnement hostile. Malheureusement, à l’inverse de l’île rongée par l’acide, je n’ai aucune idée d’où me réfugier…

Je fais pulser mon Haki de l’Observation… Et détecte plusieurs zones où un grand nombre d’humains se trouvent… Probablement des villes. Mais j’en suis loin, et le temps de m’y rendre, je m’expose à être de nouveau la cible de la colère du ciel… Je peux essayer d’y aller à pleine vitesse, en maintenant mon Haki de l’Armement en permanence pour éviter de finir carbonisé… Mais le plus sûr, c’est de me diriger vers cette autre zone où se trouvent de nombreux animaux. Il semblerait que ce soit un point d’eau… Ou plutôt un très grand lac… Cela ne m’enchante pas plus. Les lacs sont d’immenses étendues planes, donc si je me trouve à proximité, je risque d’attirer la foudre encore plus facilement que dans la plaine… Je n’ai pas le choix, ça reste le choix le moins risqué. Les animaux qui vivent dans les alentours auront forcément des abris qui me laisseront au moins assez de répit pour souffler et réfléchir…

Je me mets rapidement en route, frappant le sol une dizaine de fois en une fraction de seconde pour utiliser mon Soru et gagner en vitesse et…

BRAOUM.

La foudre frappe le sol à l’endroit où je me trouvais, quelques secondes à peine après que je l’ai quitté. Je ne dois qu’à ma vitesse surhumaine de l’avoir esquivée. Il faut vraiment que je me hâte. Alors je décide d’enchaîner les Sorus. Et à chacun d’entre eux, la foudre frappe exactement là où je suis comme si elle me cherchait. Je commence à paniquer. Elle me suit ? Qu’est-ce que c’est que cette sorcellerie ? Serait-il possible que cette foudre soit contrôlée par quelqu’un ou quelque chose ? Je suis toujours la seule “pointe” à des centaines de mètres à la ronde… Mais le fait de me faire foudroyer aurait dû me décharger des charges électriques accumulées… À moins que… ? Je cesse d’utiliser le Soru et me déplace en course régulière… Et plus rien. Du moins, à part les éclairs qui tombent dans tous les cas régulièrement dans les alentours. J’en arrive assez rapidement à la conclusion que mon Soru est la cause de cette attraction électrique. Le frottement des mes pieds sur la roche qui a été polie comme du verre par les centaines de milliers d’impacts de foudre doit sans doute générer de l’électricité statique et ainsi me privilégier comme cible pour la décharge de celles qui s’accumulent dans le ciel… Très bien ! Pas de Soru, alors !

J’arrive finalement à ma destination : un immense lac d’où partent deux bras de rivière, et bordé par plusieurs bois. Bingo. Je ne réfléchis pas plus longtemps, et fonce me mettre à l’abri dans la forêt, où les arbres qui sont bien plus hauts que moi devraient me protéger. Lorsque je me met à couvert de l’un d’eux, près d’un des rares rochers encore en pierre brute et non pas transformé en une sorte de verre par la foudre que j’ai vu depuis que je suis arrivé sur l’île, je me demande tout de même comment de la végétation peut pousser dans un environnement aussi hostile…

BRAOUM.

J’ai la réponse à mon interrogation lorsqu’un nouvel éclair tombe, frappant la cime d’un des arbres qui se trouve juste à côté de moi. La foudre semble se diffuser à son sommet, éclairant les feuilles de ses branches d’une lueur violette crépitante. Forcément, c’est la même chose qu’à Ombralia : la nature et la vie s’adaptent toujours, même aux conditions les plus extrêmes… Et ici, la végétation semble avoir évolué pour absorber l’énergie électrique pour métaboliser les sucres qui lui sont vitaux, en lieu et place d’effectuer une photosynthèse irréalisable au vu des conditions climatiques et de l’absence de soleil. Toujours est-il que j’ai gagné un petit peu de répit… Et que je dois prévoir la marche à suivre.

D’après Sloth, il me reste trois jours avant que l’île ne soit frappée par le fameux cataclysme électrique, où les éclairs qui s’abattront seront bien plus puissants que celui qui m’a frappé tantôt. Sachant que ce dernier n’a déjà pas été sans douleur… J’ai trois jours pour apprendre à les encaisser aussi naturellement que de respirer. Et j’imagine qu’augmenter ma tolérance aux chocs électriques ne peut pas non plus faire de mal… Dans tous les cas, ce sera bien plus intense physiquement que mon entraînement à Ombralia. Il faut donc dans un premier temps que je me repose… Car je n’arriverai à rien au vu de mon état physique actuel. M’entraîner sans relâche est une chose, mais le médecin que je suis sait que le faire sans conscience des conséquences néfastes que cela causerait serait insensé.

BRAOUM !

Mais avec la foudre qui tonne sans cesse, même si je suis à l’abri, je ne sais pas si je serai capable de fermer l'œil de la nuit…
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Quatorzième jour.

Il faut cependant croire que lorsque la fatigue prend le dessus, on dort, même si les conditions ne sont pas idéales. Durant ma formation au B.A.N., j’ai eu l’habitude d’entendre les bruits des canons, et de sentir le roulis des vagues lorsque la mer est déchaînée ou pire encore les ronflements de mes camarades de dortoir durant mon sommeil… Et cela ne m’a jamais empêché de le trouver. C’est ainsi que j’ouvre les yeux lorsque je perçois les premières lueurs du jour au travers de mes paupières. Matinal, comme à mon habitude. La première chose qui me frappe, c’est que comme à Ombralia, l’aurore est difficilement discernable : on devine le soleil, mais il est masqué par les sombres nuages chargés d’électricité qui doivent flotter en permanence au-dessus de l’île… Et qui doivent être encore plus noirs à l’approche du Djambuwal. Et puis, là où Ombralia baignait en permanence dans une lumière jaunâtre ou verdâtre à cause de l’acide, Raijin Island, elle, est en permanence éclairée par les flashs de lumière violette. Alors que mes yeux sont rivés sur ce spectacle si singulier et loin de ce que j’ai pu connaître durant mon enfance à Kage Berg ou sur les mers bleues, je ne remarque pas l’individu qui s’est glissé à côté de moi.

CHOUETTE SPECTACLE, HEIN ?

Je sursaute lorsqu’un homme, qui s’est glissé juste à côté de moi, me hurle dans les oreilles. Je me retourne vers lui, et sursaute à nouveau, lorsque je me rends compte que ce n’est pas un homme, mais plutôt un homme-loup. Un Mink ? Il est grand, bien plus grand que moi, et doit bien mesurer deux mètres cinquante… Et ses traits rappellent vraiment ceux d’un loup, entre la fourrure et le museau allongé qui se termine par une truffe et une rangée de dents acérées . Il porte une cape de voyage en tissu épais qui recouvre la plupart de son corps, et dont les rares ouvertures laissent voir de nombreuses cicatrices qui parsèment son pelage. Encore une personne qui me parle d'à quel point le déchaînement des forces de la nature auquel j'assiste est un spectacle... Comme si je n'avais pas l'air d'en apprécier la beauté !


Pourquoi vous me hurlez dessus ?
HEIN ?!
Pourquoi vous me hurlez dessus ?! Je répète en commençant légèrement à m’énerver. Mais il ne comprend toujours pas…
QUOI ?! J’expire un grand coup en le regardant dans les yeux, puis hausse le ton.
POURQUOI… VOUS… ME… HURLEZ… DESSUS ?!!
EH ! PAS LA PEINE DE VOUS ENERVER, J’AI DE LA CIRE DANS LES OREILLES !
Ce n’est pas de la cire, c’est du cérumen ! Et c’est normal, tout le monde en a, c’est un lubrifiant qui protège le conduit auditif…
DE LA CIRE HUMAINE ?! QU’EST-CE QUE VOUS RACONTEZ ?! NON, CE SONT DES BOUCHONS DE CIRE, POUR PAS QUE LE BRUIT DU TONNERRE NE M’ABIME LES TYMPANS ! ILS SONT SENSIBLES !

En attendant, ce sont les miens de tympans qui vont s'abîmer, s’il continue de me parler à un volume aussi élevé !

VOUS ÊTES AUSSI ICI POUR NESSIE, N’EST-CE PAS ? Il change de sujet et continue à s’époumoner.
Nessie ? C’est quoi ?
HEIN ?!
C’EST QUOI, NESSIE ?
LE MONSTRE DU LAC COCIJO ! LE MAÎTRE DE LA FOUDRE !

Je hausse le sourcil. Le maître de la foudre ? Voilà un nom bien élogieux… Peut-être que ce fameux maître peut m’apporter des éléments de réponse, ou des conseils ?

Vous le connaissez ?
HEIN ?!
JE DISAIS : VOUS LE CONNAISSEZ ?
PAS NESSÉ, NESSIE !
J’AI BIEN COMPRIS !! MAIS C’EST QUI, VOUS LE CONNAISSEZ ?

Je serre le poing, devant contenir mon agacement et mon exaspération dans cette situation qui est digne d’un vaudeville.

NESSIE ? VOUS NE SAVEZ PAS ? VOUS N’ÊTES PAS LÀ POUR LUI ? HAHAHA, VOUS ÊTES BIEN UN HUMAIN, ÇA C'EST SÛR  ! J’arque le sourcil à son ton condescendant et qui me semble particulièrement raciste alors qu’il rit à gorge déployée. JE VAIS VOUS LE DIRE, PETIT HOMME ! NESSIE EST UNE IMMENSE ANGUILLE ÉLECTRIQUE QUI VIT DANS CE LAC ! UNE PROIE D’EXCEPTION, UN FORMIDABLE ADVERSAIRE, DIGNE D’ÊTRE CHASSÉ ! ET CELUI QUI TUERA CETTE BÊTE, C’EST MOI !
Une anguille ? Vous êtes une sorte de pêcheur alors ?
HAHA… EFFECTIVEMENT, “LE MEILLEUR CHASSEUR”, COMME VOUS DITES ! JE SUIS TENKO KAGARI, l’ALPHA !

Je ne sais pas si c’est la cire qu’il a dans les oreilles qui le rend effectivement sourd, ou si c’est tout simplement qu’il est idiot, à ce niveau là… Je souffle, lassé par la situation… Puis étends mon Haki de l’Observation, qui balaie le lac dans sa totalité, malgré la taille de ce dernier. Effectivement, je sens plusieurs animaux lacustres qui m’ont l’air plutôt coriace… Et un qui sort très clairement du lot. Comme il dit, c’est très sans doute une anguille, ou en tout cas quelque chose avec un corps allongé, et long d’une vingtaine de mètres. Même pour un Mink qui a l’air aguerri au combat comme lui, ce ne sera pas une mince affaire que de le combattre dans son milieu naturel.

ET DU COUP, VOUS ALLEZ LE PÊCHER OU PLONGER DANS LE LAC POUR LE COMBATTRE ?
HAHA, QUELLE QUESTION IDIOTE ! SI C'ÉTAIT SI FACILE ALORS CE NE SERAIT PAS UNE CHASSE AUSSI LÉGENDAIRE ! Il marque une pause pour rire, puis reprend. L’EAU DU LAC EST ÉLECTRIFIÉE, ALORS BON COURAGE POUR L’ATTIRER À LA SURFACE, HAHAHA ! Il prend une nouvelle pause marquée par son rire dont le volume est au moins aussi élevé que celui du tonnerre qui gronde. C’est à se demander s’il ne devient pas sourd à force d’écouter sa propre voix… JE POURRAIS RESTER DISCUTER MAIS J’AI A FAIRE ! J'ÉTAIS VENU VÉRIFIER S’IL ÉTAIT POSSIBLE DE NAGER DANS L’EAU… MAIS MÊME POUR UN MAÎTRE DE L'ÉLECTRO COMME MOI, C’EST PEINE PERDUE ! TU DEVRAIS RENTRER AU MECHANICAE EMPORIUM AVEC MOI POUR T’EQUIPER, SI TU VEUX PÊCHER DES PETITS POISSONS PENDANT QUE TU REGARDES COMMENT FAIT UN VRAI CHASSEUR !

L’exaspération et la frustration commencent à laisser leur place à une colère froide et sourde, et je souffle à nouveau un grand coup pour me retenir de coller un poing dans la figure de ce Minks qui clairement doit avoir du mal à passer les portes au vu de la circonférence de ses chevilles. D’autant que je sens que bien que son esbroufe semble justifiée – il a l’air très fort, il sous-estime complètement mon niveau. Je sais cependant faire preuve de retenue. Patience, Raines. Quand tu seras Amiral, et que ton nom sera connu de tous sur toutes les mers, tu n’auras plus à subir ce genre de comportements… Toujours est-il que je pense à ce que ce Tenko Kagari vient de dire… L’Electro ? Mechanicae Emporium ? Que des noms inconnus, mais qui semblent correspondre au thème de l’île… J'imagine que le deuxième doit s’agir de la ville la plus proche, et que je détecte à plusieurs kilomètres à l’est. Mais le premier ? Electro ? Peut-être qu’il s’agit de la clé pour survivre au Djambuwal ? Je dois en avoir le cœur net, et moi aussi investiguer ce lac d’un peu plus près après son départ… De toute façon, comme il me tape sur les nerfs, la perspective de le suivre ne m’enchante guère… Et si je dois le retrouver pour lui poser plus de questions, j’imagine que je n’aurais même pas besoin d’utiliser l’Empathie, vu à quel point il semble apprécier le son de sa propre voix…

Non, je crois que je vais rester dans les parages…
HEIN ?
JE DISAIS QUE J’ALLAIS RESTER DANS LES PARAGES !
RESTER CHEZ VOUS AURAIT EFFECTIVEMENT ÉTÉ PLUS SAGE, HAHA ! ALLEZ, BON VENT !

Oh, je vais me le faire.


Dernière édition par Alex Raines le Mar 5 Mar 2024 - 9:44, édité 2 fois
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Quelques minutes après son départ, et après que je sois revenu à un seuil normal au niveau de ma tension artérielle, je décide de quitter la couverture des arbres pour m’approcher des berges du fameux lac. L’eau est luisante d’un bleu métallique, et il s’y reflète périodiquement les flashs violets des éclairs qui zèbre le ciel. Je m’accroupis près du bord de l’eau et remarque qu’effectivement, cette dernière semble crépiter avec intensité… Je revêts ma main de Haki de l’Armement, et la laisse planer à quelques centimètres de l’eau, hésitant. Finalement, je prends la décision et y plonge directement ma main. La sensation est désagréable… Vraiment désagréable. C’est comme si ma main était en feu après l’avoir plongée dans de l’eau bouillante. La sensation de brûlure est aussi accompagnée de picotements et de fourmillements qui rappellent la brume corrosive d’Ombralia. Bien vite, l’électricité me remonte le bras, et je suis obligé d’étendre mon Haki de l’Armement à la totalité de mon corps pour me protéger. Je me reprends : la sensation est bien plus douloureuse que le smog d’Ombralia, dans lequel j’avais pu faire quelques heures de marche. Rester plus quelques minutes dans cette eau relèverait sans doute du suicide, et je comprends très bien pourquoi ce chasseur Mink ne voulait pas s’y risquer… Que devrais-je faire ? Suivre son exemple, et m’équiper pour augmenter mes chances de survivre face à la foudre lors de ce Djambuwal ?

Non.

C’est la même chose qu’à Ombralia. Et je sens que Sloth me tiendra le même discours. Quel intérêt d’utiliser de l’équipement ? De prendre des raccourcis ? De chercher la solution de facilité ? Il n’y en a aucun, si ce n’est de ne pas accepter de voir la vérité en face : je veux devenir puissant… Et la puissance, ça n’arrive pas sans effort. Elle doit se gagner, se mériter, s’obtenir par la sueur et le sang. Je me rends compte que je ne l’avais que partiellement compris durant la première phase de mon entraînement. Je pensais que la Capitaine Corsaire voulait simplement me pousser à me dépasser… Mais ce n’est pas exactement ça. Il faut être mis dans ses derniers retranchements. Et par “derniers retranchements”, je n’entends pas simplement d’être fatigué à l’extrême… Il faut être proche de la mort. C’est à Drum que je me suis éveillé au Haki. Lorsqu’il ne me restait même plus mon libre arbitre, piégé par l’hypnose du Docteur Freeman… Et que j’ai chuté. C’est pourquoi Sloth me parlait d’un entraînement dur à en crever. C’est également une explication plus que plausible pour sa force à elle, étant donné qu’elle passe sa vie à chercher la mort…

Je dois me mettre en danger, pousser mes capacités et ma résilience bien au-delà de mes limites… Et ce n’est pas chose aisée que de se forcer à prendre autant de risques : ce n’est pas dans ma nature. Je suis quelqu’un de relativement rigide, sans exubérance. On me dit que je n’ai pas d’imagination, que je suis trop à cheval et strict sur les règles, que j’ai une vision bien trop tranchée… Et que je ne sais pas prendre de risques. Je suis quelqu’un de méthodique, qui prend son temps. Tous les jours, je m’entraîne en soulevant de la fonte et en faisant des exercices callisthéniques… Tous les jours, je monte en intensité, certes… Mais rien que mon corps ne saurait supporter. Je me laisse assigner aux missions qu’on me donne, sans faire trop de vagues… Et la seule fois où je me suis lancé, c’était pour partir à la poursuite de mon frère, et quand j’ai rencontré Sloth… Ça ne me ressemblait pas, de tourner le dos à ma mission et lui demander de m’entraîner : c’est une ancienne pirate, après tout… Mais je l’ai fait quand même. Comme avec les eaux de ce lac, j’ai trempé la main dans l’inconnu. Ce n’est pourtant pas assez. Je dois m’y consacrer corps et âme. Changer qui je suis. Sortir de ma chrysalide, me jeter dans le vide… A corps perdu.

Alors je m’élance. Et je plonge dans les eaux froides et chargées d’électricité du lac Cocijo.

La sentence est immédiate. C’est comme si mon corps était transpercé de millions d’aiguilles, comme si les eaux de ce lac étaient en réalité infestées de piranhas et qu’ils venaient grignoter chaque centimètre carré de peau sur mon corps, comme si j’étais un cachet d’aspirine en train de se dissoudre dans un verre d’eau. La douleur est si intense, qu’un instant je crois bien que mon Haki de l’Armement ne me protège plus. Le plus difficile, c’est de conserver mes yeux ouverts. Je serre les dents. La douleur est atroce, et me demande une très grande concentration pour ne pas céder et lâcher prise… Mais je tiens bon, non sans mal et non sans gesticuler pour essayer de faire passer cette douleur. Tout ce remue-ménage agite les créatures qui peuplent le lac… Dont une, en particulier, bien plus grosse et dangereuse, qui se met en mouvement.

Concentré sur le maintien de mon Haki de l’Armement, et pour endurer une douleur comme je n’en ai jamais connu, je ne pense pas à déployer mon Haki de l’Observation pour suivre ses mouvements, ou même simplement me rendre compte qu’elle a bougé. Alors quand un violent coup de queue me frappe au niveau de mon bassin, je suis pris par surprise. L’attaque vient avec une vitesse prodigieuse, frappant au niveau de la hanche, et s’enroulant au niveau de mon abdomen, me projetant avec une grande violence sur le côté. Mon souffle est instantanément coupé… A Ombralia, Sloth a insisté pour que je sois capable de la conserver malgré l’effort et la douleur, pour pouvoir la maintenir en combat avec mes mouvements acrobatiques et mon Rokushiki… Et je me suis durement entraîné à cet effet, tout en subissant la brûlure constante de l’acide sur ma peau. Mais une douleur constante à laquelle on s’attend, à laquelle on s’habitue, ça n’a rien à voir avec une douleur aiguë, subite et qu’on ne voit pas venir. C’est pour ça que mon armure de Haki se brise instantanément.

Le choc avec l’eau électrifiée est brutal. Les millions d’aiguilles, les morsures de piranhas d’il y a quelques instants ? Instantanément remplacées par des millions d’épées enflammées, et de morsures des plus grands squales que j’ai vu. Je serre les dents tellement fort que je sens mes molaires se fissurer… Et je dois lutter de toutes mes forces pour ne pas sombrer dans l’inconscience. C’est lourd, sourd, comme un coup de tonnerre à l’intérieur de mon corps, et chaque cellule qui le constitue est en train de crier. Quel imbécile tu fais, Raines. Une petite quinzaine de jours ? Tu penses que ça allait suffire pour maîtriser le pouvoir des plus grands de ces mers ? Cela fait des années que tu entraînes ton Rokushiki, un art martial connu et pour lequel une méthodologie d’apprentissage a été conçue et améliorée, et tu commences à peine à la maîtriser… Alors le Haki ? Voilà, Raines, le résultat de ton orgueil. Dans quelques secondes, tu vas tomber inconscient et mourir noyé. Ton corps va sombrer au fond d’un lac, sur une île sur laquelle personne ne sait que tu es, dans l’indifférence la plus totale. Ou peut-être que tu feras partie de la chaîne alimentaire, et qu’on ne retrouvera jamais ton cadavre ?

Je ne dois finalement mon salut qu’à la chance. La queue du monstre lacustre me frappe du bas vers le haut, et comme je n’étais pas enfoncé très profondément dans le lac, me propulse hors de l’eau. Dès que mon corps n’est plus immergé, je reprends rapidement mes esprits… Sans toutefois être véritablement conscient pour autant : mon corps agit tout seul. Ce Rokushiki, inscrit dans mon corps à force des entraînements, s’active tout seul, et j’utilise le Geppou immédiatement pour me propulser sur la rive. Je m’écrase au sol et atterris lourdement contre l’arbre. Adossé contre le tronc, complètement immobilisé, je n’arrive même pas à remuer le petit doigt… Et pourtant, je convulse. Tout mon corps est pris de fourmillements, et continue de brûler de l’intérieur. Je ne suis pas encore remis des blessures internes que m’a causées mon frère avec son Haki… Et je peux clairement le sentir. Mes paupières se ferment doucement et tremblent, alors que je remarque les yeux luisants de la créature, au milieu du lac. Le serpent, que je pense être le fameux Nessie, me fixe du regard, sortant la tête de l’eau ainsi que plusieurs mètres de son long cou. J’aperçois également sa langue passer sur ses nombreuses rangées de dents acérées… Et puis il replonge au fond du lac. Alors que je commence à sombrer dans l’inconscience, j’esquisse un sourire sarcastique. Tu ne viens même pas me chercher ? Je n’en vaut pas la peine, c’est ça ?

BRAOUM !

Cet éclair qui s’abat non loin de moi, et qui est une fois de plus absorbé par les feuilles des arbres, sonne comme une réponse du ciel. Je n’étais pas trop sûr de ce que j’allais faire des informations données par le Minks… Mais cette brève rencontre avec ce monstre et mon échec à maintenir mon Haki dans les eaux électrifiées du lac Cocijo me confortent dans ma décision : je vais le chasser. Je vais le chasser, et le vaincre. Dans son propre territoire. Et si à l’heure actuelle mon Haki n’est pas assez puissant ou travaillé pour y résister, alors je plongerai dans ces eaux mortelles et je recommencerai autant de fois qu’il le faudra. Car si ce que m’a dit Sloth est vrai, alors Djambuwal se rapproche à grand pas, comme une véritable épée de Damoclès au-dessus de ma tête…
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Quinzième jour.

J’ouvre péniblement les yeux. Le ciel est toujours couvert de nuages, mais quelques lueurs claires filtrent à travers ces derniers. C’est le matin ? Que s’est-il passé ? Je me relève doucement. Bien, mon corps me répond. Okay, Raines. Anamnèse. Tu as sauté dans le lac électrifié avec ton Haki de l’Armement, tu as reçu un coup de queue en plein dans l’abdomen, et tu as pris un sacré coup de jus. Je passe ma main le long de mes côtes. Pas de douleur aïgue, pas d’irradiation particulière du côté rénal ou dorsal. A priori, je n’en ai aucune de fêlée ou de brisée. J’étais toujours protégé par mon Haki lorsque j’ai reçu le coup, et il ne s’est désactivé justement qu’à la surprise de la frappe. En revanche… Mon corps est criblé de douleurs, sans doute à cause de l’électrisation. Je dois réaliser un examen sommaire. Une chose est déjà sûre : si j’ai passé la nuit, alors ça veut dire que je n’ai fait ni arrêt cardiaque, ni arrêt respiratoire, ce qui est déjà une bonne chose…

Désormais le plus urgent, c’est d’estimer la gravité des dégâts que j’ai subi.

Je passe en revue dans ma tête les facteurs de Kouwenhoven qui apprécient l’ampleur du traumatisme électrique, avec la précision et la minutie quasiment mécaniques qui me caractérisent. J’ai pris une forte dose d’un courant continu, avec un ampérage et un voltage élevés… Ce qui est une meilleure chose que si j’avais été traversé par un courant alternatif, surtout à basse fréquence, qui cause des contractions et tétanies musculaires répétées en raison des nombreux changements de direction qu’il effectue. Une électrisation par courant continu, elle, ne provoque généralement qu’une seule et unique contraction qui place le corps en état de choc et l’éloigne de la source électrique… Du moins, quand le courant a une seule entrée et une seule sortie, ce qui n’est pas le cas ici… Mais la propulsion violente causée par le coup de queue du monstre a eu dans tous les cas un effet similaire et m’a rapidement dégagé d’une exposition trop longue. Dans tous les cas, l’hypothèse de l’état de choc est sans doute la plus probable, et expliquerait que je me sois évanoui sans être capable de bouger.

Du point de vue des symptômes, les brûlures peuvent avoir des contours nettement définis sur la peau, même quand le courant pénètre irrégulièrement dans les tissus profonds. De fortes contractions musculaires involontaires, des convulsions, une fibrillation ventriculaire ou un arrêt respiratoire dû à des lésions du système nerveux central ou à une paralysie musculaire, peuvent survenir. L'atteinte du cerveau, de la moelle épinière et des nerfs périphériques peuvent entraîner des déficits neurologiques divers.

Je souffle un grand coup, et prends la mesure de mon pouls. Comme à son habitude, ma fréquence cardiaque au repos est calme et régulière. Rien d’anormal, ce qui indique que même si des courants électriques m’ont traversé le thorax, je n’ai pas subi de fibrillation ventriculaire.

Je me relève, chancelant, et défais ma veste, ma cravate et les boutons de ma chemise, puis les enlève. J’examine mon corps à la recherche de traces de brûlures externes. Les lésions tissulaires dues à l'exposition électrique sont provoquées principalement par la conversion de l'énergie électrique en chaleur, qui provoque une lésion thermique… Et dans ce cas, bien que ma peau soit bien noircie par endroits, elle ne présente aucune réelle trace de brûlure. Je m’attarde quelques instants sur mon corps. Je n’y prête d’habitude guère attention, et ce n’est clairement pas quelque chose dont quiconque se rend compte, étant donné qu’il est la plupart du temps caché sous les couches de mon uniforme que je porte religieusement, et presque même la nuit pour dormir… Mais mon torse est couvert de cicatrices, de marques de brûlures et de traces de traumatismes passés. C’est un corps endurci par les années d’entraînement, et éprouvé par des missions périlleuses qui m’ont mis dans un sale état… Et qui n’a de cesse d’être mis à mal par l’entraînement de Sloth. Alors ce n’est pas de l’électricité qui ne me fera dire mon dernier mot.

Toutefois… L'absence de brûlures externes ne préjuge pas de l'absence de lésions électriques et la gravité des brûlures externes ne donne pas nécessairement d'indication sur la gravité du traumatisme électrique. De plus, l'application d'un champ électrique de tension élevée provoque des lésions thermiques ou électrochimiques au niveau des tissus internes, et qui peuvent comprendre l’hémolyse, la nécrose et la coagulation des tissus, des risques de thrombose et d’avulsion… Elles peuvent aussi provoquer un œdème massif, qui, avec la coagulation du sang des veines et le gonflement des muscles, peut entraîner un syndrome des loges. Un œdème important peut également entraîner une hypovolémie et une hypotension… La destruction musculaire, quant à elle, peut induire une rhabdomyolyse, une myoglobinurie et des déséquilibres électrolytiques. La myoglobinurie, l'hypovolémie et l'hypotension augmentent le risque de lésion rénale aiguë… Rah, Raines, la ferme ! Je chasse toutes ces pensées de mon esprit. Ce n’est pas le moment de réciter les nombreuses leçons que j’ai apprises par cœur. Tu vas bien, et tu peux te lever, c’est l’essentiel. Dans l’eau, tu n’avais pas de contact avec une terre, donc ça ne peut pas être véritablement grave. Alors tu te reposeras soit quand tu seras mort, soit quand tout ça sera terminé. Quand tu seras suffisamment fort pour que Sloth tremble face à toi. Pour que tous les criminels du monde tremblent.

Je serre les dents et me relève complètement, gardant mes vêtements à la main. Je les lâche à côté de l’arbre contre lequel j'ai passé la nuit. Mon regard se perd dans les eaux électriques du lac Cocijo. Djambuwal aura lieu dans moins de 48h. Alors d’ici là…

BRAOUM !

Je vais dompter la foudre. En commençant par cette anguille… Ma peau se noircit entièrement alors qu’une pellicule de Haki de l'Armement la recouvre, me conférant à nouveau ma protection intégrale. Et je plonge à nouveau dans l’eau. Qu’on m’arrache la peau, qu’on me jette dans la lave ou qu’on me foudroie… Je ne cesserai de me relever. Encore et encore.
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Je prends une grande inspiration en émergeant de l’eau pour reprendre mon souffle, lorsque je vois une ombre surgir depuis les profondeurs du lac.

Tekkai !

Je durcis instantanément mon corps, au moment où la queue de Nessie entre en contact avec moi. Couplée à mon Haki de l’Armement, ma technique fait que je ne prends aucun dégât. Une fois que j’ai encaissé l’attaque, je me sers de sa queue comme d’une marche, et prend appui dessus pour m’élancer hors de l’eau et atterrir sur la rive. Plusieurs arcs électriques partent alors d’une des nombreuses excroissances organiques en forme d’antennes présentes le long de la queue de l’anguille, et qui luisent par bioluminescence. Alors que les éclairs se dirigent vers moi, je tends le bras, ainsi que mon majeur et mon index devant moi, et me raidis une fois de plus grâce au Tekkai. Attiré au bout de ma main par l’effet de pointe, l’éclair traverse mon corps puis rejoint la terre et s’y dissipe. Je serre les dents, tout en m’efforçant de maintenir mon Haki de l’Armement durant toute la procédure. Nessie sort alors la tête de l’eau, et plisse ses yeux turquoises, puis replonge sans demander son reste.

Je souffle pour faire diminuer la douleur et me détendre. Cela fait plus d’une demi-journée que je fais des aller-retours dans l’eau pour échanger des coups avec Nessie, et parfaire mon armure de Haki. J’arrive désormais à supporter la douleur de l’eau électrifiée suffisamment longtemps pour traquer l’anguille et m’y frotter… Et elle s’est révélée avoir plus d’un tour dans son sac. Comme j’aurais pu m’y attendre de la part d’une gigantesque anguille vivant dans un lac électrifié sur une île comme Raijin Island, elle est dotée d’organes électriques dont elle se sert sans doute pour détecter ses proies ou les assommer en créant des champs électriques… Ou dans ce cas, pour m’envoyer des décharges électriques qui n’ont rien à envier à la foudre qui tombe depuis le ciel… Et qui en sont un substitut parfait pour me préparer à l’épreuve que Sloth a en réserve pour moi. J’ai donc commencé à m’habituer et à y trouver des parades. J’ai constaté qu’en contractant chaque muscle de mon corps avec le Tekkai, j’évitais les risques de tétanie, et en tendant mes doigts, je propose à l’électricité un chemin direct pour circuler dans mon corps et ainsi y passer le moins de temps possible.

Sur la berge, je pose les yeux sur ma main, par laquelle le courant vient d’entrer dans mon corps. Mes doigts tremblent, et ma main est prise de spasmes. J’encaisse les chocs électriques, certes… Mais pas sans dégâts. L’avantage, c’est que je peux faire régulièrement des pauses, car pour une raison que je ne saisis pas tout à fait, Nessie semble rapidement abandonner sa contre-attaque… Alors que physiologiquement, il devrait en être capable : bien que les anguilles possèdent des branchies, elles peuvent survivre un certain temps hors de l’eau, et doivent même périodiquement remonter à la surface pour gober de l’air. Et c’est d’ailleurs lorsqu’il doit assouvir ce besoin physiologique que j’en profite pour l’attaquer, lorsque je le sens se rapprocher de la surface grâce à mon Haki de l’Observation. Et plus que ça. Comme me l’a appris le Commandant d’élite Juugo au B.A.N., quand on s’entraîne au combat, il faut tout le temps être sur l’offensive, et attaquer sans relâche. Alors quelques secondes à peine après que Nessie se soit enfoncé dans les profondeurs du lac, je repars à l’attaque, plongeant à sa poursuite.

Même si en surface, les eaux du lac Cocijo affichent de beaux reflets bleutés, elles sont en réalité particulièrement turbides, dès qu’on s’enfonce à plusieurs mètres sous la surface… Ce qui explique également comment je n’ai pas vu venir le premier coup de queue qui m’a tant mis à mal… Quoiqu’il en soit, toute cette vase rend l’exploration particulièrement difficile. Je me dirige à l’aveugle… Mais pas complètement. Dans ces eaux, je répète le schéma que j’avais développé à Ombralia pour retrouver Drake : je fais pulser à intervalles réguliers mon Haki de l’Empathie pour détecter la position des êtres vivants autour de moi. Sur l’île ravagée par l’acide, je le faisais de temps à autre, pour vérifier que Sloth ne le déplaçait pas… Mais là, pour traquer les mouvements d’une créature capable de se déplacer à très grande vitesse dans les eaux du lac, je juge meilleur de le garder en permanence activé. Fort heureusement, il est facile de filtrer toutes les auras que je détecte sauf celle d’une anguille électrique de vingt mètres de long… Et de traquer sa position. Il ne bouge pas, et reste lové en forme de spirale tout au fond du lac, dans une sorte de renfoncement des rochers qui s’y trouvent… Du moins, jusqu’à ce qu’il sente ma présence.

Nessie se met immédiatement en chasse, fonçant à toute vitesse dans ma direction. Comme les fois précédentes, il vient directement me gratifier avec une puissante frappe en faisant claquer sa queue. Et comme je l’anticipe, j’écarte les bras et creuse le ventre, et m’en saisis au moment où elle entre en contact avec moi. Bon, et maintenant… Et maintenant ? L’eau électrifiée exerce une pression constante contre mon Haki de l’Armement, comme si j’étais en permanence dans une eau bouillante… Et il m’est difficile de me mouvoir. Déjà que sur la terre ferme, et si Nessie volait dans les airs au lieu de nager dans l’eau, ce ne serait pas une chose aisée de combattre le serpent… Alors au fond de l’eau, où mes gestes sont ralentis et engourdis… C’est encore pire.

L’anguille tente de se dégager de mon étreinte et glisse… Comme une anguille, justement. Sa peau semble couverte d’huile, et je peine à conserver mon emprise alors qu’elle se contorsionne dans tous les sens. Raidissant la totalité des doigts de mes deux mains via deux Shugans simultanés, je les plante dans sa chair. Aveuglé par la vase, je parviens tout de même à entendre le monstre lâcher un cri de douleur… Juste avant que ses nombreuses antennes se mettent à clignoter. Il réagit rapidement en dégageant un puissant champ électrique qui me traverse le corps. Je serre les dents. Étant accroché de part et d’autre du corps de l’anguille, le courant électrique me parcourt et traverse mes organes avant de recirculer dans les siens, en circuit fermé… Ce qui fait que tant que je ne le lâche pas, je prends le jus à pleine intensité. C’est dur, mais je tiens bon : après tout, ce sera sans doute bien pire durant le Djambuwal.

Je serre de toutes mes forces le long de son corps serpentiforme pour essayer de lui briser quelques unes de ses nombreuses côtes… Mais je n’y parviens pas, et Nessie parvient finalement à me dégager de son dos en continuant son rodéo incessant, et s’éloigne de moi, partant plus loin dans les eaux opaques du lac… Pour revenir à toute vitesse. Nimbé d’éclairs, et ayant accéléré en ligne droite pour gagner en vélocité, il me fauche et m’entaille le bras avec ses dents acérées au passage, passant au travers de mon Haki. Je peste intérieurement. J’ai beau le sentir arriver avec mon Haki, et comprendre clairement quelles sont ses intentions – il reste un animal avec des comportements primaires et instinctifs… Je ne parviens pas à réagir suffisamment rapidement. Nessie multiplie les assauts, prenant de la vitesse, me percutant de plein fouet, prenant un virage pour changer d’angle d’attaque et recommençant. A chaque impact, la pleine puissance du champ électrique qu’il génère se déverse dans mon corps… Et je dois encaisser, tout en gardant ma bouche fermée pour ne pas perdre mon souffle et me noyer.

A mesure que j’utilise mon Empathie pour détecter la présence de la créature, nos esprits s’entremêlent… Et je me rends compte qu’elle n’est pas qu’un simple monstre qui ne pense qu’au contenu de son prochain repas. Je sens sa fatigue, sa lassitude, son sens du devoir qui se manifeste à la fin de sa vie. Son attachement à ce lac, aussi. Et ce pourquoi il essaie de me tenir à distance, pourquoi il se terre au fond. Ce qu’il cherche à protéger. Son désir de faire perdurer sa lignée, plus que tout le reste… Mais je sens également une pointe de plaisir, d’adrénaline à l’idée de se battre pour sa vie, de se sentir proie qui devient chasseur. Une émotion que je pensais être seulement l’apanage de l’homme… Une émotion que j’ai ressenti lorsque j’ai décidé pour la première fois de plonger dans l’eau pour traquer cette créature. Ce n’est pas dans mon genre de faire gratuitement du mal à un animal, même s’il est monstrueux… Mais il semblerait que mon orgueil ait pris le dessus, à moins que ce ne soit le discours de ce Tenko Kagari ? Une volonté de “dompter l’orage”, dont il serait la personnification ? Qu’ai-je à prouver, en m’en prenant à cette créature ? Rien. Je pourrais me contenter de me jeter dans l’eau et me faire électriser, si ce n’était qu’une question de me préparer à l’épreuve qui va suivre… Mais en revanche, si elle souhaite un dernier combat, pour sentir son cœur battre et vibrer en m’affrontant avant de mourir…

Alors je saurai l’honorer.
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Seizième jour.

BRAOUM.

BRAOUM !

La fréquence mais aussi l’intensité des éclairs s’accentue depuis maintenant plusieurs heures … Ce qui est sans doute un signe que Djambuwal approche. J’espère seulement que Sloth ne s’est pas plantée sur ses informations, et que l’évènement aura bien lieu demain…

BRAOUM.

Adossé torse nu à l’arbre qui est en quelque sorte devenu mon repaire, je reprends mollement des forces. Je suis trempé, et sèche tranquillement devant un feu de camp rudimentaire. Fait à partir du bois d’un des arbres qui absorbent l’électricité, il crépite régulièrement, offrant à mes yeux fatigués un spectacle sans doute unique au monde d’un mélange de flammes et d’électricité qui dansent à tour de rôle. Au-dessus des flammes, un poisson électrique embroché cuit lentement. Je n’ai rien mangé depuis mon arrivée sur Raijin Island, et la faim commence à se faire sentir. De manière générale, au crépuscule du seizième jour d’un entraînement terriblement difficile et où je n’ai que très peu eu l’occasion de manger ou de boire, je sens mes forces et mon énergie faiblir. Surtout lorsque je passe mes journées à maintenir mon Haki de l’Armement en enrobage intégral pour échanger des coups dans les eaux électrifiées du lac Cocijo, avec Nessie… Enfin, échanger… Nos affrontements sont pour le moment à sens unique, et l’anguille me malmène avec facilité.

C’est un combat d’attrition, au cours duquel j’essaie de laisser la créature se reposer et reprendre ses forces le minimum… Mais je ne dois pour autant pas oublier que l’objectif fixé par Sloth n’est pas de vaincre Nessie… Mais de survivre à Djambuwal. Alors il n’y a pas d’intérêt à ce que je m’épuise de manière déraisonnée à la tâche. Néanmoins… Je me suis tout de même fixé pour objectif de battre la créature lacustre avant cet ultimatum foudroyant, et je m’en voudrais de ne pas y arriver. Alors je cesse d’y penser, avale mon repas en quatrième vitesse, et me prépare à y retourner. Je me mouille toutefois consciencieusement la nuque et le ventre et rentre progressivement dans l’eau en me recouvrant de fluide combatif. Ce serait bête de s’entraîner à résister à l’électrocution et de mourir d’une bête hydrocution !

BRAOUM !

La foudre frappe la surface éclatante du lac au moment où je me jette à l’eau. Je plonge et nage à toute allure vers l’endroit où je saurai trouver Nessie : le fond du lac, à l’endroit où je suppose qu’il couve ses œufs… Ou plutôt, son œuf. Je commence à le sentir de plus en plus clairement avec mon Empathie. Un petit battement de vie. Une lueur d’aura qui grandit alors que celle de Nessie s’affaiblit. Mais bien que physiquement, notre affrontement le mette à mal, je ne suis pas la principale cause de cet affaiblissement. Il semblerait que j’assiste à une reproduction par parthénogénèse, où le seul représentant de son espèce donne naissance à un seul et unique descendant, et pour lequel il donne sa vie. Je comprends un peu mieux les émotions que je ressens et qui émanent de cette créature étonnamment intelligente et sensible. Elle veut avant tout faire perdurer sa lignée… Mais souhaite également avoir une identité propre. Que cette vie qui s’éteint ne se résume pas qu’à la solitude, et à la dévotion à la continuité de l’espèce.

Alors je me bats de toutes mes forces.

Cela fait quelques plongées que je parviens à me mouvoir dans l’eau avec plus d’aisance. Je n’ai jamais vraiment eu le besoin ou l’occasion de m'entraîner à me battre en milieu aquatique : étant donné que mon objectif est d’un jour être Amiral, je suis toujours parti du principe que je devrais un jour où l’autre manger un fruit du démon, qui me priverait de cette possibilité dans tous les cas. Est-ce que j’aurais dû faire différemment et prévoir la situation actuelle ? Je l’ignore. Car aujourd’hui, non seulement je ne suis jamais tombé sur un de ces fameux fruits démoniaques au cours de mes aventures, mais en plus il commence à y avoir des marines qui accèdent à la fonction la plus prestigieuse de l'État-Major sans en avoir consommé ! Ils sont une minorité, en revanche, alors autant partir du principe que mon avenir sera fruité !

Malgré l’absence d’entraînement, cela fait plusieurs plongées que je suis capable de mouvoir mon corps dans l’eau avec bien plus d’aisance. C’est l’avantage d’être un maître dans l’art du Rokushiki : cette discipline donne un contrôle tout particulier sur le corps humain et en décuple les capacités. Grâce à ces enseignements ainsi qu’à la puissance que je suis capable de mobiliser dans mes bras et mes jambes, je peux désormais un peu mieux suivre les mouvements de Nessie. Je trouve les bons moments durant nos échanges de coups pour remonter à la surface, sortir de l’eau pour respirer, et replonger en piqué pour ne pas lui laisser de répit grâce à mon Kamisori. Je suis comme possédé, combattant de manière mécanique et automatique, m’abandonnant à l’exercice. Même la douleur commence à ne plus se faire sentir. Et cette endurance, cette bataille d'attrition que propose à Nessie, est son pire cauchemar. Étant une anguille, et donc un animal à sang froid… Elle dispose de moins d’énergie, et fatigue plus vite. Les blessures sont également plus pénalisantes… Alors chaque incision que je lui fais le long de son long corps serpentiforme avec mon Shigan est un pas de plus vers ma victoire.

Je passe proche d’une frappe décisive à plusieurs reprises, manquant de peu sa nuque. J’essaie de m’y agripper afin de bloquer sa mâchoire, et de me positionner dans son angle mort. Sans mains ou jambes pour me déloger, et ayant besoin de l’entièreté de sa queue pour se mouvoir dans l’eau, la seule option qu’il lui reste est d'essayer de me dégager à coup de chocs électriques… Auxquels je suis justement de plus en plus résistant. Car si effectivement cela fait quelques plongées que je me concentre sur mes capacités martiales en milieu aquatique, je commence également petit à petit à ne plus faire attention aux décharges électriques que je reçois : mon Haki de l’Armement se renforce à chaque fois que je saute dans les eaux électrifiées du lac Cocijo.

Nous continuons d’échanger des coups, et puis soudainement, je parviens à m'agripper derrière sa tête, comme je l’avais prévu. Je suis épuisé : mon corps est lanciné en permanence par une fatigue musculaire dont il ne se remet pas depuis quinze jours. Les chocs électriques auxquels je suis soumis en permanence me brûlent et me chauffent la peau, même au travers de ma couche protectrice de Haki de l’Armement. Je ne suis plus vraiment sûr de ce qui se passe, et je crois que je ne suis plus vraiment moi-même. Alors, lorsque j’enserre son cou avec mes bras et mes jambes, des instincts qui ne sont pas les miens prennent le dessus. Je décroche mon bras droit, et raidis mes doigts grâce au Shigan. Il y a une zone molle dans les tissus, juste à la base du crâne, qui est commune à l’anatomie des poissons serpentiformes et que je peux transpercer pour atteindre ses cervicales. Avec la froideur et la précision d’un tueur, j’abats mon Shugan et m’apprête à lui asséner un coup du lapin.

Mais au dernier moment, je ralentis mon geste.

Cette anguille géante, aux yeux luisants, dont la gueule est bardée de dents acérées et dont le corps est couvert d’électrophores… N’est rien de plus ou de moins qu’un animal, comme moi. Quel droit ai-je de lui prendre la vie ? Je suis un médecin et un soldat : je suis de ceux qui aident et qui protègent, pas de ceux qui tuent. Et puis, à Aeden, j’ai vu suffisamment de tuerie et de destruction déraisonnées pour savoir que j’en ai eu plus qu’assez. J’ai un instant d’hésitation, qui fait que mon coup n’est clairement pas assez appuyé. Au B.A.N., on nous répétait souvent qu’il valait mieux prendre des décisions audacieuses et risquer de se tromper, que tergiverser sans fin et avoir raison trop tard. Une façon très poétique de dire que l’armée n’avouera jamais avoir fauté, mais le Commandant d’élite Juugo essayait surtout de nous faire comprendre qu’en situation de crise, il vaut mieux agir plutôt que de trop réfléchir… Et ne jamais hésiter. Une belle philosophie propre à l’élite… Mais avec un fond de vérité. Et si je n’en avais pas déjà été convaincu, les conséquences de mon hésitation se font immédiatement sentir. Nessie lâche un cri de douleur, et se propulse d’une puissante impulsion caudale vers la surface. Écrasé par la pression de l’eau et la vitesse fulgurante prise par l’anguille, je ne parviens pas à la freiner.

En quelques instants à peine, nous nous retrouvons hors de l’eau. Mon premier réflexe est de prendre une grande inspiration pour remplir mes poumons d’air. De toute évidence, Nessie est train de paniquer : l’épuisement le gagne. Car l’anguille avait tout à gagner à me garder dans les profondeurs, et à tenter de me noyer. Au lieu de ça, elle m’offre littéralement le second souffle nécessaire pour continuer à me battre. J’esquisse un sourire confiant… Qui n’est que de courte durée, lorsque je comprends que j’ai péché par excès d’orgueil. En effet, la créature est bien plus rusée et à bien plus de ressources que je ne le croyais… Une fois à la surface, au lieu de chercher à replonger dans l’eau, ou à se contorsionner pour me déloger, Nessie s’étend de tout son long à la verticale, dressé vers le ciel. Ses nombreuses antennes se mettent à briller intensément, puis clignotent en alternance alors que l’anguille se charge d’électricité statique. Mes yeux s’écarquillent lorsque je comprends ce qu’il se passe. In extremis, je prends une grande inspiration puis me raidis avec le Tekkai, quelques millisecondes à peine avant qu’un éclair d’une puissance inouïe ne s’abatte sur nous.

BRAOUM !

Nos deux corps fumants chutent dans l’eau. Sous la violence de l’impact de la foudre, j’ai complètement lâché prise. Lorsque je reprends mes esprits et que je me remets du choc, je peste intérieurement. La créature s’est donnée la mort pour essayer de m’emporter avec elle, dans un baroud d’honneur fulgurant, et il ne s’en est fallu que d’un cheveu. Et si je n’avais pas d’aussi bon réflexes, je ne serais probablement qu’un cadavre carbonisé à l’heure actuelle… Comme celui de Nessie ? Aucune idée. Son corps a disparu de ma vue dans les eaux turbides du lac… Je fais pulser mon Haki de l’Observation pour sonder sa présence…

Il se rapproche de moi à grande vitesse, son aura brillant avec plus d’intensité que je ne lui en ai jamais senti.

Complètement survolté.
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Je me suis bien fait avoir.

Nessie est en fin de vie et notre combat l’épuise, c’est une certitude. Je pensais pouvoir – et surtout devoir – gagner une bataille d’attrition contre lui. Mais il vient de perturber toute ma stratégie en quelques instants. L’anguille monstrueuse, qui semble comme ses semblables capable de produire de la bioélectricité, est donc aussi capable de l’absorber pour recharger ses batteries… Non, ce n’est pas exactement ça. Son épuisement est dû à notre combat et à son état post-partum et ce n’est pas comme s’il vidait ses réserves pour m’attaquer. Cet éclair qui l’a frappé, en revanche, booste ses capacités et l’a plutôt surchargé… Et il me harcèle désormais avec des attaques bien plus rapides que précédemment… Et systématiquement accompagnées de violentes décharges électriques. J’ai, de mon côté, changé de stratégie défensive : comme il va bien trop vite pour mes esquives habituelles, j’utilise le Kami-E pour esquiver au dernier moment et avec souplesse ses assauts. J’ai toujours pour objectif de le laisser se rapprocher de moi, et de le saisir pour m’accrocher à lui, ne voyant pas quelle autre stratégie me permettrait de triompher de l’anguille titanesque.

Toutefois, Nessie est trop rapide pour que je m’y accroche et les coups qu’il me portent commencent à faire leur effet : je peine de plus en plus à maintenir mon Haki de l’Armement qui me protège de l’électrocution… Et ma respiration. Ce combat m’essouffle trop, et bien que je m’entraîne régulièrement à l’apnée – ce qui se révèle particulièrement utile quand on évolue dans un monde composé à 90% d’eau, il faut que je remonte à la surface. Et ça, Nessie le sait très bien… Alors lorsque je commence à battre des jambes pour remonter à la surface puis me poser sur les berges du lac pour reprendre des forces, l’anguille anticipe mon mouvement et en profite pour me frapper en plein dans le ventre. Le choc est violent. Très violent. Suffisamment pour me briser une côte, même à travers mes défenses. Je crache une épaisse gerbe de sang, qui se dilue dans l’eau… Ainsi que tout mon air. Je serre immédiatement les dents, mobilisant toutes mes forces pour conserver mon armure de Haki : je peux me faire couper le souffle et broyer les os… Mais si la pellicule de Haki de me protège cède, je suis sûr d’y passer. Lorsque je referme la bouche, un mélange dégoûtant de vase électrifiée et de sang s’y engouffre. Je crois que je vais vomir. Mais je tiens bon. En revanche, je suis presque à bout d’air. Donc dès que Nessie m’a frappé et commence à tortiller son corps pour se retourner et m’attaquer de nouveau, j’en profite.

Je frappe l’eau du pied très rapidement, comme si j’utilisais le Geppou. L’eau se comprime sous l’impact… Avec un résultat tout de même dégradé en comparaison avec une exécution de la technique sur de l’air. Je parviens tout de même à me propulser de plusieurs mètres à la verticale, esquivant un autre coup de queue de Nessie au passage. J’émerge de l’eau et crache le sang et la boue que j’avais dans la bouche, puis prends une grande inspiration. L’air chargé d’électricité qui entre dans mes poumons me brûle de l’intérieur… Mais c’est une brûlure qui signifie que je suis en vie. Maintenant ma tête et le haut de mon buste hors de l’eau, réitère mon coup de pied et m’envole dans les airs. Bien.

Plus qu’un Geppou et je serai hors de portée et pourrait souffler un peu…

Mais c’est sans compter sur la gueule béante et bardée de dents acérées de Nessie, qui s’ouvre sous mes pieds. Alors que je suis à plusieurs mètres de haut hors de l’eau, l’anguille a bondi à ma poursuite pour essayer de me coincer dans ses mâchoires.

Oh que non !

Je réagis rapidement, et alors que Nessie tente de m’embrocher avec ses crocs, raidis mon corps avec le Tekkai. Je bloque sa gueule avant qu’il ne commence à la refermer en plaçant la plante de mes pieds sur ses dents. Ses crocs pénètrent mon Haki de l’Armement et mon Tekkai, et mordent ma chair… Je serre les dents. La douleur est atroce, mais je tiens bon, et surtout, je parviens à l’empêcher de fermer sa gueule. Mais je ne suis pas tiré d'affaires pour autant, surtout quand je remarque que ses antennes se mettent à briller intensément. Je réagis instantanément, comprenant aussitôt que Nessie cherche à réitérer le coup de tonnerre qu’il m’a asséné plus tôt, et raidis mon doigt grâce au Shigan. Jambes écartées dans la gueule du poisson serpentiforme qui se dresse tout droit hors de l’eau et bras tendu vers le ciel, j’accueille la foudre qui tombe.

BRAOUM !

J’encaisse l’éclair sans broncher, laissant le feu du courant électrique me traverser en me brûlant de l’intérieur. Lorsque Nessie comprend que l’éclair n’a pas eu l’effet escompté, il commence à balancer son long cou de gauche à droite pour essayer de me déloger de ses crocs. J’en profite alors, lorsqu’il donne un coup dans l’air, pour désactiver mon Tekkai et me laisser envoyer valdinguer hors de sa gueule. Je n’attends pas une meilleure occasion pour contre-attaquer. Je reprends mon équilibre dans les airs grâce au Geppou, me rétablissant sur une plaque d’air solidifié, puis fonce en piqué vers le cou de la créature. A l’impact, Nessie crache et s’étouffe, et est violemment projeté vers la berge du lac… Et j’arrive à son contact. Je plante mes dix doigts dans sa chair grâce au Shugan. Cette fois, je ne suis pas au niveau de sa nuque, mais plus bas : vers le cœur et les poumons… Et cette fois, je ne compte pas lâcher prise, même si je me fais foudroyer ! Nessie continue de se débattre hors de l’eau de toutes ses forces ! L’attrition ne fonctionne peut-être pas, mais entre le Rokushiki et le Haki, je saurai gagner une épreuve de force brute !

Lorsque l’anguille commence à se contorsionner pour me ramener dans l’eau, tout en continuant de régulièrement me décharger de l’électricité dessus, je saisis l’opportunité. Au moment où elle a le moins d’équilibre, je pousse de toutes mes forces sur une plateforme d’air créée par un Geppou pour nous jeter vers la rive. Nous chutons lourdement vers la berge, nous enfonçant dans un mélange d’eau et de silice issue de l’érosion répétée de la roche par les foudre. Je plaque sa tête monstrueuse au sol, en serrant toujours de toutes mes forces. L’eau électrifiée gicle dans tous les sens alors que Nessie se débat et épuise ses forces. Après quelques minutes de lutte acharnée qui a des airs d’aquathlon, alors que je suis couvert de vase au-dessus de mon Haki de l’Armement, l’anguille finit par sombrer dans l’inconscience alors que mon étranglement sanguin révèle son efficacité… Ses yeux se révulsent et sa tête finit par tomber dans l’eau, sa longue langue sortant entre ses deux rangées de dents aiguisées comme des rasoirs. Je me laisse alors tomber en arrière, sans même me sortir de l’eau, épuisé par le combat. Mes bras n’arrêtent pas de trembler. Au vu de la taille de la gorge de l’imposante créature, sa carotide doit avoir une section énorme… Et j’ai donc dû mobiliser toutes mes forces simplement pour l’étrangler et la mettre K.O…

BRAOUM.

Les éclairs violets continuent de zébrer le ciel et de s’abattre sur les arbres luminescents ou sur le sol vitrifié alentour. J’ai triomphé de ce défi que je m’étais imposé, étape selon moi nécessaire pour survivre à l’épreuve de Sloth…

BRAOUM !

Mais je ne me méprends pas… Et ce tonnerre surpuissant qui vient de gronder et qui est annonciateur de l’arrivée du Djambuwal me le rappelle amèrement… Le pire est encore à venir… Et j’espère être suffisamment prêt et en forme pour ne pas payer le prix ultime. Alors je rampe hors de l’eau électrifiée, jusqu’à un nouvel abri de fortune contre le tronc d’un des arbres paratonnerres. Désactivant mon Haki de l’Armement pour la première fois depuis ce qui me semble être des heures, je souffle un grand coup et ferme les yeux. Je sens du sang ruisseler de mes cheveux trempés et salis par la boue sur mon visage. Torse nu, le bas de mon uniforme n’est même plus reconnaissable, et il ne fait nul doute que je dois avoir l’air pitoyable. Mais je n’ai pas le temps de m’attarder sur ce genre de considérations, et je n’en ai de toute manière même pas la force : je ne prends même pas le soin d’ausculter ou de panser mes plaies… Je dois me reposer et récupérer le plus de forces possibles…
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ALORS COMME ÇA, VOUS ME VOLEZ MA PRISE ? CE N’EST PAS TRÈS SYMPA !

Je ne suis pas assoupi depuis quelques minutes que je me réveille déjà, lorsque j’entends une voix tonitruante et particulièrement agaçante à quelques centimètres de mes oreilles. J’ouvre doucement les yeux, et je constate que la truffe du Minks qui me parle est toute proche de mon visage.

Eh… C’est vous qui avez laissé votre place et êtes parti… Je souffle entre mes dents en me redressant à moitié. Contrairement à ce qu’on disait à Kage Berg lorsque j’étais enfant, ici c’est celui qui n’est justement pas allé à la chasse qui a perdu sa place…
HEIN ?
JE DISAIS QUE C’EST VOUS QUI ÊTES PARTI !
OUI, C’EST BIEN MOI, TENKO KAGARI !

Je me frotte les yeux avec mes doigts. Oh, c’est reparti pour un tour. Je me relève péniblement, serrant les dents alors que mes côtes sont atrocement douloureuses. Je ne sais pas combien de temps j’ai réussi à dormir, mais la nuit n’est pas encore tout à fait tombée, donc il ne peut pas s’être écoulé beaucoup de temps… Nessie est toujours inconscient, et git juste à côté de moi. Je n’ai même pas pris le soin de le remettre à l’eau, ou même tout simplement de m’enquérir de son état lorsque je me suis effondré… Mais une rapide vérification avec une pulsation de mon Empathie me confirme que la créature est encore en vie et n’est que profondément assoupie. Mon Haki détecte également une ribambelle d’autres personnes, que je n’avais pas initialement remarquées, et qui accompagnent le Minks qui inspecte désormais le corps de Nessie, en s’accroupissant à côté.

JE L’IMAGINAIS PLUS GRANDE, HAHAHA. Il se relève puis se retourne vers un des deux hommes. ON DIRAIT QUE J’AI FAIT TOUT CE CHEMIN POUR RIEN… DÉSOLÉ MESSIEURS ! VOUS N’AUREZ PAS LA CHANCE D’ASSISTER À UNE CHASSE DU LÉGENDAIRE TENKO KAGARI !

BRAOUM.

Deux des hommes qui font partie de l’imposant cortège qui est arrivé n’ont ni bougé, ni dit un mot depuis qu’ils sont arrivés. Ils portent plusieurs plaques d’armure rattachées sur une sorte de combinaison qui rappelle celle que j’avais porté sur Ombralia pour me protéger de l’atmosphère acide… Mais là où la tenue que je portais était usée, rapiécée, faite de brics et de brocs et semblait provenir d’un autre temps… Celles-ci sont modernes, et présentent bon nombre de gadgets d’une technologie fortement avancée… Si bien que les deux hommes me font plus penser aux cyborgs et aux individus augmentés que j’avais pu croiser lors de mes aventures à Drum.

C’est bien Nessie… !
Incroyable… J’avoue qu’on a amené tout le matériel, au cas où, mais je ne m’attendais pas à ce qu’il dise la vérité ! Tous deux s’empressent de se rapprocher de l’anguille.
... En plus son collègue a fait le travail avant lui, il n’y a qu’à se servir ! D’ailleurs, il a fait comment, sans équipement ?
Attends, ne te réjouis pas trop vite, est-ce qu’il est… Mort ? Quel gâchis…
Non… Il… Il n’est pas mort… Juste… Juste inconscient… Je leur souffle entre mes dents alors que je me relève complètement et que je m’approche de la créature. Leurs yeux s’écarquillent et s’illuminent, et ils se désintéressent rapidement de moi.
Inconscient ? C’est parfait ! Il faut se dépêcher et à tout prix le ramener au Mechanicae Emporium ! Le deuxième homme se retourne vers le reste de ceux qui ont accompagné Tenko Kagari jusqu’ici. Profitez-en, dépêchez vous de le charger dans la cuve !

BRAOUM.

Je tourne la tête vers l’imposant attelage autour duquel s’activent tous ces individus dont je ne connais pas l’allégeance. Le contraste me paraît trop saisissant pour qu’il s'agisse d’hommes du Minks, au vu de la personnalité exubérante de ce dernier. Avec une précision quasi-mécanique, la vingtaine de bonhommes se coordonne parfaitement pour commencer à sangler Nessie et à le charger dans un gigantesque aquarium. Ce dernier est situé au-dessus d’une sorte de plateforme comme je n’en ai jamais vu : elle semble mobile, et montée sur des sortes de patins qui glissent sur la roche lissée comme la surface d’un miroir par les impacts répétés de la foudre, sans doute avec bien plus d’efficacité que ne l’auraient des roues classiques. L’ensemble de l’appareil est jonché de paratonnerres, et semble étrangement prévu pour un accueillir un animal qui correspondrait exactement au gabarit de l’anguille monstrueuse… Je relie ces observations aux informations que Tenko Kagari m’a données avant-hier… La créature lacustre a une certaine réputation, et elle doit donc être convoitée depuis un certain temps par ces hommes augmentés, au vu de leurs dires… Mais il n’est pas question de les laisser l’emporter, pour qu’elle finisse enfermée dans un zoo, disséquée dans un laboratoire ou pire encore en sashimi dans l’assiette d’un politicien bedonnant… Je me suis battu avec la bête, par une fierté martiale que je sais qu’elle partageait… Et même si Nessie approche de la fin de sa vie, il mérite de finir sa vie dans près de sa progéniture, en liberté…

Je fais quelques pas pour me rapprocher d’eux…

BRAOUM.

Mes jambes cèdent en même temps que la foudre frappe non loin de nous. Je tousse une gerbe de sang sur ma poitrine nue et m’effondre au sol, les yeux toujours grand ouverts. Je… Je…Je ne peux plus bouger. Cet affrontement m’a épuisé. Tout mon corps tremble et me fait souffrir. Combattre couvert de Haki de l’Armement, en utilisant en permanence mon Haki de l’Observation, en prenant en continu des décharges électriques et sans oxygène… A été beaucoup trop éprouvant pour mon corps. Ma conscience abandonne rapidement mon corps alors que j’entends la voix bien trop forte de Tenko Kagari se rapprocher de moi. Non… Je ne peux pas abandonner maintenant… Djambuwal est demain, je n’ai pas le temps de me reposer… Et puis même… Je ne suis qu’au seizième jour de mon entraînement avec Sloth. A peine plus de la moitié. Et les épreuves s’enchaînent sans relâche, en étant de plus en plus difficiles et traumatisantes pour mon corps…

Allez, Raines. Puise dans tes derniers retranchements. C’est impensable, inenvisageable de crever ici. Et c’est en me raccrochant à cette seule pensée que je sombre dans l’inconscience…
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Dix-septième jour.

Eh, mais… En fait, il n'a pas un seul implant ! C’est un organique !
Quoi ? Sérieux ? C’est un Adéen ? Vous l’avez ramassé près d’Eugénésia ?
Non, même pas, près du lac Cocijo…
Moi, je serais d’avis de le jeter dehors… On va quand même pas laisser un “animal” dormir dans un de nos lits ?
C’est-à-dire qu’en parlant d’animal… C’est un peu le Minks qui nous a forcé la main… Après tout, ils ont capturé Nessie…
Tssssk… On devrait les laisser dehors et aller se planquer avant la tempête… Djambuwal s’occupera d’eux.


J’ouvre soudainement les yeux et me redresse dans le lit dans lequel j’étais allongé. Mon épuisement, qui est tant mental que physique, a dû mettre mon cerveau en autopilote, concentré sur la seule tâche qui m’importe à l’heure actuelle : réussir l'entraînement de Sloth… Si bien que lorsque le mot “Djambuwal” a été prononcé à côté de moi, même si ça ne semblait être qu’un murmure lointain, je me suis réveillé. Le petit attroupement qui s’est formé autour du lit dans lequel j’étais couché se disperse rapidement. Un rapide coup de Haki de l’Observation me permet de comprendre une certaine animosité à mon égard… Non, c’est plutôt du mépris. Peu m’importe, je ne relève pas.

Quel jour sommes-nous, Djambuwal est passé ? Je sursaute dans le lit, comme lorsqu’on croit avoir raté son réveil. La seule pensée qui me traverse l’esprit, à l’heure actuelle, c’est m’assurer que je ne rate pas le début du cataclysme foudroyant avec lequel Sloth souhaite me mettre à l’épreuve. Je ne peux pas avoir fait tout ce chemin pour échouer si près du but, et aussi bêtement.
Non, c’est ce soir. Mais de ce qu’on en dit, cela m’étonnerait que vous ayez pu dormir au travers dans tous les cas !

Tenko Kagari est assis juste à côté de mon lit, en train d’affuter les nombreuses lames qu’il porte sur son corps. Je soupire de soulagement, puis je balaie la pièce du regard : l’endroit est étrange : il me donne l’impression d’être à mi-chemin entre un hôpital et un chantier naval… L’abondance de pièces métalliques, et d’infirmiers qui semblent plus versés en mécanique qu’en médecine me fait frissonner. En fait, cela me rappelle étrangement Zaun, et Ord Mantell… Ou bien les hommes du réseau des augmentés du Dr. Freeman. Tout le monde ici, y compris ceux qui mé dévisagent encore de l’autre côté de la salle, possède une multitude de prothèses, que ce soit sur le corps ou même sur la tête… Et je ne crois pas vraiment que ce ne soit que suite à de la chirurgie réparatrice… Non, ça sent le transhumanisme à plein nez. Kagari, qui est juste à côté de moi, remarque mon regard inquisiteur.

Haha, tout le monde est comme ça, ici. De véritables camés de technologie et d’augmentation, qui méprisent tous ceux qui comme vous et moi n’ont pas de prothèses. Des humains qui cherchent tant bien que mal à s’élever au-delà des limites de leurs corps fragiles ! Hahahahaha !

Sa voix forte résonne dans la pièce, bien qu’il ne soit plus en train de crier. Je ne l’avais même pas remarqué, d’ailleurs. Mais même sans cire dans les oreilles, c’est toujours particulièrement désagréable… D’autant plus qu’il attire l’attention de ceux qui sont en train de faire leurs préparatifs sur nous, et que ses remarques cinglantes n’ont pas l’air d’être appréciées…

Monsieur Kagari, maintenant que votre “ami” est réveillé et que nous avons rempli notre part du marché, je vais vous inviter à quitter les lieux…
Mon ami ? Hahahaha ! Sans façon, le lion ne s’associe pas avec le cafard ! Je le dévisage intensément. S’il ne finit pas grillé par Djambuwal, je commence à espérer de tout coeur que la prochaine épreuve que Sloth me donnera sera de lui casser la figure… Il continue. Truffez votre corps de vis et de boulons autant que vous le voulez, vous resterez des humains ! Cupides et sournois !

Et en plus, il est en train d’énerver nos hôtes… Pour qui de toute évidence, ces augmentations ont l’air de fonctionner : mon Haki de l’Observation détecte plusieurs personnes particulièrement puissantes, dans l’immense ville dans laquelle nous nous trouvons…

Je vous demande pardon ?

L’homme, qui était présent près du lac Cocijo, s’approche, visiblement irrité par la remarque… Mais lorsque le Minks se lève et le toise avec son gabarit particulièrement imposant, ses canines apparentes et sa fourrure gonflée, il effectue un mouvement de recul.

Nessie. Je sais très bien que sa tête est mise à prix par l’Indra, pour 255 millions. Alors ne faites pas comme si nos affaires étaient terminées.

L’homme peste et exprime son agacement par un clic dental, puis se retourne vers un de ses collègues.

Allez chercher l’argent.

Quelques minutes plus tard, l’homme revient avec deux mallettes noires, qu’il ouvre juste devant Kagari.

Voilà. 240 millions… Nous avons déduit les frais liés au transport de Nessie, ainsi qu’à votre rapatriement…
Bien évidemment… Il répond sur un ton sarcastique. Il pose les mallettes devant le Minks, et s’apprête à tourner les talons. Je sens qu’il cherche à se débarrasser de nous le plus vite possible…
... J’espère que cela vous conviendra tout de même…
Ce n’est pas à moi qu’il faut poser la question, ce n’est pas mon argent. Je n’ai en rien participé à la capture du monstre. Il me désigne de son museau. Je hausse le sourcil. C’est très honorable de sa part. De toute manière, je ne veux absolument pas être associé à la chasse d’une créature qu’un simple humain peut abattre, hahaha ! Ce serait la honte !

Effectivement, je ne peux pas lui enlever qu’il soit honorable… Ni qu’il soit aussi désagréable. Mais je ne vais pas m’en plaindre, si sa langue bien pendue me permet d’y récupérer un pécule… Par contre, je ne vais pas me trimballer toutes ces coupures en pleine tempête… Ignorant la dernière remarque de Kagari, je m’adresse directement à l’homme de l’Indra.

Vous travaillez pour Indra ? Le nom me parle, je crois savoir que c’est la société qui gère les exports d’électricité vers le Cercle d’Or ? Il hoche la tête en guise de réponse. Je poursuis. Alors je vous laisse directement reverser la somme au Gouvernement Mondial, avec qui vous êtes en affaires. De la part du Commodore Alex Raines. R-A-I-N-E-S. Notez-le bien… Et n’essayez pas de m’escroquer, vous n’avez pas intérêt à saborder vos relations avec votre plus gros client.

Il hoche à nouveau la tête, puis s’excuse en repartant avec les malles de billets.

C’est noble… Mais vous auriez dû garder l’argent et vous payer un abri pour Djambuwal avec ! D’autant que les places dans leurs bunkers ici sont chères, et qu’ils font payer un supplément aux non-modifiés comme nous !

Je me lève et quitte le lit. Je passe la main sur mon flanc, qui est toujours très douloureux. Je remarque qu’ils n’ont effectivement pas menti, et m’ont bien administré des soins rudimentaires. Bien. Avec les quelques heures de repos que j’ai pu obtenir, cela devrait augmenter mes chances de survivre à l’épreuve de Sloth. Ce n’est pas idéal, mais ça fera l’affaire.

Je vous remercie de votre sollicitude, mais je ne compte pas m’enterrer dans un abri et attendre que la tempête passe. Je vais la braver.

Et puis, je me sens redevable. Je n’ai pas réussi à les empêcher de mettre la main sur Nessie. Et bien que la créature n’ait plus beaucoup de temps à vivre, j’aurais aimé lui assurer le repos qu’elle aurait sans doute préféré avoir. Et ses dernières pensées, avant qu’il ne perde connaissance… Allaient à son œuf. Sa progéniture. Sa descendance. Je ne crois pas que Kagari ou que l’Indra soient au courant que Nessie avait pondu juste avant notre affrontement, et il doit toujours se trouver au fond du lac. Et la moindre des choses que je puisse faire, c’est de m’assurer qu’il ait survécu. C’est, il me semble, la manière la plus juste d’honorer le combat qu’il a mené avec moi, et qui nécessairement m’aide à devenir plus fort. Je suis happé hors de mes pensées par Kagari, qui rit à gorge déployée.

Hahahaha ! Vous allez rester dehors, pendant Djambuwal ? Décidément, vous m’aurez bien fait rire ! Il marque une courte pause, puis prend un air un peu plus sérieux. Je serais mal avisé de vous faire une leçon sur la confiance en soi… Mais il y a une frontière mince entre cette dernière et l’inconscience pure, simple et stupide… Et vous êtes en train de la franchir.
Ne vous en faites pas pour moi. J’ai la peau dure. Je lui réponds en prenant le même air.
Hahahaha ! Je vous le souhaite ! Je ne suis pas aussi suicidaire ! Peut-être qu’on se reverra sur une prochaine chasse ! Sur un gibier qui vaille vraiment la peine ! Adieu !

Je ne réponds pas, et j’en doute fortement. Ce drôle de personnage prend alors congé en sifflotant, sans sembler être préoccupé par ce qui l’entoure. De mon côté, je sors du bâtiment dans lequel je me trouve.

BRAOUM. BRAOUM. BRAOUM.

La cadence avec laquelle la foudre tombe s’est intensifiée, et le vent à également forcit. Le ciel semble également teinté désormais en permanence d’une lueur d’un violet éblouissant. Je peux effectivement sentir avec certitude que quelque chose va se produire… Je prends une longue inspiration, puis souffle un grand coup.

C’est parti, Raines. C’est la dernière ligne droite.
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Retrouver l'œuf de Nessie dans le lac Cocijo est assez aisé : c’est la seule présence que je parviens à déceler dans l’eau. A croire qu’avec l’arrivée imminente de Djambuwal, tous les poissons ont déserté et sont partis s’enfouir dans la vase ou se mettre à l’abri ailleurs. A l’inverse, l’énergie vitale de la progéniture de l’anguille géante ne cesse d’augmenter, pulsant à intervalles réguliers. De plus, comme l’absence d’activité dans le lac a non seulement réduit la quantité de vase en suspension qui s’y trouve, et que l’eau a pris la teinte violette du ciel, je parviens à y voir surprenamment bien… Et arrive ainsi devant l'œuf.

C’est un œuf comme je n’en ai jamais vu… Déjà, de par sa taille : il doit presque faire un mètre de haut… Sa coquille est couverte de zébrures bleues et vertes, qui rappellent les figures de lichtenberg laissées sur les corps des foudroyés… Et surtout, il brille et clignote d’une lueur bleuté qui semble s’intensifier à mesure que les minutes passent. Mon intuition me pousse à penser que cela à forcément avoir avec Djambuwal : et il y a de fortes chances que le cycle de vie de la créature lacustre suivent ou soit d’une manière ou d’une autre lié à cet événement singulier… Je pose la main dessus. Il dégage une forte chaleur. C’est… Euh… Bon signe, je crois ? Je ne m’y connais pas trop en anguilles… Ni en reproduction ovipare… A Kage Berg, on a plutôt l’habitude des vaches… Mais je suis persuadé que tout va bien. Rassuré que la lignée de Nessie ne soit pas interrompue et que je ne me sente pas coupable vis-à-vis de la créature avec laquelle j’ai échangé des coups, je commence à m’éloigner et à remonter à la surface.

BRAOUM.

L’éclair qui frappe la surface du lac est si puissant que je l’entend même jusqu’au fond de l’eau… Et cette dernière se met à briller d’une vive lumière violette éclatante. Tout le lac s’illumine… Comme si je me baignais dans la lumière. Comme si tout autour de moi n’était que blanc, comme quand j’arpentais la toundra Drumoise… Juste après le flash, un épais nuage de vase se soulève, preuve que l’éclair est venu frapper jusqu’au plus profond du lac. Comme toute l’eau se met à trembler et crépiter encore plus intensément que d’habitude, je commence à remonter à la surface, sans autant de visibilité que lors de ma plongée. Tout à coup, je sens quelque chose m'agripper la jambe. Je peste intérieurement. Je me suis embronché dans des algues ? J’agite ma jambe d’un coup sec, pour me dégager de l’étreinte de quoi que peut être cette chose, mais la sensation est toujours là… Mais elle ne m’empêche pas de remonter à la surface, et je commence à manquer d’air, alors je n’y prête pas plus attention.

BRAOUM.

J’émerge des eaux du lac en prenant une grande inspiration, plus difficile que les autres. Les nombreuses plongées et remontées au fond du lac commencent à se ressentir sur mon organisme qui danse déjà à la frontière de l’épuisement, et se traduit en une sensation d’oppression sur ma poitrine. Je me hisse hors de l’eau, et me dépêche de me diriger sous le couvert des arbres avant de désactiver la pellicule de Haki de l’Armement qui me protège. Le début de Djambuwal ne semble être qu’une question de quelques heures tout au plus… Alors je dois profiter du temps qu’il me reste non pas pour me reposer, mais pour me mettre en condition et me préparer mentalement à ce qui m’attend… Et vu le poids que j’ai sur les épaules, ce ne sera clairement pas de trop. D’ailleurs, c’est étrange, mais cela ne me pèse que d’un des deux côtés. Des effets secondaires et des fourmillements dus à mon électrisation permanente ? Je masse mon épaule endolorie… Pour n’y trouver que la sensation de m’agripper à quelque chose de visqueux, humide et… Qui me mordille la main. Je tourne la tête… Et tombe nez-à-nez avec la tête d’un animal qui est juché sur mon épaule. Je sursaute de surprise à cause de la proximité de mon visage et de cette gueule bardée d’une ribambelle de crocs pointus. Mon premier réflexe est d’utiliser le Soru quasiment instantanément pour effectuer un déplacement à courte portée, pour me mettre hors de portée et me permettre d’analyser la situation un peu plus clairement. Je lance un regard rapide vers l’emplacement que je viens de quitter, mais je ne vois rien. Ce n’était que le fruit de mon imagination ? La fatigue qui me joue des tours ?

Mrrrrr ! Je tourne subitement la tête à gauche lorsque j’entends ce roucoulement… Et hurle lorsque la gueule de la créature est toujours là.
AAAAAAAAAAAAAAAH !

J’effectue un nouveau Soru réflexe…

Mrrrrrrrrrrrrr !

Même constat. La créature ne me lâche pas ! Je souffle un grand coup pour reprendre mon calme et réfléchir posément à la situation… Et constate que la créature, dont le corps est en fait serpentiforme, est enroulée autour de mon torse, et a seulement le bout de sa tête posée sur mon épaule. Je fais assez rapidement le lien et comprend que c’est ça, la sensation d’oppression que j’ai eu dans l’eau… C’est cette sorte de… D’anguille qui m’a agrippée la jambe et s’est hissée sur moi ! Une… Une anguille ? Je lance un nouveau regard en direction de la créature. Sa peau translucide laisse voir ses organes en transparence… Et je devine sous sa peau de petites excroissances qui, bien qu’elles ne semblent pas totalement identiques, me font grandement penser à celles dont Nessie se servait pour m’attaquer avec ses chocs électriques. D’ailleurs, sa peau présente des reflets aux couleurs similaires… Et ses yeux sont exactement les mêmes… Mes yeux s’écarquillent lorsque je connecte les points, et que je réalise ce qui se passe.

Né… Nessie ?!
Mrrrr ! L’anguille électrique roucoule à nouveau, comme si elle répondait positivement à ma question… Qu’une pulsation de Haki de l’Observation finit de me confirmer : je ne sens plus la présence de l'œuf au fond du lac. Je soupire d’exaspération. C’est bien ma veine… Il semblerait que j’étais au mauvais endroit au mauvais moment, et que l’éclair qui a frappé l'œuf de l’anguille l’a fait éclore… Et que le nouveau-né s’est entiché de moi !

Allez, retourne à l’eau, j’ai à faire et Djambuwal approche, ce n’est pas une bonne idée de rester là ! J’essaie de décoller la créature poisseuse sans la blesser, mais hormis me mordiller les doigts en guise de jeu et roucouler, elle ne réagit pas.
Mrrrrr !

BRAOUM !

Aaaaaaah ! Je n’ai pas le temps de m’occuper de ça ! Je commence à perdre patience quand un nouvel éclair assourdissant tombe non loin de moi. L’arc électrique tape la faîte d’un des arbres-paratonnerres du sous-bois dans lequel je me trouve. Ce dernier, au lieu d’absorber l’énergie comme d’habitude, s’embrase instantanément et commence à tomber. Je déglutis lentement. Pas étonnant que les habitants de Mechanicae Emporium ou les poissons du lac Cocijo se mettent à l’abri… Même la végétation qui s’est adaptée au climat fulgurant de Raijin Island ne résiste pas aux éclairs surpuissants qui se produisent lors du Djambuwal… Et soudainement, je commence à réaliser la terreur de l’épreuve de Sloth. Vais-je vraiment réussir à y survivre ?

Mrrrr ! Un nouveau roucoulement du rejeton de Nessie me ramène à la brusque réalité. Je n’ai pas de temps à perdre en pensées parasites.
Tu ne veux pas t’en aller ? Très bien ! J’espère que pour toi que comme ton paternel, la foudre ne te fait aucun effet !
Mrrrrr !

BRAOUM !

Sous le couvert des arbres, l’anguille toujours enroulée autour du torse, je m'assois en tailleur et ferme les yeux. Je tente de me concentrer sur ma respiration et sur mon souffle, malgré le vent et le tonnerre qui forcissent. Cela fait plus de deux semaines que je travaille sur mon Haki de l’Armement, ma capacité à le déployer et à le maintenir, et à renforcer sa puissance brute. J’espère avoir fait assez d’efforts, car si ce n’est pas le cas…

Je risque de connaître le même sort que les ennemis de l’Amiral Fuuryuko…
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BRAOUM !

C’est comme si le ciel se déchirait.

C’est une métaphore assez commune pour parler de la tempête ou de l’orage. Mais je crois que ceux qui l’emploient ne savent pas à quel point il s’agit d’un euphémisme en comparaison de Djambuwal. Les éclairs zèbrent le ciel sans interruption, dans un vacarme assourdissant. La terre tremble à cause des impacts répétés de foudre, me donnant l’impression que le sol va céder sous mes pieds. Les arbres et la végétation, qui ont pourtant évolué pour s’acclimater à la foudre, ne tiennent pas, et explosent en s’embrasant. Même la pierre, qui est vitrifiée par des années d’usure électrique, vole en éclat et est pulvérisée sous forme de sable. Les vents violents sont chargés d’électricité statique, et font que les éclairs se déploient désormais presque à l’horizontale, quadrillant le ciel de barbelés de lumière. J’ai connu l’éruption pyroclastique surpuissante du volcan de Koneashima, dopé à la Grixendre volée par la pirate Izumi. J’ai connu le déluge d’artillerie sans fin du Buster Call d’Aeden. Mais je n’ai jamais été témoin d’une destruction aussi violente.

C’est l’apocalypse, ni plus ni moins.

BRAOUM ! BRAOUM !

Et moi, je me tiens au milieu de tout ça, contemplant ce terrible spectacle, cette démonstration de puissance inimaginable de la nature… Et j’attends. J’attends le bon moment, incertain d’être capable de déterminer quand il se produira. Immobile, caché parmi les arbres, le rejeton de Nessie toujours entortillé autour de mon corps.

BRAOUM !

Plusieurs minutes passent, et je suis incapable de détourner les yeux de lumières qui flashent et qui dansent devant moi dans un tumulte assourdissant. Si j’étais épilleptique, je serais déjà en train de cracher des bulles par terre. Que devrais-je faire ? Rester à couvert des arbres ? Me construire un abri de fortune ? Creuser un terrier et m’y enfouir pour augmenter mes chances de survie ? La panique me gagne lorsque je me rends compte que je suis surclassé, et que je ne sais absolument pas comment réagir à la situation. Lorsque j’ai reçu ma formation au B.A.N., alors que je m’apprêtais à faire carrière dans la marine d’élite, on m’avait pourtant répété de m’attendre à l’inattendu, mais là… C’est trop extrême.

BRAAAAAOOOOUUUUUUUM !

Un dernier éclair ridiculise tous ceux qui ont précédemment éclaté, annonciateur d’un sinistre présage. Au loin, je la vois qui arrive. Une masse informe de nuages noirs comme le jais qui avale les distances à grande vitesse et qui crépite d’une sinistre lueur violette. Juste en dessous, le ciel est trouble, à cause de la pluie… Mais il y a quelque chose qui cloche. Ce n’est pas de l’eau qui tombe sur le sol. C’est de la foudre. Un véritable déluge d’éclairs approche, fracassant le sol comme si c’était un troupeau de bêtes sauvages et fulgurantes qui le piétinent. La terre tremble, et le vacarme assourdissant étouffe tous les autres bruits. Ça y est, le voilà. Sloth m’en avait parlé en le comparant à l’Aqua Laguna… Et elle n’avait clairement pas minimisé la chose : c’est un véritable raz-de-marée d'électricité, une immense vague de foudre qui avance en détruisant tout sur son passage.

Subjugué par la beauté de la scène et terrifié par la puissance du cataclysme qui se dirige droit vers moi, je n’ai plus le temps de réfléchir à la marche à suivre, car dans moins d’une minute, je serai en plein dans la tempête. Il n’est plus question de reculer. De toute manière, ça n’a jamais été une option. Fuir, reculer, chercher la manière facile de résoudre le problème… C’est comme ça que les perdants réfléchissent.

Je prends alors une décision radicale.

Je me dresse, et pointe le doigt vers le ciel, comme si j’attaquais le ciel avec mon Shigan. Vous voulez me mettre au défi ? Très bien ! Je le relèverai ! Je retiens ma respiration, et contracte tous les muscles de mon corps avec le Tekkai. Puis, je le recouvre entièrement de Haki de l’Armement. Je puise dans mes ressources, et vais chercher jusqu’au plus profond de moi-même. Voici le résultat de ces dix-sept jours d’entraînement. Voilà la preuve de ma détermination et de ma motivation, l’affirmation de mon identité. Voilà qui je suis, Alex Raines ! Et je ne reculerai devant aucun défi avant d’être devenu Amiral ! Pas même une foudre dont la puissance rivalise avec celle de White Bird !

BRAAAAAOOOOUUUUUUUM !

L’orage arrive enfin, et me frappe de plein fouet. Sans discontinuer. Sans répit. Le feu me traverse, de la pointe de mes doigts jusqu’au bout de mes orteils. Tout brûle, et je serre les dents à m’en briser la mâchoire.

Tout brûle… Et je brave la tempête.

Et puis, il n’y a plus rien que l’obscurité.
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Dix-huitième jour.

Maîtresse, vous ne voulez pas plutôt qu’on rentre à Turpitude ? C’est pénible de le chercher, j’ai la flemme… Et puis, vous avez vu l’état du sol ? La tempête était tellement violente qu’on se croirait dans le désert d’Alabasta… Toute la roche n’est plus que du sable ! S’il est bien resté dehors cette nuit, il n’y a aucune chance qu’il ait survécu…
Silence, Drake… Regarde.
Kssssssh !
Qu’est-ce que c’est, un serpent ? Pourquoi il est entouré autour de ce rocher ?
Ce n’est pas un rocher…
Une statue moche ?
Eh, Raines. Debout. Arrêtez de lézarder.

Un frisson traverse mon corps, faisant tomber au sol une pellicule de sable et de morceaux de roche vitrifée. Seuls quelques doigts de ma main tremblent et remuent péniblement. Je n’y vois toujours rien, et c’est comme si ma tête était prisonnière d’un scaphandre de béton : tous mes sens sont engourdis… Mais je devine tout de même le sourire qui s’affiche sur le visage de Sloth.

Allez, vous avez rempli la deuxième épreuve, félicitations ! Je vous avoue que je n’y croyais qu’à moitié, mais vous en avez dans le ventre, finalement ! Peut-être qu’effectivement, d’ici un an, vous ferez un advers…

Je ne l’entends même pas finir sa phrase. Mon esprit ne s’est réveillé que quelques instants, juste le temps de confirmer que j’étais bien en vie et que j’avais bien réussi son épreuve… Avant d’aussitôt sombrer à nouveau dans l’inconscience.

J’ai survécu à Raijin Island. J’ai survécu à Djambuwal. J’ai bravé la tempête. Mais il me reste encore treize jours de souffrances à endurer aux côtés de Sloth. Encore treize jours de gestation dans cette chrysalide, à me faire détruire, réduire en bouillie et reconstruire. A effectuer ma métamorphose.

Et dans treize jours, j’émergerai de ce cocon, plus puissant que jamais et prêt à conquérir ce monde !
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