À esclave, esclave et demi !
La navette indépendante fendait les flots.
Le temps sec et chaud, à peine rafraîchi par les embruns salés de la mer, commençait déjà à faire suer Hayato. Tant le climat que le panorama lui rappelaient Hinu Town, l’île de West Blue sur laquelle il avait rencontré Aquila. Voilà des années qu'ils s'étaient quittés et, à ces pensées, l'épéiste ne put s'empêcher de sourire. Il espérait que son exploration de l'île lui réserverait moins de péripéties qu'avec le jeune bretteur ! Lorsqu'enfin l'embarcation s'amarra au ponton, l'épéiste remercia le capitaine avant de fouler la terre ferme. Immédiatement, la chaleur l'assaillit de plus belle. Loin de s'émouvoir des conditions, le vagabond embrassa le paysage du regard.
En quelques instants, le guerrier fronça les sourcils. Il avait entendu des rumeurs, quant au mode de vie des habitants de Rhétalia. C'était d'ailleurs pour cette raison qu'il s'était aventuré ici : la curiosité. Comment une nation arrivait elle à tenir le gouvernement mondial en respect ? Rester non affiliée au mastodonte politique le laissait songeur, à vrai dire. Il avait même pris sur lui, s'était préparé mentalement, pour ne pas s'offusquer devant l'autre principe fondateur du royaume : l'esclavage. Le simple mot lui hérissait les poils. Que l'on cherche à asservir autrui sans aucune raison ou, pire, sous des prétextes fallacieux... Non, il préférait ne pas y penser. Fort de sa patience et de son calme sempiternels, Hayato respira et tint bon devant le spectacle affligeant qui s'étalait devant lui.
Enfants, femmes, vieillards... Peu importait l'ethnie, l'âge ou le sexe, les esclaves fourmillaient dans le port de la cité Valoonia. Il pouvait apercevoir des étals de marchands qui traitaient les Hommes comme du bétail. Ces comptoirs jouxtaient ceux plus traditionnels, offrant denrées alimentaires ou produits locaux. La foule ne s'émouvait pas d'un iota de leurs mines faméliques et fatiguées. Comme si cela n'était pas suffisant, le fossé entre les hommes-objets et leurs maîtres était encore exacerbé par leurs moyens de locomotion. Apparemment, sur ces terres, seuls les moins que rien marchaient. Les hommes-libres et les "dresseurs", eux, se promenaient à dos de cheval, de chameaux ou dans des carrosses luxueux. Certes les terres fertiles, ou l'architecture riche et gracieuse prouvaient que le royaume prospérait... mais à quel prix ces bateaux, ces bijoux, ces riches tentures ou ces animaux avaient-ils été achetés ?
Le prix du sang et des larmes.
S'il ne s'était pas promis de parcourir le monde pour s'endurcir, le vagabond aurait tourné les talons aussitôt. S'il n'avait pas été de composition amène et placide, l'homme d'honneur aurait bondit. En définitive, était il un lâche, ou un homme de parole ? Vivre et prospérer, voilà ce qu'il avait promis à son défunt père adoptif. Dans sa condition actuelle, s'élever seul contre Rhétalia relevait du suicide. D'autant plus si, comme l'affirmaient les rumeurs, l'empire Rhodésien protégeait ce mode de vie abject. Le voyageur prit une grande inspiration et se fit violence. Il avança à pieds, sans se soucier des qu'en dira-t-on. Il n'avait ni la fortune, ni l'envie de se plier à cette marginalisation sociale. Cependant, le poids des coutumes locales le rattrapa bien vite.
- Eh ! Toi ! L'homme en bleu ! Où est ton maitre ?
- Mon maitre ? releva Hayato d'un ton calme. Je ne suis pas un esclave.
- Oooh... T'es un étranger ? Alors ne marche pas au sol ! C'est bon pour les chiens et les déchets.
D'un simple coup d'oeil, l'épéiste remarqua le groupe de quatre hommes aux mines patibulaires, qui le toisaient du haut de leurs chameaux. Ils portaient tous des tuniques légères et des pantalons bouffants aux couleurs claires.
- Mes excuses, messieurs. Je n'ai pas assez d'argent pour me payer ce genre de monture. Si vous n'y voyez pas d'inconvénient, je vais visiter votre pays, maintenant.
- Hmm. Ouais, fais, fais...
Goguenards, les hommes écartèrent leurs montures pour lui laisser place nette. Alors qu'il passait devant eux, il aperçut un groupe d'enfants marqués au visage, comme de vulgaires animaux. S'adapter et tolérer ce genre de rites barbares allait s'avérer plus compliqué que prévu, finalement. Lui qui pouvait se targuer d'une patiente à toute épreuve, sentait peu à peu la moutarde lui monter au nez. Comment pouvait-on infliger pareil traitement à des enfants ? Trop occupé à décrier les coutumes locales, Hayato ne vit pas le coup de gourdin venir. Comme la première attaque en traître le sonna à peine, il tenta de dégainer mais, soudain, un hennissement le fit se retourner. Il eut tout juste le temps de voir un fer à cheval lui arriver en pleine tête.
Puis le trou noir.
La tête endolorie, la vision encore trouble, il se réveilla difficilement. Combien de temps était il resté inconscient ? Impossible à dire. Il promena un regard hagard autour de lui, avant de sentir son estomac se serrer. Un tintement métallique attira son regard vers ses poignets. Horrifié, il découvrit des chaines lui enserrant ses quatre membres. En y regardant de plus près, il se trouvait dans une vulgaire cage, au milieu d'autres malheureux réduits en esclavage.
Tant pis pour la promenade de santé.