Des semaines. Des mois. Des années. Combien de temps Ojom avait-il passé enfermé dans cette cave humide, captif d'une cage tout juste assez grande s’y étirer ? L’écoulement des jours avait perdu son sens dans cette prison souterraine, loin de la lumière du jour. Un jour. Puis l’autre. Encore. Et encore. Et encore. Cette isolation prolongée aurait fait perdre l’esprit à bien des hommes. Mais le requin était habitué aux abysses sombres…. Et surtout il avait reçu de l’aide. Les visites infréquentes de Qin, l’homme aux yeux bandés, avait représenté un phare au milieu des ténèbres poisseuses de l’ennui, rompu d’ordinaire uniquement par les tirades geignardes de son maître et la lente croissance de la mousse sur le mur d’en face. C’est à travers les complots de Qin qu’Ojom avait pu avoir un œil sur la société de Kanokuni, ses mœurs, ses coutumes et l’architecture complexe du palais qui entourait sa prison… Des perles de savoir qui allaient s’avérer précieuses.
Car la nécessité de s’échapper se faisait de plus en plus pressante. L’Homme-Poisson avait depuis longtemps extrait toutes les informations qu’il pouvait espérer de Liu. Les complaintes du médecin de la cour avaient perdu tout intérêt aux yeux du requin friand d’histoires… Et il lui semblait de plus en plus évident que le sentiment était réciproque. Alors qu’il visitait autrefois presque tous les jours, le thérapeute venait de moins en moins souvent quérir la sagesse de son captif. Le docteur se complaisait dans la médiocrité à laquelle il avait pu se hisser en exploitant le savoir d’Ojom… et surtout son égo commençait à souffrir de dépendre ainsi de l’intelligence d’un monstre hideux. L’Homme-Poisson avait été la clé de son succès mais maintenant que Liu avait obtenu la reconnaissance désirée ? L’amphibien n’était plus qu’un rappel à son imposture. Et Liu n’était pas homme qui appréciait être mis en face de ses tares, Ojom avait eu des années pour le comprendre. Ses jours étaient comptés.
Mais à la surface, les tambours de la révolte grondaient de colère et le tumulte de la guerre résonnait jusque dans sa prison. Paysans et samouraïs dissidents marchaient sur le palais, brandissant un mélange hétéroclite de sabres et de fourches. Et tandis que les habitants de Kanokuni prenaient en main le destin de leur île, Ojom récupérait le sien. La prophétie de Qin s’était réalisée. C’était maintenant ou jamais.
L’Homme-Poisson se leva doucement, posant sa main palmée contre les barreaux glacés de sa prison. Son apparente fragilité semblait bien plus distante dès lors qu’il n’était plus ratatiné dans un recoin. Ses yeux brillants dans l’obscurité s’illuminèrent d’une lueur prédatrice. Le requin n’avait pas laissé sa captivité s’écouler en vain. Cela faisait désormais des années qu’il pratiquait en secret le karaté de son peuple, puisant dans les souvenirs de vieux manuels parcourus dans ses jeunes années. Un tel apprentissage autodidacte était tout sauf efficace, mais le temps avait été une ressource plus qu’abondante.
*Voyons si cet entraînement a porté ses fruits*
Ojom prit une grande inspiration et arma le coup. Concentrer la force de son souffle dans le creux de son estomac. Sentir le sang qui circule dans ses veines comme une infinité de rivières. Contrôler ce flot pour rediriger toute sa force comme un torrent à l’explosion d’un barrage. Il avait répété ces mouvements tant de fois qu’ils s’étaient ancrés jusqu’au plus profond de ses muscles. Un combattant accompli aurait pu sectionner les barreaux avec le seul tranchant de sa main. Le karateka amateur se contenterait de les tordre. D’un seul coup, son bras se détendit comme un cobra, frappant le métal avec la puissance d’un tir de fusil. Le barreau se tordit sous la force de l’impact, ouvrant un passage juste assez large pour que le requin gracile se faufile.
Ojom prit un instant pour goûter le délice du triomphe. Enfin, la liberté. Un espace si large qu’il donnait presque le tournis après une si longue captivité. Soudain, un hurlement quelque part aux étages supérieurs. Pas le temps de traîner, cet endroit était en train de devenir un bain de sang. L’Homme-Poisson se dirigea vers un mur pour en arracher les briques. Qin avait utilisé ce passage durant des années, un autre cadeau que lui offrait indirectement son bien étrange ami.
Car la nécessité de s’échapper se faisait de plus en plus pressante. L’Homme-Poisson avait depuis longtemps extrait toutes les informations qu’il pouvait espérer de Liu. Les complaintes du médecin de la cour avaient perdu tout intérêt aux yeux du requin friand d’histoires… Et il lui semblait de plus en plus évident que le sentiment était réciproque. Alors qu’il visitait autrefois presque tous les jours, le thérapeute venait de moins en moins souvent quérir la sagesse de son captif. Le docteur se complaisait dans la médiocrité à laquelle il avait pu se hisser en exploitant le savoir d’Ojom… et surtout son égo commençait à souffrir de dépendre ainsi de l’intelligence d’un monstre hideux. L’Homme-Poisson avait été la clé de son succès mais maintenant que Liu avait obtenu la reconnaissance désirée ? L’amphibien n’était plus qu’un rappel à son imposture. Et Liu n’était pas homme qui appréciait être mis en face de ses tares, Ojom avait eu des années pour le comprendre. Ses jours étaient comptés.
Mais à la surface, les tambours de la révolte grondaient de colère et le tumulte de la guerre résonnait jusque dans sa prison. Paysans et samouraïs dissidents marchaient sur le palais, brandissant un mélange hétéroclite de sabres et de fourches. Et tandis que les habitants de Kanokuni prenaient en main le destin de leur île, Ojom récupérait le sien. La prophétie de Qin s’était réalisée. C’était maintenant ou jamais.
L’Homme-Poisson se leva doucement, posant sa main palmée contre les barreaux glacés de sa prison. Son apparente fragilité semblait bien plus distante dès lors qu’il n’était plus ratatiné dans un recoin. Ses yeux brillants dans l’obscurité s’illuminèrent d’une lueur prédatrice. Le requin n’avait pas laissé sa captivité s’écouler en vain. Cela faisait désormais des années qu’il pratiquait en secret le karaté de son peuple, puisant dans les souvenirs de vieux manuels parcourus dans ses jeunes années. Un tel apprentissage autodidacte était tout sauf efficace, mais le temps avait été une ressource plus qu’abondante.
*Voyons si cet entraînement a porté ses fruits*
Ojom prit une grande inspiration et arma le coup. Concentrer la force de son souffle dans le creux de son estomac. Sentir le sang qui circule dans ses veines comme une infinité de rivières. Contrôler ce flot pour rediriger toute sa force comme un torrent à l’explosion d’un barrage. Il avait répété ces mouvements tant de fois qu’ils s’étaient ancrés jusqu’au plus profond de ses muscles. Un combattant accompli aurait pu sectionner les barreaux avec le seul tranchant de sa main. Le karateka amateur se contenterait de les tordre. D’un seul coup, son bras se détendit comme un cobra, frappant le métal avec la puissance d’un tir de fusil. Le barreau se tordit sous la force de l’impact, ouvrant un passage juste assez large pour que le requin gracile se faufile.
Ojom prit un instant pour goûter le délice du triomphe. Enfin, la liberté. Un espace si large qu’il donnait presque le tournis après une si longue captivité. Soudain, un hurlement quelque part aux étages supérieurs. Pas le temps de traîner, cet endroit était en train de devenir un bain de sang. L’Homme-Poisson se dirigea vers un mur pour en arracher les briques. Qin avait utilisé ce passage durant des années, un autre cadeau que lui offrait indirectement son bien étrange ami.
Dernière édition par Ojom le Sam 2 Mar 2024 - 23:20, édité 2 fois