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Trahison, disgrâce !

Kanokuni année 1627, alors que la nouvelle de la défaite de la Marine et du Gouvernement mondial face à la Révolution atteint le Palais impérial.


La cour du Palais était plongée dans un silence de mort alors que la nouvelle se répandait au sein des coursives. Les estafettes personnelles des grands nobles et fonctionnaires venaient de revenir de Jing pour y rapporter la sinistre nouvelle de la victoire révolutionnaire.  

Nombreux au Palais devaient s’en réjouir notamment depuis que le couple impérial avait pris fait et cause des rebelles quant aux autres, soit ils feignaient une neutralité prudente soit ils s’apprêtaient à devoir faire face à des temps difficiles s’ils s’étaient ouvertement opposés à l’armée révolutionnaire.

Que la Révolution ait arraché un pays de cette taille au Gouvernement allait provoquer un remous géopolitique colossale et ce d’autant que nous étions dans les Blues, l’arrière-cour paisible de l’institution mondiale.

Cependant mes pensées vagabondaient vers d’autres sujets.

Avec la défaite de la Marine, ma position allait devenir des plus précaires au sein du pays des fleurs. La Révolution n’allait pas manquer de resserrer son étreinte et traquer tous les restes du Gouvernement au sein de leur nouvelle conquête et surtout cela me serait difficile de bénéficier d’un quelconque soutien extérieur.

Je ne devais pas faire mon rapport avant la prochaine lune mais le contexte était critique. Je devais à tout prix contacter mon supérieur pour connaître la marche à suivre.



La nuit était tombée sur le Palais. Paisible mais vicieuse car nul doute que d’innombrables paires d’yeux se dissimulaient dans les ombres. Pourtant je prenais le risque de m’aventurer au-dehors de mes appartements. Redoublant de prudence, j’arpentais les chemins les plus obscurs que je connaissais tout en me montrant particulièrement méticuleux dans l’art de la contre-filature.

Au terme de plusieurs heures de tensions, je parvins à atteindre l’extérieur du Palais et je regagnais cette grotte à l'écart, dissimulée au cœur d’une petite forêt de promenade.

Bien enterré, m’attendait une caisse au plus profond de la grotte. Elle contenait un équipement complet de transmission avec notamment un brouilleur pour contrer les importuns.

Le temps m’étant compté avant le retour du soleil, je m’installais sans attendre et commençait à émettre.

Cai : “Opération de contre-insurrection 1587 à central.... Je répète opération de contre-insurrection 1587 à central...”

Durant près de 20 minutes, je m’échinais à répéter inlassablement le même message jusqu’au moment où les grésillements se mirent à onduler avant que quelques mots sortent de l’appareil.

CP6 : “Aucun contact n’est prévu aujourd’hui ...”

Cai : “La situation a changé, ma position est compromise et intenable. J’ai besoin d’une exfiltration imminente. La Révolution garde les ports et les points d’extraction.”

Plusieurs minutes s’écoulèrent en silence.

CP6 : “Aucune exfiltration n’est prévue agent. Votre mission demeure la surveillance, l’identification et la neutralisation des éléments corrupteurs.”

Je restais incrédule.

Cai : “Le gouvernement impérial a basculé, la Révolution procède au grand jour. Cela n’a plus de sens de surveiller”

La voix me coupa sèchement.

CP6 : ”Vos ordres sont inchangés. La transmission est terminée.”

Un petit bruit reconnaissable d’un combiné se raccrochant ponctua la fin de la phrase.

Je restais dans le noir, complétement interdit avant de brusquement me relever et de frapper dans le mur en réprimant un juron.

Les enfoirés ! Ils étaient aussi paumés que moi et dans le doute ne voulaient pas sacrifier de ressources. Ils allaient attendre de voir comment la situation évolue et peu importe que je sois sur des braises ardentes.

A moins que ce ne soit encore pire. Peut-être estimaient-ils que j’avais échoué puisque l’insurrection avait éclaté. Peut-être qu’ils m’abandonnaient purement et simplement car je n’avais plus aucune valeur.

Je frissonnais un instant dans l’obscurité avant de reprendre silencieusement la direction du Palais.

Je devais rentrer avant le lever du soleil. Le temps m’était compté.
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1628, une année depuis la défaite de la Marine. Un gouvernement commun associant autorité impériale et pouvoir révolutionnaire règne sur Kanokuni.


Les griffes de la Révolution se resserraient sur le pays. Jusqu’à présent, j’avais pu échapper aux cadres du mouvement car le Palais impérial conservait une certaine autonomie. Voilà cependant que des As de l’Armée Révolutionnaire ainsi qu’une garnison allaient s’y installer.  

Depuis un an, les traitres n’avaient pas manqué au Palais à sortir du bois pour témoigner de leur soutien aux rebelles. Il y en avait certains que je soupçonnais d’autres qui étaient de véritables surprises comme le jeune Cuang.

Cet officier militaire d’une famille mineure de la noblesse avait su se faire un nom et une carrière après quelques actions d’éclats contre des bandits. Contre toute attente, il avait fait partie des premiers cadres militaires à se rallier ouvertement à la Révolution. Depuis il arpentait les couloirs de la demeure des empereurs en faisant preuve d’un zèle rare à dénoncer et traquer tous ceux qui ne témoignait pas d’un enthousiasme suffisant envers la cause.

Pour ma part, je tentais péniblement de survivre en donnant le change. J’avais affiché un soutien total et je m’étais même permis de vendre quelques nobliaux fidèles au Gouvernement Mondial que j’avais pu identifier depuis le début de ma mission. Si cela venait à s’apprendre, j’aurais bien entendu des comptes à rendre auprès de ma hiérarchie mais entre une mort imminente et une mort tardive, j’avais fait mon choix.

Tous les changements qui agitaient le pays, constituaient une véritable mine d’information que je pouvais communiquer au CP6. Cependant, cela faisait de nombreux mois que je n’avais pas cherché à contacter mon officier de liaison. Me rendre à ma cachette revenait à prendre un risque insensé au vu du contexte et à vrai dire, je n’avais guère d’entrain à remplir mes obligations envers une agence qui semblait avoir acté ma disparition comme perte négligeable.

Ainsi j’occupais mon temps à me plonger dans mes tâches officielles de fonctionnaire des douanes mais j’en profitais également pour me rapprocher de la Garde Rouge du Palais. Les célèbres utilisateurs du Hasshoken, chargés de protéger le Palais et l’Empereur. Je m’étais noué d’amitié avec un vétéran de la garde, un nommé maître Zi qui s’occupait de l’entrainement des recrues. Le vieil homme qui conservait une force prodigieuse pour son âge, se montrait volontiers paternaliste et protecteur envers les jeunes gens. Je sus en tirer parti pour m’approcher de lui et en faire une précieuse source d’information à son insu. De plus, durant les derniers mois, j’appris à ses côté l’art martial du Hasshoken.

Le style de combat typique de Kanokuni demandait une maîtrise de son corps mais surtout du “flux” circulant dans chaque mouvement. Il s’agissait d’un style bien différent du Rokushiki demandant de surpasser les limites du corps humains par un entrainement brutal et insensé. Zi m’apprit surtout à connaître parfaitement mon corps mais surtout comment il interagissait à chaque mouvement avec le monde qui l’entoure. Le Hasshoken ne brisait pas par un surcroit de force mais au contraire “érodait” sa cible en faisant circuler et refluer la force du coup en elle. En quelques mois, j’en avais non seulement saisi les bases mais je surpassais même de nombreux gardes rouges lors de mes entrainements réguliers. Zi en tirait une grande fierté, presque filiale, et rabrouait gentiment ses recrues en leur rappelant ce qu’un gratte-papier comme moi pouvait accomplir avec la détermination suffisante.

C’est également Zi qui m’apprit pour l’arrivée de la garnison de troupes révolutionnaires au Palais. Cela ne l’enchantait guère car cela marquait selon lui un manque de confiance en la Garde Rouge. Néanmoins il était difficile de refuser quoique ce soit à l’Empereur qui accordait toute sa confiance aux rebelles. Il m’apprit également que l’Empereur s’entretenait plus régulièrement que jamais avec les cadres de la Révolution mais aussi avec des représentants politiques du pays. De grands changements se profilaient à l’horizon et Zi n’écartait pas avec ombrage que l’Empereur n’abdique pour confier la gestion complète du pays à la Révolution.

Ce n’était qu’une supposition mais elle avait un poids colossal surtout venant de quelqu’un d’aussi proche des arcanes du pouvoir. Une partie de la noblesse du pays rejetait la Révolution, un changement politique majeur avec une diminution du pouvoir impériale ne manquerait pas de les faire réagir. Nous étions peut-être à l’aube d’une nouvelle guerre civile, une opportunité pour le Gouvernement Mondial de reprendre la main. Une telle information était peut-être ma chance de m’en sortir, si je recontactais ma hiérarchie et leur laissait miroiter ce que je savais en contrepartie d’une exfiltration.

Il allait falloir rejoindre ma cachette et mon transmetteur. Les festivités de la nouvelle année et du passage en 1629 seraient l’occasion parfaite pour m’éclipser.
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Nuit de la nouvelle année 1629


La cérémonie se voulait grandiose au Palais impérial. Dans les salles de banquet, les tables des convives regorgeaient de victuailles sophistiquées ce qui contrastait avec l'année précédente. Suite au conflit avec la Marine et aux destruction qui s'en étaient suivies, les Révolutionnaires avaient décrétés une année sobre pour le faste de la cour. Ils refusaient à voir festoyer la noblesse et l'administration quand le peuple souffrait.
Depuis, le pays avait su se reconstruire à grande vitesse et les récoltes avaient été abondantes au cours de l'année. Ainsi même les austères cadres de la Révolution avaient donnés leur consentement aux dépenses somptuaires de la cérémonie du nouvel an.

L'activité qui régnait au Palais m'offrait comme je l'avais espéré, une opportunité unique pour m'éclipser sans que l'on ne me remarque. La garde était débordée et se préoccupait principalement de surveiller les entrées. En usant de mille précautions, je savais que personne ne remarquerait quelqu'un cherchant à quitter le Palais.

Je m'étais absenté de la fête alors qu'elle battait son plein et j'avais revêtu par dessus mes habits précieux, des guenilles de serviteur. M'invisibilisant au mieux, je me faufilais au travers des coursives jusqu'à l'une des portes principales. Il aurait semblé plus aisé de viser une poterne faiblement gardée mais fidèle à mon mantra, je restais convaincu que la meilleure dissimulation restait d'avoir l'air plein d'assurance aux yeux de tous. Comme pour me conforter dans mes croyances, les soldats ne prêtèrent aucune attention à un serviteur passant le grand pont depuis l'intérieur du fief des empereurs.

Une fois au-dehors du Palais, je n'eus qu'à m'éloigner des artères principales pour me diriger vers les zones forestières qui bordaient le domaine. Le bosquet où se trouvait la grotte était baigné dans le calme ce qui offrait un contraste dépaysant avec les festivités que je venais de quitter.
La grotte était délicieusement fraiche et je m'y engouffrais avec impatience pour découvrir au fonds le petit carré de terre tant attendu.
Je déterrais prestement mon matériel et lançait la communication cryptée. J'étais fébrile et manquait d'attention, je ne voyais plus qu'une chose. Ma chance pour me tirer de ce panier de crabes qu'était Kanokuni.

Au bout d'un moment qui me parut être une éternité, le combiné se décrocha.

CP6 : "Agent Cai ?"

Cai : "Au rapport, j'ai des nouvelles de la plus haute importance."

CP6 : "Nous attendions vos rapports depuis bien longtemps..."

Cai : "La situation est complexe ici, j'ai eu le plus grand mal à me libé..."

Je ne remarquais que trop tardivement les détails fatals. C'était presque indiscernable mais dans la mallette de communication, certains éléments n'étaient pas à leurs places exactes. Je me souvenais précisément de comment je replaçais chaque élément de mon dispositif, c'était une routine à laquelle je m'étais astreint et je constatais avec effroi que ces mêmes éléments n'étaient pas exactement là où je les avais laissés. Il n'y avait hélas qu'une seule explication.

Une voix triomphante résonna depuis le fonds de la grotte.

Cuang : "Vous voyez maître Zi, je ne vous ai pas menti.

Un groupe de 4 hommes me coupait toute retraite. Parmi eux je distinguais Cuang, cet officier ambitieux et dévoué à la Révolution ainsi que ce bon vieux maître Zi dont les yeux vitreux me fixaient emplis de peine.

CP6 : "Que se passe t-il agent Cai ? Aucune source locale ne doit assister à nos échanges !"

Cuang : "Un chien du gouvernement, voila qui est votre protégé. Cela fait des mois que je le soupçonne. Oh il est prudent le bougre, j'ai dû déployer des trésors de patience avant qu'il ne fasse une erreur mais rien ne m'échappe." Il me jeta un regard mi-méprisant mi-triomphateur. "Lorsque j'ai finalement découvert ta petite cachette, il ne m'a pas fallu beaucoup de temps pour découvrir le sol meuble que tu avais retourné et ce dispositif... Les tyrans ne se privent de rien en matière de technologie."

Je restais silencieux en me retenant de me mordre furieusement la langue de frustration. Mes yeux ne quittaient pas ceux de Zi. Parmi mes adversaires, je ne redoutais pas Cuang mais les 2 gardes rouges qui l'accompagnaient, c'était une autre histoire quand à Zi, je doutais de pouvoir le vaincre même en duel.*

Cuang : "Rendez vous Cai. Selon ce que vous pourrez nous apprendre, votre sort en sera adouci. Qui sait, vous pourriez même avoir la vie sauve."

CP6: "En cas de compromission, la mort est la seule prérogative agent Cai."

Je fulminais intérieurement. Toute ma vie pour ça ? Depuis que j'étais gosse, je n'avais rien connu d'autre qu'être un foutu pantin. Au fur et à mesure que les années avaient passés, j'en étais devenu toujours plus aigri. Pourquoi, devais je me contenter d'exécuter des volontés me dépassant avec mes capacités qui surclassaient de loin celles des lambda qui jouissaient des plaisirs de la vie ? Et aujourd'hui, cela s'achevait dans une grotte putride ou bien dans les cachots de la Révolution pour être torturé ? Ceux à qui j'avais dédié ma vie par obligation et endoctrinement ne trouvaient rien de mieux que de m'abandonner et de me menacer ?

Cai : "Allez tous vous faire foutre !" Lâchais je en prenant une position de combat classique du Hasshoken.

Cuang : "Ne sois pas stupide bon sang. Zi dîtes à vos hommes de le maîtriser !"

Le vieil homme ne dit pas un mot mais d'un signe de tête, indiqua aux deux gardes rouges de faire leur office.

D'un mouvement commun, ils se jetèrent sur moi pour asséner chacun d'un côté un terrible coup vibrant. Ils profitaient de leur avantage numérique pour me forcer à choisir qui parer et qui encaisser. Cependant, ils me sous-estimaient.
Je pivotais vers la droite pour dévier l'attaque de mes deux mains tandis que dans le même mouvement je donnais un bref coup dans la mallette de télécommunication qui bondit sous l'effet vibratoire, droit dans la mâchoire de mon assaillant de gauche. Ce dernier surpris plus que réellement blessé, m'accorda le répit dont j'avais besoin pour répliquer à l'encontre de son comparse.

Emporté par l'élan de son coup dévié, je le frappais en plein torse d'un coup de poing violent qui s'enfonça profondément dans ses côtes. Une fraction de seconde s'écoula avant qu'il ne crache une abondante volée de sang suite aux vibrations du Hasshoken qui se propageaient.
Je n'eus ni le temps de l'achever ni le loisir de savourer ma manœuvre car le second garde revint à la charge en me saisissant entre ses bras pour me bloquer et me compresser dans un enlacement mortel.
Je sentais ses muscles se contracter pour me broyer tandis que les légers tressaillements de sa musculature généraient des vagues vibrantes s'infiltrant au travers de mes tissus pour attaquer directement mon ossature. Du sang se mit à perler depuis les commissures de mes lèvres tandis que ma vue se brouillait.

Je me remémorais les longs mois qui s'étaient écoulés alors que je m'entrainais avec eux. Les gardes rouges étaient des artistes martiaux formidables... Oui c'était cela ! Ils se battaient en artistes martiaux, leur manière honorable de mener le combat était leur force mais aussi leur faiblesse.

Une lucidité passagère m'extirpa de mes souvenirs pour m'offrir une seule et unique chance de m'en sortir. Je fis vibrer mon corps brutalement à l'aide du Hasshoken afin de faire bondir une lame dissimulée contre l'un de mes talons. Le morceau aiguisé de métal vola sous mes yeux alors que dans un ultime effort je lançais un violent coup de pied dans un angle serré, non pas pour atteindre le visage du garde qui était de toute façon hors de portée mais pour projeter la lame dans une direction très précise.

La petite dague fonça droit dans l'oeil du type qui avait le malheur d'être plus grand que moi. Un hurlement de douleur s'échappa alors que l'étreinte se desserrait. Je pivotais sur moi même pour accumuler la force du mouvement dans mon poing que j'abattais dans son ventre avec un craquement sinistre. Il s'effondra sur le sol, totalement inerte tandis qu'une flaque de sang se formait là où sa bouche épousait le sol.
Un violent coup déchira mes côte et me projeta contre un mur.

Le premier garde se tenait debout face à moi. Il avait repris contenance malgré les dégâts qu'il avait encaissé et il m'avait asséné un bon coup de pied à la mode Hasshoken. Difficile de savoir combien de mes côtes étaient encore intacte ni quelle quantité de tissus musculaires ils m'avaient déchiré mais la douleur était suffisamment éloquente.
Je le regardais droit dans les yeux avant d'abaisser les bras et de m'affaler dos au mur.

Cai : "Finis moi rapidement ! Comme un guerrier."

Cuang : "Non on a besoin de lui vivant !"

Le garde me scruta un instant puis acquiesça avant de préparer son poing pour m'achever. Les artistes martiaux sont décidément trop honorable. Pensant que j'avais abandonné, le bonhomme avait baissé sa garde un instant, un court instant qui me suffit pour me projeter vers l'avant, pivoter sur moi même pour asséner un violent coup de pied dans estomac après une rapide rotation.
Au moins, je pus lui offrir une mort rapide en échange de sa compassion.

J'étais éreinté et blessé si bien que je m'effondrais à genoux. Je reconnus rapidement les pieds du vieux maître m'ayant enseigné le Hasshoken qui se plaçaient face à moi.
Je levais les yeux pour découvrir un visage déformé par la colère, des veines battaient à ses tempes tandis que son teint oscillait entre le rouge vif et le cramoisi.

Zi : "Lève toi et meurs en te battant comme un homme. Tes petits tours ne marcheront pas sur moi."

Il avait raison et je le savais. De toute manière, j'étais à bout de souffle pour continuer.
Péniblement je me levais pour lui faire face et tentais tant bien que mal de prendre une posture officielle.

Derrière, Cuang s'époumonait mais dans la confrontation qui m'opposait à Zi, plus rien n'existait. Le monde entier s'était tu à nos oreilles, je n'entendais rien d'autre que la respiration régulière et puissante de mon adversaire. Chaque rythme respiratoire m'indiquait que cela serait rapide, une fraction de seconde pour m'asséner un enchainement qui me briserait sur le coup. C'était inéluctable....Et pourtant je refusais de l'accepter.

Tel un serpent, il bondit vers moi pour me porter un coup dévastateur. J'étais trop faible pour espérer parer alors je me jetais en arrière pour creuser la distance. Il ne renonça pas pour autant et abattit son pied puissant au sol pour se donner une nouvelle impulsion et repartir vers l'avant.
Je ne pouvais espérer que fuir alors une nouvelle fois, je me jetais en arrière pour ressentir avec fatalité le mur de la grotte m'interdire de reculer. Ce mur de pierre me donna l'impression de la main froide de la mort qui s'abattait sur moi pour m'empêcher de fuir mon destin.
Pourtant, je puisais dans mes dernières forces pour abattre mon poing sur le mur et me servir de l'impact pour me lancer sur le côté.

La manœuvre était désespérée et n'avait pour autre but que de me faire gagner du temps. Du temps pour quoi ? Je n'en avais aucune idée.
Suite à mon esquive, le poing furieux de Zi s'abattit sur le mur à l'endroit où je me trouvais une fraction de seconde plus tôt. La pierre se déchira sous la puissance du coup mais ce n'était rien comparé à la vibration qui circula à travers la roche et se propagea dans la grotte dans un grondement orageux.

Zi : "Tu n'as plus la force d'esquiver."

Il me lâcha ça en pleine face. Je ne pouvais pas bluffer ou nier, c'était un constat froid et implacable. Son prochain coup serait le dernier.

Soudain, la grotte se mit à gronder. De la poussière s'échappait des anfractuosités du plafond tandis que le bruit terrible s'amplifié. C'était comme si la terre se mettait à hurler et bientôt la poussière céda la place à des blocs de roche qui s'effondraient au sol. De plus en plus gros...
Zi était un guerrier puissant, son coup avait semble t-il fait vaciller les fondations de la caverne qui commençait à s'effondrer sur nous.

Cuang piaillait de manière inintelligible à moins que mes oreilles n'étaient que trop pleine de sang pour entendre quoique ce soit.
Zi lui jeta un regard de dédain tandis qu'il se mettait à courir vers la sortie. Le vieux maître se tourna vers moi et je pouvais lire dans son regard qu'il ne quitterait pas les lieux avant de m'avoir éliminé.
Son poing se leva telle une guillotine prête à s'abattre, je fermais les yeux avant d'entendre un choc spongieux. Je les rouvris pour découvrir le vieux maître un genoux à terre tandis que du sang s'écoulait abondamment d'une plaie à son crâne, à ses pieds les restes d'un rocher en morceaux témoignaient de ce qu'il s'était passé. Il poussa un juron avant qu'un autre bloc ne tombe non loin de nous deux.
L'ironie était palpable, au moins je mourrais des caprices de mère nature et non pas de la main d'un de mes semblables. Je fermais les yeux et me laissais tomber en arrière.

Je n'ai pas de souvenirs de ce qu'il se passa ensuite. Lorsque je regagnais conscience c'était pour échapper de peu à l'asphyxie. Des rochers me recouvraient mais par un miracle que je ne m'explique toujours pas aujourd'hui, les pierres avaient réussies à se bloquer les unes les autres si bien qu'aucune n'était parvenue à m'écraser. J'étais bien entendu dans un état déplorable avec plus d'os brisés qu'intact mais j'étais vivant et tant bien que mal je parvins à me dégager. Combien de temps cela me prit ? Je ne saurais dire mais lorsque je m'extirpais enfin des ruines de la caverne je pus contempler l'étendu des dégâts.

La grotte s'était totalement effondrée, non loin de ce qui avait dû être l'entrée, dépassait une main qui appartenait à Cuang. Malgré sa précipitation à s'échapper, il n'avait pas eu ma chance. Je ne voyais aucune trace de Zi mais même pour un homme de son acabit, l'effondrement avait dû être mortel. Du moins je l'espérais.

Le soleil était en train de se lever au loin.
Je m'étais résigné à mourir à la toute fin et pourtant j'étais là. Pour la première fois de ma vie, je pouvais enfin imaginer être libre maintenant que tout le monde me croyait mort. J'étais peut être toujours coincé dans ce pays maudit mais pour la première fois je ne rendrais compte à personne.
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