Pour Dasan Jali, Boréa était un véritable enfer glacé. Affecté sur cette immense île froide des blues depuis un moment à présent, il voyait cette nouvelle affectation comme une véritable punition. Qu'est-ce que cela aurait pu être d'autre ? Lui qui avait réussi à gravir les échelons jusqu'à devenir contre-amiral avait été rétrogradé au poste de Colonel. Colonel chargé de la 44ème division de Boréa, une véritable humiliation et une torture pour cet homme du désert. Même après des mois, il n'avait toujours pas digéré la situation. Amer, en colère et reclus sur lui-même, il ne faisait pas preuve d'un zèle manifeste à l'égard de ses nouvelles fonctions. Diriger une bande de clampins sur North Blue ne le mènerait nulle part et il se moquait bien de ce royaume gelé. Plusieurs fois, il avait songé à quitter la Marine, mais qu'aurait-il fait ? Pour tout dire, il continuait d'y réfléchir.
Même si le militaire ne se montrait pas très impliqué, il ne fut pas en mesure d'échapper aux récentes rumeurs faisant état de l'arrivée sur l'île d'une supernova primée à hauteur de 394 millions de berrys. Méria D. Marianne, enflure notoire connue pour ses crimes et son caractère à la fois sanguinaire et irascible était surnommé la Peste, ce qui annonçait les choses. Récemment, elle s'était illustré en chapeautant, en compagnie des Chevaliers du Lac, la capture du roi de Drum. Le monarque avait finalement été relâché contre rançon, mais ça avait été un choc pour les locaux et un coup dur pour la division géante qui avait perdu son chef. Le géant, feu le contre-amiral Heltarson, était une force de la nature que Dasan avait eu l'occasion de croiser une fois. Il savait fort bien à quel point l'homme était puissant, ce qui voulait dire que la pirate l'était certainement plus encore. Ce simple fait ne donnait pas spécialement envie au colonel Jali d'aller se frotter contre elle et de risquer une mort inutile pour une royaume dont il se fichait éperdument. Il avait donc décidé de botter en touche, du moins temporairement. Privilégier la prudence, telle avait été la consigne qu'il avait transmis. En d'autres termes, les marins s'étaient contentés de rassembler des informations et de rester sur leurs gardes. Avec un peu de chance, pensa l'officier, elle finirait par s'en aller d'elle-même.
Fort malheureusement pour Dasan, la Peste, non contente de rester sur Boréa, parvint, sans que personne n'arrive à comprendre pourquoi ni comment, à se faire demander en mariage par le roi. Pris de court, le colonel avait commencé à réunir ses troupes et envoyé plusieurs espions à Bourgeoys pour en apprendre davantage. Avant même qu'ils n'aient le temps de revenir vers lui, les noces étaient déjà passées. En un rien de temps, Méria D. Marianne était devenue Méria D. Nordin, nouvelle reine de Boréa. À la fois stupéfait et révolté, Dasan n'arrivait tout bonnement pas à comprendre comment une telle chose était possible. Il refusait de croire que le monarque pouvait être assez idiot pour simplement tomber amoureux d'une telle pirate. Quoiqu'il en soit, il savait qu'il ne pouvait continuer de rester inactif. Qu'il le veuille ou non, il devait agir avant que ses supérieurs n'aient vent de l'affaire et viennent lui demander des comptes. Montant sur pied une expédition, le colonel réunit ses meilleurs hommes et marcha sur la capitale.
Après quelques jours, Dasan arriva aux portes closes de Bourgeoys. Déterminé et menaçant, il parvint à obliger les gardes à ouvrir la cité aux forces de la Marine. Une fois entré, il prit la direction du palais. Sur son chemin, il tomba nez à nez avec une patrouille de la brigade de Fer, elle-même accompagnée d'un détachement de la garde royale. À priori, l'arrivée des marins n'était pas passée inaperçue.
« Colonel Jali, vous n'avez pas autorité à la capitale, vous le savez très bien.
- Ce que moi j'sais surtout, c'est que votre roi s'est fait retourner le cerveau par une sorcière.
- La Reine Méria, colonel, prenez garde à vos paroles ici.
- Conneries ! Elle n'a rien d'une reine, je l'sais, vous l'savez. Tout ça n'est qu'une escroquerie sans nom. Elle doit le faire chanter, d'une manière ou d'une autre. Laissez moi passer, je m'occupe du reste.
- Nous avons des ordres.
- Rien à taper d'vos ordres, je suis le colonel d'la 444ème, alors vous allez me laisser passer immédiatement ! »
Sur la défensive, l'officier de la Police de Fer semblait perplexe. Malgré son masque, on sentait qu'il était tiraillé. Que faire ? Suivre les instructions ou faire usage de son libre-arbitre dans l'intérêt de son souverain ? Pouvait-il vraiment se permettre une telle chose ? Les gardes royaux, eux aussi, semblaient mitigés. Habile, Dasan ne manqua pas de remarquer cette fébrilité et s’engouffra dans la brèche.
« Y'a pas de raison que coule l'sang des honnêtes boréaliens. Laissez nous passer, vous savez qu'nous agissons pour l'bien du roi. »
Après un long moment de flottement, les locaux décidèrent finalement de s'écarter. Libre d'avancer, le colonel reprit sa route en compagnie de la troupe de valeureux soldats qu'il menait. D'un pas décidé, il continua d'avancer à bon rythme vers le palais. Quoiqu'il en coûte, le militaire était décidé à résoudre cette affaire au plus vite. Une fois qu'il aurait mit cette femme hors d'état de nuire, peut-être que l’État-major parviendrait à revoir sa position.
ciitroon
Liberté, Liberté Chérie !