>>Elvis Trinita
Pseudonyme : Trinita Age: 30 piges Sexe : Homme Race : Homme j'ai dit Rang : Homme bordel de m... hmm ? Oh. Alors, Veilleur, pour une vieille référence que l'intéressé relèvera. Métier : Enquêteur non assermenté Groupe : Civil recherché pour évasion et meurtre. Ça fait pirate ? Déjà un équipage : J'bosse en solo et jm'en plains pas But : Foutre un grand coup de pied dans les roustons de tous ceux qui le méritent. Fruit du démon ou Aptitude pour la suite : Non. C'est juste à titre d'information. Équipements : On verra, rien d'exceptionnel en vue. Codes du règlement (2) : Parrain : Le brave Wash il y a un an de ça, auquel je rends à nouveau un vibrant hommage |
QG De West Blue. An 1622, Juillet.
Du bruit, à m'en faire péter les tympans. On cogne du pied contre les barreaux de ma cellule. Et puis on m'parle.
-Hé du con, réveille toi, t'es en première page.
Le marine de garde, un journal en main. Non content de m'insulter, tu viens de m'tirer d'mon sommeil enfoiré, et mal dormir, ça m'fout toujours en rogne.
-Ça fait une erreur. À la troisième, je mords.
-Qu'est ce que tu marmonnes dans ta barbe, la terreur ? T'es pas impatient d'partir en pension chez les dingues ? Hahah'g...
Cinq secondes. C'est le temps qu'il t'a fallu pour faire les deux autres conneries mon pote. La première, c'est de me narguer. La deuxième, de t'approcher trop près, à portée de bras. Ça fait trois en tout, le compte est bon. Pas d'chance pour toi. Ma pogne passe de son côté de la cellule trop vite pour qu'il puisse réagir, l'agrippe et le tire sèchement vers moi. Sauf qu'au milieu, y'a la grille. Son arcade explose en rencontrant les barreaux. Ça saigne un max. La torsion au poignet, c'est pour lui arracher la feuille de choux qu'il me montrait comme un susucre à son cleb. Le contact poing-tempe pour l'assommer et lire le tout peinard. L'est KO, la gueule vermeil et plus apte au service.
-Jt'avais prévenu...du con.
Mon collègue de cellule fait celui qu'a rien vu. T'fais moins le malin qu'hier soir, toi. Sage décision. On va pouvoir lire tranquille.
" Trinita condamné, Marston vengé". Ça fait acheter les pigeons un titre pareil, c'est tout ce qui compte. Mais surtout c'est représentatif de la Justice toute particulière qui régit notre époque. Lex Talionis. C'est tout. Douze colonnes rien que pour moi. Une vraie star. Douze colonnes pour immortaliser une farce parmi les plus réussies des temps modernes. Une enquête bâclée, des faux témoignages, des jurés à la solde de l'accusation... Tss. Jme demande quelles inepties trainent là dedans...
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Description Physique du suspect, Elvis Trinita.
Pour peu je me reconnaîtrais, même si on repassera sur ma férocité supposé. En tout cas, l'a bien fait son boulot, l'a bien lu le discours qu'on lui a filé à apprendre, et l'a du recevoir un bon gros chèque et une jolie promo pour ça. Mais je le lui ferai payer. Comme aux autres. Allez, la suite, les collègues du sinistre crétin vont pas tarder à rappliquer.
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Profil psychologique du patient, Elvis Trinita.
Je savais pas qu'on pouvait dire autant de conneries en si peu de mots. Mais c'était cousu de fil blanc. Tellement plus simple d'avancer la thèse de la folie chez un individu pour expliquer ses agissements. Non, je ne suis ni fou ni parano. J'aime ce monde. Pas ceux qui le gouvernent. Marines ? Corrompus par le pouvoir. Pirates ? Avides de richesse et de violence. Gouvernementeux ? Révolutionnaires à la manque ? Manipulateurs de foules. Tous sont pourris jusqu'à la moelle. À tel point que l'envie de rester en marge vous gagne tout naturellement. Comment peut-on vivre dans un tel chaos ? Il faut être vendu, ou aveugle. Quelqu'un doit s'occuper de confronter les puissants aux idéaux de Justice qu'ils prônent. Seulement, la plupart des gens sont trop faibles ou trop cons pour ne serait-ce qu'envisager d'assumer ce rôle. Pas moi. Ils ont voulu me mettre à l'écart ? Grossière erreur. On ne joue pas une bonne partie sans Trinita. C'est même moi qui vais battre les cartes sur celle à venir. Je vais revenir, oui. Je vais revenir aux affaires pour allumer la mèche qui fera sauter les fondations gangrenées de votre monde.
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QG de West Blue, An 1623, Février.
Un officier de la marine se repose confortablement assis dans son fauteuil, profitant de la chaleur prodiguée par le feu de cheminée à côté de lui, loin des affres de l'hiver et de toute l'agitation qui règne dans sa base. Quand soudain...
Peuleu Peuleu Peuleu.
Maaaah.
Peuleu Peuleu Peul. Click.
Môshi-Môôôshi ?
Capitaine Barnes ? Une terrible nouvelle vient de nous parvenir !
Je vous écoouuute, Lieutenant.
Vous vous souvenez de Trinita ?
Crazy Trinita ? Très bieeen oui, c'est lui qui m'a valu cette charmaaante promotion. Pourquoi m'en parlez-v...
Il s'est évadé de l'Hopital où il était enfermé Capitaine !
Ooh, c'est fâââcheux. Prévenez moi quand vous l'aurez retrouvé.
La nouvelle ne suffit pas à inquiéter Barnes. Il n'aspire qu'à une chose, replonger dans sa sieste, privilège que lui offre son tout nouveau grade.
Mais, Capitaine. C'est que..il y a pire...
Abrégeeez, Lieutenant...
Hé bien...Il est probable qu'il ait tué le Docteur Hochman au cours de son évasion ! Il... il a laissé sur son bureau une lettre qui vous est adressée, Capitaine.
L'affaire est sérieuse. Les fantômes d'un passé pas si lointain ressurgissent pour Barnes. Le marine hésite un instant puis répond, voix fébrile.
Tr..très bien. Je vous retrouve sur place Lieutenant.
Clock.
[...]
Hôpital Psychiatrique Hochman. Bureau du Docteur Hochman.
Le tableau est pas beau à voir. Hochman est assis à son bureau. Son visage est resté figé dans un rictus de douleur qui s'apparenterait presque à un sourire. Seulement, sa chemise de soie blanche a viré carmin. Et il y a aussi la plaie béante qui parcourt sa gorge d'une oreille à l'autre pour ôter tout doute; le médecin est bien mort. Ses mains crispées tiennent encore un morceau de papier déchiré.
On a du le lui arracher. C'était ça où on lui coupait les doigts, explique le Lieutenant à Barnes en lui tendant une lettre froissée et tachetée de gouttes de sang séché.
Bien, laissez-moi lire ceci. Seul.
Les hommes obéissent sans broncher. Vingt secondes plus tard, il ne reste que Barnes; seul dans le bureau d'un mort qui le scrute de son regard hyalin, avec les confessions d'un homme qu'il a participé à faire condamner à perpétuité il y a six mois et qui vadrouille dans la nature aujourd'hui. Inquiets de ce qu'ils pourraient y découvrir, ses yeux se plongent dans le contenu de la lettre...
Pour Barnes, le Barnes qui dirige la base.
>> Test RP
Aujourd'hui, ça fait quatre jour que j'suis sorti de l'hosto. Les nébuleuses devant mes yeux se dissipent, j'commence à sortir la gueule du potage; jme sens mieux, nettement mieux. Jme f'sais ce constat, tout à l'heure, la gueule au dessus dma bière, et une idée en amenant une autre, jme suis convaincu que j'étais fin prêt à reprendre du service. Alors, je suis reparti en chasse. Les affaires louches, c'est pas c'qui manque de nos jours, y'a qu'à se baisser pour les cueillir. C'est c'que j'ai fait. Le tripot mal-famé que je squattais quand j'ai décidé d'remettre le contact est le trou-à-rat par excellence où circulent toutes sortes de ragots, j'pouvais pas rêver mieux. J'suis resté à l'affût le cul sur ma chaise une heure ou deux, avant de bondir sur la première entourloupe à se présenter.
Elle est arrivée en même temps que la porte du boui-boui s'entrouvrait, infecte, glauque comme elles le sont toutes, par le groupe de mecs qui la colportait. Trois gars, le profil type du connard de base; ils racontaient ça en se vantant presque de l'affaire, comme s'ils y étaient pour quelque chose. Bête idée. Mais jles ai laissé conter leur baratin sans les interrompre. Ça parlait de disparitions liées à une flûte dans le village de Hamelin. Jamais entendu parler. Un bled paumé, cherche pas, qu'on m'a dit d'abord. Si mon pote, je cherche justement. Et avec insistance. Alors, ça a rajouté les classiques du genre "dégage de là, c'est pas ton business" quand j'ai voulu en savoir plus. Mauvaise réponse. Une mâchoire déplacée, une épaule luxée, une tête encastrée dans une porte et les langues se sont déliées fissa. Tant mieux, pas de temps à perdre en dérivatif quand on veut s'remettre en selle. Les trois beaufs étaient juste des grandes gueules, ça jl'ai deviné rien qu'en les avoinant, mais leur histoire valait le détour. Hamelin. Village sans histoire, trois cent pelés grand max, et déjà quinze disparus. Ça fait beaucoup, surtout en un mois. Des stats à faire pâlir la municipalité. Ce serait affaire de malédiction, a rajouté l'un en chialant fort, une flûte maudite qui emporterait au royaume des morts les marcheurs imprudents de nuit. Intéressant. J'ai ri. On m'a pris pour un fou je crois, mais tout le monde avait peur autour de moi alors la taverne entière a ri. Imbéciles. J'ai vidé ma bière, j'suis sorti. Direction Hamelin. C'est décidé, j'vais aller lui interpréter un air bien de chez moi, au joueur de flûte.
[...]
Hamelin. Les nuages chargés de pluie assombrissent le ciel, comme en signe de deuil après les disparitions multiples qui frappent la petite communauté. Un coup du sort supplémentaire pour ce village qui, il y a vingt ans de cela encore, baignait dans le plus total épanouissement. Mais les mines de métaux se sont taries un triste jour d'hiver; les carrières ont précipitamment fermé quand les entrepreneurs ont mis la clef sous la porte et sont partis chercher fortune sous d'autres cieux. L'emploi a déserté, les rares fortunes privées ont suivi le mouvement. Depuis, plus personne ne s'intéresse au sort de ce lieu en déliquescence et à celui de ses infortunés habitants.
La marine elle-même a abandonné son bureau d'office voilà neuf ans, et les petites frappes de la région ont profité de l'aubaine pour investir la place. Prêts à infester dans tout Hamelin, à ronger jusqu'à la dernière miette. Pour le plus grand malheur des honnêtes citoyens sans histoire qui subissent depuis ce funeste jour leurs extravagances et craignent pire encore. Sous la contrainte, tous les habitants ferment les yeux sur leurs exactions, la plupart travaillent même pour eux. C'est la loi du plus fort. Mais une menace plus grande encore rôde désormais dans les rues de la petite Cité. Le joueur de flûte. La bande de malfrats elle-même n'ose pas s'y confronter. On raconte que parmi les truands, l'idée d'abandonner l'endroit a été évoquée. Déserter la place, avant d'être à son tour pris pour cible par le musicien fantôme. Quitter Hamelin. Tout le monde en rêve.
Pourtant, pour la première fois depuis des mois, un inconnu est arrivé en ville, entre chien et loup. Seul. Ne sait-il pas qu'il n'y a rien à gagner à s'arrêter ici ? Les regards méfiants de quelques locaux curieux, barricadés dans leurs chaumières l'ont guetté : mains dans les poches, veste battue par le vent, tout de gris et de noir vêtu, comme pour se fondre dans ce décor de désolation; son regard, orageux, a déclenché la tempête qui bat son plein désormais. À la nuit tombée, les nuages se sont percés; les éléments grondent depuis lors furieusement sur Hamelin. Mais ce n'est pas de colère. Ils célèbrent la venue de Trinita.
[...]
Hamelin, ville fantôme. J'aime cet endroit. Il y fait presque nuit même le jour, pas un connard pour t'emmerder. Le rêve. J'aurais le temps de prendre des vacances, jm'imaginerais bien poser mes valises ici pour un temps. Mais j'ai pas de valises. Et j'suis pas en vacances.
J'ai cherché un semblant d'auberge dans le coin, en vain. M'est avis qu'ils ont pas reçu de visiteur depuis des siècles dans le secteur. Pour le moment je squatte moyennant finance le premier étage dla baraque d'un grand-père, Gal', seule âme qui vive que j'ai croisée dans le coin. Le vieux grigou rabote salement mes économies déjà faméliques mais l'avarice est pas encore condamnable à ce niveau. Toute façon, l'a l'air encore plus pauvre que moi. Alors on a vite conclu un accord lui et moi.
Un coup d'œil par la lucarne de ma chambre : nuit noire. Parfait. J'descends l'escalier, chaque marche craque sous mon poids comme si l'édifice allait s'écrouler, mais ça tient, pour cette fois au moins. Je traverse la seule pièce du rez-de-chaussée, qui fait tout à la fois cuisine, chambre d'ami et salon. Gal' prépare la bouffe dans une marmite au dessus du feu. Une soupe à l'eau avec des croûtons. Les croûtons parce qu'il y a un invité.
Je sors. M'attend pas.
Hé gamin, t'es pas fou d'aller prendre l'air à ct'heure ? Kof...kof... Y'a la bande du grand Chet qui rôde ! Kof...kof...kof...
Sa voix monte dans les aiguës, se meurt dans une toux qu'il essaye de calmer en se tapotant du poing contre sa frêle poitrine. Sans succès.
Bien, j'suis prévenu comme ça. Arrête de tousser et avale ton bouillon maintenant.
Ma voix est sèche, sans compassion. Pourtant, j'crois qu'il sourit. Il essaye même de dire autre chose mais j'suis sorti. Je referme la porte et prend quelques secondes pour inspirer un bon coup, manière de faire redescendre la pression avant de me lancer. Je suis excité comme jamais. J'en ai la chair de poule. Replonger dans le grand bain, après six mois d'interruption. Enfin. Je boue de l'intérieur, mais ce flux qui me parcourt se canalisera de lui-même quand je serais dans le feu de l'action. Allez, en avant.
Mes yeux ont retrouvé l'obscurité, leur alliée. Mon alliée. Elle est presque totale. On discerne de timides liserés de lumière derrière les volets ou les rideaux de chaque chaumière, c'est tout. La lune se cache, drapée d'un épais manteau de nuages. L'atmosphère est fraiche, pour un été. C'est grisant. Ça réveille l'instinct du chasseur. Mon pas se fait léger, ma vue aiguisée. Mes automatismes reviennent, comme par magie. Ils étaient enfouis en moi, n'attendaient que le bon moment pour resurgir. Les bruits de la nuit me parviennent et je souris.
Mais parmi eux, point de son de flûte. Trop tôt, patience. Quand j'aurais mis le grappin sur ma cible, je lui passerai le goût dla musique, parole. Il va banquer pour ce qu'il a fait, avec bonus pour célébrer dignement mon nouveau départ. Jusque là, rester attentif. Et ça je sais faire. Attendre, vigilant. Comme un fauve qui contient sa fougue jusqu'au moment propice. Et après, bondir. Fondre sur sa proie, implacable. À chaque nouvelle affaire, l'histoire se répète. Et cette nuit ne fera pas exception à la règle.
Une heure passe. Une autre. Encore une autre. Et puis, enfin, un signal. Pas celui attendu. Pas la flûte, non. Juste une bonne grosse voix d'homme. Qui ne prend pas la peine de se faire discrète. Pas exactement c'que j'veux mais c'est un début. On cogne à une bicoque. Violemment. Tellement qu'on en défoncerait presque le fragile bout de bois qui sert de porte. J'approche de l'épicentre du raffut. J'ai un visuel. Deux gars. Du malabar de province, bien viril. Du qui pourrait tirer sa charrue à la place de ses bœufs. On leur ouvre, ils bousculent le malheureux à l'intérieur et claquent la porte derrière eux.
Je m'approche encore. Sans prendre de précautions particulières; qu'on me voit ou pas, j'suis à peu près certain de savoir de quelle manière ça va se terminer. Les murs sont un véritable papier à cigarette, je peux tout entendre de ce qui se dit à l'intérieur. Ils parlent d'argent, de dettes. Ils crient. Des pleurs, d'enfants. Un bruit sec, sonore. Une claque. Puis un autre, brut, plus sourd. Un poing. Ok, j'ai assez attendu.
Craak.
Mon pied achève la porte qui ne demandait qu'à tomber, j'fais mon entrée et interrompt leur scène de ménage. Les deux connards me lancent un regard. Surpris et furieux. Je le leur rend, méchant. Juste méchant.
J'ai une devinette pour vous les gars. Qui va se prendre la branlée de sa vie cette nuit ?
Pareille injonction à la baston, ça se refuse pas. Ils sont deux, ils sont costauds, ils sont confiants. Le premier s'approche, m'aligne une droite en pleine gueule.
T'as bouffé ta ration d'épinards petit mon pote, c'est bien...
Il tire un rictus, fier. Il sait pas.
Mais t'aurais du te resservir.
J'emprisonne son bras tendu dans un étau, ma main gauche, et fout toute la force de mon corps en pivot dans la pogne droite qui pousse sur son coude. Crac. Tu peux gueuler ouais, ça a l'air douloureux. Mon poing dans ta trachée l'est encore plus. Game over.
Le second se rue sur moi et me plaque au torse. J'encaisse le choc, recule et vais me cogner contre le mur qui tremble sous l'impact. Mais maintenant, j'ai son cou emprisonné entre mon buste et mon bras droit. Ma main gauche passe dessous, et tourne au niveau du cou. Croc. Son corps retombe lourdement. Le silence revient. Pour quelques instants seulement. Un troisième larron arrive.
La flûte...la flûte, elle joue.
Sa voix est fébrile. Il finit pas sa phrase, il voit ses potes morts avant. Mais il vient de me mettre un morceau de barbac fraîche sous les moustaches là. Et j'ai les crocs. Il a pas le temps de réagir qu'il se retrouve étalé au sol, moi au dessus de lui qui le tient par le col, à le regarder une lueur meurtrière dans le regard.
La flûte ? Quoi la flûte ? Parle, enfoiré, ou ces mecs auront été chanceux en comparaison de ce qui t'attend !
Il...il a enlevé un autre villageois....
Où ça ? Où est-il ??
Par...là ...
Il pointe un doigt tremblant vers la sortie Nord de la ville. Mon poing dans sa tempe l'anesthésie sitôt l'information assimilée. Je bondis. Maintenant, j'ai une piste.
[...]
Une symphonie s'élève dans la rue principale de Hamelin. Timide tout d'abord, elle gagne ensuite en hauteur pour venir, mystérieuse, envoûtante, charmer les tympans de tous. Les habitants, à l'écoute de ce son hypnotisant, quittent leur demeures et bravent l'obscurité pour répondre à l'appel de cette flûte. Leurs mines sont calmes, apaisées. Ils viennent se ranger derrière le joueur pour former une foule toujours plus fournie dans une quiétude communicatrice, sous l'effet d'un charme aussi puissant que prodigieux.
Pourtant, quelques-uns des citadins à l'inverse, semblent s'agiter, paniquer, en entendant la douce mélopée. Les brigands. Ils ont peur, se sentent menacés par ce spectacle hors-du-commun, qui défie l'entendement. Ce simple humain, armé de sa flûte, leur apparait comme une force supérieure. Il a apporté sérénité, tranquillité à tous les civils qu'ils assujettissent pourtant depuis des années. Ils les a libérés de leurs craintes, pour la leur communiquer, à eux. Ils la ressentent, vive, nouer leurs tripes, glacer leur cœur. Une seule alternative leur apparait dans ces conditions : la fuite.
Mais un nouvel ennemi se dresse contre eux. Une tornade. L'étranger. La meute se retrouve prise entre le marteau et l'enclume. Deux feux ardents. L'un, joue une partition insidieuse qui les confronte à la plus profonde terreur, l'autre l'incarne dans un récital débordant de passion et de force. Chacun les châtie pour le mal qu'ils ont répandu. Enfin, éparpillés, meurtris dans leur chair comme dans leur âme, ils s'enfuient, laissés libres de le faire par leurs bourreaux qui les tenaient à leur merci. Le concert porte à sa fin sur Hamelin, les rats désertent la ville sans demander leur reste.
La nuit s'achève dans la liesse. Il est décidé de faire du lendemain une journée de festivités en l'honneur des deux sauveurs. Le joueur de flûte entend bien y prendre part, tout comme il escompte recevoir son dû pour son concours dans la libération de Hamelin du joug de la bande. Quant à Trinita... Les citadins reconnaissants passeront une heure à le chercher en vain, avant de se résigner à constater son départ, aux premières lueurs de l'aube.
[...]
Aujourd'hui, ça fait cinq jour que j'suis sorti de l'hosto. Jme sens encore mieux qu'hier. Sur la voie de la rémission totale. Le dénouement à Hamelin m'a rappelé pourquoi jm'intéressais encore à notre société. Tout n'est pas noir en ce bas monde, non. Il mérite qu'on se batte pour lui. Et j'suis pas le seul à agir dans son intérêt. Le flutiste avait rien d'une menace en vérité. Il était la lueur d'espoir pour tous ces malheureux qui courbaient l'échine depuis trop longtemps.
J'ai laissé les paysans à leurs épanchements de joie. Pas mon truc. J'suis retourné en ville, plutôt. Chercher un nouveau tuyau. Direction une taverne. Ma taverne. On m'y reconnait vite, les conversations baissent d'un ton. Le barman gémit, planqué derrière son comptoir.
Une bière.
Il me la sert, tremblotant, et en renverse un bon quart à côté mais pour ce coup-ci, j'passe l'éponge. Façon d'parler.
Ou plutôt, non. Tournée générale.
On en croit pas ses oreilles; j'ai lâché ça sans engouement, sans me retourner vers l'auditoire. Personne braille un bon yipee en jetant son chapeau pour marquer le coup. On se méfie beaucoup. Alors ça m'fâche. J'fais mine de m'énerver, réitère l'offre en lâchant une insulte et une menace en plus. Ça dissipe pas les craintes mais ça incite à remercier le bon Trinita pour l'offrande et à boire cul-sec sans faire d'histoire.
On...on fête quelque chose ?
Possible ouais.
À vrai dire, on s'en fout de l'évènement du moment que chacun peut s'envoyer un verre gratis. Au final, on est forcé d'admettre que l'offre cache pas la moindre embrouille. Alors l'ambiance retrouve peu à peu des couleurs, les poivrots s'amassent autour de moi au bar. Attirés par la bonne nouvelle, au même moment, de nouveaux clients font irruption dans la pièce. Trois mecs. Qui braillent un truc qui m'tinte bien au tympan.
Les gars, devinez quoi ? On tient le scoop du siècle avec nos potes. Un truc bien sombre qui ...
J'pivote. Des pansements pleins la gueule. C'est mes copains d'hier. Jles r'connais vite, et c'est réciproque. Y'en a dja un qu'essaye de s'barrer mais on trompe pas mes réflexes. Jlui bloque l'accès à la sortie avant qu'il ait cligné des yeux et lui colle une baffe pour le principe.
Toi t'as un truc à m'raconter je sens.
Pitié, tapez-pas. Aye ! Non, arrêtez !
J'ai pas commencé grande gueule. Mais ça pourrait bien venir si tu craches pas le morceau.
Oui, oui, tout de suite m'sieur. Vous allez rire. L'affaire de la flûte, hier...
Quoi, la flûte ?
Et bien, en fait, la flûte appartenait à un gars, une espèce de mercenaire. Le village avait loué ses services pour les débarrasser de sales voyous, mais une fois le travail effectué, ils lui ont pas filé son salaire. Ça a foutu le mec drôlement en rogne, tellement qu'il a jeté un nouveau sort et ce coup-ci, ce sont tous les enfants de Hamelin qui ont disparu.
Disparus ?
Disparus ouaip. Partis avec le flûtiste. C'est comme qui dirait sa vengeance.
Fait chier.
Ça fera 500 Berrys pour la tournée, m'sieur.
J'regarde le serveur. L'œil bien noir. Il sent qu'il a dit une bêtise. Zieute l'addition, vérifie son calcul du prix. Non non, y'a pas d'erreur. Mais ça fait vraiment chier quand même.
On oublie la tournée.
J'vide ma bière, je sors. Trinita repart en chasse.
Du bruit, à m'en faire péter les tympans. On cogne du pied contre les barreaux de ma cellule. Et puis on m'parle.
-Hé du con, réveille toi, t'es en première page.
Le marine de garde, un journal en main. Non content de m'insulter, tu viens de m'tirer d'mon sommeil enfoiré, et mal dormir, ça m'fout toujours en rogne.
-Ça fait une erreur. À la troisième, je mords.
-Qu'est ce que tu marmonnes dans ta barbe, la terreur ? T'es pas impatient d'partir en pension chez les dingues ? Hahah'g...
Cinq secondes. C'est le temps qu'il t'a fallu pour faire les deux autres conneries mon pote. La première, c'est de me narguer. La deuxième, de t'approcher trop près, à portée de bras. Ça fait trois en tout, le compte est bon. Pas d'chance pour toi. Ma pogne passe de son côté de la cellule trop vite pour qu'il puisse réagir, l'agrippe et le tire sèchement vers moi. Sauf qu'au milieu, y'a la grille. Son arcade explose en rencontrant les barreaux. Ça saigne un max. La torsion au poignet, c'est pour lui arracher la feuille de choux qu'il me montrait comme un susucre à son cleb. Le contact poing-tempe pour l'assommer et lire le tout peinard. L'est KO, la gueule vermeil et plus apte au service.
-Jt'avais prévenu...du con.
Mon collègue de cellule fait celui qu'a rien vu. T'fais moins le malin qu'hier soir, toi. Sage décision. On va pouvoir lire tranquille.
" Trinita condamné, Marston vengé". Ça fait acheter les pigeons un titre pareil, c'est tout ce qui compte. Mais surtout c'est représentatif de la Justice toute particulière qui régit notre époque. Lex Talionis. C'est tout. Douze colonnes rien que pour moi. Une vraie star. Douze colonnes pour immortaliser une farce parmi les plus réussies des temps modernes. Une enquête bâclée, des faux témoignages, des jurés à la solde de l'accusation... Tss. Jme demande quelles inepties trainent là dedans...
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Description Physique du suspect, Elvis Trinita.
Colonne trois. Le témoignage capital du valeureux Lieutenant Barnes a permis de confondre l'accusé...
L'obscurité était totale, j'ai donc pris la décision de m'approcher au plus près du danger que représentait l'intrus pour l'identifier. Il s'agissait d'un homme d'un mètre soixante quinze environ, bien bâti. Un solide gaillard, qui remplissait sans peine le manteau qu'il portait; élégant, de cuir noir, lui tombant aux genoux. [...] N'allez pas croire pour autant qu'il n'était pas capable de déplacements fins et maîtrisés. Il se mouvait dans l'ombre comme si elle était son Royaume. [... ] Le reste de sa tenue ? Composée dans son ensemble de vêtements aux tons sombres. Jusqu'au couvre-chef, noir lui aussi, vissé sur une chevelure brune mi-longue, portant presque sur le châtain. [...] Pour l'avoir surpris en pleine discussion avec la victime, j'ai eu le privilège de l'entendre parler. D'une voix grave, sereine, qui possédait un je-ne-sais-quoi de mélodieux; mais elle devient vite enflammée sous le coup de la colère, comme je le découvris malheureusement. [...] Ce que je vis en intervenant ? Un visage carré, viril. Je ne pourrais jamais l'oublier. Il avait l'air d'un vrai fauve, avec sa barbe brouillonne et inégale, son nez cassé et la balafre qui barrait son front et se perdait sous son cache-oeil. Le seul qu'il lui reste m'envoyait un regard noir, terrorisant. [...] Tout chez lui transpirait la violence, véhiculait cette sensation malsaine que vous n'êtiez pas en sécurité en sa présence. Il est un vrai monstre, ces actes témoignent pour lui.
Pour peu je me reconnaîtrais, même si on repassera sur ma férocité supposé. En tout cas, l'a bien fait son boulot, l'a bien lu le discours qu'on lui a filé à apprendre, et l'a du recevoir un bon gros chèque et une jolie promo pour ça. Mais je le lui ferai payer. Comme aux autres. Allez, la suite, les collègues du sinistre crétin vont pas tarder à rappliquer.
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Profil psychologique du patient, Elvis Trinita.
Colonne Six. Le rapport du Professeur Hochman est sans équivoque. Il a a lui seul scellé le sort de Trinita...
Pour un expert en psychosocial comme je le suis, le cas de notre sujet fut particulièrement intéressant à étudier. Un homme chez lequel on perçoit une remarquable acuité de raisonnement. Un homme capable de tenir avec vous des discussions passionnées sur la société de notre époque, de mettre en avant tous les vices qui la rongent selon lui suivant une argumentation pertinente. En un mot, il n'est point sot. [...] Pourtant, il est différent de vous et moi. On pourrait le qualifier d'individu singulier, ou d'original, s'il n'était pas si dangereux. Mais il est dangereux. [...] La vérité, c'est que Monsieur Trinita est un sociopathe qui assouvit ses pulsions en prétendant rendre service. Il se présente comme un auxiliaire de la Justice, ce qui en soi est assez difficile à croire lorsque l'on prend conscience du mépris, du dégoût qu'il ressent pour le genre humain. Il s'enferme dans sa misanthropie et sombre dans la paranoïa, maintenant que la société entière lui veut du mal. [...] Notre analyse minutieuse des processus cognitifs du sujet nous a permis d'aboutir à notre conclusion : la représentation qu'il se fait de la réalité est faussée. De fait, ses troubles du caractère le mènent à avoir une interprétation erronée de son environnement, dont les répercussions sont justement son comportement déraisonnable. [...] Si on le sent parfois sincère lorsqu'il dit se considérer tel une sorte de vengeur masqué, allié des honnêtes gens, on ne peut s'y fier, l'ensemble de ses paroles ou gestes étant régis par une personnalité impulsive et illogique [...] Ses derniers agissements vont à l'encontre des propos qu'il peut parfois tenir, démontrant tout à la fois le paradoxe que recèle sa personnalité et le degré de gravité de son cas. C'est pour cette raison que nous préconisons l'internement, et le suivi d'un traitement médical adéquat intensif.
Je savais pas qu'on pouvait dire autant de conneries en si peu de mots. Mais c'était cousu de fil blanc. Tellement plus simple d'avancer la thèse de la folie chez un individu pour expliquer ses agissements. Non, je ne suis ni fou ni parano. J'aime ce monde. Pas ceux qui le gouvernent. Marines ? Corrompus par le pouvoir. Pirates ? Avides de richesse et de violence. Gouvernementeux ? Révolutionnaires à la manque ? Manipulateurs de foules. Tous sont pourris jusqu'à la moelle. À tel point que l'envie de rester en marge vous gagne tout naturellement. Comment peut-on vivre dans un tel chaos ? Il faut être vendu, ou aveugle. Quelqu'un doit s'occuper de confronter les puissants aux idéaux de Justice qu'ils prônent. Seulement, la plupart des gens sont trop faibles ou trop cons pour ne serait-ce qu'envisager d'assumer ce rôle. Pas moi. Ils ont voulu me mettre à l'écart ? Grossière erreur. On ne joue pas une bonne partie sans Trinita. C'est même moi qui vais battre les cartes sur celle à venir. Je vais revenir, oui. Je vais revenir aux affaires pour allumer la mèche qui fera sauter les fondations gangrenées de votre monde.
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QG de West Blue, An 1623, Février.
Un officier de la marine se repose confortablement assis dans son fauteuil, profitant de la chaleur prodiguée par le feu de cheminée à côté de lui, loin des affres de l'hiver et de toute l'agitation qui règne dans sa base. Quand soudain...
Peuleu Peuleu Peuleu.
Maaaah.
Peuleu Peuleu Peul. Click.
Môshi-Môôôshi ?
Capitaine Barnes ? Une terrible nouvelle vient de nous parvenir !
Je vous écoouuute, Lieutenant.
Vous vous souvenez de Trinita ?
Crazy Trinita ? Très bieeen oui, c'est lui qui m'a valu cette charmaaante promotion. Pourquoi m'en parlez-v...
Il s'est évadé de l'Hopital où il était enfermé Capitaine !
Ooh, c'est fâââcheux. Prévenez moi quand vous l'aurez retrouvé.
La nouvelle ne suffit pas à inquiéter Barnes. Il n'aspire qu'à une chose, replonger dans sa sieste, privilège que lui offre son tout nouveau grade.
Mais, Capitaine. C'est que..il y a pire...
Abrégeeez, Lieutenant...
Hé bien...Il est probable qu'il ait tué le Docteur Hochman au cours de son évasion ! Il... il a laissé sur son bureau une lettre qui vous est adressée, Capitaine.
L'affaire est sérieuse. Les fantômes d'un passé pas si lointain ressurgissent pour Barnes. Le marine hésite un instant puis répond, voix fébrile.
Tr..très bien. Je vous retrouve sur place Lieutenant.
Clock.
[...]
Hôpital Psychiatrique Hochman. Bureau du Docteur Hochman.
Le tableau est pas beau à voir. Hochman est assis à son bureau. Son visage est resté figé dans un rictus de douleur qui s'apparenterait presque à un sourire. Seulement, sa chemise de soie blanche a viré carmin. Et il y a aussi la plaie béante qui parcourt sa gorge d'une oreille à l'autre pour ôter tout doute; le médecin est bien mort. Ses mains crispées tiennent encore un morceau de papier déchiré.
On a du le lui arracher. C'était ça où on lui coupait les doigts, explique le Lieutenant à Barnes en lui tendant une lettre froissée et tachetée de gouttes de sang séché.
Bien, laissez-moi lire ceci. Seul.
Les hommes obéissent sans broncher. Vingt secondes plus tard, il ne reste que Barnes; seul dans le bureau d'un mort qui le scrute de son regard hyalin, avec les confessions d'un homme qu'il a participé à faire condamner à perpétuité il y a six mois et qui vadrouille dans la nature aujourd'hui. Inquiets de ce qu'ils pourraient y découvrir, ses yeux se plongent dans le contenu de la lettre...
Pour Barnes, le Barnes qui dirige la base.
Salut Lieutenant. J'ai du mal à me faire à ton nouveau grade, tu m'excuseras. Une vieille rancune, ça s'oublie pas facilement.
Tu dois te demander pourquoi je t'écris à toi, qui m'as précipité dans ce merdier où on bouffe plus de pilules qu'un camé dehors en pleine nature, mais c'est très simple en vérité. De mon point de vue, ton principal tort est d'être un arriviste un peu léger niveau matière grise qui a gentiment accepté, contre un peu d'avancement, d'être la face visible de l'iceberg dans notre affaire. Autrement dit, t'es plus bête que méchant, et encore je reste poli. J'dis pas que tu payeras pas la facture pour ça, non, mais j'dis pas non plus qu'tu recevras le même traitement que le Doc'.
Et comme même si jte vois d'ici faire non de ta caboche bien vide, j'en reste pas moins persuadé de c'que j'avance, j'vais te raconter une ptite histoire, manière que tu saches qui tu as plongé dans quel le pétrin sans l'ombre d'un scrupule..
Qui suis-je ? Un mec dont le plus grand défaut à toujours été de vouloir secouer le cocotier et qui n'a jamais hésité à ouvrir sa grande gueule pour ça. Jusqu'à tes quinze ans, que tu brailles et te bats pour tout et rien, pour t'émanciper ou par pur plaisir du contact de tes phalanges contre la mâchoire du fils du voisin qui te le rend bien, ça pose pas de problème. Tes plus prestigieuses victoires te valent le droit de boire de la picole d'homme comme les grands à la taverne, où tu te prives jamais de clamer haut et fort ce qui te plait pas en c'bas monde et de pointer du doigt ceux qui t'emmerdent. Mais quand tes vieux cassent leur pipe un beau matin pendant une épidémie et que tu prends l'uniforme pour pas crever la dalle comme un con, ça change la donne. Là, on les aime moins les grandes gueules.
Heureusement pour le merdeux que j'étais à l'époque, si j'étais pas maladroit avec ma langue, j'avais aussi quelques aptitudes à faire valoir côté physique. Un gosse doué et débrouillard, mais surtout, un battant. Je me forgeais au fil des entrainements, me découvrais mes valeurs; Persévérance, Intégrité, Courage et toutes ces conneries dont on te bourre le mou pendant qu'tu fais tes classes. Plus un certain charisme auprès des copains. Alors, on se dit vite que ça plus ta grande bouche, ça peut donner de l'officier. Et cinq ans après tes débuts, t'arrives Lieutenant de la base de West, que tu laisses s'auto-gérer plus qu'autre chose maintenant, sois dit en passant. Mais pour moi à l'époque, Lieutenant, au prix de six rétrogradations et de tu f'ras le compte de promotions alternées, c'était pas dégueulasse. On te confie des missions, t'as des infos à faire valoir. T'es fier. Tu penses participer à faire bouger les choses. Mais tu veux que ça aille plus vite. T'essaies de faire valoir ton point de vue, comme d'hab, pourtant, comme on te force toujours à le garder pour toi, t'en fais qu'à ta tête, tu creuses en solo. Résultat, un beau matin que t'as déterré une sale affaire de marines ripoux, on te serre chaleureusement la pogne en public parce que t'as réussi à démasquer des officiers indignes, et en coulisses, on te colle le pied au cul pour le même motif deux semaines plus tard sous un faux prétexte. Ça fait grincer des dents. Mais j'ai une bonne dentition. Alors jlâche pas le morceau.
J'ai vingt ans. C'est le bel âge il parait, celui où l'on joue au poète et fait le joli cœur auprès des filles. Conneries. Je fais rien pour m'attirer les égards de la gent féminine, ou la sympathie des gens en général. Pitoyables ou méprisables pour la plupart. Les seuls à s'attirer mon attention ne la gagnent pas dans leur intérêt. Pour moi vingt ans est synonyme de fiasco. Pas de famille, pas d'attache, plus de job. Rien. Alors jme suis lancé dans le secteur privé pour pas rester sur ce sentiment de raté, et aussi parce que j'ai quand même eu l'occasion de me rendre compte d'une chose, pendant mon passage chez les bleus : j'aime bien rendre service. Réparer les torts, remettre les choses à leur place. Faut bien que quelqu'un s'y colle. Et ce quelqu'un, ce sera moi. Manque de bol pour vous autres les défenseurs officiels du monde libre qui collectionnez les casseroles dans l'placard, les mecs au QG se rendent bien vite compte que même si je les faisais chier avant, au moins tant que j'étais parmi leurs rangs, ils pouvaient me surveiller. Là, non. Et si j'ai continué ma route solo en chassant truands et criminels en priorité, j'ai aussi tapé du bleu quand l'occasion s'en présentait. Du qui se faisait livrer de la marchandise au marché noir, du qui abusait de son autorité, du qui cumulait. Au final, un joli tableau de chasse. En marge de ça, j'ai aussi fait ma B.A en nettoyant la place de pas mal de flibustiers en tout genre, dans la mesure de mes capacités; et comme je l'ai déjà dit, elles, elles sont pas vilaines. Alors dis toi bien que j'en ai plus fait moi en dix années de carrière comme enquêteur besogneux que toute ta famille de soigneux branle-rien sur dix générations.
Seulement voilà, un beau matin, j'refourre mon nez dans une affaire qui sent l'gaz. La fameuse affaire Marston. Lui, le richissime homme d'affaire accompli, elle la pin-up. Le couple de l'année en façade, une affaire de gros sous pour l'envers du décor. Curieux. J'enquête. Il en ressort qu'on est en présence d'une sinistre histoire de parts dans des sociétés à récupérer par Monsieur si Madame venait à mourir et vice versa. Suffisamment nauséabond pour que je m'investisse. Sauf qu'en prime, un brave Colonel amant de la belle vient s'en mêler. Et quand je vais pour prendre les tourtereaux la main dans le sac, on me colle l'assassinat de ce cher Mister Marston sur le dos, tout en m'accusant d'avoir voulu régler le compte à la belle aussi. J'percute l'embrouille trop tard. Une supercherie finement organisée, qui fait d'une pierre deux coups. Il fallait juste un témoin pas trop curieux ni trop finaud pour se pointer au bon endroit au bon moment pour me régler mon cas. Toi. Après ça, le Doc, parent du Colonel, m'envoie croupir en cellule améliorée pour le restant de mes jours et le tour est joué. Manque de pot, il est tombé sur un os. Moi. Il m'en a fait baver, mais il l'a payé. On paie toujours ses dettes avec moi. J'ai la sensation d'avoir perdu la moitié de ma tête avec ces six mois de "traitement"; pas grave, me reste l'autre. Et maintenant je suis dehors. Prêt à lancer la grande lessive de tous les bords pour rattraper le temps perdu. T'es prévenu, tes supérieurs aussi, ils ont reçu un gentil mot de ma part.
Simple conseil amical, ébruite pas le contenu de ce torchon. Ça en fâcherait certains et c'est plus que ton poste qu'tu perdrais. Lui, tu l'as d'jà plus. Une équipe de journaleux vient de découvrir une belle quantité de Granit Marin de la base à ton domicile. Dommage. Tu t'es fait tes promotions sur mon dos, c'est légitime que je te les reprenne. Avec les intérêts. Mais jt'ai peut-être sauvé la mise alors, hésite pas à me remercier. Ne te reste plus qu'à te ranger sagement et à passer le reste de ton existence de loser à pas faire plus de vagues. La suite, elle te concerne plus. Et pour tous les autres qui sont encore dans la partie, ceux qui jouent aux cons de quelque bord qu'ils soient, ils s'en rendront bien vite compte : je suis de retour dans la place. Et je leur veux pas qu'du bien.
>> Test RP
Tu es sur une enquête. Un gros coup, qui sent le cramé jusqu’à la piaule que t'as loué pour l'occasion. On t'a rapporté des disparitions étranges dans un petit village (au choix) ; Selon les dires, les témoins qui sont pas encore totalement fous entendent une sorte de flute tout les soirs. La marine, les révolutionnaire, des bandits ? A toi de découvrir ça et d'éliminer la menace, de remonter le filon et de faire payer les responsables.
Aujourd'hui, ça fait quatre jour que j'suis sorti de l'hosto. Les nébuleuses devant mes yeux se dissipent, j'commence à sortir la gueule du potage; jme sens mieux, nettement mieux. Jme f'sais ce constat, tout à l'heure, la gueule au dessus dma bière, et une idée en amenant une autre, jme suis convaincu que j'étais fin prêt à reprendre du service. Alors, je suis reparti en chasse. Les affaires louches, c'est pas c'qui manque de nos jours, y'a qu'à se baisser pour les cueillir. C'est c'que j'ai fait. Le tripot mal-famé que je squattais quand j'ai décidé d'remettre le contact est le trou-à-rat par excellence où circulent toutes sortes de ragots, j'pouvais pas rêver mieux. J'suis resté à l'affût le cul sur ma chaise une heure ou deux, avant de bondir sur la première entourloupe à se présenter.
Elle est arrivée en même temps que la porte du boui-boui s'entrouvrait, infecte, glauque comme elles le sont toutes, par le groupe de mecs qui la colportait. Trois gars, le profil type du connard de base; ils racontaient ça en se vantant presque de l'affaire, comme s'ils y étaient pour quelque chose. Bête idée. Mais jles ai laissé conter leur baratin sans les interrompre. Ça parlait de disparitions liées à une flûte dans le village de Hamelin. Jamais entendu parler. Un bled paumé, cherche pas, qu'on m'a dit d'abord. Si mon pote, je cherche justement. Et avec insistance. Alors, ça a rajouté les classiques du genre "dégage de là, c'est pas ton business" quand j'ai voulu en savoir plus. Mauvaise réponse. Une mâchoire déplacée, une épaule luxée, une tête encastrée dans une porte et les langues se sont déliées fissa. Tant mieux, pas de temps à perdre en dérivatif quand on veut s'remettre en selle. Les trois beaufs étaient juste des grandes gueules, ça jl'ai deviné rien qu'en les avoinant, mais leur histoire valait le détour. Hamelin. Village sans histoire, trois cent pelés grand max, et déjà quinze disparus. Ça fait beaucoup, surtout en un mois. Des stats à faire pâlir la municipalité. Ce serait affaire de malédiction, a rajouté l'un en chialant fort, une flûte maudite qui emporterait au royaume des morts les marcheurs imprudents de nuit. Intéressant. J'ai ri. On m'a pris pour un fou je crois, mais tout le monde avait peur autour de moi alors la taverne entière a ri. Imbéciles. J'ai vidé ma bière, j'suis sorti. Direction Hamelin. C'est décidé, j'vais aller lui interpréter un air bien de chez moi, au joueur de flûte.
[...]
Hamelin. Les nuages chargés de pluie assombrissent le ciel, comme en signe de deuil après les disparitions multiples qui frappent la petite communauté. Un coup du sort supplémentaire pour ce village qui, il y a vingt ans de cela encore, baignait dans le plus total épanouissement. Mais les mines de métaux se sont taries un triste jour d'hiver; les carrières ont précipitamment fermé quand les entrepreneurs ont mis la clef sous la porte et sont partis chercher fortune sous d'autres cieux. L'emploi a déserté, les rares fortunes privées ont suivi le mouvement. Depuis, plus personne ne s'intéresse au sort de ce lieu en déliquescence et à celui de ses infortunés habitants.
La marine elle-même a abandonné son bureau d'office voilà neuf ans, et les petites frappes de la région ont profité de l'aubaine pour investir la place. Prêts à infester dans tout Hamelin, à ronger jusqu'à la dernière miette. Pour le plus grand malheur des honnêtes citoyens sans histoire qui subissent depuis ce funeste jour leurs extravagances et craignent pire encore. Sous la contrainte, tous les habitants ferment les yeux sur leurs exactions, la plupart travaillent même pour eux. C'est la loi du plus fort. Mais une menace plus grande encore rôde désormais dans les rues de la petite Cité. Le joueur de flûte. La bande de malfrats elle-même n'ose pas s'y confronter. On raconte que parmi les truands, l'idée d'abandonner l'endroit a été évoquée. Déserter la place, avant d'être à son tour pris pour cible par le musicien fantôme. Quitter Hamelin. Tout le monde en rêve.
Pourtant, pour la première fois depuis des mois, un inconnu est arrivé en ville, entre chien et loup. Seul. Ne sait-il pas qu'il n'y a rien à gagner à s'arrêter ici ? Les regards méfiants de quelques locaux curieux, barricadés dans leurs chaumières l'ont guetté : mains dans les poches, veste battue par le vent, tout de gris et de noir vêtu, comme pour se fondre dans ce décor de désolation; son regard, orageux, a déclenché la tempête qui bat son plein désormais. À la nuit tombée, les nuages se sont percés; les éléments grondent depuis lors furieusement sur Hamelin. Mais ce n'est pas de colère. Ils célèbrent la venue de Trinita.
[...]
Hamelin, ville fantôme. J'aime cet endroit. Il y fait presque nuit même le jour, pas un connard pour t'emmerder. Le rêve. J'aurais le temps de prendre des vacances, jm'imaginerais bien poser mes valises ici pour un temps. Mais j'ai pas de valises. Et j'suis pas en vacances.
J'ai cherché un semblant d'auberge dans le coin, en vain. M'est avis qu'ils ont pas reçu de visiteur depuis des siècles dans le secteur. Pour le moment je squatte moyennant finance le premier étage dla baraque d'un grand-père, Gal', seule âme qui vive que j'ai croisée dans le coin. Le vieux grigou rabote salement mes économies déjà faméliques mais l'avarice est pas encore condamnable à ce niveau. Toute façon, l'a l'air encore plus pauvre que moi. Alors on a vite conclu un accord lui et moi.
Un coup d'œil par la lucarne de ma chambre : nuit noire. Parfait. J'descends l'escalier, chaque marche craque sous mon poids comme si l'édifice allait s'écrouler, mais ça tient, pour cette fois au moins. Je traverse la seule pièce du rez-de-chaussée, qui fait tout à la fois cuisine, chambre d'ami et salon. Gal' prépare la bouffe dans une marmite au dessus du feu. Une soupe à l'eau avec des croûtons. Les croûtons parce qu'il y a un invité.
Je sors. M'attend pas.
Hé gamin, t'es pas fou d'aller prendre l'air à ct'heure ? Kof...kof... Y'a la bande du grand Chet qui rôde ! Kof...kof...kof...
Sa voix monte dans les aiguës, se meurt dans une toux qu'il essaye de calmer en se tapotant du poing contre sa frêle poitrine. Sans succès.
Bien, j'suis prévenu comme ça. Arrête de tousser et avale ton bouillon maintenant.
Ma voix est sèche, sans compassion. Pourtant, j'crois qu'il sourit. Il essaye même de dire autre chose mais j'suis sorti. Je referme la porte et prend quelques secondes pour inspirer un bon coup, manière de faire redescendre la pression avant de me lancer. Je suis excité comme jamais. J'en ai la chair de poule. Replonger dans le grand bain, après six mois d'interruption. Enfin. Je boue de l'intérieur, mais ce flux qui me parcourt se canalisera de lui-même quand je serais dans le feu de l'action. Allez, en avant.
Mes yeux ont retrouvé l'obscurité, leur alliée. Mon alliée. Elle est presque totale. On discerne de timides liserés de lumière derrière les volets ou les rideaux de chaque chaumière, c'est tout. La lune se cache, drapée d'un épais manteau de nuages. L'atmosphère est fraiche, pour un été. C'est grisant. Ça réveille l'instinct du chasseur. Mon pas se fait léger, ma vue aiguisée. Mes automatismes reviennent, comme par magie. Ils étaient enfouis en moi, n'attendaient que le bon moment pour resurgir. Les bruits de la nuit me parviennent et je souris.
Mais parmi eux, point de son de flûte. Trop tôt, patience. Quand j'aurais mis le grappin sur ma cible, je lui passerai le goût dla musique, parole. Il va banquer pour ce qu'il a fait, avec bonus pour célébrer dignement mon nouveau départ. Jusque là, rester attentif. Et ça je sais faire. Attendre, vigilant. Comme un fauve qui contient sa fougue jusqu'au moment propice. Et après, bondir. Fondre sur sa proie, implacable. À chaque nouvelle affaire, l'histoire se répète. Et cette nuit ne fera pas exception à la règle.
Une heure passe. Une autre. Encore une autre. Et puis, enfin, un signal. Pas celui attendu. Pas la flûte, non. Juste une bonne grosse voix d'homme. Qui ne prend pas la peine de se faire discrète. Pas exactement c'que j'veux mais c'est un début. On cogne à une bicoque. Violemment. Tellement qu'on en défoncerait presque le fragile bout de bois qui sert de porte. J'approche de l'épicentre du raffut. J'ai un visuel. Deux gars. Du malabar de province, bien viril. Du qui pourrait tirer sa charrue à la place de ses bœufs. On leur ouvre, ils bousculent le malheureux à l'intérieur et claquent la porte derrière eux.
Je m'approche encore. Sans prendre de précautions particulières; qu'on me voit ou pas, j'suis à peu près certain de savoir de quelle manière ça va se terminer. Les murs sont un véritable papier à cigarette, je peux tout entendre de ce qui se dit à l'intérieur. Ils parlent d'argent, de dettes. Ils crient. Des pleurs, d'enfants. Un bruit sec, sonore. Une claque. Puis un autre, brut, plus sourd. Un poing. Ok, j'ai assez attendu.
Craak.
Mon pied achève la porte qui ne demandait qu'à tomber, j'fais mon entrée et interrompt leur scène de ménage. Les deux connards me lancent un regard. Surpris et furieux. Je le leur rend, méchant. Juste méchant.
J'ai une devinette pour vous les gars. Qui va se prendre la branlée de sa vie cette nuit ?
Pareille injonction à la baston, ça se refuse pas. Ils sont deux, ils sont costauds, ils sont confiants. Le premier s'approche, m'aligne une droite en pleine gueule.
T'as bouffé ta ration d'épinards petit mon pote, c'est bien...
Il tire un rictus, fier. Il sait pas.
Mais t'aurais du te resservir.
J'emprisonne son bras tendu dans un étau, ma main gauche, et fout toute la force de mon corps en pivot dans la pogne droite qui pousse sur son coude. Crac. Tu peux gueuler ouais, ça a l'air douloureux. Mon poing dans ta trachée l'est encore plus. Game over.
Le second se rue sur moi et me plaque au torse. J'encaisse le choc, recule et vais me cogner contre le mur qui tremble sous l'impact. Mais maintenant, j'ai son cou emprisonné entre mon buste et mon bras droit. Ma main gauche passe dessous, et tourne au niveau du cou. Croc. Son corps retombe lourdement. Le silence revient. Pour quelques instants seulement. Un troisième larron arrive.
La flûte...la flûte, elle joue.
Sa voix est fébrile. Il finit pas sa phrase, il voit ses potes morts avant. Mais il vient de me mettre un morceau de barbac fraîche sous les moustaches là. Et j'ai les crocs. Il a pas le temps de réagir qu'il se retrouve étalé au sol, moi au dessus de lui qui le tient par le col, à le regarder une lueur meurtrière dans le regard.
La flûte ? Quoi la flûte ? Parle, enfoiré, ou ces mecs auront été chanceux en comparaison de ce qui t'attend !
Il...il a enlevé un autre villageois....
Où ça ? Où est-il ??
Par...là ...
Il pointe un doigt tremblant vers la sortie Nord de la ville. Mon poing dans sa tempe l'anesthésie sitôt l'information assimilée. Je bondis. Maintenant, j'ai une piste.
[...]
Une symphonie s'élève dans la rue principale de Hamelin. Timide tout d'abord, elle gagne ensuite en hauteur pour venir, mystérieuse, envoûtante, charmer les tympans de tous. Les habitants, à l'écoute de ce son hypnotisant, quittent leur demeures et bravent l'obscurité pour répondre à l'appel de cette flûte. Leurs mines sont calmes, apaisées. Ils viennent se ranger derrière le joueur pour former une foule toujours plus fournie dans une quiétude communicatrice, sous l'effet d'un charme aussi puissant que prodigieux.
Pourtant, quelques-uns des citadins à l'inverse, semblent s'agiter, paniquer, en entendant la douce mélopée. Les brigands. Ils ont peur, se sentent menacés par ce spectacle hors-du-commun, qui défie l'entendement. Ce simple humain, armé de sa flûte, leur apparait comme une force supérieure. Il a apporté sérénité, tranquillité à tous les civils qu'ils assujettissent pourtant depuis des années. Ils les a libérés de leurs craintes, pour la leur communiquer, à eux. Ils la ressentent, vive, nouer leurs tripes, glacer leur cœur. Une seule alternative leur apparait dans ces conditions : la fuite.
Mais un nouvel ennemi se dresse contre eux. Une tornade. L'étranger. La meute se retrouve prise entre le marteau et l'enclume. Deux feux ardents. L'un, joue une partition insidieuse qui les confronte à la plus profonde terreur, l'autre l'incarne dans un récital débordant de passion et de force. Chacun les châtie pour le mal qu'ils ont répandu. Enfin, éparpillés, meurtris dans leur chair comme dans leur âme, ils s'enfuient, laissés libres de le faire par leurs bourreaux qui les tenaient à leur merci. Le concert porte à sa fin sur Hamelin, les rats désertent la ville sans demander leur reste.
La nuit s'achève dans la liesse. Il est décidé de faire du lendemain une journée de festivités en l'honneur des deux sauveurs. Le joueur de flûte entend bien y prendre part, tout comme il escompte recevoir son dû pour son concours dans la libération de Hamelin du joug de la bande. Quant à Trinita... Les citadins reconnaissants passeront une heure à le chercher en vain, avant de se résigner à constater son départ, aux premières lueurs de l'aube.
[...]
Aujourd'hui, ça fait cinq jour que j'suis sorti de l'hosto. Jme sens encore mieux qu'hier. Sur la voie de la rémission totale. Le dénouement à Hamelin m'a rappelé pourquoi jm'intéressais encore à notre société. Tout n'est pas noir en ce bas monde, non. Il mérite qu'on se batte pour lui. Et j'suis pas le seul à agir dans son intérêt. Le flutiste avait rien d'une menace en vérité. Il était la lueur d'espoir pour tous ces malheureux qui courbaient l'échine depuis trop longtemps.
J'ai laissé les paysans à leurs épanchements de joie. Pas mon truc. J'suis retourné en ville, plutôt. Chercher un nouveau tuyau. Direction une taverne. Ma taverne. On m'y reconnait vite, les conversations baissent d'un ton. Le barman gémit, planqué derrière son comptoir.
Une bière.
Il me la sert, tremblotant, et en renverse un bon quart à côté mais pour ce coup-ci, j'passe l'éponge. Façon d'parler.
Ou plutôt, non. Tournée générale.
On en croit pas ses oreilles; j'ai lâché ça sans engouement, sans me retourner vers l'auditoire. Personne braille un bon yipee en jetant son chapeau pour marquer le coup. On se méfie beaucoup. Alors ça m'fâche. J'fais mine de m'énerver, réitère l'offre en lâchant une insulte et une menace en plus. Ça dissipe pas les craintes mais ça incite à remercier le bon Trinita pour l'offrande et à boire cul-sec sans faire d'histoire.
On...on fête quelque chose ?
Possible ouais.
À vrai dire, on s'en fout de l'évènement du moment que chacun peut s'envoyer un verre gratis. Au final, on est forcé d'admettre que l'offre cache pas la moindre embrouille. Alors l'ambiance retrouve peu à peu des couleurs, les poivrots s'amassent autour de moi au bar. Attirés par la bonne nouvelle, au même moment, de nouveaux clients font irruption dans la pièce. Trois mecs. Qui braillent un truc qui m'tinte bien au tympan.
Les gars, devinez quoi ? On tient le scoop du siècle avec nos potes. Un truc bien sombre qui ...
J'pivote. Des pansements pleins la gueule. C'est mes copains d'hier. Jles r'connais vite, et c'est réciproque. Y'en a dja un qu'essaye de s'barrer mais on trompe pas mes réflexes. Jlui bloque l'accès à la sortie avant qu'il ait cligné des yeux et lui colle une baffe pour le principe.
Toi t'as un truc à m'raconter je sens.
Pitié, tapez-pas. Aye ! Non, arrêtez !
J'ai pas commencé grande gueule. Mais ça pourrait bien venir si tu craches pas le morceau.
Oui, oui, tout de suite m'sieur. Vous allez rire. L'affaire de la flûte, hier...
Quoi, la flûte ?
Et bien, en fait, la flûte appartenait à un gars, une espèce de mercenaire. Le village avait loué ses services pour les débarrasser de sales voyous, mais une fois le travail effectué, ils lui ont pas filé son salaire. Ça a foutu le mec drôlement en rogne, tellement qu'il a jeté un nouveau sort et ce coup-ci, ce sont tous les enfants de Hamelin qui ont disparu.
Disparus ?
Disparus ouaip. Partis avec le flûtiste. C'est comme qui dirait sa vengeance.
Fait chier.
Ça fera 500 Berrys pour la tournée, m'sieur.
J'regarde le serveur. L'œil bien noir. Il sent qu'il a dit une bêtise. Zieute l'addition, vérifie son calcul du prix. Non non, y'a pas d'erreur. Mais ça fait vraiment chier quand même.
On oublie la tournée.
J'vide ma bière, je sors. Trinita repart en chasse.
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Informations IRL
Cf fiche Rei. S'pas fini, s'pas pour tout de suite tout de suite, mais s'pour bientôt donc je poste.
En fait si, s'pour tout de suite tout de suite.
Et en fait si aussi, s'tout fini.
Dernière édition par Yakutsuki Rei le Mer 28 Sep 2011 - 13:41, édité 4 fois