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Tare ta gueule à la Récré. [OneShot 1595]

Blood.

Sometimes it helps me control the chaos.

Other times… it sets my teeth on edge.



1595, banlieue nord d’West Blue, confins d’nulle part, pas loin du trou d’l’oreille dégueulasse du monde. Toutes les nouvelles d’partout, toutes les légendes qui courent le monde entier, tous les ragots les plus déformés contant les exploits d’pirates sanguinaires et d’marins héroïques y parviennent toujours. Mais aucun son original, aucune personne d’intérêt en sort jamais.

1595. Fin d’une année quelconque. Fin d’un mois quelconque. Une heure genre quinze plombes du mat’, AM. J’avance un peu, disons quatorze heures pour ajuster.

Deux gamins jouent dans une cour sale de ferme miteuse. Y en a un qu’a les yeux marrons, bridés, qui s’ra moche plus tard. Qui s’ra mort plus tard. Y s’appelle truc. Mais y pourrait s’app’ler machin. L’second a une flamme à la place de chaque iris. Une flamme verte, un truc qui brille et qui brillera toujours. Un truc malsain, qu’y contient difficilement. Et y jouent les deux mioches, et y jouent. A la guerre d’abord, comme les tontons imaginaires qu’y s’sont fabriqués à partir des histoires qu’raconte le père quand y rentre de trois s’maines de pêche. Aux billes ensuite, avec d’la mouscaille de lièvre et l’pot pour les dents d’la grand-mère qu’on a enterrée y a trois jours. Au duel enfin, avec d’un côté une épée en bois et de l’autre la louche en fer blanc volée à la mère.

C’est bordélique, ça r’ssemble à rien, mais ça a une allure d’vrai combat pour les deux chiards. Combien qu’y z’ont d’ailleurs, les deux ? Dix pour l’un, onze pour l’autre ? Allez, d’sons vingt étés à eux deux, c’est l’bon ordre de grandeur. Ent’ la mort de l’aïeule dans son lit et celle d’l’idiot du village qui s’est pendu la s’maine dernière, y savent d’jà presqu’ tout sur la faucheuse, mais z’ont rien vu encore sur la vie. Et y profitent d’la pause pour s’taper comme s’y voulaient d’jà en finir avec cette catin qui les en fait baver plus qu’y voudraient. Aider à ceci, aider à cela. S’niquer les lombaires avant l’âge pour aider l’paternel quand y r’vient ou la matrone quand il est parti, s’baiser définitiv’ment le ptit doigt en f’sant une manip à la con pour aider à faire tourner l’moulin d’l’île. C’genre de trucs pas bandants. Encore moins bandants quand tu sais qu’c’est pas juste une épreuve à traverser, qu’t’es destiné à faire la même chose jusqu’à c’qu’un raid de pirates ou la cystite t’emportent d’manière pas très propre. Si t’es chanceux c’s’ra une crise de foi, ptet même de foie, mais au final ça r’viendra au même : t’auras vécu pour rien, t’auras rien vécu. Et tu finiras comme un tas d’vers sans noms.

Alors y s’mettent dessus, comme un exutoire pour enfants qu’voient trop loin, trop grand, trop fou.

Y en a un surtout qui tape. C’ui qu’a la louche. C’ui qu’a l’œil verdoyant. Y tape fort, lui, y tape sec. Y tape sournois. Et y tape même tant et si bien qu’la mère d’vra innover pour touiller la soupe ce soir. L’bois et l’fer s’brisent en même temps. Plus possible d’jouer au duel. Alors on arrête, on arrête et on s’assied l’air mauvais. L’un r’garde l’autre, l’autre r’garde l’un. Y a d’l’énergie à r’vendre des deux côtés. S’faire interrompre par une foutue conn’rie d’instrument d’cuisine, c’est putain d’frustrant. Les tempes battent toujours, l’pouls fait toudoum, toudoum, toudoum toudoum, l’souffle rest’ rapide.

Alors c’ui qu’en veut l’plus s’relève. Y s’relève l’premier mais l’autre le r’joint dans l’même élan. Et on r’commence à s’mettre dessus. C’est comme ça quand t’es môme, t’agis à l’instinct. A l’instant. Si t’as pas d’chance ça s’tasse après, tu d’viens calme, tu chopes une vie normale et tu t’fais bouffer par les mouches sans avoir jamais eu d’autres problèmes qu’avec toi-même. Sinon tu restes un grand enfant toute ta putain d’vie et tu crèves la gueule en fleur ou la veine aride, mais heureux. Ou en tout cas sans t’poser la question d’savoir c’que c’est qu’le bonheur. Et ça tombe et ça pleut et y aura des bleus d’main mais c’est pas grave, c’s’ra pas pire qu’quand tu t’es pris ta trempe mensuelle la dernière fois.

Sont à égalité les mômes, y s’prennent autant qu’y donnent. Une dent pour une dent, un bras pour un bras, un œil pour un œil. Sauf qu’pour finir y a un œil qui supporte pas l’trait’ment. Un œil bridé. L’arcade gicle, c’est moche et ça pisse. On d’vrait arrêter là pour aujourd’hui, qu’est-ce que t’en dis ? Ca tombe, ça crie fort et ça pleure. Allez, on r’met ça d’main, hein ? Ouais mais sauf qu’en fait non.

Au-d’ssus d’la face en sang, là-haut dans l’ciel noir, y a une étoile verte qui r’garde, curieuse. Et paf.


Tare ta gueule à la Récré. [OneShot 1595] 661875SignTahar
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Sometimes I wonder what it would be like for everything inside me that's always bursting out to be denied and unknown…

But I'll never know. I live my life in passion.

My survival depends on it.



1595 toujours. L’lend’main.

Quand un gamin meurt, d’habitude c’est grave mais on fait avec, les familles nombreuses sont nombreuses pour cette raison. Là, c’est grave et on fait avec. Mais on fait aussi avec le fait qu’c’est P’tit Tahar qu’a buté son frère. Et qu’apparemment ça lui fait pas grand-chose.

En réalité, ça lui fait vraiment pas grand-chose. Enfermé dans la stabul’ dégueulasse où dorment les ch’vaux et toutes les autres betioles d’la maisonnée, il pense le gamin, mais y pense pas dans les rails. Y pense que ouais, il a tué son frère, mais que bof. Tuer c’pas un gros mot pour lui, c’est jamais qu’accélérer l’cours des choses. Tuer c’pas une raison d’être désolé. Crever à leur âge ou crever après, quelle différence ? P’tit Tahar est pas un psychopathe, à penser comme ça. Nan. S’il avait à r’vivre la journée d’hier, ptêtre qu’y frapp’rait pas c’te fois, ou ptêtre qui frapp’rait moins fort. Packil aimait bien son frangin mine de rien. Et c’pas non plus comme s’il avait donné encore cinquante-dix-huit coups après avoir réalisé qu’en face ça bougeait plus, comme ça juste par plaisir. Nan. Il est juste allé au-d’là d’un certain point d’non-retour. Au bout des choses. Au bout d’la vie du fils de sa mère. Une erreur d’appréciation, une simple erreur d’appréciation sur les conséquences de l’action en cours. Voilà. L’plaisir était pas dans l’acte de tuer en lui-même, plutôt dans c’ui de, ouais, aller jusqu’au bout de c’qu’était commencé, en l’occurrence un combat entre gamins consentants du même âge et du même sang.

Alors bien sûr, s’il est pas triste tant qu’ça, P’tit Tahar s’demande un peu si c’s’rait pas mieux s’il arrivait à cont’nir son envie d’voir c’que ça fait quand on va jusqu’après les limites. Quand on finit c’qu’on a commencé peu importe si ça déborde. Y s’demande ça. Sûr. Puis y s’dit que fuck it. Y r’pense à tous ces mecs dont lui a bassiné les oreilles d’puis qu’il a deux ans et y dit que fuck it. Le pirate qui d’vient Seigneur des pirates, il le fait sans jamais tuer ceux qui veulent pas lui laisser la route ouverte ? Le marin qu’arrête les pirates pour bâtir un monde pur, il le fait sans en tuer un ou deux de temps en temps ? Ha. Bonnes blagues, ça lui arrache un sourire.

L’étincelle s’était tue d’puis la veille au soir dans son œil. La seule tristesse qu’il ait manifestée, mais qu’personne a vue. Les mômes on connaît pas bien ici. On les élève, sans plus. On les détest’ pas pour autant, ’tention. Juste on a pas l’temps ni l’esprit nécessaire pour leur apporter tous les soins qu’y méritent et les comprendre vraiment. Mais ça y est, douc’ment comme une luciole qui toussote un peu avant d’s’allumer complèt’ment, douc’ment ça r’vient. Et ça brille et ça brille et ça illumine l’étable. Mais y a personne qui voit. Et heureus’ment ptêtre, ç’aurait pu être un coup à réhabiliter les bûchers, d’le choper en pleine crise d’hilarité malsaine. Et y a pas qu’ça qu’heureusement on voit pas. Y a ses résolutions aussi. Ses bonnes résolutions pour l’année à v’nir. 1596 ouais, et les suivantes après ça.

Comme dit plus haut, c’pas buter quelqu’un qui lui a fait prendre son pied, au jeune gars, mais ça l'a pas r’froidi non plus, d’avoir occis autrui. Il en veut encore d’la sensation forte, et encore et encore. Ptêt même qu’y veut un peu voir c’qu’ça fait par lui-même d’mourir, allez, accordons-lui ça, ça l’rendra attachant. La morbidité c’pas cool mais ptêt qu’y a un peu d’culpabilité dans l’jusqu’au-boutisme qui vient d’le décider à r’mettre sa vie en danger dans les cages d’l’île voisine, dès l’hiver prochain.

Ou ptêt pas, va savoir, c’pas conscient ce genre de trucs.


Tare ta gueule à la Récré. [OneShot 1595] 661875SignTahar


Dernière édition par Tahar Tahgel le Lun 26 Sep 2011 - 16:01, édité 1 fois
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Tonight's the night.

And it's going to happen again and again.

Has to happen.

Nice night. xxxx is a great town. I love the western food, pork sandwhiches, my favourite.

But I'm hungry for something different now.



1596, l’hiver prochain, l’île d’à-côté.

La salle crie, hurle, bout dans son jus d’la soirée. Des poivrots, des mégères, des gars d’passage, y a d’tout. Y a d’tout mais y a personne que P’tit Tahar connaisse. Tant mieux, ça l’aurait perturbé pour sa première. Il a onze ans l’brave gamin, onze ans et ça y est. Et la vie commence dans deux minutes pour lui. L’temps d’récolter les derniers paris, d’remplir les derniers verres, d’virer l’gars qui gueule trop fort dans l’coin là-bas. L’temps des derniers conseils et questions au gladiateur. T’es sûr qu’tu veux y aller ptit gars ? Vise le foie hein, ça l’calm’ra. Et s’y t’sort une lame, tu siffles et j’te lance une bouteille, okay ? Mais y t’sortira pas une lame, t’es trop jeune pour ça. Allez, bonne chance gamin.

Et la salle s’tait. Et l’colosse entre en premier. Colosse plutôt fluet mais pour un gamin d’onze piges tous les adultes sont trop grands. Mais P’tit Tahar tremble pas. L’est même étonnamment calme, ça l’surprend lui-même. Quand y rentre à son tour dans la cage d’cinq par cinq, y voit tous les yeux qui l’regardent au ralenti, les sons s’déforment et tout, l’temps existe plus. Et ça dure encore quand y r’garde son adversaire. Dents jaunes, nez cassé, r’gard fouineux, cicactrices. Un dur, un vrai putain d’dur qui va lui mettre sa rouste. Y l’sait, ça, P’tit Tahar, mais ça l’arrête pas, faut bien apprendre. Et la grille se r’ferme. Clac. Une mouche trépasse. Goliath r’garde David en louchant. On l’avait prév’nu, mais faire face à un gamin ça surprend toujours. Pas qu’y pense perdre, mais faut l’temps d’s’adapter.

L’temps d’s’adapter, ils le prennent tous les deux. Personne existe plus autour, y a qu’eux, y a qu’la cage, et y a qu’la survie après l’aube. C’l’nabot qui fait l’premier pas. Puis l’deuxième. L’adulte bouge pas, s’méfie, laisse venir. Ca vient. P’tit Tahar s’est lancé droit sur lui, d’toute la vitesse de ses ptites jambes. Mais c’trop lent, ça s’esquive tout seul. Et dans l’mouv’ment on en profite pour donner un coup d’latte dans l’dos, l’premier coup, l’premier cri. Ca lui a fait un mal de chien, y s’ramasse la gueule entre deux barreaux, mais c’pas l’môme qu’a crié, c’est la foule. Y tombe la ch’mise qui l’a ralenti dans sa course, son corps tout maigre fait monter la rumeur mais y s’retourne. Dans son dos y a un hématome qui grossit d’jà. Rien qu’lui et toi, ptit gars, rien qu’lui et toi dans la cage, qu’y pense.

Et y r’charge, et y s’refait avoir. Et encore, et encore. Sa rage d’en découdre compense la répétitivité d’la stratégie, personne s’lasse, tout l’monde en veut. Y plaît, on l’encourage. A la cinquième, l’autre réagit trop tard, s’fait choper aux hanches, tombe à terre pendant qu’P’tit Tahar hurle d’sa voix pas encore muée. S’prend deux bourre-pifs sans réagir. Sans sentir grand-chose non plus. Quand l’aut’ s’défend avec ses jambes repliées, les bras d’un môme ont moins d’allonge qu’ceux d’un adulte et frappent moins fort vu la distance qui les sépare d’la face à taper. Et ses jambes, y s’en sert aussi pour virer une nouvelle fois l’puceron. Jusqu’au plafond d’la cage il l’envoie. Et ça r’tombe bruyamment. Déjà fini ? On dirait bien, l’môme bouge plus. Bouge plus, et encore bouge plus. Puis s’relève enfin sous les vivats. Il a la face en sang. Les arcades, comme l’frérot l’année dernière. Il a la face en sang mais il est d’bout. Et ses lanternes brillent encore. Et il a mal, et il sourit, et y r’part au casse-pipe. Au bout.

Cette fois c’est lui qui feinte. Il attaque mais contourne au dernier moment. Tourne autour du grand, passe derrière. Les ptites cylindrées sont plus maniables qu’les grosses à ptite vitesse. Passe derrière et lui fout une latte dans l’coccyx. Une latte qui fait mal c’te fois, l’autre gicle de trois, quatre pas vers l’avant pour s’remettre d’aplomb. A son tour d’avoir mal, et en face le ptit monstre sourit. Ca y est, l’colosse est d’dans aussi, il hurle, il va lui piler la tronche qu’y gueule. Et pour la première fois c’est lui qui prend l’offensive. Seulement voilà, un coup dans l’croupion, quand c’ui qui l’donne à d’la chance, ça laisse des séquelles. C’toute la colonne qui donne l’impression d’s’bloquer d’un coup pendant qu’y court. Et y r’tombe. Et il a perdu vu qu’y peut pas s’rel’ver. Trop d’risques, trop d’douleur.

Et du haut d’ses onze berges P’tit Tahar peut plus vraiment s’battre non plus, mais il est d’bout.


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