Eclats de lumière, chasse à l'ombre

Rires, cris de joie, tambours, mil et un stands colorés, déguisements. Alors que Gwen et sa sœur essayaient tant bien que mal de se tailler chemin dans la foule énivrée de joie du Festival, L’aînée des sirènes sourit, tirant de la main sa jumelle bien moins enthousiaste avec insistance.

-”Allez Gwyn, on va manquer les feux ! Dépêche !”


-”Oui, oui… “

Ugh, si lente, les meilleures places allaient être prises à ce rythme, et cet air ennuyé- ah, voila que sa sœur baillait même ! ne pouvait-elle pas faire un effort ?

“Il reste environ encore toute une heure, est-ce ce vraiment nécessaire de trouver une place aussi tôt ?”

“Hey, ça en veut vraiment la peine, crois moi ! Vas-yyy ! Tu peux être sure que je vais pas les manquer, je te forcerai à grimper un arbre s’il le faut pour voir le spectacle !”

“Puis salir nos tenues et ressembler à des marsouins ? Sans façon merci !”

Ah, enfin un peu de collaboration. Se faufilant plus rapidement au milieu de tout le monde, Gwen sourit, prise dans l’ambiance festive qui habitait Koneashima en cette soirée de festival, soirée dont le ciel étoilé serrait bientôt illuminé de mille et une couleurs… un activité de la surface si incroyable ! 

Peut-être qu’aujourd’hui serait le jour ou elle ferait aimer à sa jumelle ne serait-ce qu’un peu les particularités des humains. Vraiment, c'était la seule raison de pourquoi elle avait fait le déplacement jusqu'à l'ile, l'espoir de passer à travers le mur d'apathie qui semblait toujours la tenir ôtage. Qui sait, avec un peu de chance, sa cadette sourirait elle aussi ! Ah, elle avai-

“Gwen, attention !”

“Qu-”

Une bousculade assez forte, puis les doigts d’un inconnu déguisé d’un masque de lion vert autour de son sceptre-

La sirène n’eut pas le temps de resserrer sa prise sur son bien, que l'agresseur le lui arracha des mains et partit en courant, busculant quiconque passait sur son passage… et prenant toute chose de valeur qui semblait attirer son attention.

"Hey ! revenez ici tout de suite ! Arrêtez cet homme ! Voleur !!"

Mais les gens préférèrent s’écarter plutôt que venir en aide, et incapables de faire quoique ce soit d’autre, les deux Dollyns prirent donc chasse avant de perdre le délinquant dans le chaos des fêtes.

Posté derrière son petit stand de hamburgers aidé de deux commis recrutés à l’arraché sur place, Timothée passait une superbe soirée ! Non content d’être en train de se faire un argent de poche particulièrement bienvenu, il bénéficiait également d’une place de choix pour assister aux feux d’artifices de cette île.
Cela faisait maintenant plusieurs mois que le jeune Timothée avait rejoint l’équipage du vice-amiral Shoga en tant que contracteur civil (préposé aux cuisines) et jusqu’ici, il ne regrettait aucunement son choix ! Non content de pouvoir travailler avec des mets nouveaux et exotiques tous les jours pour approfondir sa recherche culinaire, il parcourait les mers et découvrait de nouvelles îles et de nouveaux peuples tous les jours ! Des peuples avec leurs ethnies, leurs traditions, leur gastronomie… Et surtout leurs rituels ! Comme celui des feux d’artifices ici.
Bien sûr, Timothée avait déjà vu des feux d’artifice à sa Logue Town d’origine, mais de ce qu’on lui avait dit rien n’égalait ceux tirés depuis ici. Alors que le spectacle allait bientôt commencer, ses commis (deux garçons locaux recrutés le matin même et qui avaient appris à faire cuire les frites et couper les ingrédients dans la foulée) l’encouragèrent à aller profiter du spectacle. N’ayant pas l’intention de trop s’éloigner mais pas non plus celle de louper le spectacle, Timothée resta proche de son petit stand de spécialités de street food Logiennes (aussi exotiques pour le commun d’ici que c’était banal pour lui), mais en se décalant un tout petit peu à découvert pour regarder le spectacle.


Dans les secondes qui suivirent, Timothée se retrouva projeté au sol sans vraiment comprendre ce qui lui arrivait, et quand il se redressa, il avait dans les mains un sac de jute vide et un masque en forme de lion tandis qu’un garçon d’à peu près sa taille, habillé à la stricte identique mais avec un sac de jute plein à craqué dans les mains s’éloignait de lui en poussant un ricanement machiavélique. Il ne suffit à Timothée qu'une unique seconde supplémentaire pour résoudre le calcul quand il vît deux femmes arriver vers lui suivies de plusieurs autres personnes mécontentes qui avaient, elles aussi, été sûrement dépouillées par le voleur jumeau de Timothée. Du coup maintenant… Ça retombait sur lui…
- Non mais attendez, il y a erreur sur la personne ! C’est pas moi, j’ai un alibi, j’étais au cinéma !
Timothée réalisa que son trait d’humour n’avait pas pris quand il quitta le sol, soulevé par le col par une barrique faisant quatre têtes de plus que lui.
- Assez joué maintenant, rends-moi mon fric ptit con !
- Que tout le monde se calme, je le sais, je ressemble comme deux gouttes d’eau à celui que vous avez vu, mais c’est une coïncidence ! Je vends des hamburgers moi! Tenez, j’ai même deux commis qui peuvent en témoigner…
En se tournant vers son chariot, il vit des clients attendant leurs commandes, des plats en préparation, mais plus de commis, et plus de caisse
- Ah les sales petits… Évidemment bon sang… Ils m’ont piqué ma caisse !


La maréchaussée locale ne tarda pas à être impliquée dans l’affaire et il s’en fallut de peu pour que Timothée retrouve au contact de ses poignets la sensation froide et métallique des menottes qui ne lui avait pas manqué du tout ! Heureusement pour lui, il fut capable de disculper le malentendu, en prouvant que le stand était bien à lui ainsi qu’en obtenant quelques témoignages des badauds autours confirmant sa version… Mais tout cela aurait même pu être raccourci encore plus si il avait sorti dès le départ sa carte joker qu’il avait ici réservé comme argument final : les relations ! Personne n’emprisonne le cuistot personnel d’un vice-amiral de la Marine sans un dossier béton ! Chose que ces accusateurs n’avaient clairement pas ici…
Dépités à l’idée de ne jamais pouvoir récupérer leurs possessions volées, le groupe des locaux spoilés par le pickpocket fugitif se dispersèrent, résignés. Pendant ce temps-là par contre, Timothée bouillonnait : il s’était fait avoir comme un bleu ! Une honte pour lui qui avait grandit par le vol et l’arnaque avant de se repentir et devenir honnête. Il y a pas a dire, ils avaient bien prévu leur coup ces petits filous, peut-être même un peu trop bien car à y repenser, les deux commis qu’il avait prit pour des jumeaux étaient peut-être en fin de compte des triplés, avec un troisième jumeau, un certain voleur qui s’était fringué exactement comme Timothée… Une belle coïncidence, trop bonne pour n’être qu’une coïncidence…
- La vache ils sont forts… Ils sont très forts…
Timothée esquissa un sourire tandis que son regard s'arrêta sur deux des victimes encore présentes, les deux dames qui avaient presque mené le groupe de victimes ! Ricanant, le garçon haussa les épaules et leur demanda :
- Vous voulez un burger ? C'est moi qui offre...

“Un burger ? Merci beaucoup pour l’offre mon cher, mais je crois qu’on a l’esprit bien trop malmené pour cela à cet instant.”


Alors que Gwyn lui tapote l'épaule d'un air se voulant rassurant, Gwen ne regarde à peine le garçon en disant cela, bras croisés, sourcils froncés. Sous l'agitation, elles avaient été roulées dans la farine comme des vraies idiotes, forcées à rester les bras croisés perdant un temps crucial pour retrouver son bien entrain d'accuser un innocent qui ne savait trop rien de cette affaire… innocent qu’elle était là à ignorer, qui était d’après sont témoignage à aux gardes, était tout aussi victime qu’elle ?

Oh, idée-

” Et franchement, le votre doit être tout aussi meurtri n’est-ce pas ? “ Se tournant enfin vers le jeune homme à l’air cordial, la sirène sourit avec part égale de grâce et indignation, une lueur de détermination dans ses prunelles en forme de larme. “ Les gardes semblent bien déterminés à enterrer l’affaire vu leur nonchalance, mais rira bien qui rira dernier.” Elle se passa une mèche blanche de cheveux derrière l’oreille. “ Le sceptre qu’il m’ont dérobé est bien trop distinctif pour que quiconque d'honorable accepte de l’acheter, il serait vite reconnu comme un objet volé puisque les gardes ont sa description. Et précieux comme il est, quiconque d’un peu avare ne cherchera pas à s’en débarrasser à bas prix au premier venu. Ces trois malins qui se sont joués de nous ? Ils doivent compter leur nombre de possibles racheteurs sur une main, et je crois que moi et ma sœur comptons bien les trouver et leur payer une visite…”

A la une, les jumelles font une révérence vers leur public plutôt réduit.

” Je me présente, Gwen, cuisinière duelliste, et à ma droite, ma cadette Gwyn, couturière d’élite, quoique pour ce soir je crains que nous serons toutes deux des simples chasseuses d’indésirables. Ainsi est la vie~”

Une main tendue en offre, d’un air complice puis-

”Veuillez accepter nos plus plates excuses pour vous avoir cru responsable de notre malheur, mais si j'ose l'insolence : Souhaitez vous laissez quelques voleurs qui ont terni votre confiance se tirer sans aucune conséquence avec vos biens, ou voudriez vous nous joindre dans notre enquête ?" Le sourire de milady devient alors étincelant. " S'ils ont travaillé pour vous toute la journée comme vous avez témoigné, vous devez certainement encore avoir les visages de 2 de nos coupables en tête... et à plusieurs, nous ne pouvons que multiplier nos chances de dénicher leur cachette. ”

Gwen  sourit avec douceur alors qu’elle prêta attention aux dires de Timothée, amusée de voir à quel point le jeune homme semblait hors de son élément alors qu’il lui saisit gauchement la main. Ses manières auraient bien besoin d'une révision, mais la sirène n’y prit point offense. Au contraire, c’était chou de voir un jeune homme se débattre ainsi avec les mots… Et ce n’était pas comme si toute faute dans la contenance d’un gentleman ne pouvait pas être corrigée en cours de route !

-" Merci pour votre participation mon cher, c'est plus qu'aimable de votre part !"

Puis tandis que Timothée fermait son stand, les sirènes tracent un plan dans l’attente. Il est aisé de mettre leur accolite à jour à son retour :

-"Ah, vous revoilà." Le sourire qu’avait Gwyn était la bonté même, quoique comme à son habitude il n’atteignait point son regard démuni de toute émotion. “ Que c’est aimable de faire attendre deux dames. Ce n’est point comme si toute chance de retrouver notre bien diminue à chaque minute passée à nous tourner les pouces n’est-ce pas ?”

Eh bien, correction. Il serait aisé pour Gwen de mettre leur accolyte à jour. Gwyn était bien trop passive-agressive pour le bien d’une collaboration de ce genre ! Mers, elle savait qu’elle n’aimait point sociabiliser, mais ne pouvait-elle pas faire un effort parfois ?

"Ouhohoho, n’écoutez point les taquineries de ma soeur !" La cadette reçut un coup de coude de son ainée pour la peine, quoique loin d'elle d'avoir l'air coupable." Mais elle n’a pas tord, le temps vient nous manquer. Afin de couvrir plus de terrain  peut-être devrions-nous nous séparer et questionner les locals les moins… fortunés sur là ou un voleur irait vendre une marchandise de valeur."

"Locaux dont on devra sûrement graisser la patte pour avoir des informations." Dit Gwyn du même ton mielleux. "On a pas beaucoup sur nous, mais sûrement vous seriez d'accord qu'on vous rembourse après coup si vous avez besoin de dépenser quoi que ce soit n'est-ce p-"

Elle donna un regard bien plat à Gwen lorsque celle-ci lui couvrit la bouche, tendant une petite bourse à Tim sans plus. 


" Tenez pour les dites dépenses, on vous fera confiance pour retourner ce qui reste vers la fin de cette histoire... On devra surement nous infiltrer dans les quartiers les moins fortunés afin d’arriver à nos fins. Auriez-vous des objections, monsieur Timothée ? Peut-être une idée à rajouter ?”

Madame inclina légèrement la tête vers le jeune homme, sa main aux doigts gigotants, qui tenait son haut forme, trahissant son anxiété alors qu'elle attendait une réponse. Si c'était déjà trop tard pour récupérer son bien, Gwen préferait pas trop y penser... l'idée la contrariait bien trop. C'était peut-être cette anxiété qui la faisait faire confiance si rapidement à l'inconnu devant elle ! Un regard dans ses yeux vairons suffisait pour voir la desespération de la noble.

Après tout, c'était sa famille qui lui avait offert ce sceptre de combat il y a au moins dix ans à présent. Brigandine s'en était servi à tord plus qu'une fois pour chasser les vauriens qui approchaient son stand, ou encore pour une tâche aussi ignoble que tendre son linge.

Qu'importait le prix ? Des mémoires précieuses étaient en jeu ici !

Oh, non… Et tu, Timothée ? À peine quelques minutes dans l’équipe, et voilà leur recrue en train de rendre la monnaie aigre de Gwyn pièce par pièce. Gwen n’avait même pas besoin de se tourner vers sa sœur pour deviner sa réaction : un sourire toujours aussi mystérieux et cordial… mais moins large, le fait qu’elle ne répondit guère trahissant ne serait-ce qu’un instant l’énorme manque de considération qu’elle exercerait envers l’humain dans leur groupe à partir de cet instant.

Car insinuer qu’elle était là à se tourner les pouces ? Qu’elle n’avait pas eu la diligence de planifier quoi que ce soit alors qu’un bien précieux de sa sœur était en jeu ? La cadette des deux Dollyns pouvait accepter bien des injures, mais sa dévotion envers la famille…

Ugh, Gwen allait devoir garder un œil sur elle pour qu’elle n’essaie pas de remettre le garçon à sa place dès qu’elle tournerait le dos. Monsieur semblait avoir du répondant, certes, mais Gwyn était… non pas vicieuse, mais certainement intense quand on la contrariait.

Au moins, la séparation de leurs effectifs porta ses fruits. Car alors que le groupe se réunissait à nouveau, qu’ils comparaient leurs trouvailles, un établissement se démarqua potentiellement du reste…

-”Je crois que vous avez raison, mon cher, et si ce magasin ne fait pas l’affaire, on peut toujours tenter le suivant. Maintenant, reste simplement à délibérer ensemble sur comment procéder, tracer un dialogue convainc… “

Et alors qu’elle se tournait pour regarder son interlocuteur dans les yeux… personne à ses côtés ? Oh, sa sœur était déjà en train de s’avancer vers le magasin, une de ses mains autour du col de Tim, le forçant à la suivre ou à trébucher en avant !


-“Gwyn ?!"

-”Hop hop, en avant, mes chers ~ veuillez improviser et regarder un maître à l’œuvre, voulez-vous ? Et faites un effort, car après tout…”  Sa voix douce n’était que pure innocence alors qu’elle fixait son cavalier du moment dans les yeux, l’air placide alors qu’elle réajustait son col puis le lâcha. “Les seuls pouces que je songerais à tourner pour une quelconque raison, c’est monsieur le prêteur qui devrait savoir où les atteindre. Ne soyez donc point une charge, voulez-vous ~”

Soupirant face à ces antiques, Gwen se précipita pour les rattraper, le son de la cloche d’entrée marquant avec joie ce qui promettait de n’être que le début d’une rivalité bien inutile.

---

-”Est-ce ceci la boutique qu’on nous a recommandée ? Ah… si banal. Je nous vois déjà perdre notre temps, et moi qui cherchais quelque chose de spécial. “

Immédiatement, l’attention farouche du vendeur se tourna vers Gwyn, ses sourcils frayés par l’âge commençant à se froncer… ou du moins jusqu’à ce que son regard se porte sur les jumelles, sur leurs tenues aussi soignées que coûteuses.

On aurait cru voir des signes de Berry se dessiner dans son regard alors qu’il se levait pour les accueillir, sa cupidité encore plus tape-à-l’œil que ses nombreuses dents en or. Yep, à croire qu’elles étaient tombées sur le bon homme !

-”Allons, allons, madame ~ ne jugez pas si vite ! Je garde ma meilleure marchandise à l’abri des regards peu connaisseurs. Je suis sûr que je peux vous aider à trouver le bonheur, ehehehe… “

Clairement, il les avait prises pour des gens tout aussi malhonnêtes que lui malgré leurs airs fortunés. Et pour cause : quel genre de gens respectables se trouveraient dans le magasin d’un prêteur sur gages à minuit lors d’un festival ?

-”Oh ? Peut-être que le déplacement n’aura point été inutile alors… Servant, prenez nos vestes et restez en arrière, voulez-vous ? Et regardez un peu autour, voir si une babiole ou deux feraient l’affaire pour les uniformes du personnel. Peut-être ainsi cesseront-ils de quémander un meilleur salaire constamment si je récompense les plus obéissants ~ “

Malgré ce qu’on aurait pu croire, nul mépris ou regard taquin envers Tim en disant cela. Gwyn avait beau ne pas porter l’humain dans son cœur, rabaisser quiconque pour une simple injure était indigne d’une Dollyn : elle tendait simplement une excuse à leur camarade pendant que les deux sœurs seraient à l’arrière de la boutique, en train de distraire l’homme pour inspecter les lieux à la recherche du sceptre, peut-être fouiller quelques-uns des cahiers de comptes délaissés près de la caisse ? Toute information serait bonne pour progresser leur quête, ou au moins… mettre quelques goujats derrière les barreaux.

Alors que Gwen et Gwyn se débarrassent du vieil homme, malgré ses tentatives pour les retenir, elles rejoignent bientôt Tim. Un stylo et une feuille se retrouvent bientôt entre les mains de Gwen.


-"Thomas Lefèvre, Lucas Moreau, un magasin de cordonniers près du nord de la cité… À croire que nous sommes soit tombés sur le plus sot des hommes, soit sur une lumière qui doit avoir assez de contacts parmi les gouvernants corrompus pour qu’il soit tout bonnement intouchable. Toutefois, autant remonter la liste de suspects qu’il a nommés aux autorités une fois cette histoire close : peut-être que quelqu’un dans la marine n’est pas indifférent à des délits si flagrants."

Alors que Tim leur raconte le tout, Gwyn s’écarte sur le côté un moment pour appeler les autorités afin de vérifier si ce "Yugo Valèze" existe (peu probable, ça semblait être un pseudonyme, mais il fallait essayer). Gwen fait signe à leur camarade, l’invitant à se rapprocher pour lui parler.

-"Je tenais à présenter mes excuses. Gwyn n’est pas une femme très sociable, et elle a du mal à s’ouvrir à quiconque autre que moi. Malgré ses airs froids, elle a bon fond, mais elle a vraiment du mal à s’adapter à… ce que nous faisons : voyager de façon modeste, interagir avec des gens d’un autre rang social." Elle lui offrit un sourire candide, bien qu’un seul regard suffise pour voir la tristesse dans les yeux vairons de la sirène. "Cela fait longtemps que j’essaie de la sortir de sa bulle, et je ne vais point vous demander de supporter son côté plus urticant mais… si vous pouviez essayer de lui faire bonne impression, j’en serais fortement reconnaissante. Je voudrais vraiment qu’elle réussisse à voir ceux qui lui sont différents d’un meilleur œil."

Ces mots dits, Gwyn coupe l’appel et les rejoint à nouveau.

"Hélas, il semble que tout le monde est occupé à cause du festival, car personne ne répond, même les gardes ignorent mes appels. On devra trouver une autre façon de dénicher ce fameux Yugo et ses deux acolytes."

Gwen soupira et acquiesça lentement. "Je suppose que nous n'avons pas d'autre choix que de continuer à chercher nous-mêmes… Vérifier les autres lieux que nous a donnés l’homme ? Il y en a assez pour passer toute la nuit à chercher… Et je doute que le reste soient des cibles si simples." Silence, un moment de réflexion, puis : "Peut-être devrions-nous payer un informateur ? Questionner dans les tavernes, les mendiants ?"


"...Voila qui est pareil à chercher une aiguille dans une botte de foin, et alerterait simplement nos voleurs de que quelqu'un les recherche." Une pause, puis les yeux de Gwyn s'iluminèrent alors que son sourire habituel devint un peu plus sincère... ce qui-est pareil que dire "Inquiétant". "Ils doivent toujours être entrain de chercher un acheteur, alors que diriez vous de faire le contraire ? On paye quelques personnes clairement complices pour faire courir la voix que quelqu'un voudrait acheter ce sceptre pour un très bon prix...  Si on peut point trouver nos coupables, on a qu'à faire en sorte qu'ils nous trouvent non ?"

S’ils allaient jouer le stéréotype de 'la bourgeoise sans scrupules' comme disait Tim, autant bien le faire, se dirent les jumelles. Ainsi, elles prirent Tim avec elles à l’hôtel qui leur servait de résidence… à leur garde-robe plus précisément.

-“Si vous allez faire le valet…”

-“Alors autant le paraître !”

Bonne chose que Tim soit si jeune, il n’aurait aucun mal à porter l’un de leurs costumes avec quelques modifications, et Gwyn était tout sauf lente avec une aiguille, c’était une flèche même !

-“Fait, j’espère que vous aimez le blanc, mon cher, c’est ça ou les gammes de bleu avec nous.”

Puis, alors que tout le monde se change, que les frangines mettent de côté leurs robes les plus sombres pour l’occasion ainsi que les perruques noires qu’elles ont toujours eues avec elles depuis qu’elles ont quitté l’île des hommes-poissons, voilà le trio presque méconnaissable. Il fallait juste une dernière touche pour leur assistant.

-“Je vais coiffer vos cheveux vers l’arrière avec du gel, ainsi que creuser un peu vos joues avec du maquillage. Deux de nos vilains voleurs ont passé la journée avec vous, vous êtes le plus enclin à être reconnu… Mais parfois, c’est quelques détails qui font toute la différence.”

Gwyn, sous le regard lourd de sa frangine, tend enfin une branche d’olivier vers Timothée alors qu’ils quittent l’hôtel et se mettent en chemin. Et si ses yeux ternes semblent briller un peu alors qu’elle s’amuse malgré elle à apprendre quelques manières basiques de valet au coéquipier d’un vice-amiral, qu’elle semble enfin laisser tomber le grabuge entre eux, bon.

Elle semblait bien trop occupée à convaincre le cher Tim de la laisser lui faire une tenue 'qui complimenterait mieux sa chevelure blonde aux beaux reflets argentés' une fois ce fiasco fini pour voir le sourire satisfait de sa sœur.

---

…Il était quoi, 2-3 heures du matin ? Alors que leur quête continue, qu’ils ont bien parcouru un bon quart de toute la ville dans le noir, qu’une énième vague de feux d’artifice qu’ils s’étaient vus forcés d’oublier n’éclairait plus leur chemin, la fatigue commençait à s’installer dans le groupe. Combien de noms suspects avaient-ils déniché à présent dans leur remue-méninges des bas-fonds de Koneashima ? Bien plus que prévu, et de toutes les couleurs. L’un d’entre eux avait même sous-entendu savoir comment leur dégotter de la Grixendre à bas prix dans le cas où elles viendraient s’intéresser à autre chose que la bijouterie. Une arnaque sûrement, puisque la poudre qui servait à faire les feux d’artifice de l’île était censée être sous contrôle strict de la maison Figura, mais… hey, autant rajouter son nom dans leur liste croissante de suspects à filer à ce cher Vice-Amiral Shoga !

-“Le vice semble profondément ancré dans cette ville, on y trouve autant de dévergondés que de balanes sous la coque d’un bateau mal entretenu… mais toujours pas de signe des voleurs.”

-“Certes, mais nous avons fait du progrès. Les deux derniers malfrats qu’on a côtoyés semblaient prêts à nous accueillir, ceux qu'on cherche à atteindre devraient être conscients de notre présence à présent.”

L’air de plus en plus préoccupée pour son bien malgré sa contenance, Gwen lâcha un délicat soupir, son regard triste se perdant dans l’allée sombre la plus proche. “Le festival vient à bout par contre, je… et s’il est trop tard ? Pensez-vous qu’ils ont trouvé acheteur ?”

Une crainte qui n’avait fait que grandir à mesure de leur périple, que le groupe n’avait pas osé dire à voix haute jusqu’à présent. Mais à voir l’air contrarié que donnait Gwyn, la négativité de son aînée ne lui plut guère.

“Ne pense pas à ça, aucun signe de cela sembl… Gwen ?”

Le fait que cette dernière sembla l’ignorer et continuer de l’avant d’une expression rêveuse digne d’une tête en l’air qui interpella la plus jeune des sirènes. Qu’est-ce que…

-“Ne regardez pas en arrière, faites comme si rien n'était. Quelqu’un nous observait dans cette allée, et il n’est pas seul,” chuchota la cuisinière alors que les deux la rattrapaient, ses yeux bougeant de droite à gauche derrière le haut-de-forme noir qu’elle avait choisi pour l’occasion. “Si ce sont nos voleurs qui nous approchent enfin, ils sont bien plus que trois et on risque d’être encerclés bientôt si on reste là. Bougeons.”

Gwen écouta les dires de Tim avec attention, ne donnant qu’un hochement de tête alors qu’elle obéit et chercha le lieu public dont parler le garçon, sentant son expérience dans chacun de ses gestes alors qu’il prit aisément. la poudre de escampette ! Le voir brièvement du coin de l’oeil grimper tel in singe était vraiment fascina-

-“Gwen, focus. Moins curiosité, plus marcher vite.”

-”Doutes-tu dans mes capacités pour nous débarasser de ces énergumènes ? Peut-être que tu voudrais te battre toi-même contre eux pour changer !”

-” Sans façon merci- oh, tourne à gauche, on est passés par là avant. Il y a une rue qui mène à un endroit fort intéressant si je me souviens.”

Oh, le port. 

Gwen ne put s’empêcher un sourire. Vers le port donc !

Un port que quand elles arrivent s’avère bien trop vide… de gens convenables cela est. La… quoi, dizaine de mesieurs pas contents avec des gourdins ? Fallait-il les même compter ? Rien qu’à voir leur posture, Gwen savait d’avance que ceci allait être de la tarte.

-”Vraiment ? Une embuscade ?” La sirène sourit alors qu’elle les approcha le bord de l’eau sans peur, sa soeur la suivant en se regardant les ongles alors qu’elles se font encercler. “Soit, soit, je suposse que c’est une stratégie tout à fait valable.” Petit ajustement du chapeau, et d’un geste discret, Gwen pointe à Tim les deux enfants. Elle se chargerait des larbins rapidement, mais ces gamins qui semblaient étrangement à la tête du groupe ne devaient point leur échapper. “Laissez-moi vous donner un applaudissement pour l’effort je suppose.”

Clap, un applaudissement, litérallement un seul. Les hommes semblent se gonfler de colère à cela, mais ils n’approchent à peine, sûrs de la supériorité de leur nombre.

Leur perte, rester groupés ne rendrait leur défaite que plus fulgurante.

-” Tais-toi, ça vous amuse de remuer les bas fonds à la recherche des nôtres ? bah voila gonzesse, vous nous avez trouvés. On le dira qu’une fois, laissez vos jolis bijoux parterre et cessez de chercher nos frères. On vous brisera alors peut-être qu’une jambe au lieu de tout le corps si vous coopérez.”

Nos frères ? interessant, un gang familial plutôt que des mercenaires. Jolie menace et tout mais-

-” Contre-proposition.”  Le pied de Gwen frolait à présent l’eau, et la surface celle-ci qui était gentiment troublée par le vent… fut parcourue d’une petite onde, devenant soudainement lisse, sous son contrôle. “Vous sortez ces fameux frères Kiliman qu’on a temps cherché du trou ou ils se sont tapis et vous me rendez mon sceptre d’une génuflexion digne de ce nom comme pardon. On vous laissera secs si vous coopérez.”

Ils brandissent leurs armes, l’un s’avance.

Mauvaise réponse.

“Soit, bain de nuit pour vous.”

L’avancement des brutes se stoppe abruptement alors qu’ils voient un fil d’eau escalader de manière surnaturelle la jambe puis le torse de madame tel un serpent, que lorsqu’il atteint l’une de ses mains, madame le saisit.

Puis leur ébahissement se change en peur alors que le fil d’eau commence grossir, d’abord le diamètre d’une corde, puis un python, puis- puis !-

-”Vous êtes chanceux vous savez ? Je ne maîtrise pas encore entièrement cette technique.” Sourire radieux. “ A son apogée, elle même est capable de couler un cuirassé de la Marine.”

La deuxième main de la sirène saisit le liquide, un des hommes prend un pas en arrière.

Allas, trop tard.

-”Ultra-”

Gwen fléchit les genoux, tire de toutes ses forces... Et la mer s’agite, suit le mouvement, se soulève !-

-”-marine !”

Puis d’un geste brusque, Gwen projète une colonne d’eau de presque un mètre de diamètre vers ses ennemis. S’en sert comme un fouet afin de tous les balayer d’un coup qui les envoie valser dans les airs comme s’ils n’étaient qu’un tas de quilles de bowling !

Et juste comme ça ils se mangent le bâtiment le plus proche, se tordent parterre de douleur. Combat finit d’un coup.

-“Strike ! Wouh !”

-“…Mers, tu pouvais pas au moins leur laisser une chance ? “

-“Ma chère, on ma fait tourner dans une ville pendant des heures à la recherche d’un bien volé qui m’est TRES cher. Je suis, disons-le gentiment, d’une humeur éxacrable.”

Les mesieurs parterres tremblent de peur à son ton, essaient de se relever en vain alors qu’ils la regardent tel ceux qui voient un monstre.

Gwen leur donne un regard pointu pour pas qu’ils bougent, puis se tourne enfin à la recherche de Tim. avait-il capté le message qu’elle lui avait donné ? Accompli sa tâche ?

Ah, ils allaient jouer au bon et mauvais policier ? Soit, ce n’était pas un mauvais plan, autant le suivre maintenant que Timothée l’avait tracé.

-”Allons, à quoi ces frimmouses effrayées ? Ais-je l’air si terrifiante que cela mes chers ? Je veux juste une chose… et je vous laisserai en paix pour de bon. Mon sceptre, ainsi que si possible l’argent que vous avez dérobé à mon cher camarade ici présent. Est-ce trop demander ?”

A ça, les deux ados se tassent l’un contre l’autre, ne répondant pas.

-”Tss, vous pensez que les brutes qui ont essayé de me faire chagrin tout à l’heure feront une quelconque différence si elles partent chercher des renforts ? “Ses frères” ils appellèrent ceux qu’on recherche… je me demande combien de membres de votre petite famille on doit mettre à terre avant que vous cessiez de vous taire~”

Et juste comme ça, les langues se dénouent.

-”Soit, soit ! On vous guidera jusqu’à eux ! Mais après vous partez ok ?!”

Enfin, du vrai progrès.

---

S’ils craignaient un autre piège, le trio réalise bien vite qu’il n’y avait aucune possibilité que cela se reproduise. Car l’endroit ou les jumeaux les guident ?

-”…Tant d’enfants maigres.”

Yep, petits, ou grands, sous des petites cabanes en bois ou simples tonneaux, du maigre au plus que maigre. Entassés les uns sur les autres pour se tenir au chaud ou éparpillés pour monter la garde- les quelques adultes parmi eux n’ayant pas meilleure mine.

C’était un véritable gouffre de misère qui les avait accueilli…

-”C’est vous qui avez fait tout ce boucant ?”

…et en son centre, sur quelques caisses, pipes et le sceptre de Gwen à la main, le trio qu’ils avaient cherché.


-“Tsss, jamais eu des victimes aussi casse-pieds. Allez vous avez gagné, tenez ceci et revenez plus ! Personne voulait l'acheter à un bon prix toute façon. Vous allez finir par attirer toute la garde sur nous si vous continuez à remuer les bas fonds.” L’air dégouté, le porteur du masque de lion vert s’enlève ce dernier, enlevant tout doute à la théorie que leurs coupables étaient des triplés alors qu’il leur jetta le sceptre et une bourse d’argent. “ Contents maintenant ? Partez alors”

Contents ? devant un tel panorama ? Qui serait content devant tant de frimmouses dans le besoin ?

Reprenant son bien, soulagée mais non point plus gaie… Gwen se tourna vers le reste de son équipe, une grimace se lissant dans son visage.

-”S’ils voulaient nous rendre coupable, ils ont réussi…" Un soupir, puis Gwen se tourna vers Timothée, Gwyn lui donnant la bourse de Berrys. " Timothée, je vous remercie pour votre aide. On aurait point réussi sans vous. Vous êtes invité à partir vous réposer pour ce soir mais..." un regard à leur entourage, puis Gwen sentit son coeur se serrer. " Je crois qu'entant que cuisinière, je... me dois de faire un petit quelque chose pour eux, voleurs ou pas. Partir comme ça..."


-"Il faut clairement faire quelque chose, je prends offense à ces torchons qu'ils osent utiliser comme habits." Coupa Gwyn d'un air toujours aussi impérieux. " Ils ont clairement besoin de nouvelles tenues dignes de ce nom, histoire que je dorme tranquille."


-"Et qu'ils trouvent peut-être un travail déçant avec une meilleure apparence ? N'aient plus si froid la nuit ?" Taquina sa jumelle, connaisant bien le fond de pensée de son propre sang...


...qui rougit rien qu'on peu, ne les regardant plus dans les yeux. "Juste une un bonus, je fais ceci pour plaire mon sens esthétique." 


-“Hey, vous faites quoi encore là ?! Ouste !"

L’expression d’ordinaire si joviale et insouciante de Timothée s’était peu à peu assombrie alors qu’il s’était enfoncé dans le quartier pauvre de cette ville, sous la guidance de ces deux voleurs. Ayant été lui-même un voleur et pauvre par le passé, Timothée ne pouvait au départ que compatir à leur difficultées, mais passé un certain niveau de misère, la compassion disparaissait pour laisser la place à de l’indignation et un immense sentiment de dégoût et révolte mêlés… Comment cette île pouvait-elle célébrer une fête avec tant d'opulence tandis que certains de ses enfants étaient si mal nourris et mal traités ?
Ayant grandit dans les rues de Logue Town, Timothée était pourtant habitué à la misère, mais pas à ce point… A Logue Town, même le plus pouilleux des misérables pouvait compter sur la soupe populaire ou, dans le pire des cas, sur une maison de travail pour se remplir le ventre à peu près correctement ! Et pour ce qui était des enfants, les orphelinats leur ouvraient leurs portes sans condition (bon, si ce n’est qu’ils étaient gérés par le GM…).
En fait, même le pire endroit qu’il aie fréquenté de sa vie ne lui rappelait pas un tel dénuement : pendant la longue année qu’il avait passée dans le quartier des enfants à Tequila Wolf, Timothée avait connu la fin et le froid… Mais là encore, nullement à un point tel ! Même au bagne avec un estomac qui gargouille tous les soirs, jamais il n’avait été en danger de mourir de faim… Et quand aux vêtements, l’uniforme rayé de bagnard qu’il portait alors paraissait un authentique costume de la haute couture comparé à ce dont ils se couvraient…


Le blondinet fut sorti de ses pensées par les paroles de Gwen, quand elle lui accorda son congé. Tim pouffa… Elle est mignonne ! Elle le prenait déjà pour son vrai majordome ! Le garçon répondit.
- Je ne crois pas… A vrai dire je suis comme vous… Je n’aime pas trop ce que j’ai sous les yeux…
Timothée acquiesça silencieusement aux dires de la sirène : lui non plus n’avait pas envie de partir comme ça… Alors qu’il venait de récupérer sa recette du jour et que l’aîné leur intimait l’ordre de fiche le camp, Timothée réagit instinctivement en collant le canon de son pistolet directement dans la bouche grande ouverte de la grande gueule.[/i]
- Tais-toi… On réfléchis, voila ce qu’on fait…
Cette action eut le mérite de calmer immédiatement le grand frère… De sa main libre, Timothée sortit de la besace quelques pièces qu’il disposa sur la table en petits tas séparés avant de les désigner du doigt.
- Ca… C’est pour ma marchandise, les matières premières de départ. Ca, pour la location du chariot vous voyez… Ca, c’est mon salaire, une petite pièce de 500 berries, symbolique… De quoi se payer un repas à mon stand. Quand au reste…
Timothée lança la bourse aux deux jumeaux plus leur triplé voleur qui, pris par surprise, n’eurent pas le réflexe de rattraper la bourse. Timothée leur adressa un franc sourire.
- Bah quoi ? Vous l’avez gagné non ? Vous avez travaillé, fais mes burgers juste comme je demandais… Bon, vous vous êtes barrés au milieu du service, et il restait encore largement de quoi en faire deux fois plus… Mais ça en tout cas, vous l’avez gagné.
Un léger silence suivit avant que l’aîné ne tente de dire quelque chose, rendu incompréhensible par le canon toujours dans sa bouche. Timothée se rappela alors de ce détail et le retira en s’excusant pour lui permettre de parler.
- Merci… Je disais, pourquoi ce soudain revirement ?
- Parce que je ne savais pas, voilà pourquoi… Voler pour être confortable, c’est une chose, voler pour survivre, c’en est une autre. Mais entre nous, vous avez pas l’impression de perdre votre temps ? Et de l’argent ?
Faisant face aux deux aînés, Timothée reprit sa démonstration en désignant du doigt les petits tas de pièces qu’il avait fait.
- Vous avez monté toute une affaire, toute cette arnaque pour un sceptre qui se vend pas et la recette d’un stand de hamburgers en une heure de travail ? Sans compter le fait que vous avez embauché des gros bras pour nous intimider, rien que là dessus, par rapport à ce que vous auriez gagné même en vendant le sceptre de madame Gwen, je suis sûr que vous seriez déficitaires. Alors que regardez…
Timothée désigna la bourse que tenaient les triplés et compléta.
- Bon d’accord, je leur aurait pas donné autant en proportion… Mais en quantité, vu ce qu’il me restait dans le chariot, ils auraient eu le double de ça, juste en restant une heure de plus.


Les triplés comme les aînés restèrent silencieux : non seulement ils semblaient comprendre où Timothée voulait en venir, mais ils semblaient également réflechir à toute allure. Timothée reprit son flot de paroles.
- Je sais ce que c’est, de vivre sans savoir si on pourra se nourrir le lendemain, et j’ai exploré les deux voies. Le vol, ça ne m'a jamais rendu riche… Oh de temps en temps je faisais une bonne prise et je me mettais bien quelques jours, mais jamais la moindre régularité… Jusqu’au jour où j’ai été attrapé et que j’ai fait un an de bagne… Un an à casser des cailloux, du matin au soir, avec juste un pyjama rayé comme protection contre la neige et le vent glacial, une chaîne accrochée au pied en permanence, et pas le moindre repas avec une once de saveur…
Timothée avait le regard vide en parlant de cette expérience… Même si ce passage de sa vie était maintenant derrière lui, il avait laissé des cicatrices indélébiles sur son âme, et il n’y avait pas besoin d’être un psychologue pour s’en rendre compte… De quoi hérisser les poils des jeunes gens qui s’imaginaient eux aussi avec un boulet galonné au pied sans doute.
- Quand je suis sortit j’ai tenté autre chose : des burgers, des hot-dogs, des sushis, des sandwichs… Ça n'a pas été facile au début, mais six mois plus tard j’achetais mon propre chariot, et encore six mois plus tard ma propre chambre à coucher. J’ai changé de voie entre-temps mais si j’avais continué, je suis sûr que j’aurais mon propre chez moi… Et j’étais tout seul !
Bon, il est vrai, Timothée se faisait un peu mousser… Mais ses dires n’en étaient pas moins vraies : il ne devait rien à personne et c’était une certaine fierté pour lui.
- Je peux vous montrer comment faire… Je vous promet pas la richesse ! Ca de toute façon, même avec le vol, vous ne l’aurez sans doute jamais… Par contre, la fin de la misère, le confort, manger à votre faim, dormir sur vos deux oreilles, et sur un bon oreiller en plus ! Ça c'est garanti sur facture… Et vous savez quoi ?
Le garçon désigna la bourse qu’il avait laissée aux trois triplés.
- Vous avez déjà de quoi investir ! Avec un peu d’audace (ce dont vous manquez pas) et d’huile de coude, aujourd’hui peut-être la dernière fois que vous survivez, et le premier jour du reste de votre vie.
Timothée ponctua la fin de son discours d’un sourire sincère, tout en sortant déjà de sa besace son petit carnet de recettes de cuisines.

Gwen écouta attentivement le discours de Timothée, tout aussi surprise qu’admirative à la résolution du jeune homme. Faut dire que d’après ce qu’elle savait, qui vole un œuf vole un bœuf : le crime avait toujours été exposé à ses yeux de noble comme un cercle vicieux dont certains ne sortaient jamais. Autant dire que voir le contraire était plus qu’un peu égaillant !

- “ Notre cher acolyte a raison, quoique la vie soit dure et a bien des retournements, si j’ose rajouter quelques touches finales à ces belles paroles… Ce n’est point en se faisant des ennemis par le vol, mais en se trouvant des amis que l’on réussit. Notre cher Timothée vous a donné la première pièce, l'importance de l'effort et quelques moyens pour commencer, laissez cette gente dame vous apporter la deuxième : créer des connexions !” 

Et c’est ainsi que Gwen épaula son cher camarade dans une discours tout aussi terre-à-terre du côté de Tim, que rebondissant du côté de la sirène, simplicité de parole et grandiloquence se mêlant dans un récit tout aussi contrasté que fascinant. 

Car alors que le duo donna à leur tour des conseils, loin de laisser leurs deux perspectives se contraster… Madame fit bien attention à expliquer en quoi elles se tenaient par la main. 

Faire des efforts, mais avec intelligence ! Et à croire que le trio semblait prit au jeu.

-”Gwen, Timothée, venez ici, je vous prie. À vous de jouer pendant que je donne libre cours à mon aiguille… Je crains de voir les oreilles de nos charges tomber si vous continuez à les instruire. Il est déjà jour, vous savez ? “

Alors que sa sœur pose quelques sacs sur des caisses proches, Gwen cligna des yeux, se voyant réalisant que oui, le soleil était bel et bien là.  Uh, nuit blanche.

Malgré elle, la cuisinière ne put retenir un baillement.

-” Tu veux qu’on cuisine, c’est ça ? Soit soit, j’arrive…. J’espère que tu aies apporté assez pour tous ? “

- ”Oui, cela va de soi. Quelques enfants m'ont aidé et sache qu’on est réduites au régime. Plus de sucreries, plus de pauses gourmandes, ni d'escapades dans les établissements de la 'concurrence' pour tes sois disons études de marché. Riz et algues, voila tout ce qu'on peut s'offrir pour les deux semaines à venir.”

À ça, l’ainée paniqua clairement. ”Oh mers quoi ?! Tu as tout de même pas touché au budget cacao ?! “

- ”...Le lait tout seul, c’est très bien.”

- ”UGH !-” Se tenant la poitrine, Gwen tomba lentement au sol, se retrouvant à genoux sur ce dernier. “V-vilaine, tu as de la chance que je pense aux enfants !”

- ”Oui oui. Allez, le petit-déjeuner ne va pas se faire tout seul ma chère.”

- ”Shh, une minute de silence…." Mains fermées en position de prière, yeux fermés, la voix de l’aîné n’aurait point pu être plus peinée. “Je suis en deuil.”  

Et boum, pointe de pied dans les côtes de la part sa cadette !

- ”Ouch !”

- ”Je suis armée d’une poêle, et je sais m’en servir de manière erronée ma chère ! Hop hop !”

- ”Ok, ok ! J’y vais ! Timothée ! Aidez-moi faire un feu avant qu’elle n'aplatisse mon haut-de-forme, je vous prie ! D-descends cette poêle Gwyn !”

Quelques enfants rirent alors que les sœurs continuèrent à se chamailler… Les deux nobles n’ayant plus l’air si intimidantes alors qu'elles se firent mille et une piques, qu'une fois qu'on les crut posées, la cuisinière du duo chercha à empêcher la plus jeune de coudre en paix en lui donnant des coups de coude à ses côtés alors qu'elle battait quelques des œufs d'un air innocent.

Puis si le trio des rescapés se joint à un moment au jeu… À croire que Timothée devrait finir le repas tout seul ! Mayday, mayday ! Sirène en détresse, enfant collant sur le dos ! AAH !

Ce qui ne devait être qu’un déjeuner mouvementé devient bien vite une matinée, puis un repas à midi, puis des jeux après cela. Et alors que le trio de détectives qui avait passé toute une nuit à chercher quelques voyous cherche à dire ses adieux, c’est toute une bande de gamins aux grand-sourires qui leur souhaitent un bon repos.

Gwyn, toujours un poil taquine malgré sa paresse habituelle, donna un petit coup dans les côtes de son aînée dès qu’elles étaient un peu loin, cette dernière essuyant vite la larme lui étant venue à l’œil.

- “Ne t’inquiète pas, je tiendrais le coup… À croire que leur enthousiasme me touche, ils étaient si inertes il y a quelques heures. Puis on va rester tout de même quelques jours dans l’île, on risque de les revoir Uohohoho~”



Puis, se tournant vers l’aide précieuse qui les avait assisté tout au long de cette péripétie, Gwen lui donna un grand sourire.

- ”Timothée, encore merci. Votre aide fut précieuse, et si bien je sais que vous n’accepterez nulle aide pour votre acte… Prennez ceci.” Sans attendre, madame saisit les mains du jeune homme, posant entre elles quelques feuilles soigneusement pliées. “ Voici les quelques noms des hommes suspects et autres malfrats qu’on a pu dénicher lors de nos recherches. Puis que vous avez dit travailler pour un Vice-Admiral… Je suppose que vous voyez où j’en veux venir, n’est-ce pas ?”

Un sourire complice, et la sirène recula de quelques pas. Toujours l’air si alegre alors qu’elle tournoya son sceptre entre ses mains, faisant un salut de son haut-de-forme. “Quoique qu’il en soit, ce fut un plaisir de vous connaître mon cher ! Prenez soin !”


-“Oui, et prenez soin de votre nouvelle tenue voudriez vous ?” C’était Gwyn qui avait dit cela, son semblant, malgré le manque d’expression, moins froid que quand elle souriait faussement. “Cadeau de la maison on va dire. À la revoyure” Puis se passant une mèche derrière l’oreille, puis inclina la tête d'un geste bref, hop, elle se retourna pour partir.

Puis Gwen, toujours aussi théâtrale et bien qu’un plus amusée, se retourna une dernière fois pour agiter son haut-de-forme dans un geste de salutation magistral à Tim, cachant son visage rien qu’un instant avec pour lui faire un clin d’œil.

- “Juste pour la traduction, c’est sa façon à elle de s’excuser pour vous avoir traité trop durement mon cher. Oh, et sachez que le noir vous va à merveille ! Vous vous devez vraiment de garder cette tenue !”

-” Gweeeeeen, je vais prendre le lit du haut si tu traînes !”

- “QUOI ?! Ma chère, non ! Par grâce, tu l’as déjà eu trois jours d’affilée ! Viens ici !!!”

Et ainsi, Gwen partit à son tour en courant, les jumelles disparaissant bientôt au loin dans une discussion animée... mais pleine d'affection, bien différente à la tension entre elles à la veille.