Le nerf de la guerre
- La maison de Monsieur Pivon:
La maison de Monsieur Pivon était une maison typique comme on en fait plus dans le royaume de l’absurde. Rien ne semblait être à sa place. Le sol était profondément irrégulier, les murs étaient tapissés de tableaux parfois à l’envers ou incongru. Les horloges quant à elles n’étaient pas toutes à l’heure, ce qui donnait lieu à des surprises par moment. Les escaliers étaient troués par endroit, pour faire travailler les réflexes du vieil homme. La demeure avait pourtant toutes les commodités à la pointe de la mode de l’île : La douche dans le couloir, les WC dans la cuisine et un bidet dans le salon. Ce qui pouvait surprendre aussi les personnes non-habitués à ce genre de maison, c’est les portes qui donnaient sur un mur en béton. En cas de course poursuite, il valait mieux connaître la topographie des lieux sous peine de se manger la paroi.
Assis sur une chaise pour enfant, le nain était à son aise dans cette demeure. Depuis que Bernard Pivon avait été chassé de chez lui par la milice malicieuse pour être placé dans la maison de Karl, cette résidence demeurait vide. C’était la planque parfaite pour le roboticien qui pouvait profiter de cette bâtisse situé juste à côté de chez lui pour se planquer. Tous les matins, l’ancien propriétaire venait lui apporter des pancakes que l’ingénieur aimait tant. Généralement, il les dévorait d’une traite pour repartir au plus vite dans ses créations mécaniques, mais pas cette fois. Alerté par ce fait extrêmement rare de la part de son protégé, le vieil homme posa son mètre quatre vingt dix sur une autre chaise du même gabarit que celui de son invité. C’était à peine si ce dernier pouvait poser une fesse sur la petite sellette. Prenant une grande respiration, il lui dit.
Bernard - « Ben alors Karl ! Qu’est ce qui t’arrives ? Ça fait deux minutes que tu n’as pas touché à ton pancake. Qu’est ce qui peut bien te tracasser ? On est pas la journée du tacos aujourd’hui. Tu as le droit d’en manger. »
Karl - « Tout à fait Bernard, mais aujourd’hui je n’ai point le coeur à profiter de pareille victuailles. Vous connaissez l’expression très cher, on réfléchit mieux le ventre vide. »
Bernard - « J’étais presque sûr que c’était « le ventre plein » mais bon, qu’est ce qui te tracasses mon grand ? T’inquiètes pas ça va s’arranger pour Wakopol. Dans trois jours, c’est la journée grâcieuse, tu pourras demander la grâce royale et reprendre une activité normale. »
Karl - « Point à faire ! Je n’eusse même pas l’idée d’honorer le quart de la moitié du commencement d’une excuse ! Ce coquin verra bien que ce qu’il advient lorsque l’on se payât mon auguste visage de la sorte ! Je suis en train d’élaborer une mesquine vengeance pas piqué des hannetons afin de lui faire regretter son manque de savoir vivre à mon égard. Mon plan ne comporte qu’une seule faiblesse. Je n’eusse point un sou pour démarrer pareille révolte. Et ce n’est point en travaillant dans la clandestinité que je vais réussir à obtenir un butin apte à financer ma vendetta. »
Désignant le salon, le nain montrait la pièce remplie de dizaines de maquettes de robot plus ou moins réussi à ses yeux. En réalité, il n’y avait là qu’un miasme de pièce mécaniques reliées les unes aux autres de façon très douteuses. Et pourtant tout semblait fonctionner à sa manière. Il s’était fait la main sur ces petits automates, passionnés par leurs programmations et par leur durabilité. L’automate ne dormait jamais, l’automate n’avait pas d’exigence particulière, l’automate aurait payé ses RTT à Karl. Ce dernier en était sûr, ces robots lui permettraient un jour de faire disparaître les travaux les plus pénibles pour l’espèce humaine. Tendant sa main vers le bas pour accueillir un canard mécanique. Ce dernier tendit son cou vers l’avant comme pour se faire gratter le bas de la gorge. Puis, ce dernier exécuta un salto avant pour atterrir dans la main de son propriétaire. Cet automate là était le préféré de Karl, il l’avait nommé affectueusement El Kanardo. Il n’avait aucune utilité particulière, il se contentait de bouger dans la pièce sans trop souvent se cogner au mur et de temps en temps il sortait une phrase pleine de philosophie.
El Kanardo - « Le saviez vous ? Vous n’êtes physiquement pas capable de lécher la pointe de votre coude. Le saviez vous ? Si vous avez essayé, vous êtes influençable HAHA ! »
Le canard mécanique avait bougé son bec de sorte à ce que ça soit raccord avec son texte. Il avait passé du temps sur cette œuvre qu’il estimait être sa pièce maitresse pour le moment. Mais il fallait se rendre à l’évidence, ce n’est pas avec ce genre d’automate que le jeune homme allait révolutionner le monde, faire tomber Wakopol ou obtenir de l’argent en suffisamment grande quantité pour commencer ses exactions. Caressant El Kanardo du bout des doigts, le nain fini par ajouter d’une voix pensive
Karl - « Si je veux pouvoir continuer mes projets ici même, il me faudra des fonds pour améliorer mon travail et commencer mon brillant plan. La question la plus difficile à répondre est … où vais je trouver les berries nécessaires à l’aboutissement de mon glorieux projet ... »
Bernard - « A la banque ? »
Karl - « Des berries, à la banque ? Mais quelle remarquable idée vous eutes là Monsieur Pivon ! Oh dans mes bras que je vous embrasse ! »
Le nain s’agrippa au cou de son allié oubliant l’espace de quelques instants son canard mécanique qui atterrit sur les fesses en poussant un gémissement vexé et reparti dans sa marche éternelle en direction de l’un des murs de la maison. La banque était effectivement l’endroit le plus évident pour trouver des berries, mais la logique étriquée de Karl lui avait fait complètement oublié la solution la plus évidente. Il n’avait qu’à demander un prêt auprès de cette dernière pour obtenir ce dont il avait besoin. Seulement voilà, il allait devoir être convainquant auprès du batiment bancaire pour obtenir ce qu’il souhaitait. Mettant son plus beau haut de forme et époussetant son joli costume, l’ingénieur s’enticha pour un nœud papillon écru du plus mauvais effet. C’était tout lui, une apparence impeccable sauf pour un accessoire.
Rapprochant le chapeau de son nez pour saluer son voisin. Le jeune homme mit dans son dos sa grande clé à molette comme s’il s’agissait de Mihawk et de son épée. Affichant un sourire radieux, l’homme était prêt à s’aventurer dans ce lieu jusque là inconnu qu’était la banque. Voyant son enthousiasme, le cuisinier professionnel de pancakes lui demanda.
Bernard - « Euh par contre, comment tu vas réussir à convaincre le banquier de t’accorder un crédit sachant que tu ne travailles plus ? Tu veux pas ma poele à pancake pour la gager ? »
Karl - « Oh grand dieu non ! Je ne saurais souffrir de l’absence de vos merveilleux mets. Mais je suis fortement touché par votre offre. J’userais de ma voix et de mon charisme. Et si cela ne suffit point, et bien j’improviserais. »
Bernard - « Cela ne me rassure pas des masses mais bon, bon courage à toi mon petit. Si tu réussis à rentrer à la maison, tu pourras t’arrêter chez la femme à Rachid pour récupérer du beurre de cacahuète pour mes pancakes ? »
Karl - « Je ne raterais cela pour rien au monde, à tout à l’heure, le devoir m’appelle. Taiaut ! »
Pétri d’assurance et d’envie de réussir dans son entreprise, Karl passa par la fenêtre pour sortir. Non sans s’assurer qu’il avait bien verrouillé la porte à clé malgré tout. D’une démarche assurée et sans se cacher le moins du monde, le jeune ingénieur se rendit gaiement à la banque.
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Dernière édition par Karl D.Augène le Lun 22 Avr 2024 - 15:47, édité 1 fois