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[Q] Premier chapitre ; Vers une aube nouvelle


- « Hoy m’sieur ! Vous en voulez des mandarines ? Elles sont fraichement cueillies là ! Spécialités de l’île ! » Gueula un gamin qui accourait vers moi en brandissant des sacs plastiques transparents dans lesquelles se trouvaient ses mandarines.

- « Aaaaah ?! Sale tête de pioche ! Dégage, c’est moi qui l’aie vu en preum’s ! Regardez plutôt mes mandarines à moi ! Elles sont bien meilleures que celle de l’autre empaffé là ! » Cria un second vendeur qui sortit de nulle part.

Et voilà qu’à peine sorti du navire qui m’avait conduit à cet archipel, j’étais le témoin d’une querelle entre deux gamins qui vendaient les mêmes produits. J’aurai pu acheter ces mandarines chez ces deux jeunes marchands ou même les éconduire ; mais ils en étaient rapidement venus aux mains sans que je puisse aligner un seul mot. Vu les coups qu’ils s’échangeaient et qu’ils esquivaient l’un l’autre, autant dire qu’ils étaient certainement coutumiers du fait. C’était tellement flagrant que ça relevait de l’évidence. Du reste, tout autour du dock où nous étions, la plupart des habitués du coin soupiraient ou riaient aux éclats en les regardant se disputer comme des chiffonniers. Rien de grave donc. De ce fait, j’esquissai moi-même un sourire, avant de prendre une autre direction dans le simple objectif de m’éloigner de cette bastonnade habituelle. En m’éclipsant, l’un des impressionnants dockers du coin me fit un signe de tête comme pour s’excuser de la scène dont j’avais été presque victime, avant de se diriger vers les querelleurs. Curieux, je m’arrêtai un moment et tournai mon visage vers lui pour observer comment il sépara sans mal les castagneurs. Faut dire qu’il avait au moins deux têtes de plus qu’eux, avec la corpulence massive qui allait avec. Une vraie armoire à glace de pas moins de 3 mètres. Tenant par la peau du cou chacun des belligérants, il soupira et commença à les sermonner comme un vieux daron.

Ce fut la dernière scène que je vis sur le port.

- « Plutôt magnifique comme endroit… Y’a pas à dire, les blues, c’est quelque chose… »

En me faisant cette réflexion, j’avais un sourire aux lèvres et le regard porté vers le ciel. Aujourd’hui, il faisait bon. Les nuages, sans être grisonnants, semblaient cacher le soleil, ce qui avait pour effet d’adoucir la température ambiante. L’air était pur par ici. Pas d’industrialisation ou de pollution à outrance à première vue. La brise maritime faisait danser les quelques arbres plantés çà et là et le chant de quelques oiseaux achevait de dresser un tableau idyllique des environs. Cette île sentait bon le calme. En même temps, l’archipel de Konomi était réputé pour être paisible, tant au niveau de la bourgade de Gosa, qu’au niveau de la ville de Cocoyashi. C’était à cette dernière qu’avait accosté le navire de plaisance que j’avais emprunté depuis une autre blue. J’aspirais à un nouveau départ maintenant que j’avais déserté la petite mafia à laquelle j’avais pourtant juré allégeance quelques années auparavant. Cette dernière était bien trop restreinte et manquait cruellement d’ambitions ; raison pour laquelle j’me suis cassé sans remords en emportant la quasi-totalité du fric du groupe. Autant dire qu’ils devaient l’avoir mauvaise. Les pauvres devaient déjà s’activer à me chercher, mais sans argent, ils auraient surement du mal à me retrouver, surtout que j’avais carrément changé de mer. C’était de toute façon la meilleure chose à faire pour un renouveau et j’le regrettais pour rien au monde. L’avenir me tendait les bras, tout simplement.

L’argent appelle l’argent, comme on dit.

Quelques minutes me suffirent à gagner le centre-ville ou ce qui s’en approchait le plus. C’était une grande avenue où il y avait des boutiques de part et d’autre. Les habitants de l’archipel étaient plutôt souriants, accueillants, sympas à première vue… Ce qui me poussa à me faire la réflexion qu’il y avait surement matière à s’en mettre plein les poches. De loin, j’entendis les bruissements caractéristiques d’un chantier en construction : scies qui ronronnaient, coups de marteaux ou de haches sur des matériaux, vrombissements d’engins de constructions… La totale quoi. Les rumeurs sur le violent combat ayant opposé le fameux sabreur Yamato Rinshi et le vice-amiral Shoga étaient donc fondés. Rien qu’à l’ouïe, je pouvais deviner l’ampleur du chantier, ce qui attestait de la puissance de ces gens. De vraies monstres. Pas quelque chose dont je doutais vu que j’étais un ancien agent gouvernemental qui avait eu la primeur de voir et de sentir « l’aura » de certaines pointures de ce nom. Autant dire que j’étais loin de ces niveaux déments de puissance. Était-ce quelque chose que je convoitais quand j’y repensais ? Pas vraiment, non… La puissance brute en tant que telle ne me faisait pas spécialement baver. Le fric et l’influence en revanche, c’était autre chose, assurément. Quoique je pouvais p’être me tromper aussi hein. Si ça se trouvait, il s’agissait non pas de réparations, mais de constructions de nouvelles infrastructures. Y’avait plus qu’à aller voir, sauf que…

- « REVIENS ICI, ABRUTIIIIIII ! »

- « VOLEUR ! VOLEUR ! ARRETEZ-LE ! »


Bon… Rectification : pour le côté paisible, on repassera hein… Parce que pour la deuxième fois en moins d’une heure, voilà que ça gueulait dans tous les sens. J’avais vu pire certes, mais le coin semblait être animé à sa façon, in fine. Pas si calme que ça, mais c’était pas plus mal. Droit devant moi donc, un type chargé d’un colis semblait fuir deux trois personnes qui le coursaient, dont une femme plutôt pas mal. Le voleur semblait avoir une avance considérable pour ne pas dire qu’il creusait tout doucement l’écart. Rapide le bougre. Voleur patenté ? Va savoir. Toujours est-il qu’il était sur le point de les semer et réussir son coup. Nullement concerné par ce qui se passait là mais aspirant à une gratification, je posai mon sac contre la vitrine devant laquelle j’étais depuis une bonne minute, puis je soulevai une grosse pierre tout juste à côté de mon pied gauche. Redressé l’instant d’après, j’estimai la distance restante qui nous séparait d’un regard, avant de balancer enfin mon projectile de toutes mes forces vers le fuyant. Trop occupé à semer ses poursuivants à qui il jetait parfois des coups d’œil par-dessus son épaule, le pauvre voleur ne vit pas la pierre filer droit vers lui avec violence. Il l’encaissa alors de plein fouet à la tempe gauche, perdit l’équilibre, s’emmêla les pieds, avant de chuter brutalement au sol, la tête la première. Tous les passants qui suivirent la scène furent médusés par mon action ô combien spontanée…

Je venais de faire mouche avec une efficacité effarante !
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- « WOW ! »

- « Oh bordel ! Il l’a pas loupé… »

- « Ça, c’est du lancer ! »


À la suite du blanc qui s’installa après mon action spontanée, des murmures se firent doucement entendre autour de nous. J’venais de frapper fort à peine arrivé sur cette ile. Même les poursuivants du voleur s’étaient stoppés en regardant la scène, presque abasourdis. Là, je dus avouer que j’eus un doute. Avais-je bien fait ? Était-ce peut-être un jeu ? Une coutume ? Une représentation théâtrale ? Tout était possible, étant donné que je ne connaissais absolument pas les us et coutumes de cet archipel. Lorsqu’on était dans une autre région ou sur les mers, tout ce qui revenait dans les quelques conversations à propos de cette île se résumaient à la production de mandarines. Cocoyashi était mondialement connu pour ça et rien autre chose. Autant dire que de mon côté, un malaise commença tout doucement à s’installer, sans pour autant que je n’en montre rien. Dans ces conditions-là, il était parfois mieux de continuer à feindre une certaine contenance. Je ne m’excuserais que si on ne me reprochait mon action. D’ailleurs, c’est suite à cette pensée que ma victime se redressa tant bien que mal. Le pauvre voleur saignait au niveau de la tempe, en plus d’être recouvert d’une bonne couche de poussière. Il se tourna vers moi et m’adressa un regard hargneux auquel je répondis par un sourire faussement désolé. De quoi le sortir de ses gonds, puisqu’il serra les dents avant de me foncer dessus !

- « TU VAS M’LE PAYER SALOPAAAAAAAAAAARD !!!!! »

Wooaaah… Autant dire que ça venait presque du fond du cœur et qu’il y avait de quoi flipper pour le coup ! N’importe quelle autre personne se serait mise en posture défensive dans mon cas, mais pas moi. D’un parce que le voleur ne ressemblait à rien hormis son état lamentable : il devait avoir la même taille que moi et plus ou moins la même corpulence, mais ses cheveux grisonnants, les rides qu’il présentait et sa dentition douteuse me donnait des indices sur son âge avancé et donc sur sa force. Qui plus est, s’il volait à cet âge de la sorte sur les blues, c’est qu’il avait bien raté sa vie quelque part. De deux parce qu’un type supposément fort aurait surement réussi à se débarrasser de ses poursuivants depuis belle lurette, loin des regards, plutôt que d’opter pour une fuite aussi lamentable. De trois parce qu’il était tellement hors de ses gonds qu’il avait complètement oublié qu’il fuyait des gens. Un seul coup d’œil par-dessus son épaule m’avait permis de constater qu’une ombre plana au-dessus de lui de façon très spectaculaire. Quelques secondes plus tard et alors qu’il n’était plus qu’à mi-chemin de me charger comme un buffle, le pauvre se mangea un grotesque high-kick de la part d’une demoiselle qui faisait partie de ses poursuivants ! Encaissant de plein fouet l’attaque une fois de plus en pleine gueule, le voleur (ou ce qui s’y assimilait), fit un vol plané de deux ou trois mètres et alla atterrir piteusement au sol.

S’il n’était pas K.O. après ça, il aurait tout mon respect…

- « Hey l’étranger ! Merci pour l’coup d’pouce ! C’est qu’il était rapide l’bougre… »

Trop occupé à observer la courbe que décrivit le corps du voleur dans les airs, je n’avais pas vite vu que son assaillante s’était réceptionnée sans mal et m’adressait la parole, les mains posées sur ses hanches. Frôlant à peine le mètre 80 avec une soixantaine de kilos au compteur tout au plus, celle qui se présentait à moi avait presque le profil typique du garçon manqué ; à ceci près qu’elle avait quand même une bouille mignonne et des rondeurs bien visibles. Bref, une presque bonnasse qui plutôt que d’être une princesse mijaurée, savait distribuer des pains à qui l’emmerdait ! Le peu que j’avais vu me confirmait très clairement qu’elle était même plus forte que moi. Ce genre de choses, j’arrivais à le sentir aisément après avoir côtoyé de gros bonnets. Pas la meuf à qui il fallait chercher des poux donc. La fuite de l’autre idiot était compréhensible… Je gardai alors mon sourire de circonstance tout en jouant la carte de l’humour : « Etranger ? Qu’est-ce qui vous fait dire ça, mademoiselle ? » Ma réponse lui arracha un sourcil haussé. Puis un gros éclat de rire de sa part pendant une bonne poignée de secondes. Après quoi, elle s’éloigna tranquillement de moi sans me répondre directement. Se rapprochant du corps inerte de son voleur, elle s’y pencha pour récupérer le paquet bien emballé par un tissu en toile et le serra contre sa poitrine pendant un moment avant de se retourner vers moi, sourire aux lèvres !

- « T’es un marrant toi ! Normalement, les gens répondent des banalités comme "de rien". Sinon, pour t’répondre plus simplement, disons que j’ai jamais vu ta tronche dans les environs… Et puis, vu tes fringues… »

Ouais. Le kimono blanc et noir que j’avais revêtu ne laissait place à aucun doute. Les traits de ma gueule aussi, très certainement. Mais qu’importe. Ce qui comptait sur le moment, c’est le réveil du bougre qui essayait tant bien que mal de retrouver ses esprits. Sacrément costaud quand même. Il n’aura pas été dans les vapes bien longtemps, celui-là. C’est à ce moment également que les deux gros bras qui suivaient la jeune femme nous rejoignirent. L’un d’eux se hâta de poser la question suivante : « On l’envoie chez les marines ? Ça fait trois fois qu’il nous fait le coup, Nojika… » Nojika ? A l’ouïe de ce nom, je tiquais. Il me disait quelque chose. Je l’avais déjà entendu quelque part en tout cas… Mais alors que je commençai à me creuser les méninges, la jeune femme secoua sa tête pour montrer qu’elle n’était pas favorable à l’idée : « C’est bon Emile, laissons-le… C’est rien qu’un petit vol, comme d’habitude… » Sur le coup, nous tiquâmes tous, moi comme les deux gros bras. Y’avait un truc qui clochait dans cette décision et surtout dans l’intonation de sa voix qui laissait sentir une espèce de crainte. Qui plus est, elle serrait plus que jamais son paquet contre sa poitrine. Bizarre… Mais je n’eus même pas le temps de m’attarder sur le non-verbal de la fameuse Nojika, que son voleur se redressa, pesta ouvertement, avant de se barrer en courant je ne sais où. De quoi énerver l’un des gros bras qui voulait s’élancer à sa poursuite, mais qui fut arrêtée par la jeune femme :

- « C’est bon Rein, laisse-le. Et plus important, on a un sauveur là ! » Qu’elle clama, presque ragaillardi par on ne sait quoi. « T’es partant pour un déjeuner ? Il faut au moins que je te remercie pour ton intervention… Même si j’te l’dis tout d’suite, il aurait pas pu nous échapper bien longtemps, héhéhé ! »

Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’elle avait un sacré caractère, cette jeune femme…
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- « Heeh ?! La PDG de la Belmer Corp ?! »

Mon exclamation eut pour effet de faire rire les trois personnes avec qui je marchais depuis un quart d’heure maintenant. Nojika était celle qui s’esclaffait le plus, d’ailleurs ! J’avais certes surjoué la surprise d’apprendre que la kickeuse était une personnalité très importante de cette île, mais je n’en étais pas moins étonné. Elle n’avait clairement pas l’allure d’une cheffe d’entreprise, c’était clair et net. C’est à cet instant précis que je me souvins comme par magie de la conversation que j’avais entendu sur ce nom qui m’avait dit quelque chose. La PDG de l’une des compagnies fruitières les plus prospères dans le monde… Rien que ça ! L’information avait de quoi décoiffer, c’est sûr. Ceci dit, je devais m’avouer à moi-même que j’avais le cul bordé de nouilles ! En à peine une heure, j’étais tombé sur la bonne personne, au bon endroit et bon moment. J’étais toujours aussi curieux de savoir pourquoi elle n’avait pas livré le voleur à la marine, mais hormis ça, il y avait certainement un bon moyen de se faire un petit billet quelque part. Le tout était de la jouer fine… Après tout, j’avais pu me rendre compte qu’elle était plus forte que moi, sans compter qu’elle n’était surement pas PDG d’une telle compagnie pour rien… La moindre erreur pourrait surement me couter cher. Un aller simple pour la prison, quoi…

- « J’ai pas la gueule d’une Directrice Générale Corporate hein ? Quoique j’suis certaine qu’un tailleur m’irait comme un gant avec la coiffure et les quelques accessoires qui vont avec. Je suis une belle gosse quand même ! »

A sa phrase, j’eus un sourire amusé, avant de me perdre en contemplation des vergers que nous dépassions et qui s’étendaient à perte de vue. Cela faisait bientôt dix minutes que nous avions quitté la ville en elle-même pour nous aventurer vers la Belmer Corp, une ferme qui était à trente minutes de la ville. Si je devais volontiers reconnaitre une chose, c’est la beauté de cet endroit. Je n’étais pas un passionné de travaux champêtres ou tout ce qui s’en approchait, mais force était de constater que l’endroit était splendide. Qui plus est, il y flottait une odeur agréable d’agrumes, d’herbes et de terre. On pourrait rapidement croire que le spectacle était plus que monotone vu qu’il n’y avait que des mandariniers, mais les vergers ne se ressemblaient pas vraiment à première vue. Il y avait des différences dans la façon dont les cultures étaient faites. A croire qu’il y avait vraiment des p’tits coins de paradis dans ce monde sans merci. Nul doute que j’aurai fait mon nid sur cette île si je n’étais pas attiré par l’appât du gain. Après tout, c’était le fric et le pouvoir qui me permettraient d’assouvir la vengeance secrète que j’enfouissais au plus profond de mon cœur depuis plusieurs années déjà. Vivre en paix n’était malheureusement pas une option et relâcher ma garde en vivant une vie honnête encore moins. Mon destin était déjà tout tracé…

- « Hey Nihil, tu m’écoutes au moins ?! »

- « … Vos cultures datant d’un bon siècle sont telles que vous avez quelques clients sur Grand Line. Oui, je te suivais sans souci, Nojika. »

- « Hmph ! On aurait dit qu'tu t'perdais dans tes pensées ! »


En tournant ma tête vers elle, je la vis mimer un air faussement boudeur, avant de me faire signe de la suivre à travers un verger. Sans doute un raccourci pour aller plus vite. C’est en la suivant en écartant quelques plants et branches de mon chemin que je me fis la réflexion qu’elle était soit observatrice, soit dotée d’une très bonne intuition. Une jeune femme à ne pas prendre à la légère, donc. C’est donc au fil d’une conversation banale que nous arrivâmes en un rien de temps à sa ferme, plutôt impressionnante vu comment elle était étalée sur des hectares. Perché sur un verger surélevé, la vue en plongée que nous avions de l’endroit était saisissante. Si la production annuelle impliquait une certaine « industrialisation » de leur activité, les bâtiments et moyens qui composaient la gigantesque ferme circonscrite par des clôtures d’enclos présentaient quelque chose de rustique. Nous n’étions donc pas sur des machines sophistiquées ou des moteurs qui vrombissaient, mais plutôt sur des moyens rudimentaires : des brouettes, des pelles, des seaux… Bref, du classique. Une production bio, somme toute. Les bâtiments qui parsemaient le lieu étaient des granges et des étables pour la plupart et l’endroit grouillait de monde. C’est à ce moment là que les deux gros bras nous laissèrent seuls pour aller vaquer à leur occupation quotidienne.

- « C’est beau hein… ? » Me questionna Nojika, visiblement pas peu fière de son fief.
- « Complètement. » Qu’avais-je répondu presque silencieusement.

C’est en silence que nous contemplâmes ce beau tableau qui conciliait beauté de la nature et savoir-faire humain pendant quelques minutes. Puis, mon ventre gronda légèrement, ce qui eut pour effet de faire rire Nojika. Cette dernière s’avança alors vers sa ferme et je lui emboitai le pas. Sur le chemin, elle fut saluée par tous ses salariés qui avaient le sourire aux lèvres. Dans cette population, il y avait un peu de tous : des humains, des longs-bras, longues-jambes, trois hommes-poissons, un minks… Bref, de tout, qu’importe l’âge et le sexe. Une fois dans la ferme et après qu’elle ait eu quelques brèves discussions avec certains travailleurs (certainement pour régler deux trois détails), nous nous dirigeâmes vers une série de bungalows. Certainement les résidences des travailleurs. Pénétrant l’un d’entre eux, je m’étonnai de constater que son cocon personnel était plutôt cosy, douillet et surtout bien rangé. Devinant certainement mes pensées à mon air surpris, la PDG me tira la langue et me fit installer, avant de disparaitre dans un couloir qui devait mener à une autre pièce. Lorsqu’elle revint, elle n’avait plus le paquet en main et s’était affublée d’un tablier. Elle alla ensuite aux fourneaux et une heure plus tard, nous étions enfin attablés. Nous continuâmes de discuter de tout et de rien, jusqu’à ce que la question fatidique ne soit posée :

- « Alors, qu’est-ce que tu cherches dans un trou pareil ? » Qu’elle me demanda, avec un ton plus ou moins sérieux.
- « Du fric ! » Que je répondis du tac au tac.

Interdite devant ma réponse trop sincère et inattendue, Nojika finit par éclater de rire, encore ! Un fou rire qui ne dura pas moins de deux minutes…

- « Putain… J’en ai vu des types, mais t’es juste pas possible ! Bah, au moins, t’as l’mérite d’être honnête hein ! » Qu’elle finit par dire, avant de commencer à éplucher une mandarine. « Pourtant, je suis certaine qu’il y a autre chose… »

- « On a tous nos petits secrets, Nojika. Mais le besoin de fric est réel. J’ai été dégagé de là où je viens, donc j’ai atterri ici un peu par hasard… »
Confessais-je faussement en haussant les épaules.

- « Donc, ton action de tout à l’heure était calculé ? »

- « Oui et non. Oui, parce que j’pensais pouvoir tirer un p’tit billet après mon aide… Non parce que j’aurai jamais deviné tomber sur la PDG de l’entreprise du coin, quoi. »

- « T’es juste pas possible, pardi ! »
Qu’elle avoua en rigolant, avant d’avaler un quartier de sa mandarine épluchée.

- « Si t’as du taf, j’suis preneur. »

- « Heeeeeh… Un beau gosse qui s’abaisserait à travailler la terre hein ? »

- « On a pas b’soin de diplômes pour ça, si ? Puis quoi ? Tu veux que le beau gosse aille faire le gigolo ? Ou p’être me garder pour toi ? »

- « Hmmm… »
Fit-elle, le regard perdu dans le vague, sans rebondir sur ma blague cette fois-là. Quelques secondes s’écoulèrent ensuite, avant qu’elle ne replonge ses yeux dans les miens : « On a toujours besoin d’bras forts, c’est vrai et t’as l’air plutôt costaud… »

- « Mais… ? »

- « Mais rien du tout ! J’te tiendrai à l’œil de toute façon ! T’as un domaine d'prédilection ? »

- « Homme à tout faire ! »

- « Pfff ! On est bien avancés hein ?! Deal. J’te mettrais là où on l’besoin s’fait sentir, môssieur j’ai besoin de fric ! Allez, suis-moi, y’a un dortoir pour garçons pas très loin d’ici ! »


Y’avait plus qu’à taffer… Et sentir la bonne occasion pour m’faire un pactole ! Ne jamais perdre le nord !
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Trois mois s’étaient bientôt écoulés depuis mon arrivée sur ces terres. Un long trimestre, oui. Plus qu’une planque ou la terre d’un nouveau départ, Cocoyashi s’était avéré être une parenthèse enchantée dans mon existence aussi agitée que dangereuse. C’était la première fois qu’une routine (presque) tranquille me faisait autant de bien. Embauché en tant que cueilleur mais surtout homme à tout faire, j’avais le logis et la bouffe gratis, en plus d’une bonne petite paye. En trois mois, j’avais facilement fait plus d’un demi-million, à raison de 200.000 berrys par mois. Pour un travail agricole comme celui que j’effectuais, le salaire était plus qu’honnête. Qui plus est, à partir du samedi après-midi, la ferme arrêtait ses activités pour profiter de bons repos bien mérités… Même si ce jour et demi était bourré de festivités en tous genres. Autant dire qu’on ne s’ennuyait absolument pas à la Belmer Corp ! Pour peu, j’me serai presque laissé allé à cette vie. Pour peu, oui. Seulement, même si je ne ruminais pas mon envie de vengeance, je ne l’oubliais pas non plus. Faire fortune rapidement était donc le seul moyen d’arriver à mes fins ; et ce projet passait inévitablement par de l’argent rapide. Et qui disait argent rapide disait forfait, délit, deal. Dans une autre vie, j’aurai définitivement posé mes affaires dans le coin en plus de tout faire pour épouser Nojika. Après tout, elle demeurait mignonne, même si elle ne tenait jamais en place…

C’était à se demander comment elle se contentait de rester sur cette île…

Parallèlement à mon activité de cueilleur et d’honnête coursier, je m’étais fait plusieurs amis dans le coin. Si j’avais cristallisé la méfiance et la jalousie de quelques riverains lors de mon arrivée, j’avais habilement montré patte blanche. Rentrer dans les rangs n’était pas bien dur pour un caméléon social tel que moi. Il suffisait de faire exprès de gaffer pour demander conseil après, de participer aux nombreux déjeuners et diners en groupe pour faciliter son intégration, ainsi que de faire quelques suggestions bien avisées pour faciliter le travail sur le terrain. Le fait d’être resté plus d’un mois avait également surpris plus d’un, vu que les paris allaient bon train sur mon départ en deux semaines. J’avais après tout la gueule d’un citadin ou plutôt d’un gigolo en puissance qui préférait la vie facile aux contraintes des travaux champêtres. Pourtant, c’est avec brio que je déjouai tous les pronostics en restant sur place et en devenant petit à petit une personne sur qui l’on pouvait compter. D’ailleurs, mes années passées en tant que gratte-papier du gouvernement me permit d’aider Nojika sur ses tracas fiscaux, ce qui eut pour effet d’avoir des retombées positives sur les salaires qui connurent une légère hausse pour tous. Ce fut assurément la cerise sur le gâteau qui fit de moi l’un des leurs. Bien entendu, quelques-uns continuaient de me jalouser à cause de ma proximité avec leur Nojika d’amour, mais qu’importe finalement…

Je faisais globalement l’unanimité et c’était là l’essentiel.

- « T’es devenu l’chouchou de tout l’monde ici, toi ! Et t’es pas mal entouré en plus… » Que me balança Nojika lors d’une soirée, alors que nous étions installés à la terrasse de son bungalow à partager des canettes de bières. Par l’entourage, elle faisait allusion aux femmes de la ferme qui me dragouillaient parfois.

- « T’es jalouse ? Tu veux que j’sois ton gigolo personnel ? » Que j’lui demandai, taquin.

La PDG éclata de rire ce jour-là et embraya sur un autre sujet. Faut croire que je tenais le bon bout.

Durant mes temps libres, il m’était également arrivé de faire le tour de l’archipel accompagné par quelques locaux. J’avais vite fait le tour du village de Gosa, n’ayant rien trouvé à faire ou construire là bas. Mettre en place un réseau de prostitution n’était même pas viable, c’est dire. J’avais également fini par voir de mes propres yeux l’étendue des dégâts de la bataille entre le vice-amiral Shoga et Yamato, l’un des plus grands bretteurs de ce monde. Au vu des constructions, autant dire qu’ils n’y ont pas été de mains mortes. C’était vraiment impressionnant ! Ce combat avait même provoqué une certaine inimité des habitants envers le pirate bretteur qui jouissait pourtant d’une certaine popularité chez les civils généralement. Tuer un vice-amiral n’avait pas dû plaider en sa faveur. Pour le reste, rien ne me vint à l’esprit. Si Cocoyashi était plutôt bien peuplé, mettre en place n’importe quel réseau illégal ne permettrait pas de brasser de l’oseille. On était réellement sur un grand village plutôt qu’une ville cosmopolite ou une mégapole. In fine, le constat fut un peu triste, mais il fallait s’y attendre : Cocoyashi ne se prêtait pas aux activités mafieuses. La parenthèse enchantée que je vivais ici n’était rien de plus que des vacances qui me ressourçaient. C’était le côté positif de mon séjour sur place. De ce fait, j’étais pleinement conscient que j’allais devoir bientôt plier bagages pour aller m’implanter ailleurs. Ce n'était plus qu’une question de temps…

Seulement, une discussion changea mon programme lors d’une cueillette en pleine après-midi.

- « T’as entendu les dernières ragots, Nihil ? » Que me chuchota Gracie, l’une des jeunes femmes ayant en charge le verger dans lequel je travaillais depuis maintenant trois mois.

- « Non… » Répondis-je tout sourire, tout en continuant à dépouiller le mandarinier devant moi de ses fruits juteux. « … Mais j’suis sûr que tu vas m’le dire ! »

- « Rhooo, arrête de me taquiner ! »
Qu’elle répondit en gloussant et en me tapant le dos, avant de reprendre elle aussi son activité à mes côtés. « On n'attendait pas de pluies avant deux semaines, mais hier, il y a eu une averse plutôt bizarre. Juste ce qu’il faut pour arroser toutes les plantations… »

- « Oh tu sais… Les intempéries, c’est pas quelque chose de rare. Si tu allais sur Grand Line, tu serais étonnée par ce qui pourrait arriver dans ce sens… »

- « Oui… »
Répondit-elle en baissant encore plus d’un ton… « Mais les blues, c’est pas Grand Line… Et à Cocoyashi, les intempéries, c’est aussi rare qu’une pénurie de mandarines, si tu vois ce que je veux dire… »

- « Oh… ? »
Répondis-je distraitement. « Et du coup, qu’est-ce qui aurait provoqué l’averse d’hier ? De la magie ? Des caprices des dieux ? »

- « Tu connais la légende Nami du siècle dernier non ? Eh bien figure toi que c’est l’ancêtre de la cheffe… »


Jusqu’ici, Gracie ne m’apprenait rien et je réprimai même un soupir dépité. Cependant, la suite allait être on ne peut plus intéressante !

- « Elle était réputée pour pouvoir influer sur la météo environnante grâce à une arme : le climat tact. Et il parait que sa descendante en a hérité. Tu vois où je veux en venir ? D’ailleurs, ça a coïncidé avec une sortie de la patronne qui est revenue toute trempée avec un paquet sous ses vêtements. C’est louche, moi j’te le dis. Et tout l’monde pense comme moi… » Qu’elle conclut, avant de recommencer à travailler.

Ah les femmes… De vraies pipelettes ! Par contre, Gracie venait de m’ouvrir la voie vers quelque chose que tous regretteraient amèrement…


Dernière édition par Nihil le Jeu 2 Mai 2024 - 18:53, édité 1 fois
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Quelques jours plus tard...

- « T’as pas du tout l’air perturbé par les rumeurs, toi… »

- « Mmmmh ? Tu penses comme la plupart des gens ? Que j’ai l’pouvoir d’influer sur la météo pour arroser mes nombreuses plantations ? »

- « Ce serait impressionnant en vrai ! »
M’exclamai-je, non sans m’amuser à investir son séant par palpations lubriques. Entendez par là que j’lui pelotais grassement le cul.*

- « Ouais, mais ça f’rait de moi, une criminelle, môssieur l’beau gosse ! D’ailleurs, arrête d’me tripoter les fesses là, on est dehors et t’es censé gagner ta croute ! »

Il m’arrivait bien souvent de ne pas savoir sur quel pied danser avec Nojika concernant certains sujets. C’était pourtant rare qu’une demoiselle m’échappe autant. Comme si elle me cernait plus que je le faisais. Comme si elle essayait de se prémunir d’un je ne sais quoi. Son intuition peut-être ? Va savoir. Toujours est-il qu’elle avait raison de garder un brin de méfiance vu la crapule que j’étais. Un brin seulement, parce que j’avais commencé à prendre mes aises avec elle comme réduire la distance entre nous, prendre l’une de ses mains dans la mienne ou même passer une paluche sur l’une de ses miches comme un vrai goujat. Evidemment, j’avais au tout début récolté des coups de toutes sortes, mais petit à petit et à force de boutades et de proximité, elle me laissait faire. J’étais surement le seul à « oser » l’approcher de la sorte et même si cette manière de « charmer » n’était pas forcément la plus efficiente, Nojika n’y était pas indifférente. Parfois, le rentre-dedans avait ses bons côtés, surtout avec une garçonne comme elle qui vivrait ou verrait mal une approche plus subtile. Après l’avoir pratiqué pendant trois mois, j’étais arrivé à la conclusion que Nojika aimait les hommes forts qui n’avaient pas froid aux yeux, vu qu’elle avait elle-même un caractère bien trempé. Plutôt que d’avoir une tête brulée à ses côtés, elle était attirée par les forces tranquilles qui savaient en imposer et autant dire que je tapais pile poil dans ce type de profil…

- « J’viens te rendre visite ce soir alors ? »

- « Si môssieur n’est pas occupé à draguer ailleurs ! »


Et sur cette fausse mine boudeuse, elle se tira du verger où je bossai quasi toute la journée.

Le soir vint et je ne me pointai pas au bungalow de l’héritière de la chatte voleuse. Elle allait sans aucun doute m’en vouloir ou me bouder pendant un moment, mais je préférai m’aventurer au centre-ville de Cocoyashi pour siroter quelques bières dans un bar où je commençais à avoir mes petites habitudes. Il n’y avait p’être pas de fumée sans feu, mais même si des rumeurs circulaient sur ce fameux climat tact, impossible de savoir si tout ce qui se racontait sur Nojika était vrai. Qui plus est, je sentais que la questionner frontalement ne mènerait à rien. Elle n’avait aucun compte à me rendre après tout et redeviendrait un peu plus suspicieuse, ce qui me ferait dégringoler à la case départ. Cette sortie avait donc pour but de m’aider à refaire de l’ordre dans mes pensées. Devrais-je rester encore un peu ? Me casser plus vite que prévu et viser une île un peu plus austère et pourrie ? Les questions fusaient dans ma caboche sans que je ne puisse y répondre. Un peu de bière dans une ambiance festive ne me ferait pas de mal, donc. C’est donc avec une mine moins soucieuse que je me pointai au « mandarinier alcoolisé ». Paye ton blaze de taverne, sérieux ! Toutefois, hormis le nom pourrave du coin, le cadre me correspondait en tous points : de nombreuses tables, des serveuses bien gaulées qui incitaient tout le monde à consommer, des musiciens qui faisaient le show dans un coin du bar et un tavernier aussi mastoc que sympathique…

Bref, que du bon quoi !

Mais c’était sans compter sur la providence : lorsque j’fis mon entrée, un client qui faisait le chemin inverse me bouscula, épaule contre épaule.

- « Raaaah, tu peux pas faire gaffe ?! » Que l’type gueula aussitôt.

- « Désolé mon bon, j’ferais prochainement gaffe, pro- »

Sauf que je ne terminai pas ma phrase, abasourdi par la gueule du gars envers qui je m’excusai. C’était le fameux voleur que j’avais lapidé trois mois plus tôt ! Celui-là même qui avait été mon passeport pour la Belmer Corp ! Ce dernier stoppa également son élan et me dévisagea comme s’il avait vu un fantôme. Au seuil du bar, un blanc s’installa entre nous pendant quelques secondes, comme si nous nous jaugeâmes, avant que le voleur n’essaye d’me décocher un violent uppercut sans aucun élan. J’esquivai in-extrémis son coup qui m’frôla le menton, avant de faire plusieurs bons en arrière, m’éloignant malgré moi du bar et me retrouvant dans une ruelle mal éclairée où les néons d’un lampadaire marchait par à-coups. Un coup, tout était éclairé, un coup tout devenait sombre. C’était à s’demander ce que faisait la mairie. M’enfin, là n’était pas le plus urgent. Ce qui importait, c’était comment l’autre type avait crié comme un animal sauvage, avant de bondir vers moi ! « J’VAIS TE FUMER, SALOPAAAAAAARD !!!! » Qu’il braillât à tout bout d’champ, preuve qu’il n’avait pas digéré mon ingérence quelques mois auparavant. Rancunier, heh ! Une fois près de moi, il enchaina des coups de poings violents qui brassaient l’air, mais je réussissais à chaque fois à les esquiver ou à les bloquer à l’aide de mes avant-bras à minima. Et comme ses punchs ne suffisaient pas, le voleur sortit un canif d’une des poches arrière de son jeans…

- « J’vais te saigner mon pote ! Juste retour des choses hein ! »

Eh bah… Il respirait la confiance et pas qu’un peu, celui-là ! D’ailleurs, à voir comment il maniait son canif entre ses doigts, force était de constater qu’il devait avoir un brin d’expérience. Pas une mince affaire donc. N’ayant aucune arme avec moi, je n’eus d’autres choix que d’adopter une posture défensive en plaçant mes avant-bras bien haut devant moi comme un kickboxeur. La seconde d’après, il se rua vers moi comme un maboul ! Un coup d’estoc s’en suivit, mais je l’esquivai de justesse ! Même pas le temps d’en placer une, qu’il enchaina sur un revers, ce qui eut pour effet de m’érafler au niveau du flanc alors que j’avais une nouvelle fois esquivé en jetant littéralement dans la direction opposée à son attaque. Après avoir effectué deux roulades, je me redressai tant bien que mal, avant de lui faire face en grimaçant. Une petite tâche brune se dessina là où il avait fait mouche, ce qui lui arracha un sourire. Se sentant pousser des ailes, il fonça une nouvelle fois vers moi, sauf qu’une fois dans mon champ d’action, je lui balançai dans la figure une bonne poignée de sables que j’avais récupéré lorsque j’avais roulé au sol. Surpris et gêné par mon action, l’homme ne put suivre ce qui arriva puisque j’avais profité de l’effet de surprise pour lui administrer un croc-en-jambe. Il chuta inévitablement et se heurta la nuque contre terre. La douleur fut telle qu’il lâcha son arme en empoignant sa nuque sous une grimace de douleur.

Pas difficile de neutraliser une personne, hein ?
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- « T’es vraiment bizarre comme type toi… » Qu’il me dit en maugréant.

- « Ouais… On m’la déjà dit. » Que j’avais fini par répondre en sirotant tranquillement ma bière.

- « On invite pas à boire un type qu’on a lapidé et qui a essayé de vous attaquer… »

- « Ah ouais ? Ça doit me rendre encore plus bizarre pour le coup, bahahahaha ! »


Bertrand maugréa avant de descendre sa chope d’une traite sous le regard un poil interrogatif voire inquiet du barman. Assis côte à côte au comptoir, j’avais aidé mon agresseur à se relever tout à l’heure tout en lui proposant à boire. Ça sortait tellement de nulle part qu’il devait encore se demander pourquoi il n’avait pas décliné mon invitation. Le fait est que je l’avais un p’tit peu aidé avec une dose d’hypnose pour qu’il accepte, mais y’avait évidemment pas moyen que je le lui dise. Faisant signe au tavernier que tout allait bien, ce dernier haussa ses épaules et s’éloigna pour servir une autre personne qui venait d’arriver. Alors qu’autour de nous, ça chantait et ça braillait à tue-tête, un blanc s’était installé entre Bertrand et moi. Ce dernier semblait un peu éméché. J’devais pas vraiment arranger son état avec d’autres pintes gratuites. Qu’importe. In vino veritas ! Moi ça m’arrangeait bien, d’autant plus que j’allais aller droit au but, cette fois-ci sans hypnose. J’aviserai au moment voulu si je rencontrais trop de résistance…

- « C’était quoi le paquet que tu lui avais dérobé, y’a quelques mois ? »

- « Aaaah ça… Pourquoi tu devinerais pas ? »
Rétorqua t-il en rotant bruyamment et en secouant sa pinte en direction du tavernier qui était pourtant déjà occupé ailleurs.

- « Du fric ? On m’a rapidement raconté que tu travaillais dans la ferme en tant qu’homme à tout faire. On peut littéralement dire que c’est moi qui t’aie remplacé, tiens… »

- « Du fric… ? Bahahaha ! T’es pas fut-fut Nihil ! Du fric, ça peut se voler au fur et à mesure, pas forcément en un coup ! »
Fit-il en me toisant presque du regard avec un sourire goguenard.

- « Heeeeeh… T’as l’air expérimenté, toi… »

- « Bah ouais. Mais vas-y, cherche encore ! »

- « J’aurai bien dit des mandarines pour la blague, mais il reste plus qu’une seule option : le fameux climat tact ? »


Le regard de Bertrand s’illumina d’un certain éclat avant qu’il n’arbore un sourire plus qu’intéressé.

- « Bingo mon pote ! »

- « Ce truc existe vraiment… ? »
Que j’lui demandai, l'air circonspect ponctué par un sourcil haussé.

- « Pourquoi elle m’a pas livré à la marine la dernière fois, à ton avis ? Tu penses bien que si elle partait avouer que j’lui ai chipé ce truc appartenant à une grande pirate du siècle dernier, on l’aurait foutu en taule et confisqué son bien. Pis pour les pluies, m’dis pas que tu penses sincèrement que ce sont des intempéries ?! »

- « Mh… Mais comment t’as su que c’était l'arme en question… ? »


Sans me répondre immédiatement, Bertrand soupira et sortit son portefeuille de sa poche. Il l’ouvrit et y extirpa un papier plié plusieurs fois qu’il fit glisser devant moi, sur le comptoir. Je récupérai ledit papier que je dépliai soigneusement, avant que ne s’affiche devant moi une ancienne prime. Celle de la fameuse Nami des chapeaux de pailles. Hormis sa gueule d’ange et ses grosses mamelles de vache laitière qui défiaient les lois de l’apesanteur, on pouvait clairement la voir tenir un objet en fer. Et c’est là que je percutai forcément. Bertrand qui vit mon visage s’illuminer à mon tour se gaussa comme un salopard. Il garda le silence quand le barman vint prendre sa pinte pour la remplir une nouvelle fois à mon compte, avant d’aller astiquer ses verres un peu plus loin. Lorsque nous fûmes de nouveau seuls dans tout ce capharnaüm, il reprit parole :  « J’avais déjà fait quelques recherches sur base des rumeurs qui circulaient déjà sur Nojika. » Il s’autorisa une pause et siffla d’une traite le quart de sa pinte. Le zig avait une sacrée descente…

- « M’demande pas comment mais j’suis tombé un jour sur le paquet dans son bungalow, par hasard. Sans doute qu’elle l’avait utilisé parce qu’il avait plu des cordes la veille. En me voyant en présence du paquet parce que je l’aidais à chercher des papiers ce jour-là, elle est devenue nerveuse tout d’un coup, a récupéré le truc et est allé le planquer rapidement quelque part. A partir de là, c’était pas bien dur de faire le lien… Du coup, j’ai essayé plusieurs fois de fouiller sa maison. On m’y a surpris deux fois. La troisième fois fut la bonne, mais il a fallu qu’un gros fumier me balance une pierre en pleine tronche hein… »

Là-dessus, il me lorgna avec force, tandis que j’eus un rire désolé pour le coup.

- « Ce truc vaut des millions au marché noir, j’le sens. C’est un coup à assurer sa retraite… » Qu’il ajouta, songeur, avant de recommencer à boire tranquillement.

- « Et du coup… T’aurais une idée de l’endroit où elle planquerait son précieux ? » L’interrogeais-je, tout sourire.

Le pauvre faillit avaler sa bière de travers. Il toussa très fort pendant quelques instants, puis il m’adressa un regard interloqué pendant une bonne poignée de secondes. L’instant d’après, il eut un sourire encore plus dégueulasse que le mien, non sans m’avouer :

- « J’savais… J’le sentais que t’étais un fumier comme moi, toi… »

Et c’était peu d’le dire mon coco !
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Plus d'un mois après la rencontre avec Bertrand...

- « T-Tu m’as épuisé, abruti… »

- « Ça t’a déplu… ? »

- « N-Non… »


Nojika roula sur son ventre et enfouit son visage tout rouge dans ses oreillers moelleux. Moqueur, j’me penchai vers elle pour embrasser l’une de ses clavicules. Nous venions de passer une soirée plutôt mouvementée ! Son cadran affichait d’ailleurs qu’il était bientôt quatre heures du matin. Autant dire qu’on n’avait pas chômé, heh. Après quelques mois, la jeune PDG s’était enfin laissée aller. Si elle n’était pas une nymphomane patentée, elle était humaine comme n’importe quelle autre jeune femme de son âge. Une jeune avec ses envies, ses besoins. Des envies et besoins sur lesquels j’avais tout simplement surfé avant de mettre le grappin sur elle. Du reste, notre compatibilité était effrayante et toute la ferme devait clairement savoir pour nous deux. Pas un problème pour moi cela dit, vu que j’avais décidé de me barrer bientôt. Après tout, j’avais passé le mois dernier avec Bertrand à fomenter un complot contre Nojika et ce à l’abri des regards. Le bougre m’avait convaincu avec son histoire sur le climat tact. Il avait cristallisé les nombreux racontars qui circulaient sur la PDG de la Belmer Corp. De quoi me pousser à faire équipe avec lui, avant qu’il ne me suggère toutes les cachettes possibles dans son bungalow. C’est fort de notre plan que j’avais mis les bouchées doubles pour pouvoir charmer Nojika et avoir toutes ses faveurs.

Deux semaines maintenant qu’on ne prenait plus de gants.

Deux semaines que j’habitais pratiquement avec elle, dans son bungalow…

Deux semaines que j’avais plus ou moins « cartographié » toute sa maison. Il était temps…

- « Tiens, bois un peu… »

Encore honteuse, la jeune femme tarda à redresser sa tête pour voir que je lui tendais une bouteille d’eau à moitié entamée. Elle gonfla ses joues comme un gosse et consentit ensuite à se lever, à prendre la bouteille et à la vider d’une traite. Pendant sa désaltération, j’eus pour ma part un sourire subtil. Parfait. Le somnifère que j’avais glissé dans l’eau l’assommerait très bientôt, d’autant plus que je l’avais bien épuisé ces quelques dernières heures. En attendant, Nojika, elle, vint se caler contre moi, sourire aux lèvres. J’étais presque triste de devoir la duper de la sorte… Il faut dire qu’à un jeune âge, elle avait fort à faire et avait peu de personnes à qui se confier. Mon abandon allait surement la fissurer un peu plus… Ou la rendre encore plus dure, va savoir… J’aurai pu être bourré de remords, mais je m’en fichais. Il n’y avait qu’à voir mon sourire et ma manière de caresser sa chevelure pour le comprendre : c’était moi d’abord. Moi et personne d’autre tout simplement. Je patientai donc pendant une bonne trentaine de minutes supplémentaires, puis lorsque je l’entendis légèrement ronfler, je l’allongeai tranquillement sur le lit. D’aucuns auraient penser à la tuer pour ensuite mieux fouiller sa piaule. C’était même ce que m’avait conseillé Bertrand, mais j’avais décliné. Les primes inutiles sur la tête, peu pour moi, vraiment…

- « Nojika… ? »

Pas de réponse. La brune dormait à poings fermés. Nickel. Le somnifère avait été le plan de la dernière chance, pour être honnête. Durant le mois dernier, en plus de lui faire du rentre-dedans, j’avais essayé de l’hypnotiser pour savoir où elle planquait son joujou, mais sans succès. Elle était insensible à mon hypnose, ce qui m’avait conforté dans l’idée qu’elle était clairement bien plus forte que moi. L’hypnose avait donc ses limites comme je le pensais. L’idée de l’avoir neutralisé par des méthodes plus traditionnelles et plus classiques m’arracha un sourire. Décidément, compter que sur ses capacités relevaient de l’orgueil pur et dur. Diversifier ses ressources et s’appuyer sur celles de son environnement immédiat était une leçon que j’avais apprise et que je retiendrai pour tout le restant de mon existence. Une pensée sur laquelle je me levai pour me vêtir de mon jeans et de ma chemise avant de fouiller sa chambre. Pendant une trentaine de minutes supplémentaires, je ne trouvai rien : rien sous son lit, rien dans ses placards, quedal dans la salle d’eau et encore moins dans ses différentes commodes dont les tiroirs n’avaient aucun mécanisme secret. Il me restait plus qu’à fouiller son salon et son bureau. C’est donc dans le plus grand des silences et sous des pas feutrés que je quittai sa chambre pour gagner le salon avec le trousseau de clés de madame…

Cependant, une fois au salon, mon intuition me poussa à aller directement à son bureau. Le salon était non seulement trop grand à fouiller tout seul, mais il me semblait être trop vulnérable (vu les personnes qu’elle recevait parfois) pour y planquer quelque chose. Puis, il valait mieux finir avec les pièces moins spacieuses avant. Au pire, s’il ne restait que le salon, je pourrai retenter le coup dans quelques jours. C’est donc sur cette réflexion que je me pointai devant son bureau que j’ouvris grâce à l’une de ses nombreuses clés et ce après plusieurs essais. Une fois la porte silencieusement ouverte, je tendis l’oreille pour m’assurer qu’elle dormait toujours, avant d’allumer les lumières et de pénétrer dans la salle. C’était la première fois que je rentrais dans cette salle d’ailleurs. Là, j’eus un soupir. Derrière son mobilier de travail se trouvait un tableau accroché à un mur… Classique, quoi. Un peu trop d’ailleurs même. Je m’avançai, contournai son bureau, avant de décrocher son tableau pour tomber sur un coffre-fort. Les gens commettaient toujours cette erreur quand c’en était aberrant. Néanmoins, son coffre, de taille moyenne, avait une serrure à code mécanique. Sans attirail adéquat et n’étant pas un as du crochetage, je n’avais plus qu’à miser sur ma bonne fortune. Le charger et me barrer avec serait trop fastidieux. Vraiment trop fastidieux…

Alors, je commençai à tourner le disque de sorte à mettre son année de naissance. Mais rien.

J’optai pour l’année de création de la Belmer Corp, mais rien non plus…

C’est là que j’essayai l’année de naissance de la fameuse pirate Nami. Et là, un déclic s’en suivit avant que le coffre ne s’ouvre comme par magie…

- « Bingo ! ♪ »

Et là, je vis le fameux paquet que Bertrand voulait voler, mais pas que : il y avait plusieurs liasses de billets tenues par des élastiques.

Les bénéfices de l’entreprise peut-être ? Va savoir !

Pour ma part, je m’emparai d’abord du paquet que j’ouvris avant de tomber sur le fameux climat tact. Mon coup d’œil du marchant m’le faisait comprendre : ce truc valait des millions !

Ma patience avait fini par payer !
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- « Oh, t’es bien matinal Nihil ! Et c’est quoi ce gros sac ? »

- « Salut Emile. Trois fois rien. Juste une petite course pour Nojika à Cocoyashi. Je reviendrai rapidement prendre le petit dej avec elle sinon elle va me bouder, tu la connais ! D’ailleurs, j’peux t’emprunter ton cheval ? »

- « Bahahaha ! Ah, la jeunesse ! Allez, file mon p’tit gars ! »


Emile m’administra une grosse tape amicale sur le dos alors que je lui souriais. C’était l’un des deux gros bras qui avait suivi Nojika au pas de course lorsqu’elle essayait de rattraper son voleur. Il est l’un de ceux qui m’avaient accueilli comme il se doit et qui n’avaient jamais douté de moi. Un brave et honnête type sous toutes ses coutures. Un ouvrier comme on en faisait plus. Il m’avait vite adopté et m’avait appris pas mal de choses sur la vie à la ferme. Il allait me manquer… Ou pas. Intérieurement, j’devais avouer que je me moquais un peu de lui. L’honnêteté était une bonne chose, mais elle avait ses limites… Une réflexion qui me poussa à prendre la direction de l’écurie pour aller récupérer son cheval. Cinq minutes plus tard, je l’avais équipé et chevauché et je quittais tranquillement la ferme sans me presser et tout en prenant le temps de saluer tous ceux qui étaient sur mon chemin. L’idée était de faire comme d’habitude et de ne surtout pas éveiller de soupçon. Une fois hors de la ferme, je cavalai comme un fou et il ne me fallu que quelques minutes pour gagner Cocoyashi et son port. Il était pratiquement six heures du matin et à l’horizon, le soleil pointait doucement le bout de son nez…

Une fois sur les docks, là encore, séries de salutations çà et là, vu que les dockers me connaissaient bien. Faut dire que j’avais sympathisé avec pas mal de gens, marines mis à part. Et après une bonne poignée de minutes, je tombai enfin sur un petit navire. Celui de Bertrand. Ce dernier, à peine réveillé et qui se brossait les dents en regardant distraitement l’horizon ne s’attendait pas à ce que je débarque maintenant. Choqué de me voir aussi vite, il resta coi pendant une quinzaine de secondes, juste le temps pour moi de descendre du cheval et de sauter sur sa petite embarcation censée nous emmener loin d’ici. Le transport faisait partie du deal qu’on avait établi quelques mois auparavant. L’idée était également de rallier Logue Town où on pourrait vendre le truc à bon prix et se partager la somme en deux. « T’as fait encore plus vite que c’que j’aurai pensé bordel ! Allez, on largue les amarres ! » Et sans se faire prier, nous fîmes le nécessaire pour que le p’tit navire quitte tranquillement le port. Ce n’est qu’une dizaine de minutes plus tard, au large et à bonne distance que Bertrand se mit à gueuler de joie ! Il se précipita sur le gros sac que j’avais rapporté et hallucina. Des liasses de billets en veux-tu en voilà et surtout le fameux trésor de Nojika…

- « BORDEL JE LE SAVAIS ! JE LE SAVAIS QU’ELLE AVAIT CE BIDULE ! JE LE SAVAIS ! T’ES UN PUTAIN DE GEN- AAARRRRGRJNGJNTG !!!! »

Sa phrase se termina par un gros borborygme, car j’venais de lui foutre un coup de pied dans les parties, en traitre. J’devais avouer que j’y avais mis toutes mes forces puisque le pauvre type s’était écroulé instantanément en se tenant les couilles et en continuant d’hurler comme un fou furieux. Et sans attendre, je le soulevai comme un vulgaire sac à patates avant de le balancer par-dessus bord ! Tombant comme une masse dans la flotte, il émergea quelques secondes plus tard à la surface, la mine à la fois défaite et furieuse ! « NIHIIIIIIIIIIIIIIIIIL !!!! ESPECE DE BATARD ! REVIENS M’CHERCHER ! C’EST MON PUTAIN D’BATEAU ! SALE CHIEN ! ÇA FAIT LA DEUXIEME FOIS QUE TU M’ENCULES !! NIHIIIIIIILLL !!!!! » En aboyant comme un vulgaire clebs, le pauvre Bertrand essaya de nager malgré la douleur qui devrait lui irradier ses couilles meurtries, mais il n’était pas assez rapide pour rattraper la petite embarcation qui le distançait sans aucun mal. D’ailleurs, c’est avec un sourire que je lui fis un geste de la main en guise d’adieu. Jusqu’à la fin, il m’avait été utile du bout au bout. Puis, intuitivement, comme si je sentais qu’on m’observait de loin, j’allais m’emparer d’une longue vue et la braquai vers le quai de Cocoyashi…

- « Putain, c’est quelque chose cette Nojika… Se relever après quelques heures de sommeil seulement. »

Et je la vis… A dos d’un cheval, une paire de jumelles en main. Elle regardait dans ma direction comme si elle avait compris…

Mais compris trop tard, car j’étais définitivement hors de portée pour elle.

Je lui fis également un grand signe de main, tout sourire, avant de me retourner à l’intérieur de la seule cabine du bateau, satisfait de mes prises !

- « Bon, plus qu'à compter le fric que j’ai récupéré. Ça doit faire un beau pactole hein ? »

L’avenir promettait !
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