Lorsqu’il parvint enfin au point de rencontre, Kant ne put s’empêcher de pousser un juron. Il avait rendez-vous avec son camarade Grimmjack, car le chasseur de primes devait l’aider à quitter l’archipel d’Hungeria en l’embarquant à bord de son navire. Malgré la pluie qui tombait d’un ciel noir, obscurcissant l’horizon, il n’y avait aucun doute possible : la plage était complètement déserte. Kant, trempé et exténué, rugit à travers les cieux en maudissant son ami de l’avoir abandonné une fois de plus. Quand bien même il était arrivé avec deux jours de retard, cela ne constituait pas, à ses yeux, un prétexte suffisant pour être abandonné sur cette maudite île…
Le révolutionnaire longea la plage de longues heures en regardant la pluie flageller l’océan, hésitant à propos de sa prochaine destination. Quelques jours plus tôt, les hauteurs de l’îlot avaient été ravagées par l’apparition du Démon Muspell, mais il restait encore un petit village sur Harahettania où il pourrait probablement trouver une auberge. Kant en était même persuadé, puisqu’il venait de là… Il reprit donc son chemin en sens inverse, tournant le dos à l'écume pour s’enfoncer dans la forêt.
À peine eut-il pénétré celle-ci qu’une silhouette se dessina sous ses yeux : une enfant tentait vainement de se cacher derrière un amas de feuilles mortes. Que pouvait-bien faire un gosse, seul en plein taillis, sous ce temps exécrable ?
« Oh, hé ? dit-il d’un ton se voulant rassurant. Je te vois… Que fais-tu seule… »
Il n’eut le temps de terminer sa phrase qu’une grande femme surgit des buissons à proximité. Vêtue de haillons décousus, de chausses trouées et les cheveux noués en chignons, elle bondit sur l’enfant, s’en empara d’un coup et disparut dans la forêt sans que Kant ait pu lâcher un mot. Ce qu’il remarqua, néanmoins, ce furent ses étonnants longs bras, comme si l’enfant et celle qu’il supposait être sa mère possédaient un coude supplémentaire… Cela n’avait rien d’étonnant puisque l’archipel était aussi composé de l’îlot de Nakumra, dernier royaume des longs bras, mais Kant n’avait jamais aperçu de ses ressortissants vus jusqu’alors.
Quelques heures plus tard, la nuit tomba et la pluie cessa enfin. Dans l’obscurité la plus totale, il devint si difficile de se repérer que Kant hésita à s’arrêter pour passer la nuit au pied d’un arbre. Fort heureusement, la Providence semblait être au rendez-vous : plissant les yeux pour mieux le distinguer, le révolutionnaire perçu entre les feuillages un dense faisceau lumineux…
Quelqu’un campait au cœur de la forêt…
Le lendemain, dans le petit village d’Harahettania, le soleil était à son zénith. Dans la seule taverne du coin, plutôt mal fréquentée, Kant vidait sa troisième bouteille de vin. Les yeux rivés sur son goulot, le révolutionnaire semblait travaillé par quelque chose de profond… Quand soudain de nouveaux clients pénétrèrent dans l’établissement : cheveux sales, blousons noirs et dégaine négligée… Kant reconnut les hommes aux origines de sa peine. D’un bond, il se rua vers les trois clients avant même que ces derniers ne puissent réagir. D’un coup de ciseaux à bois, il entailla la poitrine du premier. Le second, effaré, dégaina le sabre à sa ceinture. Trop tard. Le manche du ciseau à bois percutait déjà violemment sa tempe, et le pauvre bougre s’effondra, inconscient. Paniqués, les clients de la taverne se mirent à hurler, certains hésitèrent à intervenir. Quant au dernier homme, il prit peur et se rua à l’extérieur de la taverne. Prenant ses jambes à son cou, il se dirigea vers sa petite carriole bleue, espérant y récupérer ses effets avant de prendre la clé des champs.
« Enfoiré de raclure de ramassis de fiente de South Bird ! » s’exclama Kant en se dirigeant vers lui.
Lames au poing, le révolutionnaire ivre et en pleurs se dirigeait vers le dernier des malchanceux qui recroisaient sa route, avec la ferme intention de le fendre de la nuque au cul.
Le révolutionnaire longea la plage de longues heures en regardant la pluie flageller l’océan, hésitant à propos de sa prochaine destination. Quelques jours plus tôt, les hauteurs de l’îlot avaient été ravagées par l’apparition du Démon Muspell, mais il restait encore un petit village sur Harahettania où il pourrait probablement trouver une auberge. Kant en était même persuadé, puisqu’il venait de là… Il reprit donc son chemin en sens inverse, tournant le dos à l'écume pour s’enfoncer dans la forêt.
À peine eut-il pénétré celle-ci qu’une silhouette se dessina sous ses yeux : une enfant tentait vainement de se cacher derrière un amas de feuilles mortes. Que pouvait-bien faire un gosse, seul en plein taillis, sous ce temps exécrable ?
« Oh, hé ? dit-il d’un ton se voulant rassurant. Je te vois… Que fais-tu seule… »
Il n’eut le temps de terminer sa phrase qu’une grande femme surgit des buissons à proximité. Vêtue de haillons décousus, de chausses trouées et les cheveux noués en chignons, elle bondit sur l’enfant, s’en empara d’un coup et disparut dans la forêt sans que Kant ait pu lâcher un mot. Ce qu’il remarqua, néanmoins, ce furent ses étonnants longs bras, comme si l’enfant et celle qu’il supposait être sa mère possédaient un coude supplémentaire… Cela n’avait rien d’étonnant puisque l’archipel était aussi composé de l’îlot de Nakumra, dernier royaume des longs bras, mais Kant n’avait jamais aperçu de ses ressortissants vus jusqu’alors.
Quelques heures plus tard, la nuit tomba et la pluie cessa enfin. Dans l’obscurité la plus totale, il devint si difficile de se repérer que Kant hésita à s’arrêter pour passer la nuit au pied d’un arbre. Fort heureusement, la Providence semblait être au rendez-vous : plissant les yeux pour mieux le distinguer, le révolutionnaire perçu entre les feuillages un dense faisceau lumineux…
Quelqu’un campait au cœur de la forêt…
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Le lendemain, dans le petit village d’Harahettania, le soleil était à son zénith. Dans la seule taverne du coin, plutôt mal fréquentée, Kant vidait sa troisième bouteille de vin. Les yeux rivés sur son goulot, le révolutionnaire semblait travaillé par quelque chose de profond… Quand soudain de nouveaux clients pénétrèrent dans l’établissement : cheveux sales, blousons noirs et dégaine négligée… Kant reconnut les hommes aux origines de sa peine. D’un bond, il se rua vers les trois clients avant même que ces derniers ne puissent réagir. D’un coup de ciseaux à bois, il entailla la poitrine du premier. Le second, effaré, dégaina le sabre à sa ceinture. Trop tard. Le manche du ciseau à bois percutait déjà violemment sa tempe, et le pauvre bougre s’effondra, inconscient. Paniqués, les clients de la taverne se mirent à hurler, certains hésitèrent à intervenir. Quant au dernier homme, il prit peur et se rua à l’extérieur de la taverne. Prenant ses jambes à son cou, il se dirigea vers sa petite carriole bleue, espérant y récupérer ses effets avant de prendre la clé des champs.
« Enfoiré de raclure de ramassis de fiente de South Bird ! » s’exclama Kant en se dirigeant vers lui.
Lames au poing, le révolutionnaire ivre et en pleurs se dirigeait vers le dernier des malchanceux qui recroisaient sa route, avec la ferme intention de le fendre de la nuque au cul.