- « Une merde reste une merde, définitivement… » Qu’avais-je dis en esquissant un sourire au coin des lèvres et en haussant mes épaules.
Las Camp n’avait même pas changé d’un iota, ou presque. Les rues étaient étriquées, désordonnées, couvertes d’un mélange de merde et de boue constant. On distinguait parfois des cadavres d’animaux en tous genre dans la fange, ce qui ne semblait déranger personne dans ces zones abandonnées à elles-mêmes. L’odeur fétide qui se dégageait de ces districts malfamés avait de quoi mettre à terre n’importe quelle personne qui n’y était pas habitué. Un rictus m’échappa lorsque j’imaginai un dragon céleste sillonner le coin sans scaphandre. Nul doute qu’ils tomberaient tous dans les pommes, bave et mousse aux lèvres. De mon côté, je n’étais nullement incommodé. Il faut dire que j’avais vécu tellement de choses que j’étais pratiquement comme un poisson dans l’eau dans ce genre d’environnement repoussant même pour certains forbans. C’était pas ma première fois d’atterrir ici. Dans mes jeunes années au service du Cipher Pol, j’avais eu l’occasion de seconder un ainé qui avait eu une mission importante dans le coin. C’était ce qui expliquait pourquoi l’aspect dégueulasse de Las Camp ne me rebutait pas forcément. Je ne m’y plaisais pas non plus on s’entend, mais j’étais loin de faire ma mijaurée quand il fallait patauger dans la merde. Et puis, j’étais de toute façon revenu ici en toute connaissance de cause…
En effet, mes dernières aventures çà et là m’avaient fait comprendre que la ruse, la malice et l’intellect ne faisaient pas tout dans ce monde. Une chose était d’établir des plans tordus, mais une autre était de pouvoir se défendre si besoin est. Je n’étais pas spécialement pour la violence, mais je devais avouer qu’elle était parfois une solution à certains problèmes. C’est fort de cette courte réflexion que j’eus dorénavant pour but de concilier force physique et sagacité pour mener à bien mes projets à venir. L’idée n’était pas d’être une brute sur pattes qui ne jurait que par la force, mais d’être un type qui savait taper quand c’était nécessaire ou inévitable. Pour ce faire, j’devais donc me mettre à l’épreuve. Eprouver ma force, aller au bout de mes limites et aviser en fonction de ce qui en ressortirait. J’allais très clairement prendre cher, perdre une ou deux dents, me manger quelques fractures… Mais qu’importe. Il y avait des moments comme ça dans la vie où il ne fallait pas hésiter. L’île du Karaté à South Blue aurait pu être un bon endroit pour me forger un corps d’acier avec les compétences qui allaient avec… Mais j’avais fini également par comprendre que c’est dans une véritable adversité qu’on ressortait grandi. Pour progresser, il n’y avait rien de plus efficace que de mettre sa vie en jeu. Les entrainements gentillets, ça va deux secondes…
C’est donc tranquillement que je me pavanai dans les rues de Last End, banlieue la plus crasseuse de tout Las Camp de mémoire. Le mot banlieue était même flatteur, vu qu’il s’agissait en réalité d’un amas de bidonvilles repoussants. Dans ce coin parsemé de taudis, il fallait avouer que je détonnais salement puisque j’étais richement vêtu : chemise blanche avec le jeans et les baskets qui allaient avec, le tout surplombé par un manteau en fourrure qui trônait sur mes larges épaules. C’était pas le style le plus élégant qui soit, mais dans une commune aussi pauvre où la plupart des habitants étaient vêtus de guenilles et de haillons, c’était tout de suite tape-à-l’œil. Mains dans les poches et sourire arrogant aux lèvres en plus d’une démarche quasi altière, autant dire que j’passais pas du tout inaperçu. Certains me regardaient avec un air surpris et curieux, quand d’autres me lorgnaient carrément, sans doute jaloux de l’opulence que j’affichais. Ces derniers étaient cependant trop mais impressionnés par ma carrure plutôt imposante. Deux mètres de haut, c’était pas ce qui faisait le plus peur, surtout dans un monde où des gens avaient dix fois ma taille, mais c’était assez pour tenir éloignés les petites frappes sans puissance qui ne m’apporteraient rien de bon : ni challenge, ni frisson, ni amélioration. Après tout, j’étais venu pour ça, heh…
Après une marche d’une demi-heure, j’arrivai enfin à la zone la moins pourrie de Last End. Celle qu’on pourrait même qualifier de commerçante, vu les quelques bars, épiceries, armureries ou lupanars qui s’entassaient çà et là. Ça restait évidemment miteux, mais c’était moins délabré que tout le reste. D’aucuns se seraient dirigés dans un bar, mais je préférai tout d’abord m’aventurer vers un bordel vu qu’il faisait bientôt nuit. En me voyant venir, plusieurs prostituées se ruèrent vers moi et m’agrippèrent rapidement de toutes parts, non sans hurler qu’elles furent les premières à m’avoir aperçu. Le tout se termina par un crêpage de chignons entre ces furies qui n’hésitèrent pas à en venir aux mains. C’était surement monnaie courante. Du coup, pendant qu’elles se bastonnaient et se tiraient les cheveux dans tous les sens, j’en profitai pour me glisser dans ce qui faisait office de hall du bordel que je visais. Assise derrière un comptoir, une vieille bique fumait une pipe tranquillement. Elle leva un œil vers ma silhouette qui l’approchait et resta silencieuse pendant un moment, avant de soupirer et de l’ouvrir. « C’est pas un endroit fait pour les types comme toi, gamin… » Même qu’elle fronça les sourcils. Serait-ce parce qu’elle sentait clairement que j’étais pas net ? En même temps, quel type bien saint d’esprit voudrait se risquer à des MST/IST ?
- « Ta meilleure pute, la vieille. Et ta meilleure chambre aussi. »
Dernière édition par Nihil le Jeu 9 Mai 2024 - 22:17, édité 1 fois