- « Bah alors, la belle au bois dormant ? On est déjà debout. »
- « Comme tu peux voir l’vioque, comme tu peux voir… »
- « Sois pas dur avec toi-même gamin. T’as dormi que 24h, là où certains faut le triple facilement. On peut dire que t’as d’la ressource, j’aime ça. »
Mick avait encore un fin sourire aux lèvres. Faut croire qu’il m’avait vraiment à la bonne. Assis sur un lit dans une pièce très propre mais aussi très exiguë (on faisait pas pire comme cagibi), je frottais l’une de mes tempes en essayant d’me remémorer ce qui s’était passé. J’avais en tête les grandes lignes, mais les détails étaient encore flous, ce qui avait le don de passablement m’agacer. Pour un petit malin comme moi, être dépassé par les évènements, c’était vraiment ce qu’il y avait de pire ! Néanmoins, maintenant que le vioque au punch dévastateur était là, pas question de lui montrer plus de faiblesses que ça. Il m’avait salement cogné une fois, mais ça s’reproduirait plus. J’me sentais étonnement plus renforcé et prêt à braver tout ce qu’il allait me foutre comme obstacle sur le chemin. Enfin… Du mieux que j’le pourrais, évidemment. Faire le fanfaron avec quelques trous de mémoire et une légère migraine, c’était pas ce qu’il y avait de mieux à faire, clairement. D’ailleurs, c’est gaillardement que je retirai le gros bandage qui me ceignait le crâne. Il me le compressait et me faisait plus mal qu’autre chose. Quand aux autres pansements, ça attendrait un peu. Le fait d’être torse nu m’plaisait pas non plus, mais je suppose que le type qui m’avait soigné n’a pas jugé utile de me rhabiller hein… ? Quelle vie.
- « Où on est… ? »
- « Dans l’domaine d’mon boss. Pour l’instant, t’en sauras pas plus. »
- « Et c’est quoi l’programme ensuite ? »
- « Y’a un tour préliminaire. Tu vas devoir te frotter à quelqu’un avant de pouvoir t’inscrire dans le tournoi qui approche. Ça permettra d’te jauger et d’ajuster ta côte auprès des parieurs. Moi j’suis convaincu par c’que j’ai vu, mais… »
- « Mais… ? »
- « L'boss veut toujours s’assurer que la marchandise est bonne… »
Là, un sourire plus goguenard et plus malveillant étira ses lippes. Moi, une marchandise ? Heh, ça me changeait tellement pas des considérations habituelles. D’autres personnes se seraient offusquées, mais moi, j’avais gardé mon calme. Du reste, ma mine sereine étonna l’ancien boxeur qui eut finalement un soupir amusé. Y’avait pas à dire, il avait chopé un bon poulain cette fois-ci… Que son regard semblait dire. Pas besoin d’être mentaliste pour comprendre à sa gueule qu’il était pas peu fier de me dégoter. Quelque part, ça voulait dire que j’étais pas dégueulasse en termes de castagne pure. C’était déjà ça de gagné. J’me relevai alors de mon lit et m’approchai du lavabo dans un coin de la pièce avant de faire couler l’eau et me rincer le visage avec. Il s’était pointé quelques minutes seulement après que j’me sois réveillé. La coïncidence était trop grosse pour en être une. Sans doute qu’un mini escaméra était planquée quelque part. Un silence plus ou moins gênant s’installa jusqu’à ce que j’ai fini de me rafraichir. « Il aura lieu quand ce match préliminaire, du coup ? » Mick sortit de sa poche un paquet de cigarettes et un zippo pendant que m’essuyais le visage avec une serviette propre. Lorsqu’il s’en grilla une, il me balança le tout et je fis de même, mentalement reconnaissant. Il me fallait ma p’tite dose quotidienne.
- « Bah, ce soir même, si t’es partant. Mais tu peux toujours faire ta pleureuse et refuser d’te mouiller vu ton état… »
Cette fois-ci, il m’avait titillé et pas qu’un peu, puisqu’après avoir allumé ma cigarette, j’lui avais violemment balancé le zippo à la tronche. Il le rattrapa rapidement, mais j’avais suivi l’objet en me déplaçant très rapidement et arrivant dans sa zone personnelle. D’une seule impulsion, je lui décochai une violente droite, mais il la bloqua tranquillement de son autre paluche, comme si de rien était. Ouais. Pour le coup, j’savais que c’était vain et puéril, étant moi-même un adepte de la provocation, mais j’avais pas pu m’empêcher de répondre à ma manière. Cette réaction eut pour effet de lui plaire, puisqu’il me repoussa sans trop forcer et sans répliquer sérieusement. « J’suppose que c’est ta réponse. J’aime ça, petit. » Qu’il dit en tirant sur sa taffe et en rangeant son briquet dans sa poche. Quant à moi, j’me baissai pour récupérer son paquet de clopes que j’avais laissé tomber pour pouvoir l’attaquer librement. Je le lui balançai d’un air blasé, avant qu’il ne l’ouvre encore une fois : « J’me charge de coacher nos nouveaux combattants habituellement, mais pour toi, ça va pas être la peine. T’es déjà solide. Repose-toi en attendant, t’auras à faire ce soir. » Amicalement, il lança derechef le paquet de cigarettes et le briquet qui allait avec sur mon lit, puis il ouvrit la porte, prêt à se barrer maintenant qu’il avait ce qu’il voulait.
- « J’t’enverrai de quoi bouffer tout à l’heure. J’verrouille pas la porte parce que t’es pas en prison, mais interdiction de sortir. J’viendrai moi-même te chercher quand il sera l’heure. »
Et sur ces belles paroles, la porte se referma silencieusement derrière lui.
Quant à moi, je m’approchai de mon lit et me laissai tomber dessus. Ça promettait…
Troisième chapitre ; Au delà des limites (2)
La nuit tombée…
- « T’as l’air fin prêt… »
Cette fois, plus de sourire qui tienne. Mick avait retrouvé sa gueule habituelle : celle d’un pro de l’underground. C’était tant mieux, d’ailleurs. Quand il affichait un air satisfait, il m’apparaissait comme un gros connard imbu d’sa personne, ce que je kiffais pas forcément. Est-ce que c’était l’hôpital qui se fout d’la charité ? Complètement ! J’aimais vraiment pas qu’on m’fasse ce que j’aimais faire aux autres. J’avais l’impression d’être faiblard, nu et l’impression était complètement frustrante pour ne pas dire dégoutante. C’est à ce moment précis que comme un gamin, j’me fis la promesse de lui faire la peau un jour. Ouais. Juste parce que j’étais piqué dans mon égo. Etait-ce puéril ? Sans aucun doute. Nul n’est parfait, de toute façon. Faut croire que j’avais moi aussi mes failles. Vêtu d’un simple jeans, j’avais finalement retiré quelques sparadraps pour recouvrir toutes mes meurtrissures de bandages. Ensuite, j’avais enfilé un t-shirt noir manches courtes qui surplombait un joggings qu’ils avaient bien voulu me refiler, mes vêtements précédents ayant fini en lambeaux suite à mes bastons précédentes dans la rue et dans des bars. Les baskets neuves étaient également à ma taille… Bref, j’étais prêt comme il l’avait dit. Prêt à en découdre. Prêt à me faire un max de thunes aussi. Après tout, même si les combats clandestins étaient pile ce qu’il me fallait, y’avait pas moyen que j’en ressorte sans gratter quelques berrys…
- « Suis-moi. »
C’est donc en silence et les mains dans les poches de mon jogging que j’suivis tranquillement le vioque. En sortant en fin de ma chambre, nous longeâmes un long couloir faiblement éclairé qui contenait plusieurs portes et donc plusieurs pièces. De nombreuses chambres comme la mienne, très certainement, puisqu’elles étaient numérotées. Pour info, la mienne était la 69. Ouais. Pur hasard. Destin farceur, tout ça. Nous débouchâmes ensuite devant une cage d’ascenseur dans laquelle nous grimpâmes toujours en silence. J’en profitai pour me griller la dernière clope qui me restait, tandis que l’appareil grinça à plusieurs reprises avant de se mettre en marche et monter de plusieurs étages. Enfin, après quelques secondes de montée, nous découlâmes dans une pièce ou plutôt dans une espèce de rez-de-chaussée en désordre. Le coin ressemblait plus à un grenier qu’autre chose, mais là encore, je gardai la surprise pour moi et je suivis Mick qui finit par ouvrir la porte, donnant enfin sur l’extérieur. Enfin. J’inspirai un bon coup et m’étirai rapidement, avant de continuer à marcher tranquillement derrière le boxeur qui ne s’était pas arrêté une seule seconde. Autour de nous, un grand jardin à perte de vue. Sans doute un domaine privé. Il était plutôt bien entretenu comme endroit d’ailleurs. Plus loin, à surement un kilomètre, on pouvait apercevoir un gigantesque manoir, joyau de l’endroit et endroit où devrait crécher le proprio.
A mesure que nous avancions, les haies devenaient très hautes, si bien qu’elles formèrent bientôt une espèce de dédale végétal dans lequel nous progressions à notre rythme. Y’avait moyen pour un novice de se perdre dans le coin. De mon côté, j’essayai de mémoriser tous les détails qui étaient accrocheurs. Ce qui revenait le plus souvent, c’était des statues posées çà et là aux gueules de gargouilles. Plutôt glauque, heh ! Mais ce n’était pas tout. Plus nous avancions vers le grand manoir et plus des voix et cris se faisaient entendre. Du monde ? Du public ? Sans doute les parieurs que Mick avait mentionné plus tôt dans la journée. Mais au-delà de ces cris, il me semblait également entendre des grognements bestiaux. Avais-je la berlue ?! Ouais, non, j’devais rêver. Dans tous les cas, j’allais devoir faire mes preuves. C’est donc concentré que j’me mis à faire de l’ordre dans mes pensées plus ou moins confuses, tout en continuant de suivre mon guide et en fumant. Après ces quelques minutes de marche, le vioque et moi arrivions enfin à ce qui devait être le centre du gigantesque jardin, pour ne pas dire du domaine, très certainement. L’endroit était aménagé. Et ce que je vis était plutôt particulier : Autour d’un dôme en verre étaient installés plusieurs tables et sièges occupés par ce qui semblaient être des bourgeois, vu leurs accoutrements. Ces derniers dansaient, gueulaient, rigolaient, chantaient… Bref, s’amusaient entre eux.
On aurait presque dit un ring de boxe, mais en plus classe, en plein air et au beau milieu d’un magnifique jardin.
Je n’eus pas tellement le temps de tout bien voir puisque Mick m’entraina un peu à l’écart, tandis que devant nous passaient deux zigs transportant un brancard sur lequel se trouvait un type déchiqueté de toutes parts et saignant à souhait. Il lui manquait un bras et une jambe, rien que ça. Vu son état, il allait clamser. De mon côté, Mick me présenta un tonneau rempli d’armes. Sans attendre son p’tit speech, je m’emparai d’une lance, avant que ce dernier ne me fasse un signe de tête pour que je le suivre. Après une rapide traversée entre les tables, on me fit immédiatement rentrer dans l’espèce de dôme en verre (certainement une ancienne serre), avant qu’un speaker ne se mette à gueuler dans un micro, ravivant ainsi la flamme d’une foule en délire qui se mit à piailler dans tous les sens. Pour des bourges à première vue, force était de constater qu’ils se lâchaient salement. On aurait dit la plèbe, là ! Encore une preuve que l’humain était sauvage, mauvais et avide de sang, qu’importe sa condition sociale… M’enfin, là n’était pas le plus important. Le plus urgent, c’était l’espèce de gros ours polaire recroquevillé dans un coin du dôme et qui semblait faire quelque chose. Lorsqu’il se redressa et se retourna vers moi, j’le vis bouffer la jambe qu’il avait certainement arraché de l’autre pauvre combattant et dont il ne restait plus qu’un moignon au coin de sa bouche. De quoi déchainer encore un peu plus la foule autour de nous…
Et en me retournant, je vis Mick hausser les épaules avec un sourire en coin, l’air de dire : "Clamse pas, petit !"
Ce fils de chien, j’allais l’enculer bien profond un jour !
- L'ours en question. 700 dorikis:
- « GROOOOOOOOOOOOAAAAAAAAAAAAAAARRRRRRRRRRR !!!!! »
Ouais, bon ok. Avant d’empapaouter l’autre empaffé, il fallait p’être que je m’occupe de la bêbête qui m’était gentiment offerte. Autour de nous, c’était l’euphorie totale. Une autre boucherie se profilait à leurs yeux. D’ailleurs, ils n’avaient pas torts de s’extasier autant. J’dois avouer qu’en bon fumier, j’aurai surement fait pareil. Surtout s’il s’agissait de cet enfoiré de Mick sur lequel j’faisais une fixette sans m’en rendre compte. Le truc devant moi devait mesurer cinq bons mètres, carrément. Vu comment sa posture debout, n’importe qui aurait dit qu’il tenait plus du loup-garou qu’autre chose. Il avait les yeux bleu ciel très menaçants, semblait presque bodybuildé et était recouvert de cicatrices un peu partout, ce qui renforçait son côté affreux. Nul doute qui’l avait du livrer pas mal de combats. C’est d’ailleurs dans ces conditions qu’on pouvait se demander comment les habitants de ce domaine avaient pu l’infiltrer ici, mais une fois de plus, c’était pas le plus important encore une fois. Fallait vraiment que j’arrête de m’égarer dans mes pensées. Être cérébral dans ce genre de moment, c’était p’être pas la meilleure chose à faire…
- « GROOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOAAAAAAAAAA- »
- « OUI, C'EST BON, FERME TA GUEULE MAINTENANT ! »
Alors là, c’était sorti tout seul ! Vraiment ! Comme s’il avait compris, l’animal avait soudain troqué son air menaçant pour une expression complètement surprise ! L’homme devant lui ne semblait absolument pas le craindre et c’était carrément le cas : je ne le craignais pas du tout. J’avais même une mine blasée qui s’était dessinée au fil des secondes. Alors que je m’attendais à un adversaire digne de ce nom, voilà que je me retrouvais devant un gros nounours. L’air méprisant que j’affichais avait même fini par lui déplaire, puisqu’il avait la gueule froissée, bourrée de colère et d’envie d’me faire la peau avant d’me bouffer. Sans doute. Va savoir. Je maitrise pas le patois ursidé moi ! Du coup, c’est sous un autre hurlement qu’il me fonça dessus en gambadant sur ses quatre pattes. Une fois à proximité, il voulait m’assener un coup de griffes, mais je l’esquivai sans aucun souci en me décalant sur un côté. Résultat ? Des traces de griffures… A peine visibles sur l’une des vitres du mini-dôme en verre qui nous entourait. Pour du matériel, c’était du solide… Au moins, je savais que les fuites étaient pratiquement impossibles… Les abandons encore moins.
- « Bon, est-ce que tu veux bien te coucher pour moi, s’il te plait ? ♪ »
Ma voix chantante se propagea à l’intérieur du dôme. L’animal se retourna, me regarda férocement pendant encore quelques secondes, avant de s’adoucir et de se coucher docilement devant moi. Du haki des rois ? Non, point du tout. Juste une bonne dose d’hypnose qui marchait autant sur les humains que sur les animaux. Pour le coup, j’avais de la chance : il comprenait un minimum les ordres humains, sans quoi mon hypnose n’aurait pas forcément fonctionné. A l’extérieur de notre ring de verre, c’était tout simplement l’incompréhension totale. Le silence se fit alors sous les regards ahuris des spectateurs qui ne comprenaient pas ce qui se passait. Même Mick semblait sur le cul pour le coup ! Bien… J’eus un sourire mauvais, avant de m’approcher de la bête, non sans lui dire : « Tends la patte comme un grand. ♪ » Immédiatement, la bête tendit sa patte droite en ronronnant presque. Là, on aurait presque pu être ému, mais la vision que j’eus de ce monstre bouffant de l’humain et l’odeur dégueulasse de sang et de chair humaine qu’il dégageait me raidirent.
- « Ouais, non, en fait, tu peux te tuer pour moi ? Eclate-toi la gueule sur cette paroi de verre, là. ♪ »
L’animal qui devait avoir compris l'essentiel de ma demande se leva alors et se dirigea vers la paroi du dôme où il y avait le plus de monde de l’autre côté. Et d’un seul coup, il commença à s’éclater brutalement la tête sur la vitre. Le dôme en lui-même se mit à trembler à plusieurs reprises à mesure que l’animal se défonçaient la gueule. La paroi devant lui devint très rapidement rouge et des cris horribles d’agonie couvrirent l’ensemble de l’endroit. Derrière, j’avais foutu mes paluches dans mes poches et j’avais arboré un sourire tellement dément qu’on aurait dit le diable lui-même ! A l’extérieur, 90% des spectateurs étaient choqués, horrifiés voire dégoutés. Y’en a quelques-uns qui rendirent à même le gazon ce qu’ils avaient bouffé. Ouais. Fin d’la partie. Au bout d’une longue poignée de minutes, l’ours finit par tomber au sol, le crane ouvert et sa gueule complètement en bouillie. Il était tout simplement méconnaissable et agonisait au sol. J’aurai pu l’achever, mais niet. Il n’avait eu que ce qu’il méritait. Et là, j’eus un rire nerveux. J’m’étais pas empêcher de tricher et user de mes compétences autres que le physique…
C’est dire que mon cas était désespéré : cogner seulement et ne pas user de sa tête était terriblement frustrant !
Et derrière l'espèce de serre, parmi tous les dégoutés, se trouvait un seul homme qui souriait comme moi :
Le Baron Sanglant en personne.
Dernière édition par Nihil le Sam 18 Mai 2024 - 13:13, édité 1 fois
- « T’as foutu quoi tout à l’heure ? T’es un dompteur de bête ou quoi ? »
- « Ouais, l’vioque. Un vrai dompteur. »
J’étais de bonne humeur. Après avoir quelque peu ruiné leur fête, j’étais clairement dans un bon mood ! Même voir la gueule du vieux boxeur ne me mettait pas en rogne, c’est dire. Ce dernier semblait d’ailleurs très partagé : s’il devait être satisfait du fait que j’ai survécu à ce fameux tour préliminaire, il n’en demeurait pas moins frustré… ? Sans doute devait-il chercher à remplacer la bête qui avait pourtant rendu de fiers services… Quelque chose comme ça. Et si c’était le cas, c’était tout simplement bien fait pour sa gueule ! J’avais tout simplement vengé tous ceux que l’ours avaient dû buter -même si en vérité, j’en avais strictement rien à foutre de ces victimes. Mick eut un soupir et préféra ne plus rien dire, tandis qu’une silhouette s’approcha de nous. Au bruit des pas, je me retournai et vis enfin le baron sanglant assez connu sur l’île, bien que de nature discrète si j’en croyais les anciens dossiers gouvernementaux auxquels j’avais eu accès par le passé. Nous étions donc au sein de son domaine, lui-même situé en plein cœur de Last Hope, le district le plus faste de Las Camp. Pas un rien. Au moins, je pouvais entamer une fuite si ça sentait le roussi, bien que pour le moment, tout semblait ok. Pour le moment seulement…
- « Nihil, c’est bien cela ? » Dit-il en me serrant la pince, son autre paluche venant tapoter amicalement l’une de mes épaules. « Vous êtes bluffant et prometteur comme me l’a signifié Mick ! Encore 4 matchs et vous toucherez le jackpot ! Personnellement, je miserai sur vous ! Vous êtes mon étalon cette saison ! »
Van Dongen de son nom n’arrêta point de tarir d’éloges à mon égard pendant cinq bonnes minutes au moins ! Il essaya bien entendu de me soutirer mon secret, mais il eut la même réponse qu’avec Mick : « Dompteur de bêtes », ce qui n’était pas faux dans un sens, quand on y repensait. Je le laissai débiter, jusqu’à ce qu’il daigne enfin me lâcher la grappe et s’en aller tout sourire, suivi de moult sbires. Il devait être bien surveillé en tout cas. Par la suite, je me renseignai auprès de Mick qui m’informa que nous étions au nombre de 16 survivants. 15 personnes avant moi avaient réussi le tour préliminaire, comme ils le disent, d’où les anciennes cicatrices du pauvre ours que j’avais dézingué peut-être ? Possible. Les matchs se feraient donc en un contre un. A chaque match gagné, le gagnant remportait un million de berrys. La victoire finale, elle, rapportait carrément sept briques, soit 10 millions si on gagnait le tout. Sacrée belle somme qui prouvait que les paris effectués étaient faramineux entre ces bourges qui voulaient voir le sang couler encore et encore. De plus, le boxeur m’avoua que la plupart des matchs étaient des matchs à mort. Ceux qui y réchappaient finissaient généralement paraplégiques ou tétraplégiques…
Une belle manière de récupérer le fric des vainqueurs des tours précédents et d’avoir moins de témoins ou victimes qui pourraient l’ouvrir une fois hors du domaine…
Le baron sanglant hein… Il portait bien son surnom, c’est sûr !***
C’est deux jours plus tard que je fus de nouveau envoyé au centre du ring de verre qui avait été nettoyé et retapé comme il faut. Les coups d’boule de l’ours suicidaires avaient fissuré une partie des parois ; mais ces dernières avaient été complètement réparés. Et, pour ces premiers huitièmes de finale, j’étais le premier à entrer en lice. Puisque je n’avais rien essuyé comme dégâts, les organisateurs avaient estimé que j’étais apte à combattre rapidement. Mon ennemi aussi en toute logique. Bientôt, ce dernier fit enfin son apparition… Ou plutôt cette dernière, car il s’agissait d’une femme. Une femme très peu vêtue d’ailleurs. Sa combinaison était un enchevêtrement de sangles en latex (ou en cuir ?) qui lui compressaient les formes, de quoi les mettre scandaleusement en valeur. Perchée sur des talons aiguilles et faisant des bisous imaginaires à la foule lointaine qui scandait son nom, j’eus un soupir de lassitude, complètement dévasté. Après l’animal mangeur d’hommes, je me tapais bien volontiers la dominatrix du coin. D’ailleurs, elle semblait avoir la foule de spectateurs/parieurs à sa cause, puisqu’ils ne faisaient qu’hurler son surnom : « Mystique la dompteuse ». Dompteuse, parce qu’en plus de son accoutrement sans équivoque…
- Mystique la dompteuse, 1000 dorikis:
… La blondasse aux jambes interminables était armée d’un long fouet clouté. Le truc qui devait bien faire mal…
D’ailleurs…
SPLOOOOOOOOOOOOOOOOOOCCCCCCCCCCCCCCCCCHHHHHHHHHHHHH !!!!
Alors que le coup d’envoi n’avait pas encore été donné et que seule porte du dôme de verre n’avait pas été refermé, la salope, une fois qu’elle fut proche de moi, fit claquer son fouet sans crier gare ! Le fouet me mordit salement la poitrine et un jet de sang s’en suivit tout de suite après ! Le geste fut tellement rapide que je n’avais rien vu venir ! Je n’eus même pas le temps d’hurler ma douleur. C’est dire ! Devant son attaque qui fit sacrément mouche, les hommes de la foule se mirent à hurler comme des demeurés ! Décidément, elle était populaire celle-là… Et comme je l’avais pressenti juste avant, son putain de fouet faisait un mal de chien ! Si j’avais serré mes dents pour ne pas hurler à mort (ce qui donnerait satisfaction aux spectateurs), ma gueule était toute rouge, congestionnée, froissée comme jamais. C’est sur qu’elle allait m’faire souffrir, celle-là. Néanmoins, j’ouvris la bouche pour gueuler auprès de Mick qui s’empressait de fermer la gueule : « Y’a pénalité là ! On n’a même pas encore commencé ! » Et cet enfoiré eut un rictus avant de me répondre comme suit : « On a rien prévu comme règlement mon p’tit gars ! » Ce qui était vrai, tiens… J’avais pas eu vents de règles moi… Hormis gagner et se sortir de ce traquenard !
- « Ne t’en fais pas mon chou ! Je ferai en sorte de ne pas abimer ton joli visage et on pourra profiter tous les deux une fois que je t’aurai paralysé, hihihi ! »
La porte se referma enfin, marquant le début des hostilités. J’étais réellement tombée sur une cinglée…
- « Pose ton fouet s’il te plait… ♪ »
Sans perdre plus de temps, j’usai de mon hypnose pour essayer d’en finir… Mais bien entendu, il ne se passa rien. La détraquée avait juste haussé un sourcil, avant d’éclater de rire, comme si elle avait compris la nature de ma capacité. Cette dernière était pratique en tous points. En plus de me permettre de charmer mes opposants, elle me permettait aussi (et dans une certaine mesure) de les évaluer. S’ils succombaient à mes paroles envoutantes, ça signifiait tout simplement qu’ils étaient deux fois moins forts que moi. Dans le cas contraire, c’était la mouise et ça augurait une baston des familles comme j’les détestais. Ouais. Je kiffais pas foncièrement la baston. Une chose était de vouloir être puissant, une autre d’aimer ça ; même si à mon corps défendant, la sensation d’une victoire était toujours grisante, qu’importe la manière de gagner. Dans mon cas, j’allais devoir user de tous mes atouts. C’était en tout cas comme ça que je voyais les choses. D’ailleurs, je finis par retirer ma chemise qui avait été déchiqueté au niveau de la poitrine, ce qui eut pour effet d’arracher un sifflet d’admiration devant la timbrée me faisant face. Cette dernière gloussa et son regard était devenue on ne peut plus pétillant. V’là la perverse… Plutôt crever que finir par devenir son jouet sexuel, que j’pensais. En fait non : j’allais buter cette chiennasse !
- « Danse pour moi, petit Nihil ! »
Un seul mouvement du poignet lui suffit pour faire bouger son fouet dans tous les sens. Cette fois-ci, j’eus le temps de le voir venir et d’esquiver d’un bond sur le côté, avant de commencer à courir dans tous les sens. L’idée était non seulement d’essayer de trouver une faille, mais aussi de l’amuser, ce qui eut du bon. Le fait de courir comme un dératé autour d’elle lui fit croire que j’étais aux abois, ce qui eut pour effet de la faire rire. En attendant, je vis qu’elle n’avait pas besoin de grand-chose pour faire bouger son long fouet. Ce dernier mouvait comme un serpent boa ou un python autour d’elle, lui assurant ainsi une défense quasi-impénétrable. Au centre d’un périmètre que son arme cernait de toutes parts en ondulant par vagues, Mystique ne daignait pas bouger, ce qui rajoutait encore plus d’aura à sa prestance… Scabreuse… ? Ouais, parce qu’elle avait vraiment l’air d’une strip-teaseuse comme ça. Macho, moi ? Clairement. La bienveillance et le politiquement correct, c’était pas ma came. Une pensée qui me poussa, une fois dans son dos, à foncer brutalement en ligne droite vers elle. En tournant sa bouille de biais, elle n’eut qu’à tourner un peu son poignet pourque son fouet ne vienne à ma rencontre. Si j’esquivai la première vague d’attaque en sautant, la deuxième m’atteignit de plein fouet au torse et m’envoya bouler contre une vitre…
Bordel… Son arme avait mangé un fruit ou quoi ?!
- « Tu as cru que j’avais des angles morts, c’est ça, hein ? Erreur typique de débutant ! »
- « Kof kof kof ! »
Pris d’une quinte de toux, j’préférai me taire. Pas comme si j’pouvais l’ouvrir de toute façon vu comment elle m’avait lacéré la chair de mon torse pour la deuxième fois. Ma poitrine ruisselait complètement de sang. A ce rythme-là, elle allait me réduire en charpies et c’était pas du tout le destin que j’souhaitais embrasser. Dehors, les parieurs continuaient de gueuler en son honneur… Et parce qu’ils me kiffaient certainement pas depuis que j’avais salement fait buter leur gentil ours dans des conditions atroces. Décidément, j’étais pas très côté dans l’coin. Possible que seul le baron ait parié sur moi, heh ! En attendant, c’est péniblement que j’me levai, avant d’effectuer un nouveau bond façon corde à sauter pour esquiver son fouet. Et me revoilà entrain de courir pour sauver mes miches. Putain, tu parles d’une vie ! J’étais entrain de réellement danser pour elle ! A ce rythme-là, elle allait m’épuiser et s’amuser à me torturer ensuite ! Galère ! Une énième fois donc, je pris mon courage à deux mains pour foncer dans son périmètre, mais le son arme qui zigzaguait autour d’elle ne me permettait rien ! En désespoir de cause, j’lui balançai ma lance, mais elle réussit à l’écarter à l’aide de son arme qui finit même par s’enrouler autour de mon bras, avant d’me balancer de force contre l’une des parois de l’espèce de serre nous entourant.
C’est la tête la première que j’me fracassai contre une vitre, avant de tomber piteusement au sol…
- « Oups ! Pardon, hihihi ! Je ne voulais pas abimer ton minois ! Promis, je le referais plus ! »
C’était certainement la goutte de trop, heh… Si bien que lorsque j’me relevai péniblement…
- « AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAHHHHHHHHHH !!!! »
Un cri strident se propagea dans tout le dôme ! Si les spectateurs externes furent épargnés par mon hurlement grâce au dôme, Mystique eut moins de chance. Le verre blindé qui nous entourait eut pour effet d’amplifier ce son assourdissant qui la frappa de plein fouet, si bien qu’elle perdit instantanément l’équilibre, mais pas que. Ses oreilles se mirent également à saigner, preuve que je lui avais bousillé ses tympans. Etalée au sol, la blonde tremblait sur elle-même sans trop comprendre ce qui lui était arrivé. Son état me permit enfin de réduire la distance et de me tenir à ses côtés, le visage couvert de sang. J’avais le pif défoncé et l’arcade sourcilière ouverte. Autant dire qu’elle m’avait pas loupé. Ayant récupéré ma lance, je lui tranchai les deux mains, avant de m’emparer également de son fouet et faire un nœud avec au bout de mon arme de jet. Puis, en prenant de l’élan, je balançai de toutes mes forces mon arme qui alla se planter dans le plafond de verre. Le fouet, lui, pendouillait à quelques mètres du sol. Comprenant ce qui allait se produire, la plupart des parieurs se mirent à hurler. Certains me supplièrent d’arrêter, tandis que d’autres m’insultaient de tous les noms. Je haussai mes épaules et je soulevai la blondasse sans efforts avant d’aller enrouler pour ne pas dire attacher solidement son fouet à son cou.
Les pendaisons publiques, c’était toujours des moments extraordinaires, non ?
- « ‘Tain, j’me prendrai bien un bon bain, moi… » Que j’marmonnai, tandis que la pauvre blonde gigotait dans tous les sens…
Réflexion toute faite, j’allais p’être me aller me renforcer gentiment à l’île du karaté. C’était p’être plus sage, oui…
- « SALAUD !!!! »
- « ENFOIRÉ !!!! »
- « PENDRE UNE FEMME, T’AS PAS HONTE ?! TORTIONNAIRE !!! »
- « SAUVAGE !!! BRUTE !!! »
Lorsqu’on me fit sortir du dôme en verre, tous les spectateurs ou presque se mirent à me siffler et à me huer. La plupart me jetèrent même certains objets comme des bidons d’eau, des tasses de thé et j’en passe. Mystique avait fini par clamser salement. J’vous raconte pas comment elle avait dégueulassé l’intérieur du dôme pendant sa pendaison. C’était pas jojo à voir en tout cas. Même Mick eut l’air dégouté en me regardant et m’escortant loin d’ici. Seul le baron sanglant leva un pouce en l’air pour me féliciter, gros sourire aux lèvres. Attablé avec d’autres nobles, l’homme ne pouvait surement pas venir me féliciter sur le moment, mais je sentais qu’il s’était fait un beau p’tit pactole. Normal s’il fut le seul à parier sur moi. Pour ma part, je restai stoïque et traversai la foule qui me conspuait jusqu’à ma chambre. Depuis ma victoire sur l’ours, moi comme les autres concurrents logions dans des chambres on ne peut plus décentes dans une aile du manoir même du baron. Une manière de nous estimer un peu plus, surtout vu l’argent que tous ses invités misaient sur nous. Du beurre pour nous attendrir et nous appâter, quoi…
- « T’aurais pu en finir avec elle proprement, non ? » Que Mick m’fit comme remarque.
- « Ah bon ? Y’avait cette stipulation dans votre règlement ? » Ironisais-je.
Mick me fusilla du regard et n’ajouta plus rien jusqu’à ce que j’arrive dans mes quartiers.***
- « Mh ? Déjà ? Le tournoi est annulé ? »
- « Non, pas du tout. Mais c’est bien la première fois que l’baron s’en est mis plein les poches : plus d’une centaine de millions sur ta tronche. »
- « Rien que ça, heh… »
Nous étions tard le soir. En plus de la bouffe qu’on m’avait apporté, Mick était venu avec une valise pleine de cinq millions de berrys. Le baron avait tout simplement quintuplé le gain que j’devais avoir en ayant gagné mon combat. Quelle gentillesse… C’était la preuve qu’il m’estimait vraiment, même si j’aurai préféré un peu plus quand même. On s’refait pas ! « Je m’attendais pas à être déjà payé… » Mick haussa les épaules sans me répondre et me fit un signe de tête pour me saluer, avant de se barrer de ma chambre. Quant à moi, je touchai les liasses, comptai ensuite le tout pour finalement être rassuré qu’il s’agissait de vrais billets. Pas de faux. Une manière pour eux d’appâter les vainqueurs et leur donner un semblant de confiance… A la fois subtil et pas du tout, quand on savait qu’ils n’auraient qu’à récupérer la valise si je crevais comme un chien dans leur satané ring en verre. C’est d’ailleurs à ce moment précis que j’me fis la réflexion qu’il était temps de prendre la tangente. Un compétiteur serait allé au bout, mais j’en étais pas un. In fine, j’allais me démerder autrement pour m’améliorer comme il se doit. Mais pas ici. Ici, j’sentais de loin que l’affaire allait mal tourner, surtout que j’avais dû trop provoquer les hôtes du baron… Logiquement, pour calmer ses invités, le baron allait m’offrir en pâture à un combattant plus costaud…
Ça coulait de source en me mettant à sa place. Et c’est ce que j’aurai volontiers fait aussi…***
C’est peu après minuit que j’quittai ma chambre en catimini. Dans l’aile du manoir dans laquelle j’étais, pas un chat. Rien du tout. Je n’eus pas trop de mal à me faufiler dans les gigantesques couloirs et allées jusqu’au hall du manoir. C’est là que je croisai certaines personnes que je pris soin soit d’assommer à chaque fois avec ma valise pleine de cash. J’aurai certainement pu demander à Mick d’me libérer, mais maintenant que j’étais une sorte de poule d’or (quoique futur sacrifié si je me fiais à mon intuition), pas dit qu’il m’aurait écouté. Puis, lui, il perdait rien pour attendre. Un jour viendrait où j’lui règlerais son compte, très certainement. C’est donc dans ce mood que je quittai le manoir façon ninja. Mon parcours fut semé d’embûches. En une demi-heure, j’avais croisé plusieurs gardes ou chiens de garde que j’ai assommé ou hypnotisé selon les cas. Une fois dehors, c’est au pas de course que je m’évanouis dans la nature. Il me fallut une heure supplémentaire pour quitter Last Joy et gagner le port de Las Camp. Par chance, un navire marchand entamait son départ. Sans me faire prier, j’hypnotisai un membre de l’équipage pour qu’il me fasse monter à bord comme étant sans cousin, puis on m’offrit une cabine miteuse. Mieux que rien.
A son retour de beuverie, Mick serait pas content. Le baron non plus. Mais qu’importe.
Etais-je une girouette ? Oui !
L'héroïsme romancé, peu pour moi ! L’adversité, j’lui faisais un doigt d’honneur quand c’était nécessaire.