Concours de circonstances au Pays des Sables

Le bureau du Gouverneur était un lieu ambivalent, autant que pouvait l'être la politique locale. Un rectangle de pierre, un sol couvert d'un revêtement quelconque, quelques tableaux d'artistes locaux et d'ailleurs. Des armoires remplies de dossiers, qui étaient constamment fermés sous clé. Un lustre lambda éclairait la salle, d'une lumière légèrement chaude. Au sol, un tapis de grande confection paraît la pièce, de ses belles teintes de rouges et de bruns. Un sofa, trônait au milieu avec quelques fauteuils de bonnes factures, puis une table de fer forgée les accompagnaient. Dessus, un service à thé, fait d'un argent pur, cadeau de la famille royale. Enfin, le meuble le plus coûteux de l'ensemble du bâtiment administratif était le bureau, un travail d'orfèvre mené par de talentueux ébénistes de Marie-Joie, qui ont travaillé ce bloc de bois d'Adam comme de véritables virtuoses. Edouard Elneschkov, ce petit homme grisonnant en costume bleu était la plus haute autorité d'Hinu Town. Ancien agent du Cipher Pol 7, il avait su se tailler une place sur l'échiquier mondial et jouissait de cette semi-retraite au soleil. Retraite qu'à moitié, car ces derniers temps plus que jamais, la famille royale, qui n'avait plus qu'un rôle symbolique, posait problème. Les Al-Jawhara, qui autrefois tenaient ce pays comme le leur, était en fâcheuse posture. La seconde fille du roi fut mariée à un Dragon Céleste de la terre divine, mais Saint Rodrik Albenas choisi de la réduire en esclavage. Son droit après tout, il disposait de la vie de n'importe quel être vivant, comme son rôle le lui permettait. Or, ceci n'était pas du goût de tous et un pirate l'en libéra, la faisant sienne. Autant dire que la colère divine grondait comme un nuage noire d'orage. Ce nuage-ci avait des moyens autrement plus terribles que la pluie, pour exprimer sa frustration, Hinu Town devait alors retenir sa respiration.  Qui plus est, les idéaux de la Révolution se répandaient comme une traînée de poudre dans le désert. Le peuple était séduit par la liberté promise et les frasques des Vingt Familles dirigeantes alimentaient cette vague de rébellion.

Devant un énième coup dur qui, Edouard le savait, allait ternir l'image du Gouvernement Mondial, des mesures préventives étaient de mise. Aquila l'avait bien dit au roi Muhammad, rester sous le joug de l'Instance était ce qu'il y avait de mieux à faire. Mais poussé par un peuple grondant, lui aussi se laissait parfois porter par l'idée d'un Royaume Indépendant, comme pouvait l'être Kanokuni par exemple. Des songes que le Gouverneur souhaitait tuer dans l'œuf. Aujourd'hui, c'était d'ailleurs le jour J. Un plan minutieusement préparé depuis des semaines allait être mis à exécution. Fort d'un réseau de relation très influent et de ses nombreuses connexions au Cipher Pol, il avait réussi à mettre au point une opération secrète, dont les acteurs principaux nommaient "Opération Crocodile". Se levant de son fauteuil en cuir, il se retourna vers les grandes vitres qui lui donnaient une vue imprenable sur la ville d'Anataka, les mains dans le dos, il observait la demeure royale, qui elle témoignait le faste et le prestige dont manquait les locaux du Gouverneur, sachant pertinemment ce qui allait se passer.



Dans l'un des jardins intérieur du palais royale des Al-Jawhara, celui qui se trouvait dans l'aile Ouest, toute une ménagerie s'amusait. Un singe se balançait de colonne en colonne, celles faites de marbre qui soutenaient l'étage supérieur et encadrait ce lieu verdoyant, tandis que deux Calopsittes blanches étaient perchées aux balustrades, sifflants des airs mélodieux. Immanquable, un éléphant gris aux défense massives et à l'allure noble usait de sa trompe pour faire rire une enfant richement vêtue. Son dos était couvert d'un tapis de soie, cousu de fils d'or et de bijoux. Enfin, un animal bien moins sympathique rodait. C'était un félin massif, un tigre à la robe orange et aux larges rayures noires comme la nuit. Ses crocs étaient acérés, ses griffes de véritables poignards. Quelques gardes, situés aux points cardinaux, surveillaient l'endroit comme à leur habitude. D'aucun aurait réagit, tirant son arme pour défendre l'enfant du prédateur, mais ils ne firent rien. Car Shara Al-Jawhara avait ce don, celui d'être l'amie des bêtes. Sa ménagerie lui avait été offerte et constituée par son propre père, qui chaque année lui offrait un nouvel animal. Le fillette riait aux éclats, s'émerveillant chaque jour de ce que la vie pouvait offrir à quelqu'un de son rang.

Mais ceci allait peut-être changer.

Dans le palais, quelques soldats semblaient maladroit dans leur armure faite de cuir et de fer. Ils étaient une douzaine et s'étaient dispersés après avoir pris leur poste. Depuis le matin, ils évitaient de trop parler à leurs confrères, par peur d'être démasqués. Car aucun de ces douze n'était un garde royale. Recrutés par un mystérieux client, ils avaient une mission d'une importance capitale à mener à bien. Ces hommes étaient à l'origine des brigands fauchés, trouvés dans les diverses villes côtières du pays. Ils n'avaient plus rien à perdre que la vie, ce qui les rendait faible face à l'appât du gain. Une belle fortune leur fut alors promis, s'ils s'exécutaient selon les termes du contrat. Ce à quoi ils s'affairaient alors.
Il était alors aux alentours de onze heure trente, lorsqu'ils se présentèrent à l'aile Ouest. Ils prirent la relève de la garde, mais devant la suspicion de l'un des soldats, furent obligé d'employer la manière forte. Ils réduisirent au silence, en les assommant, les quatre gardes, puis fondirent sur Shara. Elle cria, mais fut entravée par un chiffon qu'on lui fourra dans la bouche. L'éléphant riposta violemment, ainsi que le tigre, mais les soldats étaient prêt à tout. Les pas des gardes se faisant déjà entendre dans les couloirs, ils prirent la fuite, laissant quatre des leurs affronter les animaux qui voulaient libérer leur maîtresse. Ils s'échappèrent en trombes, au nez et à la barbe de la milice royale qui ne pouvait que réagir trop tard.

Les brigands fuirent le palais royale, prenant la direction du centre ville d'Anataka. Le roi était en furie, sa seconde fille, puis maintenant ça, c'en était trop. Il enrageait, vociférant des ordres inintelligible à ses gardes. Sa douce petite dernière, il était terrifier de ce dont pouvait être capable les ravisseurs et fit alors appelé par Escargophone le Gouverneur, qui avait fait le décompte dans sa tête, sachant ce qu'il adviendrait.

> Allô Muhammad, que ce passe-t-il ?
> C'est intolérable... Shara... il faut la retrouver immédiatement ! Criait le roi dans la panique. Ma fille, des brigands l'ont enlevés et ils se sont échappés du palais, retrouvez-là !
> Quelle tragédie, je vais envoyer la Marine pour s'en occuper ! Avez-vous eu des revendications ? Si nous connaissons nos ennemis nous saurons comme les vaincre, affirma calmement Edouard.
> Je... Heu non, je vais demander, fit-il avant de dispenser des ordres à ses hommes qui s'exécutèrent aussitôt.
> Je vais mettre sur le coup un agent du Cipher Pol, il semblerait que l'un d'eux soit actuellement en ville, nous allons faire tout ce qu'il faut pour que Shara rentre à la maison, saine et sauve.
> Il le faut, il le faut, je ne vais pas tenir le coup sinon Gouverneur. Kensa, maintenant ça...
> Doucement mon roi, il n'y aura pas de "ça" justement. Puis évitez de parler de votre fille sur une ligne ouverte comme celle-ci, n'oubliez pas ce qu'il s'est passé, le corrigea habilement Edouard.
> Oui.. hum, d'accord, fit Muhammad, alors qu'il parler enfaite à l'un de ses soldats. Une lettre a été retrouvée, il semblerait qu'une rançon de 100 millions soit demandées, elle est signée d'un cobra mordant le soleil.
> D'accord, c'est une très bonne chose, nous savons désormais ce qu'ils veulent, donc la vie de votre fille ne sera pas mise en danger, ils en ont besoin pour leur échange, rassurez-vous. Aussi, ce que vous me décrivez-là est le sigle d'un groupe qu'on a nommé "Cobra", bon ce n'est pas original, je vous l'accorde, mais il s'agit d'une groupuscule révolutionnaire assez véhément. Nous sommes sur leurs traces, nous cherchons à les coincer mais ils opèrent depuis des bases mouvantes dans le désert. On va y parvenir, j'ai déjà envoyé des unités à leur poursuite, ayez confiance, je vais faire tout ce qui est en mon pouvoir, pour que Shara s'en sorte le plus rapidement possible, ceci est une promesse.

Les deux hommes échangèrent encore quelques instants, tandis que le Gouverneur fit appeler l'agent du Cipher Pol qu'il savait être là. Après tout, il en avait lui-même fait la demande, pour s'assurer qu'un agent supervise l'Opération Crocodile. Seulement, lorsqu'il su qu'un agent de Troisième Catégorie lui avait été envoyé, il s'était emporté, contre les coordinateurs, qui selon lui, ne faisaient plus leur boulot comme il le fallait. D'autant plus que cet agent gouvernemental n'était même pas des forces d'actions du Cipher Pol 5, non, c'était un simple type du Pol économique.

Les ravisseurs de la princesses avaient déjà avalés près d'un kilomètre et demi depuis le palais. La fillette enfouit dans un sac de jute, ils courraient en formation serrée, à travers le centre-ville, là où il y avait le plus de monde. C'était savamment pensé, car ainsi les forces de l'ordre auraient plus de mal à les arrêter, ce qu'ils escomptaient bien. Ils zigzaguaient dans les ruelles bondées de la capitale, poussant les civiles à leur passage et cherchant à s'enfuir par la porte Nord qui était ouverte, grâce à la paix permise par le Gouvernement Mondial.

Ce plan était parfaitement huilé, mais un grain de sable se glissa dans ses rouages.

Ce petit rien pris la forme d'un homme qui s'étouffa avec une datte, le noyau s'étant coincé dans sa gorge. Suffoquant, il fut heureusement sauvé par le vendeur, qui se glissa dans son dos, mis ses bras autour de son abdomen et l'étreignit par à-coups jusqu'à lui faire cracher l'indésirable. Le noyau fila, jusqu'à frapper l'œil du dromadaire d'un marchand qui vendait des babioles colorées. L'animal gémit et se secoua violemment, défaisant la corde qui l'attachait à sa charrette, qui glissa alors vers l'arrière et obstrua la rue que les ravisseurs voulaient emprunter. Les passants rouspétaient, mais les membres du faux groupe Cobra n'eurent pas le temps de dégager la voie et s'empressèrent de prendre une rue adjacente. Déterminés, ils fonçaient à vive allure, plus que quelque centaines de mètres les séparaient du mur d'enceinte, derrière lequel s'étendait le désert quasiment infini. Ils passèrent devant un restaurant, puis quelques boutiques.

BooooooooooM

L'explosion fut retentissante, elle secoua le quartier entier.
La boutique d'un antiquaire véreux venait d'exploser ébranlant alors le bâtiment entier qui s'effondra dans un fracas apocalyptique. La terre trembla, un panache de fumée s'éleva en l'air, tandis qu'une vague de poussière engloutis la rue en un rien de temps. Le bruit résonnait, plusieurs minutes encore après, dans les oreilles des voisins sur quelques pâtés de maisons. La ville entière n'avait plus d'yeux que pour cette colonne grisâtre qui pointait du doigt le lieu de l'explosion. Les forces de la Marine s'y rendirent à toute vitesse, mais sur place, le plan d'Edouard pris une nouvelle direction. Au moment de l'explosion, l'homme qui portait le sac de toile eu le temps de réagir. Dans un ultime élan de bienveillance, il lança la fillette enfermé par la fenêtre de la maison qui se trouvait à côté de lui. Le verre éclata juste avant son passage, sous le coup de la déflagration. A l'intérieur, une femme aux cheveux bruns réceptionna, de manière totalement inopiné, ce colis humain. Surprises, elle l'était beaucoup moins par l'explosion.

> Il faut s'en aller, lui cria Valco, son compère.

Hagard, elle n'ouvrit pas le sac, se contentant alors de le prendre avec elle avant de s'échapper par une porte donnant sur la rue parallèle à l'explosion. Sous son chèche, son compagnon blond à lunette la pressait à maintes reprises. Ils prirent la tangente, jusqu'à s'échapper par la porte Nord, trouvant ainsi le désert face à eux. Ni une ni deux, ils volèrent deux chameaux à des caravaniers qui étaient discutaient bruyamment de la déflagration, alors qu'ils espéraient vendre des épices au marché cet après-midi là.

> Jettes-moi ça, lui ordonna Valco que l'on nommait régulièrement "Boom Boom".
> Mais nan, t'imagines y'a plein de bijoux ? Se languissait Adria, qui vouait de riches intentions à ce cadeau tombé du ciel, littéralement.
> Bon va s'y, mais dépêche, on rejoint le camp.
> Ok trop cool, fit-elle avant de desserrer le nœud qui le refermait. Heu.. on... on a un problème, bégaya-t-elle embêtée.
> Quoi ? C'est quoi encore ton problème ? Râla Valco.
> Bah.. c'est une gamine..
> Dans quelle merde tu nous a encore fourré, soupira le chef d'équipe avant de se retourner et de voir Shara, inconsciente. T'as vu comme elle est habillé ? Y'en a pour un bras et mes cou****, tu fais chier, tu le sais ça ? Reprit-il de plus belle.

HRP:

Deux jours auparavant, bureau du Gouverneur


Edouard était confortablement assis sur son siège de cuir, les coudes sur les accoudoirs et les mains liées devant son torse. Face à lui, Wolt se tenait droit comme un pique, la posture qu'on lui avait apprise lors de sa longue formation. Jambes écartées à la largeur de ses épaules, une main serrant son poignet de l'autre dans le dos, le menton droit, il venait de se présenter. Quelques unes de ses mèches encadraient son visage, qu'une paire de lunettes rendait plus sérieux. Sa barbe parfaitement taillée, son costume cintré et sa cravate convenablement nouée, il avait tout de l'image collective d'un agent du Cipher Pol. Il n'était pas de ceux qui brillaient de leur personnalité volubile, ni de ceux dont les extravagances attiraient le regard. N'ayant plus rien d'autre, en ce monde, que ce métier, il était alors le parfait produit de la formation d'agent de l'agence gouvernementale. 

> Vous êtes agent du 2ème Pol, c'est bien ça ? Questionna Edouard avec curiosité.
> Affirmatif monsieur, je suis agent de 3ème catégorie.
> Un nouvel agent ? Vous êtes plus âgés que la moyenne, cela n'est-il pas un problème pour vous ?
> Oui je suis fraîchement promu, fit Wolt solennellement. Aucun souci, je m'attache à accomplir mes missions au mieux.
> Parfait, je vous donc vous expliquer la vôtre, débuta le Gouverneur. Le contexte ici est des plus instable, la population se fait gangréner par les idées révolutionnaires et la famille royale, bien qu'ayant un rôle purement symbolique, est en proie à des intrigues plutôt inquiétantes. La seconde fille du roi Muhammad as été mariée à un Dragon Céleste, puis kidnappée par un pirate d'ici. Je n'ai donc pas besoin de vous faire de dessin, la foi portée au Gouvernement Mondial s'étiole ici. Dans deux jours, la dernière de la famille Al-Jawhara sera kidnappée par un groupe de mercenaire, ils demanderont une rançon. Vous serez appelé et vous remonterez leur trace jusqu'à les coincer et libérer leur otage. Un de mes hommes est infiltré dans le groupe, il s'assurera qu'elle ne soit pas blessée avant et de revendiquer l'action, comme émanent d'un groupuscule Révolutionnaire. Avez-vous le moindre problème avec ce plan ? Demanda Edouard, qui regretterait d'avoir à faire assassiner l'agent s'il ébruitait ce plan à même de soulever le peuple tout entier.
> Aucunement monsieur, la mission est de trouver la fille et de mettre hors d'état de nuire les kidnappeurs, c'est ce que je ferais, répondit sobrement l'ex-bureaucrate.
> Vous m'en voyez ravi, sourit le Gouverneur. Nous vous avons fait un plan de leur itinéraire, je vous laisse donc deux jours pour faire votre repérage, si vous avez la moindre question, n'hésitez pas.
> Merci de votre confiance, les kidnappeurs doivent être ramenés vivants pour comparaître devant un juge ? 
> Pas forcément, ils seront payés par une succession d'intermédiaires, les pistes seront brouillées. Par contre, il faudra tuer mon contact, qui lui sait qui je suis. 
> D'accord, comment puis-je le repérer ? Demanda Wolt, pragmatique comme à son habitude.
> Il est roux et possède de nombreuses tâches de rousseur sur le visage, ça ce voit qu'il n'est pas d'ici. Cela fait déjà un moment qu'il travaille pour moi, mais s'il parle, un scandale au graves conséquences pourrait s'ensuivre. 
> C'est bien compris monsieur, il se taira à jamais.

Sur le bureau d'Edouard, un dossier nommé "Opération Crocodile" était tourné vers l'agent du Cipher Pol. Wolt s'en saisit avant de de prendre congé du Gouverneur dont le visage ne trahissait aucun émoi. Pourtant, il venait de commanditer la mort de l'un des hommes en qui il avait le plus confiance. C'était pour cette raison, précisément qu'il l'avait choisi, car il ne pouvait la confier à personne d'autre. La fin justifiait les moyens, cette maxime dictait bien souvent les actes de l'agence gouvernemental, pour qui il avait autrefois travaillé. Aujourd'hui encore, elle marquait sa façon de penser ainsi que les décisions qu'il prenait.

Du haut de son mètre quatre-vingt, Wolt paraissait minuscule, en comparaison du Lieutenant Masamune. Le lapin était un véritable colosse et cela appuyait grandement son charisme naturel. Les ordres fusèrent aussitôt, l'Officier-Subalterne était prompt à réagir, ce qui plu à l'agent du Gouvernement Mondial. Trois soldats prirent la tête, pistant à travers le désert les traces des camélidés, larges et faciles à suivre. Dès lors que la marche fut ordonnée, le blond s'abaissa pour analyser l'empreinte de pas des chameaux. Jusqu'à présent, il n'en avait jamais vu, mais il enregistra rapidement les détails importants. Le pieds large permettait à ces animaux de ne pas trop s'enfoncer dans le sable granuleux, leur faisant ainsi économiser beaucoup d'énergie. Car ce sol peut s'avérer extrêmement fatiguant, instable, il force l'organisme à démultiplier les efforts pour parvenir au même résultat que sur une terre plus commune. Se redressant, l'espion emboîta le pas du Lieutenant, qui prit la tête des troupes. Avare en paroles, Wolt distilla malgré tout quelques informations à ses compagnons de fortune.

> La dernière fille du roi, Shara Al-Jawhara a été enlevée par un groupuscule révolutionnaire, en fin de matinée. Le groupe a fuit à travers la ville et a été surpris par une explosion. Celle-ci est sûrement dû à un attentat, mais je n'en sais pas plus. Wolt omis sans remords toutes les machinations du Gouverneur. Ce que je sais, c'est que les présumés responsables de cette attaque à la bombe ont récupérés Shara est fuient maintenant vers le désert. Ils doivent sûrement avoir une solution de repli là-bas, expliqua l'agent, tandis qu'ils avançaient.

Le Lieutenant ayant plus d'informations, pouvait désormais jauger du danger et de l'implication de ses hommes dans cette affaire. Sans grande surprise, il acquiesça et poursuivit sa route. Sûrement devait-il réfléchir à cette situation, mais il se garda, dans un premier temps, d'en dire plus à l'agent gouvernemental.

Le soleil irradiait, frappant l'île de plein fouet. L'air était chaud, sec et poussiéreux. Les soldats s'enfonçaient de quelques centimètres à chaque pas, alors qu'ils n'étaient encore qu'à l'orée de cet océan sablonneux. Devant eux, le paysage était incroyable. Des dunes de sables s'élevaient partout, pointant, pour certaines à plusieurs dizaines de mètres de hauteur. Les conditions bien que déjà précaire, étaient encore bonnes par rapport à ce qui les attendaient. L'agent du Cipher Pol parlait peu, mais sociabilisa un minimum. Bien entendu, il ne parlait absolument pas de lui, formé à ne rien révéler de sa personne, ni de ses intentions. Il posait plutôt des questions, notamment sur le désert et ses spécificités. Récemment, au cours d'une mission qu'il avait mené sur l'Archipel Vert, un autre agent spécialiste de la traque l'avait formé à pister des traces. Ceci étant dit, la jungle n'avait rien à voir avec ce décor-ci, ce qui faisait toute la différence.

Ils marchèrent, encore, encore et encore. Il n'y avait pas le moindre oiseau dans le ciel, peut-être avaient-ils peur de s'enflammer, tant il y faisait chaud. Quelques rares lézards profitaient du sol bouillant pour se revigorer, tandis que le groupe entamait l'ascension des dunes. L'affaire n'était pas simple, il leur fallait grimper en passant par la crête, sans quoi, ils risquaient de tomber en contrebas, ou simplement se retrouver enseveli jusqu'à la taille et peiner à s'en sortir.

> Êtes-vous ici depuis longtemps Lieutenant ? Je me trompe peut-être, mais votre condition de Minks ne doit pas être très favorable à cet environnement, non ? Demanda Wolt, qui s'interrogeait quant à la contrainte que cette épaisse fourrure devait exercer sur son métabolisme, par des températures si élevées. Les gouttes perlaient sur le front de l'agent, qui replaça ses lunettes sur son nez.

Au palais royal d'Anataka, l'angoisse et la panique primaient sur la retenue et la clairvoyance. La famille Al-Jawhara était meurtrie et ce nouveau coup de poignard, était comme l'estocade finale portée à un animal blessé. Muhammad faisait les cent pas, dans son bureau personnel, un grand quadrilatère de marbre, dorures et bois d'ébène. L'escargophone posé sur le coin du pupitre depuis lequel il gérait ses affaires, il attendait impatiemment des nouvelles de sa petite dernière. Lui qui optait souvent pour une position de détachement, qui paraissait si habile à masquer ses émotions, était là en profonde détresse. Les réminiscences des récents événements avec Kensa le tourmentaient. Il avait été obligé de châtier sa fille chérie, après qu'elle soit revenue de l'enfer, dans l'antre des Dragon Célestes. Son amertume encore omniprésente, voilà que c'était désormais le camp adverse qui lui plantait un couteau dans le dos. Soudain, il entendit toqué à l'épaisse porte à double-battant. Il invita à ce que l'on entre et le garde qui s'occupait de sa sécurité ouvrit le passage au petit homme grisonnant qu'était le Gouverneur.

> Muhammad, ne soyez pas si angoissé, je vous jure que nous allons vous ramener Shara, tenta-t-il de rassurer le roi.
> Des paroles, des paroles mais eux ont agit ! Je vais lancer un avis de recherche ! Voilà une bonne idée, s'emporta Muhammad qui indiqua à son garde de se rapprocher.
> Mon cher, ce n'est pas util...
> Faites publier un avis de recherche, j'offre 50... non 100 millions à qui retrouve ma fille saine et sauve ! Vite !
> Oui monsieur, s'inclina le garde avant de partir en courant.
> Muhammad, calmez-vous, je vous en pris, fit Edouard exaspéré. Son plan avait mal tourné et maintenant il devait réparer les pots cassés. Mon équipe est sur le coup, pendant ce temps, la Marine gère la crise en ville. La bombe qui a explosé a causé pas mal de dégâts.
> Tiraillé entre le roi qui souhaite le bien de son peuple et le père qui enrage de savoir sa fille kidnappée, je ne sais plus quoi faire, ni comment agir...
> Vous devriez apparaître en place publique, allez voir votre peuple, rassurez-le quant au traumatisme qu'il vient de subir. La Révolution dévoile son visage le plus cruel aujourd'hui, faites-moi confiance cher ami, nous résoudrons tous ces problèmes ! Ces derniers mots laissèrent Muhammad pensif. Comme revigoré, il adopta une posture fière.
> Si avant minuit ma fille n'est pas rentrée, alors je me passerais de vos services Gouverneur et j'enverrai ma garde personnel régler ce problème ! Fit-il sévère. Sur ce, je vais parler à mon peuple, vous avez raison, tel est mon devoir !

On ne peut décidemment pas leur faire confiance, pensa Wolt à propos des éclaireurs.

Il n'éprouvait aucune animosité particulière envers la Marine de manière générale, mais depuis qu'il menait des missions sur le terrain, il n'avait pu que constater les dissonances entre les deux institutions. Sous le pavillon estampillé de la mouette, les marins misaient avant tout sur le nombre, leur capacité à être présent partout et à intimider via leur puissance de feu. Le Cipher Pol, lui, était bien plus sobre et discret. L'accent était mis sur l'efficacité des agents, la capacité de l'institution à recueillir des informations et la discrétion. Une voie qui sied bien mieux à Wolt. Une fois de plus, la Marine trouvait ses limites. Là où les éclaireurs avaient été menés en bateau, l'agent avait su lire entre les lignes. Peut-être qu'en fin de compte, les capacités de réflexion et d'adaptation étaient celles qui distinguaient le mieux les espions des marins. Descendant de la dune avec une relative difficulté, ses pieds s'enfonçant profondément dans le sable, il pestait. Désormais, il prit la tête du groupe, se faisant emboîter le pas par le Lieutenant Masamune et quatre de ses hommes. A l'horizon, le soleil déclinait, annonçant des conditions plus difficiles encore. Car sans lumière, qu'importe les capacités de traque dont pouvait faire preuve l'ex-bureaucrate, elles ne lui serviraient à rien. Il pressa alors la cadence, ne se souciant pas vraiment de ce que pouvaient en penser les marins.

> Lieutenant, je vous remercie pour cette observation. Il apparaît donc que la famille royale, bien que n'ayant désormais qu'un rôle symbolique, catalyse les émotions et les directions de son peuple, c'est bien ça ? 

Sous cette hypothèse, se cachait de nombreux sous-entendus. Selon Wolt, cela confirmait donc la pertinence du plan du Gouverneur. Car si par ce subterfuge, il pouvait améliorer l'image du Gouvernement Mondial auprès de Muhammad, alors cela se transposerait à tous les sujets d'Hinu Town. Un grand bond en avant pour la sauvegarde de l'île face à une éventuelle révolte menée par les Révolutionnaires. Cette stratégie était habile, l'agent gouvernemental pris note de ce mode de réflexion, bien que l'exécution fut bien moins glorieuse. Désormais, tout pouvait arriver. Si la fillette mourrait, alors la confiance du souverain envers Edouard serait brisée et les idéaux d'indépendances se démultiplieraient à grande vitesse. Cette mission qu'on lui avait donné, bien que censée être assez simple, se trouvait désormais assez délicate. Wolt devait faire ses preuves, son statut de "vieux" pour un agent fraîchement promu en troisième catégorie lui imposait de faire plus et mieux que ses homologues, alors il s'y appliquait.

> Je pense qu'il ne devrait nous rester qu'une heure de soleil, après ce sera bien plus compliqué, commença-t-il à dire.
> Excusez-moi, fit l'un des soldats, dans le désert c'est un peu différent, il ne nous reste plus qu'une demi-heure, le soleil se couche bien plus vite, reprit-il.
> Merci soldat pour votre expertise, répondit froidement Wolt. Les traces de pas continuent dans cette direction, montra du doigt l'agent. Il faut qu'on accélère pour s'assurer de ne pas se faire trop distancer avant la nuit tombée, sinon, nous risquons de les perdre pour un moment. Poursuivons, est-ce encore bon pour vous Lieutenant, ou préférez-vous attendre ici ? Questionna Wolt, dont les mots purent sûrement heurter l'égo du gradé.

Le ciel était zébré de nuances de roses et d'orange, dévoilant une toile qui contrastait à merveille avec la monotonie du désert. Le soleil, qui diffusait une chaleur désormais moins étouffante, alla se cacher à l'horizon, sous de lointaines dunes, assombrissant les cieux. La luminosité déclinait grandement, les ombres s'étiraient à perte de vue. Alors que toute la petite troupe avait accélérée le pas, le jeu de piste auquel était livré l'agent Wolt devenait de plus en plus difficile. Il avait beau mettre en action toutes les connaissances que feu l'agent OURS lui avait transmises, sans lumière cela s'avérait très compliqué. Méthodique, il s'arrêtait parfois, scrutant la profondeur et la forme des traces pour s'assurer de ne pas se faire berner, comme le furent les éclaireurs plus tôt dans la journée. Quelques empreintes de reptiles se mêlaient à celles des humains et il reconnut également le sillon tortueux d'un serpent, qu'il estimait être plutôt conséquent. Lorsqu'il en fit part aux soldats, l'un d'eux déglutit, sachant pertinemment que cette mer de sable était le territoire de certaines bêtes au venin terriblement venimeux. Cependant, l'espion balaya ces craintes d'un revers de la main, rien ne devait interférer dans la mission. Si, par malchance un reptile devait l'attaquer, il était prêt à user de son Tekkai pour s'en prévenir ou, le cas échéant, agripper l'un des soldats et s'en servir de bouclier vivant. L'agent gouvernemental n'avait aucun scrupule à agir ainsi, il savait son rôle bien plus important dans cette affaire. En comparaison, la vie de l'un des soldats de rang paraissait un bien maigre tribut.


Il reprend des forces, pensa Wolt en voyant le Lieutenant qui semblait désormais plus à l'aise dans son environnement. 


> Je n'ai pas de grandes connaissances liées aux Minks, mais dites-moi, vous semblez désormais bien plus à l'aise que nous, alors que la pénombre grandit, avez-vous quelques capacités inhérentes à votre condition ?
> Effectivement agent W, je souffre désormais moins de la chaleur et j'y vois plus clairement, nous autres Minks sommes nyctalopes, répondit le Lieutenant avec un soupçon de fierté dans la voix. 
> Très intéressant, la nuit devient alors votre territoire favori en ce pays, résuma Wolt. Hum... réfléchit-il. Je pense que nous pouvons nous servir de vos compétences pour surprendre nos fugitifs. J'y vois de moins en moins bien, la lumière me manque. Par contre, j'ai toutes les compétences pour suivre leurs traces. Eux-mêmes s'en doutes et doivent se sentir en relative sécurité jusqu'à demain. Nous allons les frapper en plein cœur de la nuit, car ils vont devoir faire une halte. Le plan se dévoilait à l'esprit de l'ex-bureaucrate, qui réfléchissait à vive allure. Votre carrure imposante doit certainement vous permettre de porter de lourdes charges, quatre-vingt kilos ne devraient pas vous gêner je suppose, dit-il de manière rhétorique. Masamune acquiesça. Prenez-moi sur votre épaule et mutualisons nos compétences. Vous serez mes yeux et moi votre guide grâce à mes connaissances de la traque. Nous les aurons coincé avant le levé du soleil.
> Tout ceci est très logique, notre complémentarité devrait nous permettre d'y parvenir, prenez place sur mon épaule, fit le Lieutenant en posant un genou à terre et tapotant sur son trapèze.
> Allons-y, débusquons-les et remplissons la mission, fit Wolt d'un ton monotone.


Perché sur la robuste épaule du Minks, l'agent du Cipher Pol Deux n'était d'abord pas très à l'aise. Le Lieutenant marcha et il manqua de glisser au premier pas. Puis, il s'installa mieux, pour ne pas tomber lamentablement. Le poil de Masamune était duveteux, soyeux et agréable au touché, mais ça l'espion n'en avait que faire. Son pieds gauche était recroquevillé sous ses fesses, tandis que sa jambe opposée ballotait au rythme de son acolyte, servant ainsi de balancier pour qu'il garde l'équilibre. Le gradé de la Marine voyait presque comme un humain en plein jour, discernant parfaitement les irrégularités du sol. Alors la stratégie se mis en place. Wolt posait des questions sur le sol, il faisait attention à ne rien omettre et le colosse lui répondait de ce qu'il voyait. Aussi, il lui faisait quelques observations, qui furent souvent déterminantes pour le bon déroulement de la traque. Le jeu de piste nocturne dura deux heures de plus, harassant le corps et l'esprit des traqueurs. Heureusement, l'agent gouvernemental n'avait plus à marcher, il récupérait alors de ses efforts physique sous ce soleil de plomb. Le Lieutenant, lui, était désormais bien plus tenace et réactif. Il avait comme un second souffle.


Il était aux alentours de vingt-et-une heure, lorsque la traque pris une toute autre tournure. Face au Minks, le terrain se faisait plus sinueux. Quelques rochers parsemaient les lieux. La route tombait de quelques mètres, prenant la forme d'un petit ravin tortueux entre deux dunes. Les empreintes menaient irrémédiablement vers ce creux, qui se présentait à eux.


> Je ne le sens pas.. fit Masamune, dont les sens surhumains semblaient s'activer.
> Est-ce objectif, voyez-vous quelque chose ?
> Rien de particulier, si ce n'est les traces qui se poursuivent dans ce goulot.
> Il n'y a que l'objectivité qui compte Lieutenant, allons-y, ordonna Wolt.


Le Minks eut le temps de faire à peine trois pas, qu'une explosion souleva le sable juste devant lui, dans un fracas tonitruant. Le silence fut rompu, le son qui ressemblait à celui du tonnerre durant l'orage se répercuta sur les dunes environnantes, l'amplifiant au centuple. Heureusement, Masamune eut le réflexe de bondir en arrière, ce que sa génétique lui permis sans trop de heurts. Son pelage, au niveau des pattes était à peine roussit, mais la gerbe de sable soulevée l'handicapa bien plus, lui obstruant la vue. Dans l'opération, l'agent du Cipher Pol était tombé à la renverse, déséquilibré par ce mouvement non-anticipé. 

Quel conseil de merde, se maudit-il.

> Si les lieux sont piégés...
> ...c'est qu'ils sont juste là, termina Wolt. Redoublant de précaution, menez-moi jusqu'au cœur de ce creux, je me charge du reste soldat !

L'ex-bureaucrate remonta sur l'épaule du Lieutenant aussitôt et l'incita à presser le pas. Ce dernier avançait à pas de velours, redoutant qu'une nouvelle explosion n'ait raison de lui. Il recommença à décrire le terrain à Wolt, ce qui lui permis de rassurer l'homme-lapin. Il avança et perçu un son aiguë qu'il identifia comme un déclencheur, lui permettant d'éviter à nouveau la détonation. Grâce à la taille démente de ses pieds, lorsque l'avant déclenchait un piège, il avait la possibilité de se rétracter assez vite. Finalement, sa taille était plus une force qu'une faiblesse dans cette situation. Masamune échappa de justesse au danger à quelques reprises supplémentaires. Seulement, il était frustré. L'enchevêtrement de mines posées par les fugitifs rendait sa progression bien trop lente. Le Lieutenant pris alors une décision plus qu'audacieuse. Il passa sa main gauche dans le dos de Wolt, puis le plaqua contre lui fermement, avant de bondir grâce à ses puissantes pattes. Le saut fut impressionnant, les transportant une quinzaine de mètres plus loin et bien plus bas, précisément dans ce ravin qu'il visait. La réception ne fut pas éblouissante, loin de là. C'était justement tout le contraire, comme s'il avait simplement mis un pied devant l'autre. 

Dans l'obscurité que ses yeux perçaient sans peines, il vit une crevasse dans l'une des dunes, marquée par la main de l'Homme. Des pierres consolidaient le pourtour de cette entrée, depuis laquelle une faible lumière émanait. Wolt la vit également, se rassurant quant à ses capacités de pisteur. Le dénouement était proche, mais il ne fallait pas réduire tous ces efforts à néant par une quelconque manœuvre malhabile.

> Laissez-moi seul ici, grâce à la lumière, quoique faible, je peux y voir ici. Je vais entamer les négociations, dit-il tout bas. Vous, essayez de trouver une autre entrée à leur cachette, pour les prendre à revers, reprit-il en chuchotant.
> Très bien agent W, rétorqua Masamune tout aussi discrètement.
> Nous n'avons aucunement l'intention de mettre en danger la fille que vous détenez, lança Wolt à haute voix. Nous sommes prêt à négocier, mais pour cela, nous devons être de bonne foi, vous comme moi, est-ce d'accord ?
> Merde... on fait quoi ils sont là, pesta doucement Adria dont le rythme cardiaque s'accélérait depuis la première détonation.
> Au ch'cours, fit Shara dont la voix était étouffé par le chèche qu'elle avait dans la bouche.
> Qui est-elle ? Cria Valco, dont le calme surpris autant Adria que Wolt.
> Une notable, je suis envoyé par les autorités pour négocier avec vous. Vous comme moi voulons trouver une fin heureuse, il y a forcément un terrain d'entente.
> Quel enfoiré, ils nous ont sûrement déjà encerclé de tous les côtés, commença Valco en chuchotant. Je veux qu'il n'y ai personne ici, juste toi et nous, pas d'bleus d'accord ? 
> C'est une possibilité, mais pour ça il faut qu'on s'assure que la fille va bien, donnez m'en la preuve et je m'arrange pour qu'aucun soldat ne soit présent, fit Wolt. Habilement, il avait omis d'expliquer que Shara était la princesse d'Hinu Town, ce qui donnerait un ascendant certain aux ravisseurs.


Les négociations commençaient, tandis que le Minks cherchait à trouver une faille dans ce repli tactique qu'avaient amorcés les kidnappeurs de Shara.

Les deux soldats qui se trouvaient dans le dos de Wolt se confondaient avec le sable, seul le canon de leur fusil jurait avec le sol granuleux. La pénombre, bien qu'amoindrie grâce à la lumière  faible lumière émanant de la planque, aidait grandement à les rendre invisibles.

> Sors avec la gamine, c'est ta merde ! Gronda Valco à Adria.
> Mais attends, ils vont m'descendre à peine sortie... s'inquiétait-elle.
> Mais non abrutie, tiens en joue la gamine, ils te feront rien ! Au moins, je vais pouvoir négocier une porte de sortie pour rattraper ta merde, enrageait le chef d'équipe. Putain, si t'avais pas ramassé ce sac on s'rait déjà loin ! On arrive, dès que t'as la preuve qu'on a la fille, fait dégager tes hommes, compris ? Hurla Valco à l'agent du Cipher Pol.
> Bien évidemment, je vous assure qu'il n'y aura plus personne, promis Wolt. Il fit un signe furtif de la main, indiquant aux soldats de rester dissimuler.
> Elle sort, ensuite on parle ! Annonça Valco. Allez bouge, ordonna-t-il à Adria à voix basse.

La jeune femme, apprentie Niveleuse depuis quelques années, sortie de la planque. De sa main droite elle tenait l'épaule de Shara, de la gauche un pistolet qu'elle pointait sur la tempe de celle-ci. Elle n'était pas très rassurée, mais s'exécuta tant bien que mal. Elle fit quelques pas en dehors de la crevasse, histoire de se dévoiler. Son regard croisa celui de Wolt. Ils ne dirent rien. Eux en tout cas.

> Princ... commença l'un des deux soldats avant que l'autre ne lui flanque un coup dans les côtes.
> Ta gueule, lui dit-il discrètement.

> C'est bon ?! Vous avez ce que vous voulez ? Demanda Adria.
> C'est parfait, lui répondit Wolt aussitôt. D'un léger mouvement de tête il indiqua au Minks que ce n'était pas encore le moment d'intervenir.

> Alors négocions maintenant, on veut des chameaux et être assurés de pouvoir reprendre la mer sans problèmes, revendiqua Valco tandis que sa partenaire rentrait dans la cachette, empoignant toujours la princesse dont le hurlement était étouffé par le tissu enfoui dans sa bouche.
> Des chameaux ET une évasion par la mer ? Temporisa Wolt. Je crains qu'il soit nécessaire que l'on fasse d'abord un point. Nous n'avons qu'une seule revendication, que cette fille nous soit rendue vivante dès ce soir. Pour le reste, nous pouvons trouver un terrain d'entente.
> Il est tout trouvé l'terrain. Vous nous filez les chameaux et nous escortez jusqu'à la mer, une fois qu'on sera à bord d'un navire on vous rendra la gamine.
> Comprenez que je ne peux pas accepter votre proposition en l'état, mais je pense qu'on est proche d'un accord. Nous savons ce que vous avez fait, l'explosion c'était vous, n'est-ce pas ?!
> Vous avez une preuve ? Le nargua Valco qui ne s'était toujours pas dévoilé.
> Bien entendu, je vous ai vu de mes propres yeux. D'autres témoins oculaires confirmeront mes propos. Cet acte, qu'importe la motivation qui l'ai provoquée, a profondément meurtri la capitale. Je vous propose un accord, Nous faisons table rase de cette histoire à deux conditions : dites-nous qui sont vos employeurs et deuxièmement faites sortir la fille maintenant. Nous vous laisserons repartir sain et sauf, nous vous trouverons même un navire pour vous enfuir. L'agent n'avait absolument pas toute cette marge de négociation, mais cela importait peu. Il ne cherchait qu'à provoquer une erreur.
> Mauvaise réponse, tu me prends pour un con ou quoi ?! Je sais qu'une fois la gamine libérée vous nous tomberez d'ssus.
> Je comprends tout à fait que vous puissiez croire cela, mais ce que je vous dis ne sont pas des paroles en l'air. Vous souhaitez vraiment tomber pour un employeur ? Feinta Wolt. Vous êtes sûrement  payés tellement en deçà de ce que votre acte à rapporter à votre patron. 
> Il sait quelque chose ? Demanda Adria à son acolyte.
> Mais non, il bluff, pff t'es trop naïve. Bon, on va faire quelque chose. Tant que vous ne nous avez pas apporté de chameaux, on va entamer la gamine, annonça Valco qui s'impatientait. 
> "Entamer" ? Qu'entendez-vous par là ? Demanda Wolt interloqué. 

Valco pris un couteau et découpa l'une des couettes de Shara, sa poigne broyait le bras de la gamine qui pleurait en silence.

> Envoi-lui ça, ordonna-t-il à Adria.
> T'es un grand malade, fit-elle choquée.
> J'rattrape ta merde, alors tu me diras merci plus tard ! 

Lorsqu'il vit la mèche de cheveux sortir de la planque, l'ex-bureaucrate compris de quoi il en retournait. Entamer signifiait alors la dépecer, comme un vulgaire gibier. La situation devenait critique.

> D'accord, attendez... Je vous propose quelque chose. Je fais le nécessaire pour que vous ayez des chameaux, qu'on vous escorte jusqu'à la côte et que vous puissiez naviguer sereinement, on va éviter un drame, c'est mon but. Par contre... j'ai une petite requête, rien du tout vous verrez. J'ai besoin que vous me montriez que la fille va bien, mais j'ai aussi besoin de vérifier que cette mèche lui appartient bien, vous comprenez ?! 
> Tu crois que je mens ? J't'envoie un œil si tu veux, fit Valco avec férocité. Wolt avait glissé, ses mots étaient quelque peu mal choisis. Les événements prenaient une tournure catastrophique, il fallait absolument y mettre un termes, au plus vite.
> Non, ne faites rien d'inconsidéré. Excusez-moi d'avoir douté de vous, c'était une simple précaution. S'excusa l'espion, pour faire retomber la tension. Je vous propose qu'on fasse un pacte, montrez-moi la fille et le plan d'échappatoire est à vous. Je vous propose même de la garder jusqu'à ce que vous soyez en mer, est-ce que ça vous convient mieux ? Concéda-t-il, comme un aveu de faiblesse.
> Il est vraiment seul le gars ? S'interrogea Valco.
> Oui, enfin j'ai vu personne, pourtant j'ai jeté quelques regards mais j'ai vu personne d'autre, s'empressa de lui répondre Adria.
> Putain... réfléchit le Niveleur. Qu'est-ce qu'on fait, laissa-t-il en suspend. Elle a l'air de valoir son pesant d'or la gamine n'empêche. Ok, j'ai un plan. On se fait escorter et une fois en mer, on demande une rançon pour la libérer, dès qu'on a l'argent, on se tire et on rentre sur Las Camp. T'es sûr qu'il était seul ?
> Je.. je crois oui, fin y'avait personne autour.. 
> Putain mais là tu dois être sûr, on joue pas à la marelle merde, s'emporta Valco. Bon t'sais quoi, je vais y aller moi, tu me casses vraiment les noix, de retour je vais t'faire virer tu vas voir. Viens là toi, dit-il sèchement en empoignant le bras de la princesse. 

Il la traina jusqu'à la sortie de la cachette. Intelligemment, il n'avait pas mis le pieds dehors, restant encore protégé par le plafond instable de sable. Il fixa Wolt droit dans les yeux. Les deux blonds à lunettes se dévisagèrent quelques secondes, dans un silence des plus pesants. 

Encore un tout petit peu...

> Vous êtes à contre-jour, la lumière ne me permet même pas de distinguer le visage de cette jeune fille, feignit-il.
> Change de binocles alors, c'est bon, t'as vu la gamine..
> Non attendez... sincèrement je m'excuse, mais regardez, j'accepte vos termes et me voilà seul face à vous. La Marine est encore loin, je n'ai plus qu'à passer un appel pour qu'elle s'occupe des préparatifs de votre évasion, mentit-il en jouant la détresse.
> Pas mon problème, appelle la Marine maintenant et j'avancerais d'un pas, fit Valco, enorgueilli par l'ascendant qu'il avait.
> Aucun problème, tout de suite, s'empressa de dire Wolt en allumant son escargophone. L'animal sonna de son typique "pulu pulu", à plusieurs reprises jusqu'à ce qu'une voix humaine s'annonce. Veuillez préparer deux chameaux, une escorte pour nos fugitifs et trouvons leur un navire. Si cela est fait, ils nous promettent de libérer la fille, dit-il distinctement, alors qu'à l'autre bout du fil, le Gouverneur priait pour que ce coup de bluff fonctionne.
> Aucune erreur ne sera toléré agent W, vous jouez votre carrière sur un coup de bluff, priez pour qu'il soit suffisant, l'avertit-il tout bas, avant de reprendre plus clairement. Oui monsieur, nous leur fournissons nos deux chameaux, nous contactons les autorités du port le plus proche pour qu'ils puissent partir sans heurts. La fille est-elle en bonne santé ?
> Oui, elle ne semble pas avoir été violentée, je vous en remercie Colonel, conclu Wolt en jouant la comédie jusqu'au bout. Vous voyez, c'est le Colonel qui m'assure en personne, est-ce bon pour vous ? Demanda l'agent.
> Ok, bon je te laisse la voir, mais nettoie bien tes lunettes, fit-il en avançant d'un pas. 

La seconde d'après, Wolt avait donné le signal en se penchant vers l'avant, comme pour mieux voir. Une énorme masse sombre tomba au niveau de Valco et de Shara, surprenant le Niveleur qui fut séparé de sa prisonnière par inadvertance. Les deux soldats tenaient toujours en joue le ravisseur, mais le colosse de Lieutenant prenait toute la place, ils n'avaient pas de réelle fenêtre de tir. L'agent réagit aussitôt, fonça droit vers Shara qu'il attrapa dans ses bras. D'un simple geste il appela les soldats qui vinrent à lui et récupérèrent la gamine avant de prendre un peu de recul. Elle pleurait à chaudes larmes, ses cris stridents se firent entendre une fois que le chèche lui fut retiré de la bouche. 

BOOOOOM

Une nouvelle explosion retentit. L'espion fit volte-face, cela provenait de la zone où se trouvaient Valco et Masamune.

La princesse était d'ores et déjà en sécurité, c'était l'essentiel. Soulagé d'un énorme poids, l'agent du Gouvernement Mondial pouvait enfin souffler, ou presque. Il ordonna rapidement aux soldats de ne pas bouger, mais de protéger Shara au péril de leur vie. Ainsi, il s'assurait qu'ils ne sautent pas sur l'une des mines piégeant le terrain. Il serait idiot de prendre un risque aussi inconsidéré maintenant que le plus dur était fait.
Délesté, Wolt pouvait se concentrer à cent pour cent sur l'arrestation des fugitifs. Une opération qui, visiblement, s'engageait plutôt mal vu l'explosion qu'il avait ressenti. Le Lieutenant était touché et bien qu'il ai habilement réagit en stoppant lui-même son hémorragie, cela ne présageait rien de bon. Son poil avait roussi par endroit, la déflagration avait visiblement fait mouche. Pour l'heure, seul Valco était hors de la planque, la demoiselle était encore à l'intérieur. Cela faisait une variable à prendre en compte pour l'espion, qui calculait déjà ses prochains coups. Robuste, le Minks repartie à l'assaut, usant du tranchant de son sabre pour tenter de hacher menu le terroriste. La bataille n'était pas gagnée d'avance. 

Cherchant l'efficacité en premier lieu, l'ex-bureaucrate retira délicatement sa veste, qu'il déposa au sol juste derrière lui. Pendant ce temps, Masamune se battait déjà férocement, luttant contre un adversaire qui avait déjà le dessus sur lui. Il retroussa alors les manches de sa chemise, jusqu'aux coudes. Il se faisait presque attendre, mais à vrai dire attendait le moment opportun. Lors des échanges entre les deux combattants, il avait remarqué que Valco scrutait également les alentours, afin de s'assurer de ne pas être pris à revers. Wolt su alors que cet homme était dangereux et qu'il faudrait plus qu'une simple attaque pour le terrasser. L'espion observait donc, jaugeant le timing adéquat pour tuer le plus rapidement possible. Sa panoplie du rokushiki n'était encore que partielle, il ne maîtrisait ni le Geppou, ni le Soru, qui pour le coup aurait pu lui être utile. Ni même le Ryankaku d'ailleurs, qui aurait pu provoquer la surprise et conclure l'affrontement plus vite que prévu. Wolt ne pouvait pas compter dessus, alors il restait en retrait. Valco sortit un pistolet, usait de sa vitesse et son agilité pour éviter les terribles coups de sabres du minks. Lui aussi attendait l'ouverture, pour en conclure avec l'homme-lapin. 

Maintenant, se dit Wolt alors qu'il vit l'opportunité attendue.

Il fondit en ligne droite sur les deux opposants. Masamune le masquait de son imposante carrure, ce qui créait une ouverture. Car à cet instant, Valco ne pouvait pas savoir qu'il avait bougé. Avalant la distance qui les séparait en quelques instants, Wolt raidit son index, prêt à user de son Shigan.

> Droite, dit-il strictement pour que Masamune l'entende.

Le Lieutenant était blessé, les blessures se multipliaient sur son corps, mais il réagit correctement. Sentant les vibrations des pas de l'espion dans son dos, à l'ordre il se décala sur la droite. Le terroriste le suivit du regard, le mettant en joue et croyant pouvoir enfin s'en débarrasser, lorsque du coin de l'œil, il vit la silhouette déformée de Wolt. Il pesta bruyamment. Le doigt assassin fendit l'air, se plantant dans l'épaule droite de Valco, qui eu un mouvement salvateur de recule. Le doigt s'enfonça dans la chair jusqu'à mi-longueur grâce à ce réflexe et il en sortit aussitôt. La plaie était gorgée de sang et son bras tout entier était douloureux. Il pouvait bouger les doigts, mais cela n'était pas agréable. 
L'agent du Cipher Pol Deux était déçu, il s'était imaginé létal, son assaut avait échoué.

> Go, scanda Valco qui grimaçait en se tenant l'épaule.

Soudain, Adria sortit, les mains pleines de bâtons de dynamites. Les mèches étaient allumées et se consumaient déjà dangereusement. C'était la force des Niveleurs, la maîtrise des explosifs était leur marque de fabrique. Elle lança l'un d'eux à son supérieur, qui le redirigea automatiquement dans la direction du minks, dont la carrure en faisait une cible de choix. Wolt avait encore besoin de lui. 
Il se projeta vers le Lieutenant et attrapa au vole le projectile, juste avant qu'il n'arrive sur lui. Le saisissant à deux, mains, il se tourna vers le Masamune.

> Arrête la demoiselle, je m'occupe du chef, lui confia-t-il rapidement. Il enclencha son Tekkai, empoignant fermement l'explosif qui détona bruyamment. La déflagration avala Wolt, dans un nuage de poussière et de feu qui voila le terrain l'espace d'une minute.

Valco ricanait, persuadé que l'attaque l'avait débarrassé de celui qui l'avait meurtrie. Lorsque le sable retomba, son sourire se mua en une grimace pleine de frustration. L'agent gouvernemental était encore debout, il n'avait pas bougé de sa position. Figé, sa chemise entière était détruire, quelques lambeaux noircit volaient autour de lui. Son pantalon aussi avait subit le feu de l'explosion, mais heureusement n'était que couvert de dépôts noirs, comme de la suie. Les lunettes de l'agent étaient de travers, soufflées par la déflagration. Le second des Niveleurs s'emporta, pointa son arme sur l'espion et tira à deux reprises. Les balles touchèrent le poitrail de l'espion, mais se compressèrent à l'impact, retombant lamentablement sur le sol. 

> Putain mais t'es en acier ou quoi ? Vociféra Valco, avant qu'il ne se saisisse d'un nouveau bâton de dynamite.
> Qui sait ? Glissa Wolt pour laisser planer le doute. 

Il repartie aussitôt en trombe, fonçant droit sur son adversaire du jour. Prêt à en découdre.

Il y a de ces combats qui ne se gagnent pas grâce à l'élégance de la technique, où faire étal de sa superbe n'a aucun sens. Là où certains bretteur vouaient à leur style un véritable culte, d'autres s'acharnaient à mains nues. L'art martial développé par le Cipher Pol était un véritable savoir-faire, transmis par des siècles de tradition. Nombreux étaient ceux qui l'avaient modelé à leur image, mais une chose inaltérable le caractérisait : sa létalité.
Souvent considéré comme propre, discret et efficace, il arrivait parfois qu'il perdent toutes ses lettres de noblesses, pour n'être plus qu'une succession de frappes sèches et dures. Sous un croissant de lune d'argent, comme le croc d'un loup, le combat faisait rage. Le rythme était donné par le bruit sourd des phalanges cognant la chair, les os qui s'entrechoquaient ainsi que les crachats de glaires et de sang. Quelques explosions brisaient momentanément ce macabre concert, creusant des pauses salvatrices aux deux chefs d'équipes. Valco était exténué, son visage était tuméfié, l'hémoglobine coulait sans discontinuer de sa blessure à l'épaule. Ses jambes vacillaient un peu, mais il ne pouvait s'avouer vaincu. De son côté, Wolt était méconnaissable. Sa chemise entièrement déchirée, il arborait de larges brulures sur le torse et les avant-bras. Ses poings étaient couvert de sang, le sien et celui de son adversaire mélangés. Il en avait perdu l'attache qui disciplinait ses cheveux en une queue de cheval. Ils étaient donc en bataille, reposant sur ses épaules musclées. Ils haletaient comme des bœufs, tandis que le Minks menait son combat de son côté.

Il en a encore sous le pieds ? S'interrogea l'agent du Cipher Pol, espérant que la réponse soit négative.

Les mâchoires serrées, il inspira une fois de plus pour mener un assaut qu'il espérait être le dernier. Son poing fracassa l'arcade du terroriste, qui lui envoya une balayette bien sentie, le déstabilisant. Valco sorti son pistolet et tira trois coups. Le Kami-E sauva Wolt du premier tir, le second ne fit que l'effleurer au niveau de la joue tandis que le troisième fit mouche. Cette technique, ô combien précieuse aux yeux du Cipher Pol avait elle aussi ses limites. Et celles-ci étaient conditionnées à la forme physique et psychologique du pratiquant. Or à cet instant, exténué, l'ex-bureaucrate donnait ses dernières forces dans la bataille. L'arcane qu'avait utilisé l'espion détendait son corps à l'extrême, ce qui eu l'effet de le rendre aussi facile à traverser que du beurre. La balle fendit chair et muscles jusqu'à ressortir par l'ischio-jambier. La douleur lui fit grincer les dents, qu'il se limait déjà depuis quelques minutes. Il sentait le sang chaud qui coulait lentement, lui dévalant la jambe. Son pantalon était foutue, comme tout le reste de sa tenue d'ailleurs. A chaque mouvement, il aurait pu s'avouer vaincu. Sa fierté ne lui commandait aucun courage, non. C'était juste qu'il ne pouvait choir avant de remplir sa mission. Le Wolt qui aurait agit par orgueil était mort, lorsque sa femme et sa fille avaient rendu leur dernier souffle. Désormais, il ne restait plus que sa coquille, commandée par les idéaux du Gouvernement Mondial, car voilà tout ce qu'il lui restait. Alors il tenait bon. Ses jambes étaient incandescentes, mais il ne pliait pas.

Il ne se rendit pas compte que le Lieutenant venait de mettre hors d'état de nuire la demoiselle, d'un violent coup de tête. Embrouillé par la frénésie du combat et l'afflux d'adrénaline qui se déversait continuellement en lui, l'agent gouvernemental voyait comme dans un tunnel. Au bout, Valco, sur les côtés, rien. Masamune usa de ses dernières forces pour mener une attaque héroïque, parvenant à sectionner le tendon d'Achille du terroriste. Entraîné par la propulsion permise par ses puissantes jambes, il fini par s'étaler dans le sable, épuisé. 

> Lieutenant, cria l'un des soldats en tentant de s'approcher du Minks qui se tenait à quelques mètres de lui.
> Ne bougez pas, ordonna Wolt sans se retourner vers eux. Préparez le départ, sondez le terrain pour éviter les mines, mais ne vous approchez pas de nous.
> Trop tard, ricana Valco qui sortit l'un des bâtons de dynamite que lui avait filé Adria plus tôt. Il craqua une allumette et embrasa la mèche qui se consumait à vive allure. Crève enfoiré, enragea-t-il. D'une main il lança le cylindre rouge vers Wolt, de l'autre il dirigea son pistolet pour vers la tête de l'agent.

La réflexion ne fit qu'un tour dans le cerveau de l'agent, il ne pouvait risquer de laisser Shara être blessée, les incidences diplomatiques étaient trop importantes. Pour autant, il ne pouvait pas ignorer la dynamite non plus, mais se sacrifier n'en valait pas la peine. Il fonça alors droit sur son ennemie, balaya la bâton d'un revers de la main, terminant sa course à une dizaine de centimètres de l'homme-lapin, puis pris le meilleur sur Valco. Le second des Niveleurs n'eut pas le temps de presser la détente, que l'index de l'espion se trouvait déjà en travers de sa gorge. L'hémoglobine gicla sous pression, alors que le kidnappeur s'effondra hagard. Des mots étouffés, comme noyés dans son propre sang, furent les derniers qu'il prononça. Wolt était le dernier debout, il avait vaincu. Enfin.

BooooooM

L'explosion emporta le corps inerte du Lieutenant, qui fut propulsé à plusieurs mètres de là. Le corps en charpies, les entrailles à l'air, pelé comme un animal prêt à se faire braiser, il n'avait plus rien d'un Lieutenant courageux. Il n'était qu'un amas de chair et de tissus qu'aucune mère ne réussirait à identifier. Seule sa carrure gargantuesque trahissait l'identité de ce cadavre. Les soldats pleuraient à chaudes larmes la mort de leur supérieur. Ils ne le connaissaient pas depuis longtemps, mais le Minks avait habilement su s'attirer la sympathie de tous ceux d'Hinu Town. N'écoutant pas une seconde de plus les ordres de l'agent du Cipher Pol, ils accoururent à lui. Le regard empli de haine, prêts à en découdre.

> Pourquoi vous avez fait ça ? Vous auriez dû envoyer le projectile dans l'autre sens, putain, vous l'avez tué, s'emportait le premier.
> Vous allez regretter, enfoiré d'agent d'mes deux, fit le second en redressant son fusil pour le mettre en joue.
> Il ne servait plus à rien, moi si. J'ai dévié le bâton, la surprise m'a permis de prendre le meilleur sur l'ennemi. Les soldats serraient les dents à s'en faire saigner. Alors que Shara observait la scène, en retrait.
> Comment vous pouvez dire ça, inutile ? Il venait d'abattre la femme ! S'emporta l'un d'eux.
> Et il est tombé HS, j'avais dévié la dynamite de l'autre côté, sans effet de surprise il m'aurait tiré dessus et je serais mort. Le Lieutenant, dans son état, n'aurait rien pu faire d'autre que mourir à son tour et je ne parle même pas de vous deux. Finalement, l'ennemi aurait simplement repris la fille et se serait enfuit à nouveau. Ce que j'ai fais, ce n'est que mon travail. Il était un homme de valeur, mais dans le cadre d'une mission, la valeur, l'honneur et toutes ces choses sont futiles. Alors maintenant, je vais vous laisser deux choix : Appeler votre hiérarchie pour signaler notre position et pouvoir pleurer votre Lieutenant par la suite, ou tenter de me le faire payer maintenant et n'avoir sûrement plus d'yeux pour pleurer ce soir ? Que choisissez-vous ? Fit Wolt d'un air menaçant.

Les hommes serrèrent les poings, se mordirent les lèvres à sang et se rendirent près de la dépouille du Minks. Ils se recueillirent auprès de lui, tout en sortant un escargophone. Grâce à leur connaissance du désert, ils parvinrent à fournir une approximation de leur position. Pendant ce temps, Wolt s'était rendu auprès de la princesse Shara. Il appela le Gouverneur depuis son propre escargophone pour lui signaler la mission comme terminée.

> J'ai la princesse, saine et sauve, dit-il sobrement comme s'il ne venait pas de sauver la machination politique d'Edouard.
> Parfait agent W, Hinu Town et moi-même vous en sommes reconnaissant. J'ai le roi Muhammad à mes côtés, il m'a rejoint il y a peu, passez-lui la princesse, il sera soulagé d'entendre sa voix. 

Wolt s'exécuta et passa le gastéropode à la demoiselle, qui s'empressa de s'en saisir pour brailler à chaudes larmes. Elle était terrifiée et cela se comprenait tout à fait. Soulagée aussi, de savoir qu'elle n'était plus en danger, mais terriblement fatiguée de toutes cette adrénaline. Elle raconta de tous à son paternel, qui de son côté avait les larmes aux yeux. Le roi tenait son rang, maintenant le sanglot de soulagement dans sa gorge, mais sa voix s'était muée et trahissait son émotion.

La Marine arriva plus d'une heure plus tard, le temps qu'ils retrouvent leurs traces. Valco était mort, mais Adria réveillée fut cuisinée et dévoila, sous des méthodes peu recommandables, qu'elle appartenait aux Niveleurs et qu'ils avaient œuvré dans le cadre d'un contrat pour un client qu'elle ne connaissait pas. Elle fut donc soignée, ayant subitement perdu quelques doigts et subit de nouvelles fractures, avant d'être conduite vers une prison de transition, avant d'être jugée sur Ennies Lobby.

Le lendemain matin, Anataka, palais royal


Dans un vaste et luxueux salon composé de sofas, se tenait une rencontre autrement plus importantes que les préparatifs pour les funérailles militaires qui s'organisaient.

Sur l'un des sofas, le roi Muhammad était accompagné de la reine consort Leila et de la première fille du roi, Sania, Shara étant dans ses quartiers se reposant encore de tout ce qu'il lui était arrivée. Sur le sofa de droite, le Gouverneur Edouard, dans son costume bleu, représentait le Gouvernement Mondial et l'autorité officielle de l'île. En face de la famille royale, l'agent Wolt se tenait debout, mains dans le dos.

> Au nom des Al-Jawhara et du peuple d'Hinu Town, je vous remercie agent W. Vous venez de sauver la princesse de ce royaume et pour cela, nous vous en sommes reconnaissant.
> Soyez bénis, fit Leila qui était soulagée autant que pouvait l'être une mère une fois que son enfant n'était plus en danger.
> Merci agent, maintenant que ma sœur est saine et sauve, nous allons pouvoir accompagner le peuple dans son deuil et la tragédie qu'il a subit lors de cet attentat, disait-elle intelligemment. Wolt su aussitôt qu'elle avait l'étoffe prendre la succession de son père.
> L'agent W a fait honneur aux services du Cipher Pol, commença-t-il élogieux. Son efficacité à commander, prendre des décisions rapides et à neutraliser l'ennemi a permis de couper court aux intentions de ce groupuscule révolutionnaire. Voilà ce qu'est la formation dispensée par le Gouvernement Mondial. Ayant moi-même fait partie de cette institution jadis, je ne vois là que l'expression rigoureuse de ses standards de qualité. Je sais bien que le Gouvernement Mondial a dérapé sur certains points, que le passé est lourd à porter, mais aujourd'hui, je souhaite que l'on regarde vers l'avenir. Les forces déployées permettent d'entretenir la paix et la liberté des citoyens. Les opposants mettent en danger ces acquis, par leurs actions violentes ou inconsidérées. Laissez-moi vous garantir que le peuple d'Hinu Town vivra heureux et serein quant au lendemain. A ces quelques mots, les souvenirs douloureux relatifs à la princesse Kensa et au Dragon Céleste qui l'avait réduite en esclavages débectèrent les Al-Jawhara présents. Je sais, j'ai conscience de ce que vous avez subit et le poids de cette tragédie pour votre famille. J'ai moi-même une femme et des enfants, mais sachez que je m'engage à vous protéger des velléités des Saints Dragons Célestes. Je n'ai pu le faire autrefois, désormais c'est différent. Comprenez simplement, pour conclure, que je vais mettre en œuvre tout ce que me permet le Gouvernement Mondial pour améliorer la vie du peuple qu'est le vôtre et faire en sorte que les Dragons Célestes ne soient plus qu'un lointain cauchemar pour vous.
> La suprématie de cette caste est pourtant la source de tellement de malheurs, soupira Sania connu pour ne pas avoir la langue dans sa poche. Son père lui donna une tape discrète du plat du pied.
> Les Dragons Célestes existent et dominent le monde dans lequel nous sommes, mais leur impact quotidien est bien moindre que celui d'un monde sans lois ni protections. Que serait un monde livré aux Empereurs, mafias et autres brigands ? Un amalgame de terres désolées, où chacun se cache pour vivre et subsiste sans s'enrichir, par peur des répercussions. Alors oui, il se peut que des malheurs surviennent, mais ils restent un moindre mal par rapport à ce qu'il adviendrait sans la présence du Gouvernement Mondial. L'habilité politique d'Edouard supris Wolt, qui en était presque admiratif.
> Excusez-moi, puis-je prendre la parole ? Demanda l'agent.
> Bien entendu, excusez-nous d'avoir monopoliser la parole, fit Leila confuse. Nous sommes ici pour vous remercier avant tout.
> Je n'ai pas les connaissances du Gouverneur ici présent, mais j'ai pour moi l'expérience de 37 ans de vie. Après avoir vécu dans le chaos pendant de longues années, j'ai intégré les rangs du Cipher Pol et je voue désormais ma vie au Gouvernement Mondial. Pas pour enrichir qui que ce soit, mais simplement pour défendre les intérêts des royaumes qui ont portés allégeances et qui, désormais, sont sous sa protection. Je suis prêt à mourir, prêt à me sacrifier pour votre fille, comme pour n'importe lequel de vos citoyens s'il m'en est donné l'ordre. Ma vie ne m'appartient plus, mais je n'en suis pas malheureux. J'en retire beaucoup de satisfaction et d'honneur, comme la plupart de mes homologues, mentit-il. Il est vrai que le Service, comme le Gouvernement Mondial, n'est pas vierge de salissures, mais qui n'a jamais été entaché. L'ex-Corsaire Crocodile usait de son rang pour tenter de s'approprier Alabasta, certes, mais n'oublions pas que le roi Cobra laissait son peuple mourir de soif et de faim, hors de la capitale. Laissez-nous vous montrer ce qu'est le Cipher Pol et jugez par nos actes présents, conclu-t-il avec une éloquence rare.
> Vous parlez bien agent W, nous vous remercions encore et j'en conviens, le manichéisme n'a pas sa place ici. Nous avons bien vu hier, que nous pouvions croire au Gouvernement Mondial, qui ne nous a pas lâché. C'est le plus important. D'ailleurs, pour votre acte héroïque, laissez moi, au nom de la dynastie Al-Jawhara, vous récompenser à la hauteur de votre bravoure, dit-il en faisant signe à l'un des gardes royaux protégeant l'entrée de la pièce. 

L'homme sortit et revint, quelques secondes plus tard, avec deux valises, puis les déposa sur la table en verre et fer forgé qui trônait au centre des sofas. Puis les ouvrit.

> Voici notre remerciement monsieur, dit Muhammad en dévoilant ainsi tellement de billets qu'ils étaient prêts à faire craquer les attaché-case.
> J'en suis honoré votre altesse, mais je ne pe..
> Ah si, fit Leila, il est impensable que nous ne vous remercions pas, alors prenez ces berrys, ils ne sont rien en comparaison de notre précieuse Shara, reprit-elle avec tendresse.
> Prenez ces mallettes, lui conseilla le Gouverneur, vous n'allez pas offenser la famille royale tout de même ?
> J'en suis vraiment honoré, merci encore.

La journée se poursuivit en réunions avec le Gouverneur, figuration auprès de la famille royale et un repos bien mérité, pour que l'agent puisse panser correctement ses blessures. Un bain de lait d'ânesse lui fut couler, pour que sa peau se répare plus vite de ses graves brûlures. Pendant qu'il se prélassait, il appela le Directeur du Cipher Pol Deux, l'explorateur de renom Henry Stemper.

> Suite à l'arrêt des révolutionnaires en fuite sur l'Archipel Verts, j'ai appris que les Niveleurs s'agitaient et préparaient quelques gros coups en recrutant des membres. Cette fois-ci, deux de leurs membres ont menés un attentat sur Hinu Town, sûrement un gros contrat. Ils récupèrent donc des hommes et des fonds, expliqua-t-il.
> Parfait, merci pour ces informations, le Cipher Pol en tiendra compte. Bon travail.