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La valise

_ Reviens Léon ! hurle quelqu'un, sur le port. J'ai les mêmes à la maison !

_ Pardon ? fais-je surpris, en me retournant vers la gueularde en question.

Plusieurs mètres nous séparent, certes, mais cette voix de femme me dit quelque chose. Et lorsque je l'aperçois après avoir pivoté, j'en ai la confirmation : c'est la nana que j'ai aidée hier. Alors que je cherchais juste après mon futur moyen de transport pour me casser tôt ou tard de cette île, deux voleurs espéraient pouvoir repartir avec son trésor.
Donc j'ai bien sûr été lui porter secours. Mais quand je lui ai demandé ensuite un petit pourboire en échange, elle m'a expliqué que c'était impossible de se séparer, même d'une petite part, de ce qu'elle possédait dans sa grosse valise.
En gros, ça aurait dû être ma première condition avant d'agir.

Rendez-vous compte ! Contre ces malfrats, j'y avais mis le paquet, en plus. Bon d'accord, je suis d'abord arrivé par derrière, discrétos comme un lâche, pour cogner leur tête, l'une contre l'autre... juste de quoi leur offrir quelques étoiles tournoyantes. Par contre, pour clôturer ce rapide combat, un coup de coude chacun dans le bidon, et un uppercut chacun dans le menton ! Résultat, paf ! Ils ont voltigé plus loin... et en sang !

Bref, cette fois-ci, rebelote ! Sauf que, la meuf n'a plus d'énorme malle à ses pieds. Oui je sais, aujourd'hui est un autre jour, mais je vous le donne en mille ? D'ailleurs, si on pense à regarder vers la mer, on peut même remarquer un mec sur une barque, en train de prendre le large et la fuite.
Sur ce, je ne glandouille pas plus longtemps sur place, et je rejoins la dame, au pas de course. Comme elle est noyée dans ses cris et l'horizon, ma première tentative de lui dire bonjour ne fonctionne pas. De lui jouer un petit "toc-toc-toc" sur l'épaule avec un index, non plus. Il ne me reste plus qu'à passer la main devant son visage... Ouais, voilà ! Un grand coucou exagéré, quoi !

_ Ah, c'est vous ? réagit-elle comme une belle pleurnicheuse ayant tout perdu.

_ Eh oui, c'est moi, plaisanté-je dans le plus grand des calmes. Encore moi.

Avec le sourire aussi, mais je doute qu'elle en ait quelque chose à foutre. De plus, dans les ténèbres de ma capuche, c'est à peine si on arrive à s'en rendre compte, je suppose.

_ Qu'est-ce qui ne va pas aujourd'hui ? Ne me dites quand même pas qu'on a osé de nouveau chercher à vous voler ?

Elle n'ose pas répondre et préfère continuer de chialer, tout en baissant la tête, car elle se sent presque honteuse.

_ Allez, tout va bien se passer, je la rassure en lui donnant une légère tape sur le bras. Je suis chasseur de primes, de toute façon. Donc je vous rattrape ce fuyard, je ramène ce qu'il a piqué, et vous me donnez une récompense. Ca marche ?

Là, elle me redemande bêtement si je suis chasseur de primes. Du coup, j'en profite aussi pour ajouter que je suis un homme-poisson, histoire qu'elle pige peut-être mieux que nager dans East Blue ne me dérange pas le moins du monde.
Mais comme réponse, elle s'étonne surtout que je sois un homme... et un poisson ! Ok, j'ai compris... Merci à ma putain de voix de gamine, j'en déduis en grinçant des dents et en serrant le poing.
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Ah ouais, mince, elle ne m'a pas répondu pour le fric ! Un chouïa vexé, j'oublie de réitérer ma demande de Berrys, dès que je me prépare à plonger dans l'eau. Tant pis, on verra ça au retour.

Sur ce, en piste ! Sitôt dans les profondeurs, poursuivre l'évadé n'est qu'une simple besogne. En deux temps, trois mouvements, j'arrive déjà à destination sans que personne n'ait pu capter quoi que ce soit. Pour l'instant, du moins. Et même si le mec m'a peut-être vu sauter pour prendre un bain, sans doute ne sait-il pas calculer la vitesse à laquelle je suis capable de tracer jusqu'à lui.
Après quoi, ça gicle de ouf ! Jaillir hors de l'eau avec une telle violence est aussi foudroyant qu'un éclair dans le ciel, par mauvais temps. Pendant que je pose pied dans la barque, je laisse mon interlocuteur m'accueillir avec toute sorte de baragouinages incompréhensibles.

_ Bobby Lapointe ! je réponds en faisant style de vouloir lui serrer la main. Chasseur de primes. On rentre à la maison, maintenant !

Le bonhomme, pourtant terrorisé il y a peu, éclate soudainement de rire, pour changer. J'en conclus direct qu'il veut, lui aussi, se moquer de ma voix de fillette. Donc agacé par cette rengaine, je soupire... alors que je pourrais très bien en profiter pour lui coller une mandale, par exemple.

_ Tu es vraiment trop nul ! peste-t-il enfin, l'air plus sérieux. Si seulement tu pensais à mieux te renseigner !

Je fronce une première fois les sourcils, car je ne capte pas son délire. Puis une deuxième fois, parce que des mains sorties de nulle part m'empoignent tout à coup les chevilles. Je veux bien sûr sursauter pour l'occasion, mais je reste coincé évidemment.

_ Tu les reconnais ? reprend Léon. C'est le duo que t'as boxé hier, pour faire plaisir à l'autre quiche sur la rive ! Mes potes, quoi.

En effet, je reconnais que j'ai oublié de scanner plus clairement la zone, après mon fier atterrissage sur ce tas de planches. En fait, il y avait un mec et une valise, ça me suffisait amplement, moi.
En tout cas, même en voulant les redécouvrir, désormais allongés par terre, leur tronche est à présent méconnaissable, à cause des sales beignes qu'ils ont reçu dernièrement.

Donc voilà ce qui arrive pour une petite faute d'inattention ? A vrai dire, ce n'est pas si grave qu'on le prétend. Le boss veut bien sûr déjà croire à la victoire, mais je m'empresse de m'accroupir pour défigurer un peu plus mes deux agresseurs en contrebas. A coups de griffes, les deux zouaves, déjà bien blessés et épuisés, dégustent encore méchamment d'une de mes techniques favories.
Léon n'en revient pas et se remet à bégayer du blabla complètement indéchiffrable, dès que la peur le submerge. Puis, profitant de ma liberté, j'ai vite fait de marteler quelques dents avant que le duo ne s'évanouisse pour de bon.

Et dans un deuxième temps, puisque le seul gars encore éveillé se dépêche à sortir le flingue qui pendouille à sa ceinture, moi je lui empale sa paire d'épaules avec deux de mes couteaux, piochés dans mes manches.
Ma victime rugit de douleur, fait tomber son arme à feu, et s'agenouille au moment où je décroche mes lames de son pauvre corps sanguinolent. A ce moment, je devine qu'il n'osera plus riposter ou tenter une quelconque fourberie gratuite.

_ Qu'est-ce que j'ignore apparemment ? je lui sors comme une sorte de mot de la fin.

Mais tout comme ses collègues, Léon part faire dodo. Trop de sang perdu.

Pendant ce temps, je reste immobile quelques secondes afin de constater les dégâts de mon massacre. Ensuite, je me retourne vers l'île. C'est vrai que l'autre gonzesse patiente toujours là-bas. On pourrait fouiller d'abord dans sa fameuse valise, mais bof, non ! Au pire, à mon retour, en voyant tous ces mâles gravement amochés, elle aura de quoi déglutir si jamais elle ne trouve pas quelques billets pour me satisfaire.
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Allez, plouf ! Me revoilà dans l'eau. Je manipule la barque pour la glisser dans le sens inverse, et il ne me reste plus qu'à pousser jusqu'à la terre ferme, sur ce. Là aussi, rien de plus facile pour un homme-poisson. Je vais juste un peu moins vite qu'à l'aller.
Puis, une fois de retour sur le quai, je gare le petit bâteau le plus simplement du monde, avant de remonter à la surface. La meuf ne tarde pas à me rejoindre, le visage un peu moins triste et enragé. Elle découvre le résultat de mon dernier numéro de baston, et se réjouit surtout de voir que la grosse valise ne semble pas avoir été endommagée.

_ Voilà, c'est fait, haha ! je me vante légèrement.

Je lui montre la paume de main, comme pour signaler que j'attends mon salaire. Mais la coquine préfère jouer au con, et m'en tape cinq à la place.

_ Mais madame... répliqué-je aussitôt, un brin mécontent.

Grrr ! La meuf me ressort le même speech de l'autre fois, comme quoi elle ne pourra pas me payer avec des Berrys. Elle veut juste récupérer ce qui lui appartient. Rien de plus, rien de moins, na !

Bref, je n'insiste pas plus, mais je soupire tout de même en tirant la grimace. Et au moment de clore la discussion, en lui souhaitant une bonne journée, car je compte retourner à mes propres occupations, elle se force presque à me dire merci. Bah ouais, sympa, si j'ai pu aider, pfff !

_ C'est ma femme, espèce de crétin ! crie une voix masculine, dans mon dos.

Je me fige alors, yeux grands ouverts, reconnaissant illico à qui elle appartient : Léon, réveillé ! Et quand je jette un regard vers l'embarcation, le mec est à genoux. Il tremble pour espérer tenir droit, et souffre pour garder son pistolet braqué sur ma personne... ou sa soi-disante compagne. C'est quasiment du pareil au même.

Dans tous les cas, je suis carrément perdu dans toute cette affaire. Récapitulons ! Le basique voleur qui emploie des sbires incompétents serait le mari, et la nana totalement au bout du rouleau se trouverait être la femme du couple. Tout ça pourquoi ? Pour récupérer une belle marchandise de valeur ! Soit pour l'un, soit pour l'autre.
Par contre, dès que j'ai fini de cogiter, un coup de feu retentit soudainement. Bang ! Sauf que ça ne sort pas du flingue du type blessé. En revanche, c'est bien la tête de ce dernier qui éclate, tandis que le reste du corps s'écrase au fond des planches flottantes.

_ Quoiii ??? je couine comme une chochotte, tout en cherchant d'ou vient le tir.

Non loin de ma position, un autre individu se ramène dans le coin, en train de ranger une carabine dans son dos. Tout sourire, il fait signe à la meuf que le boulot est fait, et que tous les deux vont bientôt pouvoir se barrer de cet endroit.

D'accord, je vois le genre ! Elle aussi a dû se payer son larbin de service, je parie. Quant à moi, j'estime avoir assez pris racine ici. Donc, pour éviter d'avoir à glander davantage, je trouve l'idée de me secouer intelligemment. Pour la surprise, comme mes fringues sont toujours bien trempés par la flotte de East Blue, je réussis à mitrailler de gouttelettes, les yeux de la femme.
Résultat, elle couine, se plaint qu'elle ne voit plus rien, tout en se dandinant dans tous les sens. Et en m'insultant de tous les noms aussi ! Ce qui fait sursauter l'autre tueur, sur le coup... qui s'empresse évidemment de reprendre son arme. Peut-être l'avait-il rangé tout à l'heure, car il croyait qu'un gringalet de mon genre ne devait pas valoir un clou face à lui ?

Je me grouille ensuite de me dissimuler dans le dos de mon ôtage la plus proche, et je dégaine un couteau que je lui colle sous la gorge. L'autre plouc comprend alors que c'est perdu d'avance, s'il veut jouer au super tireur d'élite. Du coup, il laisse tomber son fusil au sol. La meuf, elle, a cru bon de vouloir se débattre, mais un coup de genou dans les reins l'oblige à calmer ses ardeurs.
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_ Allez ! On va raconter toute l'histoire à Bobby, sur ce ? Sinon, devinez qui je plante en premier ?

Ma petite moquerie facile ne fait rire personne. Au contraire, ils deviennent un peu plus désespérés, au vu de la situation.

_ Vous savez... mort ou vif, ça marche comme ça dans le métier, avec moi, hein. Et si j'ai tort, on dira à la rigueur que c'est de la légitime défense, mouhahaha !

Une fois de plus, il n'y a que moi que ça amuse. Par contre, la jeune femme se décide enfin à rétorquer quelque chose. Et pas le petit truc ! Elle explique que le fameux trésor dans cette valise, c'est le cadavre de son enfant. Une petite fille de dix ans, pour être exact.

Wouah ! J'en ai direct le souffle coupé, avant de me demander si c'est possible ou si c'est juste sa façon de blaguer à elle. Mais du côté du bâteau, même schéma que précédemment : une voix se met tout à coup à l'ouvrir.

_ C'est la vérité, monsieur la Poiscaille !

Ah tiens ! L'un des deux employés du fameux père Léon s'est à son tour réveillé, on dirait bien.

_ Si ce monstre de femme veut récupérer la valise, c'est avant tout pour s'emparer des bijoux de l'enfant !

Oulah ! J'ai dû oublier comment était conçu le corps d'une femelle ou quoi !? Pourtant, même parmi les miens, je suis persuadé que c'est construit de la même manière, au niveau de l'entrejambe.
Heureusement, mon interlocuteur finit par m'expliquer qu'on parle de la dentition de la gosse. En gros, plusieurs de ses dents seraient en or. Alors si on les revend, ça rapporte de l'oseille !

_ Tandis que Léon, lui, voulait récupérer le corps de la fille pour l'enterrer dignement au cimetière, poursuit-il.

En effet, si tout ce charabia n'est pas des conneries, on comprend mieux qui est le véritable méchant dans l'histoire, du coup. Bon, enfin, il suffit d'écouter ensuite la meuf râler, hein... lorsqu'elle tente de me convaincre avec ses arguments foireux. De moins en moins crédible, quoi ! Même pour chercher à me payer. Non merci, pas besoin non plus d'un rendez-vous gratuit chez son dentiste, par exemple !

Alors je fais quoi maintenant ? Etant donné que ma prisonnière est, quoi qu'il arrive, coupable... autant que ce soit elle que je prive de tous ses futurs essais, si jamais elle compte toujours aller jusqu'au bout de sa mission. De plus, comme l'un des deux voleurs sur la barque se permet de dégommer l'autre tueur, grâce au flingue de Léon, moi j'ai vite fait de jouer également mon rôle dans la foulée. Sur ce, j'assomme la méchante maman d'un coup de poing dans la nuque, qui s'effondre au sol en gardant toutes ses dents.

_ Putain d'affaire, pfff ! je me plains en guise de conclusion.

Après quoi, je fais semblant de remercier les deux saligauds restants, pour m'avoir sauvé de l'autre enflure menaçante. Je dois bien admettre qu'avec une sale gueule défigurée par mes soins, le mec a bien visé. Chapeau !

Puis je leur annonce que je veux m'assurer de l'intérieur de la grosse valise. Renferme-t-elle vraiment un corps de môme sans vie ? Ils sont d'abord contre. Mais en expliquant que c'est du simple zieutage de routine, je leur rendrai évidemment le magot sans rechigner.
Voilà ! De l'anecdote bien crade à noter dans mon palmarès de baffage des vilains. Je laisse ensuite la journée s'écouler, afin de passer à autre chose. Et dès qu'un transport sera disponible, je reprendrai la mer. Pour les derniers détails, j'ai bien sûr laissé ça entre les mains des deux sbires de Léon. J'imagine qu'ils sauront faire le nécessaire.

Ah ! Comment je paye mon prochain taxi ? Il me reste toujours quelques pièces, mais j'ai pensé à fouiller la nana et son bras droit. (Non, je n'ai pas touché à leurs dents !)
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