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[Mission] Détourner le regard d'un dragon Partie II

Résumé de la partie précédente:

A Huongzi, la Plaine des Tigres


L'agent gouvernemental avait passé la nuit dans une auberge modeste, ne profitant ainsi d'aucun confort. La première phase de son plan était un succès, il avait identifié le moyen, le lieu et sûrement l'homme de main qu'il lui fallait. Restait alors à savoir si celui-ci accepterait d'une part et s'il parviendrait à rameuter des volontaires. Ainsi, Wolt devait désormais sonder cette ville, pour en identifier les points stratégiques et ses ressources. Il ne se fit pas prier et à la première heure du lendemain de son arrivé, il en arpentait déjà les ruelles. L'architecture était basée sur les mêmes inspirations qu'à la Capitale, mais l'ordre de grandeur était moins spectaculaire. Les étales étaient plus sales et les bâtiments moins bien entretenus. Les gens semblaient également bien plus modestes et il était bien rare de croiser quelqu'un d'aussi richement vêtu qu'à Chang Hyai. Parfaitement apprêté, l'ex-bureaucrate portait le costume comme une seconde peau. Derrière ses lunettes, sa cravatte parfaitement alignée, il avait tout de l'homme d'affaires qu'il se disait être. Après tout, la Buffete Exploitation était à son nom, donc ceci n'était pas vraiment un mensonge. Au gré de ses pérégrinations, il se rendit vite compte des atouts de cette vaste ville. Relativement peu gardée par les autorités locales, elle s'étendait sur une grande superficie, ce qui rendait plus difficile encore sa surveillance. La population y était modeste, voir pauvre et les activités s'articulaient autour du travail de la terre, de force ou des commerces. Ce niveau de vie qui semblait assez bas, s'accompagnait par de très nombreuses enseignes de maisons de jeux, ainsi que quelques maisons closes disséminées ci et là. Automatiquement, l'espion s'en réjouit. Car ces maisons de jeux étaient pour lui l'une de ses meilleures opportunités. Qui disait hasard, disait dettes insolvables et disait désespoir. Ce désespoir était pile le fond de commerce qu'il souhaitait exploiter pour mener à bien sa mission. Il était donc rassuré. 

Pour prendre la température, il déambula toute la journée, mangeant quelques brochettes d'animaux non-identifiés sur le marché, jusqu'à ce qu'au alentours de dix-neuf heures. Leur journée de labeur terminée, les travailleurs s'amassèrent dans les bars, les maisons de jeux et autres lieux moins fréquentables. Il s'y engouffra et découvrit ce monde coloré et festif qui enthousiasmait tant les locaux. Jeux de dés, de cartes, paris, il y avait là de quoi plumer la paie de tout un quartier. Wolt y passa une partie de la nuit, testant des jeux auxquels il perdit presque systématiquement. Il avait été dépouillé, lui aussi, mais n'avait aucunement l'air abattu. C'était même mieux que cela, il semblait ravi de la situation. Habilement, il avait observé toute cette soirée. Il se rendit bien compte que nombre de ces jeux étaient truqués et que les locaux s'y cassaient les dents. Il remarqua également l'intérêt presque malsain qu'ils avaient pour ces jeux, leur donnant la dose d'adrénaline qui manquait à leur quotidien monotone. Les pertes étaient massives, alors ses futurs gains seraient colossaux. 

Lorsqu'il rentra à son auberge, il pu enfin se détendre quelques instants, avant de prendre une feuille, un crayon et de rédiger une lettre. Il lui fallait prendre contact avec l'agent qui l'avait fait entré sur le territoire, pour qu'au gré de la chaîne de commandement, Henry Stemper soit rassuré quant au déroulement de la mission. La mine graphite courait sur le papier de riz, dessinant des lettres de manière frénétique. L'agent était fatigué, il n'avait qu'une envie, c'était de se reposer. Formé aux arts du Cipher Pol, il rédigea son message en l'encodant correctement. La date qu'il inscrivit permettait, par un jeu de calcul, de déterminer la clé qui délierait le code. Une fois qu'il l'eu complété, il plia sa lettre et la dissimula dans la poche intérieur de sa veste. Enfin il était serein. Ses yeux se fermèrent bien vite et il passa une longue nuit réparatrice.
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Le réveil suivant fut compliqué pour l'agent Wolt, que les draps semblaient ne pas vouloir laisser partir. En mission depuis déjà plus d'une dizaine de jour, il était en sur-vigilance constante, comme lui avait appris l'entraînement du Cipher Pol. En terre hostile au Gouvernement Mondial, ce type d'infiltration longue était éprouvante, mettant l'organisme et l'esprit à rude épreuve. Il en subissait maintenant les premières conséquences, que sa blessure à l'épaule avait précipité. Mais il ne pouvait se laisser abattre, il n'avait encore rien de concret. L'ex-bureaucrate parvint à s'extirper de son futon et à se préparer pour cette nouvelle journée. Quittant l'auberge en fin de matinée, il trouva grâce aux locaux le poste de l'administration du courrier le plus près. Là, il rusa. Ne pouvant simplement bénéficier des services postiers, il salua les employés du régime qu'il trouva et, d'instinct, s'orienta vers un jeune homme à l'allure débraillée. Il décelait en lui quelqu'un de "libre", de part son apparence mais aussi sa manière de parler. Alors il s'engouffra dans cette piste. Wolt lui confia la lettre qu'il avait rédigé la veille et la lui confia, contre un pot-de-vin discret et efficace. Le jeune homme, qui voyait là l'opportunité de se faire enfin un petit pactole, pris la missive et se chargea lui-même de son acheminement. Ainsi, il devança son collègue qui devait prendre les rennes du convoi vers la baie de Jing et y achemina le courrier. Bien entendu, il omis bien entendu une lettre, qu'il garda sous la manche et alla la livrer en personne, au passeur qui avait fait rentrer l'espion, une dizaine de jour plus tôt. L'agent infiltré du Cipher Pol Six, soucieux de conserver son anonymat n'hésita pas longtemps. Avant la fin de la journée, il avait assassiné le facteur qui avait joué les intermédiaires dans une affaire aux enjeux qu'il ne soupçonnait pas.

Les événements s'accéléraient en coulisse, Wolt avançait ses pions discrètement. Débarrassé de cette formalité, il se sentait plus léger. Ainsi, l'espion passa la journée à observer, rencontrer des passants et visiter les commerces de la ville. En représentation, il se devait d'avoir l'air sympathique et honorable, contrastant donc avec son profond vide intérieur. 

___

Du côté du "Go" dirigé par Yuan


Le groupe qui chassait l'étranger était également à Huongzi, cherchant à découvrir ce qu'était ses intentions. Yuan, qui avait pris la tête du groupe sur ordre de sa hiérarchie, centralisait les informations avant d'en faire un rapport quotidien à ses supérieurs. Jeune soldat, il n'en demeurait pas moins incroyablement efficace. En témoignait sa capacité à gérer une équipe d'une main habile, tout en prenant en filature un espion du Gouvernement Mondial, bien qu'il n'avait pas encore découvert cette information. L'un de ses hommes avait vu l'échange entre Wolt et le facteur, puis l'avait suivi jusqu'à la baie de Jing. C'était sûrement là, la seule véritable erreur commise par Yuan. Car, désolidarisant son équipe, il envoya à la mort son sbire qui fut aisément repéré par l'agent du Cipher Pol Six. Cet agent était loin d'être un novice, expert en infiltration longue de cellules révolutionnaires, il en était presque devenu paranoïaque, ce qui lui avait servit dans ce cas ci. Car l'espion avait remarqué quelques éléments étranges dans le regard et la démarche d'un homme qui semblait le suivre. Ainsi, il avait réussi à le coincer dans une ruelle et le tua d'un Shigan, avant de se débarrasser du corps en l'enfermant dans un tonneau qu'il déposa dans la cargaison d'un navire au hasard. Une élimination rapide et discrète, après qu'il ai fait étale de ses compétences en contre-espionnage, ce qui avait manqué à Wolt jusqu'à présent, qui ne se sentait pas particulièrement observé.

De ce fait, réduit à quatre membre, le "Go" s'en retrouvait affaibli, bien que Yuan n'en était pas encore au courant. Ce qu'il voyait pour l'heure, c'était les déambulation de l'étranger et le pot-de-vin qu'il avait glissé à un kanokunien. Cette information fut transmise, mais n'apportait, à ce moment, rien de tangible. Il poursuivit sa filature, organisant les mouvements de ses hommes autour de l'espion. Deux surveillaient sa chambre à l'auberge miteuse dans laquelle il avait élu domicile, tandis que lui et l'un des siens pistaient les déplacement du blond. Il s'agissait d'une mission de longue haleine, qui agaçait sa hiérarchie. Car bien qu'au premier jour, une grande confiance lui fut donnée lorsqu'il émis un doute sur cet étranger, l'impatience des hauts-gradés s'exacerbait. Yuan n'avait rien contre Wolt, rien d'autre que le soudoiement d'un homme. Pour le moment, c'était loin d'être suffisant pour rassasier ses supérieurs. Alors, la pression lui fut mise dessus, une obligation de résultat dans la recherche, sans quoi la mission serait abandonnée et Yuan serait déclassé.
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Le jour suivant, Arcadia dans le Nouveau Monde


L'homme à la tête du Cipher Pol Six n'était pas de ceux qui se complaisaient sur les hauteurs de Marijoa, il avait élu domicile sur Arcadia, un poste avancé qui lui offrait de nombreux avantage pour diriger les opérations de ses agents dans le Nouveau Monde. Malgré son statut de fer de lance dans la lutte contre l'Armée Révolutionnaire, il cultivait la discrétion à un niveau presque suspect. Ses hommes ne connaissaient que sa voix, là où lui était le seul homme à savoir où ils étaient envoyés en mission. Pas même les vénérables Etoiles ne le reconnaitrait, tant il était passé maître dans l'art de passer inaperçu. Seuls quelques agents haut-placés des Cipher Pol zéro et neuf pouvaient se targuer de l'identifier parmi une foule, ceux qui autrefois avaient travaillés avec lui avant qu'il ne devienne directeur d'un Pol. 
Dans une pièce contigüe, il passa un appel que de nombreux escargophone brouilleurs avaient pour mission de rendre parfaitement confidentiel.

> Stemper, ici Devett, j'ai l'information que votre agent sous couverture à Kanokuni mène à bien sa mission, il lui faudrait encore une dizaine de jours pour être parfaitement opérationnel. A l'issu de ces dix jours, il aura besoin d'un fret régulier de navire marchand au Fort-Levant pour acheminer les esclaves vers le Don des Saints, sous couvert de se rendre sur Inu Town, dévoila Marcus, isolé entre ses quatre murs ne dépassant pas trois mètres carrés.
> Quelle est le degré de fiabilité de l'information ?
> Une lettre manuscrite encodé par l'agent, récupérée par le passeur qui l'a fait entré sur Kanokuni. L'info a été déchiffrée et vérifiée par mon service d'analystes, c'est solide.
> Je vous en remercie Devett, je mentionnerais votre implication et vos services dans le rapport de mission qui sera transmis aux Vénérables Cinqs Etoiles, soyez en sûr.
> Terminé, répondit simplement de directeur du Pol où le taux de mortalité était le plus élevé de tous.

___

Deux jours plus tard à Huongzi, la Plaine des Tigres


L'agent Wolt s'était attiré les faveurs d'une demoiselle, qu'il avait séduit avant tout par son apparent statut, plutôt que par ses mots doux. La jeune femme et lui avaient passés une nuit torride et le réveil à deux, fut plutôt désagréable pour l'espion. Enroulé dans les draps, lui émergeait quand elle caressait son corps musculeux d'une main légère. Elle passait ses doigts sur le dos de l'étranger, tâta innocemment ses puissants biceps, forgés par des milliers d'heures d'entraînement, avant de se poser sur la cicatrice sur son épaule, que refermaient des points de sutures. 

> Que t'est-il arrivé Wahr ? Lui demanda-t-elle langoureusement, lorsqu'elle vit qu'il était éveillé.
> Un.. une agression, se débarrassa-t-il, surpris d'être questionné au réveil.
> Ils ne t'ont pas loupé, lui dit-elle avant de repousser le corps de l'espion pour le rouler sur le dos et de grimper à califourchon sur lui. J'espère qu'ils sont dans un pire état que toi, dit-elle séductrice avant de l'embrasser.
> Je suis là, eux non, constata simplement l'étranger qui ne tarda pas à sentir l'excitation l'envahir. Il saisit la demoiselle par les hanches et échangea un énième instant de plaisir avec elle. 

Au Cipher Pol, il fallait être prêt à tout. Or, Wolt avait repéré cette fille qui semblait être influente dans l'une des maisons de jeux du centre-ville. Il lui avait lancé quelques regards et, maladroitement, avait entamé la discussion auprès d'elle. Finalement, ce fut la jeune femme qui se fit la plus dragueuse des deux et c'était elle qui avait suggéré qu'ils passent la nuit ensemble. L'agent ne s'en priva pas, quoiqu'à chaque fois qu'il assouvissait ce type de besoin, d'amers souvenirs lui revenaient à l'esprit, dont ceux du jour où il apprit que son ex-femme et sa fille étaient mortes de la maladie. 

Les deux amants se séparèrent avant midi et l'espion fit le point sur les informations qu'il avait obtenu depuis son arrivée sur l'île. Il avait le processus en tête, mais il lui manquait de recruter les futurs esclaves comme volontaires. Sa logistique était prête, il savait quel chemin leur faire prendre et comment les exfiltrer du pays, il ne lui manquait alors plus grand chose. Trois éléments à vrai dire. 
Le soutien de Kan Ki, qui placerait comme superviseur des opérations, un accord avec ceux régulant les allées et venues au Fort-Levant, ainsi que la marchandise. Ainsi, il allait s'attaquer à la logistique, ce sur quoi il pouvait agir le plus facilement à l'heure actuelle.


Dernière édition par Wolt Hender le Dim 23 Juin - 19:21, édité 2 fois
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Trois jours venaient de s'écouler et Wolt faisait accélérer les choses. Ce matin là, il se préparait à rejoindre Fort-Levant, pour y nouer de précieux contacts. Il mis son pantalon à pinces noir, après s'être lavé, puis se dirigea face au miroir qui se trouvait dans la chambre. Il ne reconnaissait en rien l'homme qu'il avait pu être avant sa séparation. A cette époque, il était un alcoolique notoire, un déchet pour la société. Il devint sans-domicile, vécu sous les ponts comme on dit, seul et triste. Désormais, le physique affûté, il avait un but et une ligne de conduite. Alors il s'y jetait corps et âme, n'ayant plus que ça pour le rattacher à la vie. 
Il enfila une chemise blanche, qu'il boutonna de bas en haut. D'un geste machinal, l'espion la rentra dans son pantalon puis rabattit le col. Il se glissa dans une veste anthracite parfaitement cintrée puis passa sa cravate autour de son cou. Son geste était vif et précis, il la noua avec dextérité et la serra comme on le lui avait appris lors de sa formation. Il s'agissait d'une habitude, prise par les agents, une habitude qui traduisait bien plus qu'un code vestimentaire. Il s'agissait là d'une rigueur à la limite de la philosophie de vie. 

L'agent gouvernemental était prêt, il récupéra sa mallette et s'en alla. Il poussa la porte de l'auberge avant de se diriger vers le sud de la ville, là où il espérait trouver un cochet pour le mener au domaine des Chinjao. D'un pas pressé, il traversa la ville jusqu'à ce qu'il tombe nez-à-nez avec une scène étonnante. Attentif, comme toujours, à ce qui se déroulait autour de lui, il vit du coin de l'œil la femme qui avait partagé son lit par deux fois. Elle discutait avec un homme dont l'accoutrement paraissait bien trop formel pour être un simple civil. L'espion réagit aussitôt en se glissant dans une ruelle, pour observer à couvert. Après deux rapides coups d'œil, il en déduisit que l'homme était un soldat, vu le plastron de cuir qu'il revêtait. La discussion semblait agitée et une liasse de billet fut donnée à la demoiselle. D'instinct, l'agent su.

Je me suis fait avoir, se fustigea-t-il, lui qui avait baissé la garde.

Il avait passé du bon temps, certes, mais cela ne justifiait en rien son manque de prévoyance. Il n'avait pas soupçonné qu'elle pouvait être intéressée. Son jeu d'actrice était peut-être parfait, ou cela était une énième preuve que le sexe était la faiblesse de l'homme, il avait commis une erreur. Or, en pays hostile, la moindre erreur pouvant s'avérer fatal, on lui avait appris comment tenter de se sortir de se genre de situation. Résolu, il avait pris sa décision.

L'agent du Cipher Pol contourna leur position, se dissimulant autant qu'il le pouvait dans la foule. Ppour lui, il y avait une priorité, c'était le soldat. Alors, il le suivit avec toute la discrétion dont il pouvait faire preuve. En seulement quelques minutes, il remonta jusqu'à ce qu'il découvrit être une planque. Il y avait un autre homme à l'intérieur, ce qui l'alarma. Usant de son Soru, il tenta le tout pour le tout. Il apparu dans le dos du soldat et l'instant d'après, celui-ci s'effondrait sur place, la nuque transpercée. Il l'empêcha de tomber lourdement au sol et le dissimula dans une poubelle à moitié remplie. A une minute prêt, l'homme aurait pu entrer en contact avec son collègue, dans cette ancienne échoppe qui leur servait de base.
Prudent, il ne s'aventura pas à l'intérieur, n'ayant pas assez d'informations pour donner un tel assaut. Il pris alors le partie de jouer sur l'asymétrie d'informations. Son opposant n'avait pas reçu les renseignements fournis par la demoiselle, il croyait même que Wolt était encore sous surveillance. 

Bon maintenant je dois la retrouver, constata-t-il.

Grâce à ses talents de pisteur, il pu rapidement la localiser en ville. La jeune femme se trouvait chez un fleuriste, visiblement un parent proche vu la proximité qu'elle semblait avoir avec le commerçant. Wolt observait de loin, depuis le toit d'un bâtiment de la rue d'en face, comme un prédateur. Il attendait le bon moment, prêt à fondre dessus. Après avoir saluée le cinquantenaire qui gérait la boutique, elle pris un sac poubelle et offrit de la sortir. Une aubaine. Sortant par l'entrée, elle alla dans le cul-de-sac attenant à la boutique, où étaient entreposées les poubelles. Une voie sans issues. Sans le moindre bruit, il élimina sa seconde cible. Rapide, efficace, une parfaite représentation du paradigme du Cipher Pol. Bien sûr, dans son regard à elle il perçut l'imploration pour sa vie, il perçut qu'elle voulut le supplier, jouer sur le côté affectif, mais il ne lui en laissa pas le temps, la refroidissant sans la moindre pitié. Il dissimula le corps dans l'une des bennes, avant de prendre la fuite, comme un véritable courant d'air.

Ses mains encore marquées du sang de ses victimes, il s'empressa de rejoindre l'une des fontaines de la ville, pour se les laver. Les dernières preuves le reliant à ces deux morts suspectes se dissolvaient dans les eaux des égouts de Huongzi. La matinée avait été bien plus mouvementée qu'il ne l'avait prévu, mais au moins, il n'avait pas compromis sa couverture.
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Les mains désormais plus libres, Wolt se savait désormais suivi. Il ne savait ni combien, ni comment, mais il apparaissait que c'étaient les autorités locales qui le surveillaient. Perché sur le dos d'un vieil éléphant, le trajet vers le Fort-Levant fut propice aux réflexions. Déjà, il était soulagé que ses poursuivants ne fussent pas une cellule de contre-espionnage de la Révolution, qu'il redoutait bien plus qu'un état en pleine déstabilisation politique. Aussi, il savait à quoi s'attendre et cette piqûre de rappel lui fit le plus grand bien. Les idées remises en places, il pouvait à nouveau se concentrer pleinement.
Une fois arrivé au Fort-Levant, face à l'impressionnant édifice aux mains des corsaires de la Happou Navy, l'espion n'hésita pas. Il paya son cochet et s'engouffra dans le bâtiment aux allures colossales. Il s'agissait d'une frontière clandestine, que le pacte avec la dynastie Quang avait, en partie, sécurisé. Ici, révolutionnaires, pirates, mafieux, marchands et espions grouillaient comme dans un panier de crabes. Les lieux étaient plus malfamés qu'ailleurs sur l'île, la loi n'était pas celle du reste de l'empire, mais bien celle des Chinjao. Le fort donnait sur un vaste marché sur lequel tout, absolument tout pouvait s'échanger. Les pirates corsaires locaux jouaient le rôle de policiers, quoi que leur laxisme en faisait une zone de non-droit. Se glissant dans la foule, Wolt ne faisait désormais plus tâche, tant il y avait d'étrangers ici. Il se faufilait, laissait traîner ses oreilles et tentaient d'identifier les bonnes personnes. 

Au bout de quelques heures à côtoyer cette cacophonie, il trouva un homme qui l'inspirait. Petit, trapu et imberbe, il s'agissait sans douter d'un local d'une trentaine d'années. Wolt s'en approcha tout en observant sa calèche, tirées par des cheveux, ce qui était assez rares sur Kanokuni. 

> Excusez moi, bonjour, est-ce que je pourrais vous parler, fit-il pour attirer l'attention de l'homme.
> Oui, m'sieur, qu'est-ce que vous voulez ?
> Je suis à la recherche de quelqu'un spécialisé dans le transport, j'investis sur l'île et j'aurais besoin de quelqu'un pour acheminer la marchandise, est-ce que vous proposez ce type de service ? 
> Pas vraiment, moi je ne transporte que des gens...
> D'accord... après, quand je parlais de marchandise c'était pour ne pas entrer dans les détails, mais pourrait-on s'isoler un peu ? L'homme hésita, mais finit par accepter en invita Wolt à le retrouver dans la cabine de sa calèche.
> Je vous remercie, lui fit l'espion lorsqu'il entra à son tour dans l'espace confiné. Je suis Wahr N. Buffete, un commerçant venu de loin. 
> Enchanté, m'sieur Buffete. Moi c'est Mao, disait-il en souriant. Qu'est-ce que vous voulez que je transporte ? Drogue, produits clandestins ? Proposa-t-il en arborant un visage bien différent de celui qu'il montrait en public.
> Des gens, j'ai une exploitation minière et j'ai besoin de main-d'œuvre, je paye des travailleurs pour qu'il la rejoignent. Mais du coup, j'ai besoin d'un transporteur pour les emmener de Huongzi jusqu'ici où j'ai affrété un navire. Expliqua-t-il en confiance, vu les propositions peu scrupuleuses de Mao.
> Hum... par la baie de Jing j'aurais dit non, trop risqué, mais ici ça peut le faire. Combien est-ce que ça paye ?
> Bien assez Mao, bien assez, le rassura l'espion.
> Alors je commence quand, fit le kanokunien en empoignant Wolt.
> Viens dans huit jours à cette adresse, lui dit-il en lui tendant un morceau de papier. Ce seront les premiers à partir. Puis, je te donnerais plus d'informations sur le rythme à tenir. Normalement, cela devrait être exponentiel, mon gisement est assez prolifique. Il lâcha la main de son nouvel acolyte et le remercia, avant de s'en aller.

___

Le lendemain, du côté du Go de Yuan à Huongzi


Ils n'étaient plus que trois, l'un n'était jamais rentré de la baie de Jing et l'autre avait disparu la veille. Yuan était sur les dents, les remords et la culpabilité avaient supplantés sa motivation. Lui qui croyait dur comme fer en son instinct, avait désormais le sang de deux frères sur les mains. Il pensait les avoir jeté à l'abattoir et s'en voulait terriblement. Ce fardeau était bien trop lourd pour lui, qui s'était enrôlé dans l'armée impériale depuis moins d'un an. Pour autant, il n'avait rien qui liait les deux disparitions avec l'étranger qu'il poursuivait. Il n'était même pas sûr que celui-ci avait quoi que ce soit à voir avec ces événements, il était perdu. Il passa la journée seul, laissant une permission à ses deux derniers hommes. Il s'occupa lui-même de la surveillance rapproché de Wolt, tout en cogitant. Il se torturait l'esprit, retournait le problème dans tous les sens. Visiblement, le blond ne faisait rien et cela ne faisait qu'aggraver le doute qui grandissait en lui. 

Il pris alors une décision : deux jours. Deux jours supplémentaire d'espionnage, sans la moindre preuve obtenu, il signalerait à sa hiérarchie qu'il abandonnait, sa piste ne menant à rien. Ainsi, il pourrait aller présenter ses condoléances aux familles des deux défunts de son équipe, ceux desquels il avait la responsabilité. 
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L'agent Wolt ne pouvait que constater une chose, recruter des volontaires n'était pas chose aisée. Les locaux se méfiaient de lui et de son offre, ce qui lui valait d'être bredouille. Contre son gré, il passait pour l'étranger venu faire son beurre sur leurs terres, au détriment de la population autochtone. Dans le fond ils n'avaient pas tord, car Wolt défendait les intérêts économiques du Gouvernement Mondial, tout en mettant en place une traite d'êtres humaines pour le bon vouloir de sa Sainteté Cassandra Yonesku. Dans ce contexte, les kanokuniens n'avaient rien à en tirer de bon, mais qu'importe, ils ne devaient pas en être au courant. Le plan avait été peaufiné, déconstruit puis reconstruit un nombre incalculable de fois. L'espion savait désormais quelle allait être la marche à suivre désormais. Car bien entendu, les arguments qu'il avait fourni à ce cher Kan Ki n'étaient qu'une version déguisée et édulcorée de son véritable modèle économique. Car avec un prix de vente aux alentours de cinq cent mille berrys, les frais de fonctionnement d'une telle affaires seraient trop élevés, dans les conditions annoncées. En réalité, l'agent gouvernemental prévoyait d'alléger drastiquement ces frais, grâce à une sélection précise des candidats. L'objectif n'était pas de s'arroger une part toujours plus conséquentes de bénéfices, mais plutôt de dégager plus de liquidités. Ainsi, il aurait de quoi reverser des pots-de-vin, payer grassement Kan Ki ainsi que Mao et, par la suite, faire grossir l'organisation.

Après ses déboires, bien qu'il ai présenté son offre à des nécessiteux, il compris une chose : il avait négligé le concept de "face".
Rigoureux, il avait pris son temps pour la mise en place de son plan, mais pensait que l'argent seul, serait suffisant à motiver des volontaires. Or, même chez les miséreux, ce principe fondamental de la société kanokunienne était trop prégnant. Ainsi, chaque sans-domicile, chaque prostitué qu'il était allé voir, l'avait renvoyé dans les choux avec tact, par peur de ce qu'en diraient autrui, qu'ils fassent affaire avec un étranger inconnu. Fort de ce constat, il ajouta une pièce à son plan, qu'il espérait être celle qui débloquerait la situation. Alors, ce jour même, il se rendit dans une rue passante où quelques enseignes étaient vides. Des boutiques, anciens locaux d'entreprises ou appartements étaient laissés à l'abandon. Attirant l'attention du voisinage, il se fit rapidement connaître comme un homme d'affaires venus d'ailleurs, souhaitant s'approprier des locaux commerciaux. Une requête qui ne manqua pas d'attirer de nombreux propriétaires, désireux d'enfin gagner de l'argent grâce à leurs biens. Si bien qu'avant seize heure, ils étaient une dizaine à se présenter à lui, à même la rue. Un à un, il saluait les propriétaires, allait visiter leur local puis entamait une courte phase de négociation, avant de passer au suivant. Cette manière de procéder, déjà, lui valait de recevoir des offres assez basses, car nul ne voulait se faire doubler par son voisin. Les prix tirés vers le bas, il conclu malgré tout de faire une contre-visite de deux biens. Le premier fut une ancienne boutique de matériel agricole, tandis que le second était une fabrique de lampion, dont l'heure de gloire était passé il y a bien longtemps.

Finalement, il opta pour l'ex fabrique de lampion, qui offrait, selon lui, de meilleures prestations. Ce local était assez basique, mais comportait quelques avantages, il s'y projetait mieux. La boutique était disposée comme suit :
Un rez-de-chaussée rectangle, dans la longueur, d'environ cinquante mètres carrés. Au fond se trouvait l'escalier menant à l'étage, tandis qu'à l'entrée se trouvait un espace dégagé, qui servirait de salle d'attente pour les postulants. Puis, quelques mètres en retrait, un bureau ouvert sur l'entrée permettrait de gérer l'afflux client. Aussi, entre ce bureau et l'escalier du fond, Wolt prévoyait de monter un mur pour créer une salle servant de "sas" dans lequel les volontaires trouveraient des éléments rappelant la mine d'Inu Town, comme des outils, des cristaux, des cartes de la mines et ainsi de suite. Le but étant de projeter les travailleurs dans cet univers pour qu'ils y croient. Enfin, l'étage était partagé entre quatre pièces distinctes, séparées en leur centre par un long couleur. La première à gauche était une salle de réunion, qui servirait aux entretiens, tandis qu'en face était une salle qui servirait à accueillir les futurs employés. Puis, la seconde à gauche était le futur bureau de Kan Ki, en face se trouvant celui de Wolt. Le bail fut rapidement signé, un simple griffonnage qui pourtant représentait un véritable bond de géant pour le reste de la mission. 

Méthodique, celui qui se faisait désormais appeler Wahr N. Buffete en public, clôtura sa journée de mission sur cette réussite. Il passa la soirée à écrire, penser, et ajuster la suite du plan. Inlassable travailleur, le succès n'était pas une option selon lui. Le Gouvernement Mondial lui faisait confiance, il devait tenir son rang. Ainsi, le lendemain il se rendit dans une zone du nord de la ville, là où de nombreuses sociétés de maçonnerie et travaux en tous genres siégeaient. Devis en main, il compara les offres, négocia quelques rabais et fini par se décider. Ainsi, les travaux de "Buffete Intérim" débutèrent, car un pot-de-vin glissé au patron, lui permis de remonter tout en haut de la liste des priorités. Pendant ce temps, il avait quelque chose d'important à faire. Sachant que des hommes étaient à ses trousses, il se devait d'être encore plus vigilant que d'habitude. Cette situation n'était plus tenable, cela entravait ses plans, il ne pouvait plus se permettre de passer son temps à regarder par-dessus son épaule.

Ses objectifs étaient alors de les démasquer d'une part, puis de les éliminer d'une manière ou d'une autre. Lors de sa formation au Cipher Pol, de nombreuses techniques de filatures et de contre-filatures lui avaient été apprises. L'une d'elle consistait à semer le trouble dans l'esprit du poursuivant, en multipliant les mouvements incohérents. Suscitant alors l'incompréhension, cette méthode finissait généralement par engendrer un faux-pas chez l'ennemi, qui finissait par se trahir. Ne restait alors plus qu'à le faire taire. 
Wolt mis son entraînement à contribution, se déplaçant en ville de manière totalement aléatoire. Il tournait à gauche, puis à droite, revenait sur ses pas, puis reprenait à droite. Son itinéraire était un cafouillis incompréhensible, qu'il menait d'une main de maître. Il s'arrêtait parfois, saluant des commerçants et discutant quelques instants, avant de reprendre son chemin qui n'allait nulle part.
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Yuan résista bien plus longtemps que ne l'avait prévu l'agent Wolt, presque deux heures supplémentaires, pour être plus précis. Agacé, l'espion envoyé par le Gouvernement Mondial avait dû redoubler d'efforts, pour pousser son poursuivant à la faute. Ainsi, alors qu'il avait tourné à l'embranchement d'une petite ruelle entre deux bâtiments imposants, il vit une opportunité, un cul-de-sac s'enfonçait à gauche. L'ex-bureaucrate s'y engouffra aussitôt, attendant patiemment que celui qui le suivait ne passe devant lui. Selon ce qu'on lui avait appris au Cipher Pol, une filature réussie passait par distance maintenue de maximum cinquante mètres, afin de rester capable d'agir rapidement, tout en se fondant dans la foule. Le blond sorti sa montre-à-gousset et compta une quinzaine de secondes. Rien. Personne ne passait devant lui, il attendit encore, toujours rien. Ses nerfs étaient mis à rude épreuve. 

J'ai pas rêvé pourtant... se dit-il avec autant de surprise que de frustration.

Il avança alors, sortant de sa cachette, lorsqu'il percuta quelqu'un. L'élan qu'il avait pris et celui qu'avait l'autre individu s'entrechoquèrent, les asseyant tous les deux au sol, légèrement sonnés. Ils échangèrent un regard, l'air se figea tout autour. Ils savaient. L'homme qui faisait face à Wolt avait le fourreau d'un sabre à la taille, sa main cherchait le pommeau de son arme qu'il saisit fermement. Aucun d'eux ne prononçait le moindre mot, ils se jaugeaient dans une atmosphère des plus étranges.

> Monsieur N. Buff... tenta de dire le soldat impérial, avant d'être coupé par l'espion qui se redressa d'un bond, tout en lui envoyant un coup de pied magistral dans la face. 

D'un bras maladroit, Yuan se protégea le visage, reculant de quelques centimètres sur le sol poussiéreux. Il se releva à son tour, puis dégaina son épée, tranchant en diagonal devant lui. Wolt eu un mouvement de recul, le tranchant du sabre sectionna les boutons de sa chemise qu'il s'ouvrit aussitôt, dévoilant des abdominaux parfaitement dessinés. La seconde suivante, il lui fonça dessus. Dans la ruelle, il n'y avait pas de passage à cette heure de la journée, ce qui fit leur affaire, car l'un comme l'autre se complaisait dans la discrétion. Le duel fut bref, sans pour autant être à sens unique. Les deux hommes se battaient vaillamment, mais les capacités de l'agent gouvernemental lui permirent de prendre l'ascendant.
Yuan tenta un coup d'estoc pour égorger son opposant, qui se planta dans le sol comme un arbre. La lame arriva au cou de l'espion et, dans un sifflement métallique, ricocha comme une pierre lancée contre un mur. L'ouverture était bien trop flagrante pour qu'un homme rompu aux combats comme Wolt n'en profite pas pleinement. Son index transperça la tempe du soldat, qui s'effondra de tout son poids, mort sur le coup. Dans la hâte, l'espion se saisit du corps inanimé et le posa sur son épaule, faisant attention à ce que le sang ne lui coule pas dessus. Il escalada une échelle qui menait au toit d'un bâtiment adjacent, un local professionnel. Là haut, il trouva un amas de tuiles, des tissus, du cordage et une grande quantité de sable sous la forme d'un monticule. Ni une, ni deux, il traîna Yuan jusqu'au niveau du sable et l'enrubanna dans le tissu. Puis, il le recouvrit d'une petite dune, qu'il dissimula sous une construction approximative de tuiles, tenues par les cordes qui se trouvaient là. La sépulture improvisée, il descendit du toit en brisant l'échelle et pris la fuite aussi discrètement que possible. 

Il se sentait désormais totalement libre, ce qui le réconfortait grandement. Il pu ainsi profiter de la fin de la journée avec plus de soulagement.

Le soir même, son dîné fut copieux et succulent, comme pour célébrer la nouvelle grande étape de ce plan, qui venait de s'achever. Il s'en délectait dans un petit restaurant sans prétentions, que tenait une famille de locaux. Ceux-ci étaient très accueillants, chaque serveur arborait un grand sourire empreint de sympathie et les plats étaient confectionnés avec amour et savoir-faire. C'était une sorte d'accalmie, dans cette mission, qui ne fit pas de mal à l'espion. Il n'avait pas encore mené de longue mission d'infiltration, il n'était donc pas encore habitué à maintenir un tel niveau d'alerte et de concentration sur une si longue période. Bien entendu, il s'y faisait petit à petit, mais mesurait ô combien le travail de sape du Cipher Pol Six devait être éprouvant.

Il rentra dans son auberge aux alentours de vingt-trois heures, dans la fraîcheur de la nuit. Il s'était plutôt bien décontracté et comptait sur un sommeil réparateur. Pensant avoir éliminé le dernier de ses poursuivants, il ne se rendit pas compte que deux paires d'yeux le fixaient dans la pénombre. Les deux derniers membres du "Go" remplissaient encore leur devoir, sans pour autant savoir ce qu'il était advenu de Yuan, avec qui ils faisaient généralement un point avant l'aube. Ce n'était donc plus qu'une question de temps avant qu'ils ne se rendent compte de sa disparition, qui, additionnée à celles de leurs deux autres compagnons, ne tarderait pas de les alerter.
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Quatre jours plus tard


L'agent Wolt approchait les mendiants qu'il trouvait, leur promettant un travail et une situation à la clé. Les travaux, qui n'étaient que de l'ordre du rafraîchissement de façade et de l'aménagement étaient en passe d'être terminé dans les locaux de la "Buffete Intérim". Le plan se déroulait à merveille, la plupart des points étant d'ores et déjà réglés. Bien entendu, il manquait encore le soutien de Kan Ki, mais l'espion avait bon espoir. Le temps qu'il avait passé avec cet homme et les liens qu'ils avaient noués étaient forts. Il savait que le cochet était un homme d'honneur, la dette qu'il avait contracté auprès de lui serait trop forte pour qu'il refuse, l'agent en était persuadé. Présentant ses locaux à un énième laissé pour compte qu'il tentait d'attraper dans ses filets, il fut surpris par quelqu'un lui faisant de grand signe depuis la rue. Il s'excusa donc auprès de son interlocuteur et vit Kan Ki, l'air enjoué qui le saluait. Les deux hommes avancèrent l'un vers l'autre et s'ensuivit une accolade chaleureuse. 

> Kan Ki, je ne vous attendais pas avant quelques jours, se réjouit Wolt qui le tenait par les deux épaules en le scrutant. Je suis ravis de vous voir ici, quand êtes-vous arrivé ? 
> Eh eh, nous sommes arrivés depuis ce matin, des passants m'ont indiqués votre acquisition de ce bâtiment, c'est grandiose ! Vous étiez sûr que je viendrais ? Lui demanda-t-il en masquant mal son enthousiasme.
> C'est super, cela signifie qu'on parle de nous ! Sûr non, mais je l'espérais fortement, allez, entrez ! 
> Je vous suis, fit Kan Ki en emboîtant le pas de son ami. 

Les deux hommes entrèrent et Wolt pu poursuivre sa négociation alors qu'il envoya le cochet dans un bureau parfaitement meublé. Le discours commercial était tiré à quatre épingles, parfaitement ficelé de bout en bout. Le mendiant accepta l'offre et signa un document l'attestant. Ayant conclu le contrat, il rejoignit Kan Ki. 

> Voici votre futur bureau, ça vous plait ? Dit-il en ouvrant la porte.
> C'est vraiment génial, on dirait une vraie belle entreprise, répondit Kan Ki presque rêveur.
> C'est une belle entreprise, le reprit Wolt. Alors, monsieur le directeur, qu'en dites-vous ? Le flatta-t-il avec bonhomie.
> Directeur ? Vous n'aviez donc pas menti...
> Pourquoi l'aurais-je fais ? Semblait s'étonner l'espion.
> Ma femme était contre notre départ, elle pensait que vous me rouleriez dans la farine de riz avec une offre trop alléchante pour être vraie, se confia Kan Ki. Mais je lui ai assuré qu'elle se faisait des idées, je lui ai raconté ce qu'il s'est passé sur le chemin pour venir ici et votre bravoure l'a convaincue. Si bien que le lendemain nous sommes partis, avec nos enfants pour rejoindre Huongzi et nous voilà. L'agent du Cipher Pol n'en croyait pas ses oreilles.
> Vous avez tout quitté là-bas ? Fit-il mine de s'inquiéter. Je ne pensais pas que vous seriez si... radical, fit-il faussement contrarié. Enfin, sachez que j'en suis malgré tout ravi, vous êtes l'homme dont j'ai besoin et nous allons faire de belles affaires ensembles, croyez moi ! 
> D'ailleurs, avez-vous avancé dans votre projet ?
> Oh, bien plus que vous pouvez le croire ! J'ai un local, un partenaire pour le transport et des clauses commerciales. Tout est prêt, il ne manque plus que votre faculté à apporter trouver des travailleurs adéquates, car c'est un peu laborieux pour moi, je n'ai réussi à convaincre que deux personnes jusqu'à présent...
> C'est formidable, ce que vous avez fait là est vraiment grandiose, constata Kan Ki en regardant autour de lui. Je suis ravis de partager cette aventure avec vous, dit-il en empoignant Wolt.

Il allait retirer sa main, mais l'étreinte de l'agent du gouvernement se raffermit. De plus en plus, jusqu'à devenir quelque peu oppressante. 

> Je vous présente ainsi notre offre commerciale, décortiqua doucement Wolt tout en desserrant sa poigne. L'atmosphère avait changé du tout au tout. Nos cibles seront les mendiants, les prostituées ou les personnes lourdement endettées. Nous leur offrons un emploi pour une durée de 36 mois, durant lequel ils seront logés et nourris, sans recevoir de salaire. A l'issu de ses trois années de labeur, nous leur reversons la totalité de leurs salaires, à compter de 300 000 berrys par mois, plus une prime évaluée à 1% de l'ensemble des profits générés grâce à eux sur leur période de travail. Ils auront donc une belle rente qui leur permettra de ne plus avoir à travailler en rentrant sur Kanokuni après 3 ans passés loin d'ici.
> Il n'est plus question de reverser les salaires aux familles si je comprend bien ? S'inquiéta Kan Ki, qui voyait en cette promesse une amélioration du niveau de vie sur l'île.
> Eh bien non, cela demande une capacité de gestion bien supérieur à ce que nous avons ici, mais aussi une capacité de vente encore bien accrue qui mettrait en danger ma société. Car si je ne parviens pas à vendre suffisamment de cristaux ou au moindre incident, je me verrais dans l'incapacité de payer ces salaires. Je préfère donc assurer une marge de protection à ma société, en ne payant les travailleurs qu'à la fin de leur mission. J'espère que vous n'y voyez pas d'inconvénients, sonda-t-il son ami.
> Humpf... fit Kan Ki dont le sang bouillonnait tant il voyait là une volonté d'arnaquer ces pauvres gens. Ce n'est pas très juste, ils travaillent mais ne reçoivent rien. Comment les leurs feront-ils pour manger à leur faim ?
> J'en suis vraiment désolé, mais j'ai pris cette décision pour la pérennité de mon entreprise. Cela va aider de nombreuses familles, qui une fois les 3 années passées, n'auront plus de problèmes pour vivre dignement.
> Oui mais dans l'immédiat !? S'emporta légèrement Kan Ki. Excusez-moi, se reprit-il. C'est donc pour ça que vous me parliez de mendiant, prostituées et endettés ? C'est parce que vous ciblez désormais ceux qui n'ont personne ou qui n'ont pas d'autre choix ? Demanda-t-il avec une profonde tristesse dans la voix. Tout cela ne ressemble pas à ce qu'on avait convenu avant que je parte... je n'aurais pas amené les miens si j'avais su.. je suis désolé, mais c'est bien au-delà de mes convictions.
> Pourtant c'est ainsi, fit Wolt en lui posant la main sur l'épaule. Il plongeait son regard dans celui du cochet. Vous avez fait déménager les vôtres jusqu'ici, ils n'ont rien d'autre que cette opportunité pour espérer manger. Ma méthode ne vous plaît pas ? Vous vous en accommoderez, vous verrez, annonça-t-il comme une menace. Je vous propose de louer une maison à votre nom, comme ça vous n'aurez aucun mal à loger votre famille, d'autre part, votre salaire sera de 800 000 berrys pour l'instant, mais cela évoluera par la suite. C'est une belle offre pour que votre femme et vos cinq enfants n'aient plus à craindre l'avenir, alors ? Fit-il en tendant sa main vers Kan Ki, afin de sceller le pacte. Le cochet pris deux longues minutes de réflexion, qui semblèrent durer une éternité.
> Je.. je peux pas.. je suis désolé, mais je ne peux pas. Il tenta de reculer, mais la pression exercée par la main de Wolt sur son épaule l'en empêcha.
> Serrez ma main et acceptez, pensez à vos enfants, somma l'espion.
> Non, ces pratiques sont presque mafieuses, je ne peux y prendre part.
> Je vous ai sauvé la vie et quand moi j'ai besoin de votre aide, vous me tournez le dos ainsi ? Je vous avais donc si mal jugé que cela ? 
> Non, mais je ne peux pas...
> Vous me devez la vie, moi j'offre à votre famille la sérénité d'esprit et vous me trahissez ainsi ? 
> Pu.. Merde... Contraint par ses principes et la douleur qui se dégageait de l'étreinte de son interlocuteur, Kan Ki serra la main qui se présentait à lui à contrecœur. Révolté, il ne dit rien lorsque Wolt lui annonça qu'il débutait son nouveau travail dès le lendemain.
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Lorsqu'il retrouva les siens, Kan Ki n'en menait pas large. Il embrassa sa femme et étreignit autant de ses enfants qu'il ne pu le faire en une seule fois. Il souriait, bien malgré lui, faisant semblant que tout allait pour le mieux. Ils passèrent la nuit dans une auberge, car ils n'avaient pas encore de maison bien à eux. Leur venue, le jour même, était censé se dérouler sous le signe de l'abondance et le bonheur. Au final, l'ex-cochet ne dormi presque pas de la nuit. Il se tournait et se retournait inlassablement dans le lit, les yeux grands ouverts. Il savait sa famille préservée du besoin, mais était sujet à un dilemme moral qui le torturait. Se déshonorer par deux fois, en trahissant l'homme à qui il devait sa vie, puis en avouant aux siens qu'il s'était fait rouler, et leur faire subir une vie des plus rudes, ou bien vivre sa vie en sachant qu'il exploiterait des compatriotes, voilà ce qui se présentait à lui. La nuit mouvementé laissa la place à un matin mutique, il était plongé dans ses pensées, cherchant une réponse à un problème insoluble. Il éveilla les soupçons de sa femme, mais les balaya d'un revers de main, mettant cela sur le dos de la nostalgie d'avoir quitté leur village. Un mensonge qui ne la convainquit pas totalement, mais qui suffit à détourner la discussion de ce fâcheux sujet. Alors, après avoir embrassé chacun de ses enfants, il se rendit à la "Buffete Intérim" où il trouva Wolt qui l'attendait, les yeux rivés sur sa montre à gousset.

> J'ai cru que vous ne viendriez pas cher ami, l'accueillit-il chaleureusement avec une tape sur l'épaule. Ceci ne manqua pas d'irriter Kan Ki, qui se mordait déjà les lèvres.
> Vous m'avez annoncé que je débutais ce matin, me voilà, pourquoi en aurait-il été autrement ?
> Ce n'est pas faux, j'ai toujours su que vous étiez un homme de valeur. A ces mots, Kan Ki eut envie de lui sauter à la gorge. Aujourd'hui, j'aurais besoin que vous dégotiez nos futurs travailleurs, cela est trop compliqué pour moi. Demain, mon coursier viendra récupérer les volontaires et les emmènera jusqu'au navire que j'ai spécialement affrété, dévoilait l'espion d'un air enjoué. Son regard était presque pervers, car il savait très bien que Kan Ki avait deviné les tenants et aboutissants de se plan, et il cherchait sa réaction. Avez-vous des questions ?
> Hum.. Kan Ki hurlait de colère en son for intérieur. Dois-je envoyer les volontaires ici dès que j'ai leur accord ?
> Bien entendu, faites leur signer le contrat directement, vous trouverez sur le bureau de l'accueil un calepin, des exemplaires du contrat et une stylo, lui indiqua Wolt du doigt.
> D'accord, ah oui, étant donné qu'ils partiront pour la baie de Jing, votre coursier annonce combien de temps de trajet ?
> Les plans ont changés, mon prestataire m'a conseillé de changer de route commercial, le Fort Levant nous permettra de réduire le temps de trajet, expliqua-t-il en scrutant le regard de son interlocuteur. La mâchoire de Kan Ki se crispa, il n'avait plus le moindre doute sur la légalité de cette entreprise. Le poing serré, il ne décolérait pas.
> Vous êtes infâme monsi...
> Mais que dites-vous, mon cher Kan Ki, vous êtes le Directeur de la Buffete Intérim. C'est grâce à votre expertise des spécificités locales que nous sommes ici. D'autant plus que je ne suis qu'un investisseur étranger, souhaitant me développer économiquement sur Kanokuni, vous vous exploitez la misère locale, que vous connaissez bien, pour sortir de votre condition et vous élever socialement, conta Wolt comme s'il lisait l'histoire d'un livre. Vous avez pris mon argent et vous avez jouer avec les lois pour mettre à l'abri votre famille, au dépens de vos concitoyens, certes, mais qui pourrait vous en blâmer ? Ce discours était comme un coup de poignard en plein cœur pour Kan Ki. Il resta bouche-bée. Allons, allons, ne le prenez pas ainsi, vos enfants ne connaîtront plus le besoin, n'est-ce pas là le rôle d'un père ?

Kan Ki était abasourdi, le piège s'était totalement refermé sur lui. Il voyait comme au travers d'un léger voile blanc, ses tempes vrombissaient, son corps battait comme un tambour de guerre dans sa gorge. Les yeux rouges de larmes qui ne coulaient pas encore, ses poings se serrèrent en un éclair. Il avança son pieds droit, prêt à en découdre cet étranger qu'il croyait connaître, mais celui-ci ne fit rien. Il était planté devant lui, les mains dans les poches. Des yeux, il l'avertit que les passants voyaient tout ce qu'il se passait, l'homme serait alors accusé d'agression par tous ces témoins potentiels. Il voyait rouge, s'était comme si plus il se débattait, plus il s'enfonçait dans des sables mouvants. Une sensation d'impuissance terrible le saisit, lui laissant un goût âpre dans la bouche.
Puis, lorsqu'il se rendit véritablement compte qu'il était pieds et poings liés, se fut au tour du désespoir de se manifester. Comme s'il plongeait dans une eau obscure et sans fond, entravé par des liens l'empêchant de nager vers la surface. Il n'avait plus qu'à s'étouffer et sombrer, dans cette éternité silencieuse.

Le jour même, Kan Ki exécuta son rôle à merveille et fit grossir les rangs des volontaires jusqu'à ce qu'ils n'atteignent une trentaine d'individus. Wolt était satisfait et lui fit savoir, n'oubliant pas de louer ses fidèles services. Les deux hommes se quittèrent dans un silence mortuaire et se retrouvèrent le lendemain sous les mêmes auspices. Mao arriva aux rennes de sa calèche et fit les aller-retour jusqu'au Fort Levant, à raison de huit individus à la fois. Lors de son ultime voyage, Wolt l'accompagnait et ils discutèrent de banalité, comme s'ils n'étaient pas en train d'acheminer de futurs esclaves vers un navire négrier. L'affaire avait mis son temps pour éclore, mais désormais sa marche était inévitable.

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Marijoa


L'escargoscanner de Glawdys Finnegan se réveilla d'un coup et ouvrit sa large bouche rectangulaire. En sortit un papier, comportant la signature de son confrère, le directeur Henry Stemper du Cipher Pol Deux. Assise sur son fauteuil, elle se saisit de la missive et un sourire se dessina sur son visage. 

> Heureusement pour toi que ça a fonctionné Stemper, sinon, qui sait ce qu'il aurait pu t'arriver, marmonna-t-elle victorieuse.

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La Cité Rouge, Kanokuni


Dans un bureau de l'administration de l'armée impériale, les deux survivants du "Go", qu'avait mené Yuan suite aux cris de son instinct, faisaient leur rapport à leur hiérarchie. Ils évoquèrent la disparition de chacun des leurs, celle de leur chef leur arracha une larme, qu'ils ravalèrent difficilement. Yuan avait été retrouvé sans vie, un autre également alors que le troisième, celui qui s'était fait tué aux alentours de la baie de Jing, restait lui introuvable. Les deux hommes en étaient sûr, l'étranger représentait une menace, bien qu'ils n'avaient pas de preuve concrète. Aussi, leur supérieur était face à un problème. Devant le manque d'éléments, il ne pouvait mener une action par la voie judiciaire, ni justifier une descente de l'armée. Alors, il entreprit de surveiller les activités de ce dénommé Wahr N. Buffete, avec la même attention qu'il portait aux affaires mafieuses sur l'île. Un regard distant, mais prêt à fondre à tout instant.
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