OPA hostile - partie 4

Les trois hommes marchaient à l'unisson.

Ils remontaient lentement les quais, les mines fermées. Dans la semi pénombre de ce début de soirée, seuls quelques rares échos de vie brisaient le silence. Les sandales d'Hayato crissaient sur le ponton de bois, à mesure qu'il se rapprochait du responsable. Les ersatz d'humains, capables de telles bassesses, ne méritaient ni clémence ni respect. Ils avaient attaqué en traitre un bastion allié jusqu'à le raser. Ils avaient tabassé et laissé pour morte une jeune femme venue récupérer sa sœur. Soeur qu'ils avaient, depuis des mois, réduite au rang d'esclave ! Les douloureux souvenirs de Rhétalia le hantaient encore, tant et si bien qu'Hayato vouait une ire sans précédent au responsable de ces actes de barbarie ! Sans un mot, il gravit les quelques marches qui menaient vers la Favela.

Kong et Zack, sur ses talons, ne pipaient mot.

Le premier, dont le visage était difficile à déchiffrer en temps normal, plaquait à présent une résolution et une colère froide sur tous ses traits. En quelques semaines seulement, Matsuri avait réussi à le comprendre, à saisir ses envies et ses habitudes. La kunoichi avait, alors, pris grand soin de s'insérer délicatement au sein du groupe, sans brusquer cet ancien moine. Avide de solitude, de lecture et d'introspection, Kong adorait se plonger dans des ouvrages de qualité. Aussi, quelle n'avait pas été sa surprise, la veille, lorsqu'il s'était réveillé avec un livre ardemment désiré, posé sur sa table de chevet. Il se rappelait qu'il avait à peine mentionné son existence, durant leur trajet. Mais elle s'en était rappelé et le lui avait trouvé sur Carcinomia, malgré leurs emplois du temps infernaux. Or donc, la savoir entre la vie et la mort du fait du clan Burn était...

Impardonnable !

Le mink, quant à lui, n'en menait pas large. Il se sentait honteux, presque coupable de la situation ! Son grand cœur l'avait perdu, une fois de plus. Matsuri et lui avait fait équipe depuis plusieurs jours et, de par le fait, avaient appris à se connaître. Zack avait senti grandir un profond respect et une affection dignes d'un grand frère, envers cette jeune ninja discrète, efficace et foncièrement bienveillante. Malgré le poids conséquent qui reposaient sur leurs épaules pour le succès de l'opération, elle avait su garder la tête froide et avait mené ses missions avec brio. Aussi, la confiance qu'il lui portait l'avait poussé à accepter sa demande. Elle lui avait demandé de prendre les autres avec lui et de partir du quartier général du clan Wave sous, il s'en rendait compte à présent, un prétexte fallacieux. Avait elle senti l'attaque venir ? Avait elle désiré le protéger ? Eviter que le mink ne tombe, lui aussi dans l'embuscade ? Et lui, gros benêt, avait accepté de bon cœur de convaincre ses camarades. Aussi, revenir pour la retrouver dans cet état...

Inexcusable !

Le sabreur qui menait la marche, silencieux, était dans tous ses états. D'ordinaire si calme, si prompt au dialogue et à mettre en application les préceptes de son père adoptif... Hayato fulminait. Il sentait son cœur pomper un liquide incandescent dans ses veines, gonflant sa poitrine d'un feu inextinguible. Matsuri l'avait touché par sa délicatesse, sa détermination, sa générosité et sa loyauté. Elle ne lui avait demandé qu'une chose : sauver sa sœur. Faisant fi du danger pour elle-même, la kunoichi était revenue sur Carcinomia affronter ceux qui l'avaient trahie. L'épéiste s'était porté garant de sa sécurité, à elle, à Johnny Blue et à tout le clan Wave. Résultat ? Ils avaient été balayés ! Peu lui importait le coup porté à son ego. Non. Le fait de n'avoir pu tenir une promesse donnée lui était insoutenable. Alors, laisser à présent mourir la sœur de Matsuri ?

Impossible !

Les quelques passants des favelas s'écartaient de leur chemin, avant de rentrer en toute hate dans leurs bicoques. Il ne fallait pas être un génie pour comprendre ce qui allait secouer le quartier dans quelques instants. Sans même les regarder, les trois hommes balayèrent les quelques rares ennemis qui tentèrent de les arrêter. Ce faisant, ils découvrir de multiples enclos et d'autres cages, où des hommes et des femmes étaient parqués comme du bétail, prêts à être vendus. Le feu intérieur des trois hommes s'embrasa de plus belle, tandis qu'ils libéraient les captifs. Malgré leur sourde colère, ils prirent bien garde à ne blesser aucun civil. Loin de laisser leur fureur les aveugler, leur courroux les forçait à se concentrer sur un – et un seul – objectif : éradiquer le clan Burn. La route de sable qui s'étendait devant eux menait tout droit à l'arène. Instinctivement, ils savaient qu'ils y trouveraient les auteurs des méfaits qui les ulcéraient. Lorsqu'enfin le trio arriva devant les lourdes portes blindées de l'arène, Hayato reprit la parole :


- Mettez en sécurité les civils. La priorité est le sauvetage de la sœur de Matsuri. Quant au clan Burn, je ne veux aucun survivant.


Sans un mot, ses deux bras droit hochèrent la tête avant de disparaître. Ils s'affairèrent aux alentours, afin de mettre à l'abri les quelques curieux. De son coté, Hayato regarda d'un œil furieux le petit comité d'accueil qui l'attendait. Du menu fretin. Sans crier gare, son bras droit fusa vers la garde de Kashuu. Il dégaina en une fraction de seconde. La lame du meitou sembla onduler, telle une vague déchirant le ciel nocturne. Le sabreur effectua trois larges coupes horizontales, quasiment instantanées, avant de rengainer aussi vite.


- Tengai Giri !


L'immense lame d'air fendit l'espace. Pris de court, les pauvres hères n'eurent ni la possibilité d'esquiver, ni même de repousser l'assaut. L'attaque trancha l'air, les corps, la pierre et le métal comme si de rien n'était. Dans un grincement infâme, les lourdes portes s'affaissèrent, avant de tomber au sol dans un vacarme insoutenable. Une gigantesque balafre venait d'ouvrir le passage en une fraction de seconde. Sans plus attendre, Hayato continua son chemin et entra dans l'arène, bien décidé à en découdre.

Le ton était donné.

Lorsqu'Hayato franchit les portes en lambeaux, ses sens se portaient à leur paroxysme. La tête de nouveau froide et le regard acéré, l'esprit combatif de l'épéiste n'attendait qu'une chose : en découdre. Il grinça intérieurement en découvrant un autre immonde stratagème de son ennemi : utiliser des bachibouzouks ! Le bretteur était porté sur la tolérance et le pardon, autant que faire se pouvait. Pourtant, la liste des infamies de Red Foster s'allongeait à vue d'oeil. Hayato ne répondit pas aux moqueries, et se contenta de toiser les pauvres hères qui formaient une bien piètre barrière entre le mécréant et sa sentence. Lorsque l'enfant le défia, Hayato le dévisagea sans un mot. Il plongea ses prunelles d'acier dans celles de l'enfant, dépourvues de vie, puis serra les dents.


- Je ne le dirais qu'une seule fois, lança le sabreur d'une voix forte. Je vais prendre la tête du monstre qui vous sert de chef. Ceux qui le souhaitent, déposez les armes et écartez-vous. Les autres, vous mourrez en premiers.


Un calme surnaturel sembla retomber sur l'arène un instant. L'ex vagabond avait beau se trouver seul face à une cinquantaine d'hommes armés, il n'avait pas flanché un seul instant. Calme et sur de lui, Hayato leur laissait même une ultime chance de se rendre. Fidèle à lui-même, le chef du clan Suisou suivait les doctrines que son clan se transmettait de génération en génération. Parmi elles, l'interdiction formelle de blesser le moindre civil. Mais pouvait-on vraiment caractériser de « civil » les pantomimes d'humains qui se dressaient devant lui ? Ils n'étaient que l'ombre d'eux-mêmes, avaient été brisés et dressés... telles des bêtes sauvages ! Soudain, Synep s'approcha à pas comptés, avant d'ostensiblement jeter son couteau à terre. Des larmes coulèrent le long des yeux du jeune garçon, alors qu'il s'approchait de l'intrus.


- M'sieurs ! Pitié ! Moi... moi... moi j'veux... J'veux vous crever !


Un éclair.

Une douleur aigue.

L'épéiste baissa les yeux et découvrit un couteau dans son flanc gauche. Le rictus du jeune garçon le glaça bien plus que le geste. Red Foster avait bien réussi son coup. Même les enfants avaient été pervertis et rabaissés à son niveau ? Alors que la foule hurlait de joie, à la vue du premier sang, le temps sembla ralentir pour Hayato. Il baissa le regard vers l'enfant. Ce dernier tenta de retirer son arme, goguenard, avant de déchanter. Les muscles contractés au maximum, Hayato retenait la lame sans effort face aux maigres forces de Synep. Ce dernier blêmit, lorsque le vagabond attrapa lentement Kashuu de la main gauche. Un cliquetis métallique s'éleva, lorsque la main tannée du sabreur attrapa son sabre. Alors, comme s'ils avaient attendu ce signal, tous les esclaves se lancèrent à l'assaut comme un seul homme. L'enfant finit par abandonner et plongea pour récupérer sa première arme dans le sable.


- Ainsi soit il.


Presque pour lui-même, Hayato avait parlé avec une pointe de dépit. Malgré les apparences, il espérait réellement qu'une partie des esclaves se soient rendus à la raison. C'eut été prouver qu'une partie d'entre eux pouvait être sauvée. La douleur et la colère de retrouver Matsuri dans un état aussi lamentable avaient-elles altéré ses capacités ? Ou bien au contraire avait-il, inconsciemment, orienté ses adversaires vers l'inéluctable massacre, vers lequel ils se précipitaient tous à présent ? Ils hurlaient, s'agitaient et brandissaient fébrilement des armes qu'ils ne maitrisaient pas. Sans le savoir, la piétaille courait à la mort.

Le temps reprit soudain son court à la première attaque.

La douleur dans son flanc gauche lui arracha un juron. Il esquiva habilement une coupe verticale à la hache, tout en retirant le couteau. Ce dernier termina sa course dans la gorge de l'assaillant. Le cercle de haine se resserrait dangereusement autour de lui. Toute tentative de médiation ou de conciliation ? Évaporée. Il ne restait que la voie de la rage, de la peur et de la violence. La bestialité qui résidait en chaque être humain, portée à son paroxysme, et laissée libre de toute restriction. Soudain, le dernier ordre de son père lui revint en tête « Vis. Et prospère... comme je te l'ai appris. », lui avait-il demandé. La compassion prenait une place importante au sein du clan Suisou, en particulier face aux opprimés ou aux innocents. Pour autant, elle ne pouvait être irraisonnée et illimitée. Il n'allait pas se laisser tuer par une horde lobotomisée sans réagir. Pas après leur avoir laissé une chance de s'en sortir.

C'était bien mal le connaître.


- Buddha ne pardonne que trois fois.


D'un vif mouvement de la main droite, Hayato compressa l'air ambiant. Il empoigna Kashuu et dégaina à la vitesse de l'éclair. La lame sembla vibrer, plier et onduler sous les regards hébétés de la foule. La seconde suivante, une monstrueuse tempête d'Air Breath déchira l'arène. Le sable fut emporté dans l'attaque dantesque, avant d'engloutir les pauvres esclaves qui s'étaient jetés sur Hayato. De longues secondes durant la véritable tempête de sable força tant les combattants que les spectateurs à se couvrir les yeux. Cependant, les cris de douleurs des esclaves fauchés la tornade refroidirent sérieusement l'hilarité et les ardeurs du public. Lorsqu'enfin la poussière retomba, Hayato se tenait dans l'œil du cyclone, un bandage de fortune noué autour de son ventre. Il avait déchiré les loques d'un de ses ennemis pour arrêter l'hémorragie et, à présent, se tenait au milieu d'un carnage. La plupart des bachibouzouks avaient étés brisés, tant mentalement que physiquement, face à l'attaque apocalyptique. Ceux qui restaient encore debout erraient, hagards, aveuglés par le sable et apeurés par la différence de puissance.

Le bretteur sentait encore la morsure de la lame dans son ventre. La blessure n'était pas si sérieuse ni profonde que cela, puisqu'il la devait à un simple enfant. Sa vie n'était certes pas en jeu, mais la douleur, elle, était bel et bien palpable ! Malgré tout, il gardait un visage impassible. Ses pensées allaient vers la sœur de Matsuri, captive du charognard à qui il faisait face. Kong et Zack s'activaient à l'extérieur de l'arène, afin de mettre en sureté les innocents du quartier. Il lui fallait donc tenir encore un peu, le temps que ses bras droits n'arrivent et ne lui prêtent main forte. Du coin de l'œil, il repéra Lamia à son armure étincelante, mais se garda bien de l'appeler à l'aide. L'épéiste tendit son sabre vers Red Foster, avant de lancer à la cantonade :


- Il faut être bien lâche pour envoyer un enfant faire le travail d'un homme. Nul leader qui se respecte ne se cache derrière ce genre de procédé. Je gage que le combat sera plus simple que prévu...


Loin d'être gratuite, la provocation servait à jouer sur l'ego démesuré du chef du clan Burn. Allait-il mordre à l'hameçon ? Tenter de rabattre lui-même le caquet du challenger ? Ou bien ordonnerait-il à ses lieutenants de se déchainer, au risque de passer pour un pleutre ?

Les articulations d'Hayato se resserraient sur Kashuu, à mesure que le couard étranglait la sœur de Matsuri. Le jeune chef du clan Suisou prit une grande respiration et, contre toute attente, se força à rester de marbre. Il ne fonça pas sus à l'ennemi, pas plus qu'il ne hurla à la mort. La provocation semblait avoir fonctionnée, tant et si bien que la bête humaine s'approcha de lui. Il était escorté par une bande conséquente d'ersatz de hyènes ricanants, qui avaient prit une apparence humaine.

Hayato serra les dents, mais resta de marbre.

Qu'il laisse ainsi sa captive s'éloigner le désarçonna un instant. Trop tard, il se ressaisit. Trop tard, son corps se mit en branle. Les flammes avaient déjà trouvé leur chemin jusqu'au corps meurtris de la jeune femme. Elle hurla et se débattit de son mieux dans le sable. Malgré ses vains efforts, le feu préleva son dû ! Les yeux fous de Foster Red, gorgés de haine et de violence, rencontrèrent les blocs d'airains de l'épéiste. Le vaurien n'y lut aucune douleur, pas plus que de la peur ou du dégout...

Seuls son mépris et sa colère.

Hayato était proprement révolté par le comportement de son adversaire. Il était aux parfaits antipodes des valeurs qu'on lui avait enseignées depuis son plus jeune âge ! L'artiste martial en était à présent certain : Foster Red n'était pas un homme. C'était une bête sauvage, un monstre qui ne cherchait son plaisir que par la domination, la perversion et la destruction ! L'épéiste sentit le poison mortel de la colère tenter de s'emparer de lui. Il lui fallut toute sa détermination pour y résister. L'expérience le lui avait prouvé : foncer tête baissée lui serait fatal ! Matsuri... Non. Toute sa famille comptait sur lui. Il ne pouvait pas les décevoir !

En une fraction de seconde, le bretteur comprima l'air ambiant de sa main libre. D'un geste souple, il envoya une fantastique bourrasque vers la meute de hyènes aux faciès humains. L'Air Breath, ainsi utilisé, éteignit l'incendie qui tentait de dévorer la chair de la malheureuse. Par la même occasion, Hayato souhaitait aveugler une partie de ses ennemis afin de les désarçonner et, surtout, de se faciliter les manœuvres suivantes. Sans plus attendre, il trancha la chaine qui retenait la sœur de Matsuri. D'un bond, il attrapa la jeune femme de sa main gauche, la plaça sous son bras et l'éloigna de ses ravisseurs.


- Shunpo !


Mais il n'en oublia pas ses bonnes manières pour autant !

Pour couvrir sa retraite, il trancha à de multiples reprises l'air face à lui. Bien sûr, il garda une attention particulière pour les mouvements de Foster Red durant toute la manœuvre. Plus que les blesser ou tenter d'en tuer le plus grand nombre, il cherchait juste à se ménager assez de temps pour déposer la rescapée proche de l'entrée. Proche de sa libération mais, également, de ses deux bras droits qui ne devraient plus tarder. Une fois que le sabreur réapparaitrait, il poserait prudemment la jeune femme à terre, tout en limitant le nombre d'ouvertures qu'il donnerait à ses ennemis. Sans jamais quitter Foster Red des yeux, il lancerait à l'ancienne esclave:


- Si vous le pouvez, courez vous mettre à l'abri. Si vous voyez un homme-lion blanc, ou un moine en kimono orange, dites-leur qui vous êtes. Ils vous aideront. Sinon, je vous protégerai jusqu'à leur arrivée.


Une fois de nouveau parfaitement en garde, Hayato lancerait à Foster Red d'un ton glacial :


- Vous n'êtes qu'une bande de dégénérés, lâches et sans vergogne...je vais me faire un plaisir de tous vous rayer de la carte.


Les doubles portes à moitié tranchées derrière lui, le chef du clan Suisou se tenait fièrement campé devant sa protégée. Hayato se dressait, tel un rempart face à une vague de haine et de violence. Son aura apaisante avait bien du mal à contenir les élans fiévreux de ses adversaires, tant ceux-ci étaient tombés bien bas... L'ex-vagabond prit le temps de retrouver pleinement son calme. Il préféra regagner tous ses moyens, quitte à laisser Foster Red ouvrir le bal une nouvelle fois. Kong et Zack ne tarderaient pas, il le savait. Il n'avait qu'à tenir et, une fois la jeune femme hors de portée de ces ordures, Hayato pourrait laisser libre court à toute sa puissance.

Pour l'heure, il n'avait d'autre choix que de rester sur la défensive.

La réponse ne se fit pas attendre. L'ordre du chef du clan Burn tomba tel un couperet. Aussitôt, la charge ennemie débuta ! Hayato serra les dents et, impassible, se mit en garde. Il eut beau se concentrer, la marée humaine engloutit sa vision et, bientôt, Foster Red sembla disparaître. Le sabreur n'avait pourtant aucune inquiétude : le sauvage saurait réapparaitre au pire moment ! Il en était convaincu. Pour autant, il ne pouvait pas relâcher sa garde face aux hommes de mains qui lui fonçaient dessus. Il répondit par les armes, sans piper le moindre mot. L'épéiste eut le temps d'occire trois fanfarons, puis de tenir en respect une bonne partie d'entre eux, avant que leur maitre ne se montre de nouveau. À partir de ce moment, le pseudo équilibre précaire fut rompu !


« Il n'a même aucune considération pour ces hommes ! », s'offusqua en pensée Hayato.


Le forcené tentait, par tous les moyens, de prendre le dessus. Bien vite, les deux chefs de clans comprirent qu'Hayato aurait la main haute dans un duel simple. Aussi, Foster Red se lança dans une série de mouvements vicieux, afin de passer sous la garde de l'ex-vagabond. La rage de son adversaire était palpable, mais il la laissa s'écraser sur le roc qu'il était devenu. La marée humaine allait le submerger, tôt au tard. Il en avait douloureusement conscience !  Chaque frappe, chaque coup reçu, chaque blessure qui venait s'ajouter à la précédente sur son corps meurtri le lui susussurait.

Il allait perdre.

Pourtant, le chef du clan Suisou vendait chèrement sa peau. Il reculait, pas après pas, encaissant les assauts de la horde enragée ! Déjà, certains d'entre eux tentaient de se faufiler au travers de sa garde, pour venir inquiéter la sœur de Matsuri ! D'un grand geste, il les faucha comme des blés... et laissa une faille béante dans sa garde. L'énergumène en chef n'en demandait pas tant ! Hayato eut à peine le temps de voir la plaque noirâtre apparaître sur son bras. Il écarquilla les yeux et tenta d'amortir le coup en bondissant en arrière.

En vain.

Le coup de poing boosté au Haki le cueillit au foie, pour lui arracher un hoquet de douleur. Il plia le genou et sembla tomber à terre, sous les regards goguenards des soudards qui l'encerclaient déjà. Pour autant, le sabreur n'avait pas dit son dernier mot ! La douleur cuisante lui causa un haut le cœur immédiat. Le choc se répercuta sur tout son corps et il grogna pour encaisser ! Mais il en avait vu d'autres ! Son entrainement avec Lamia, des heures durant, avait payé. La puissance de la frappe l'avait presque amené à terre mais, fort de son expérience passée, il sut rebondir. Il se releva bien plus vite que lors de sa première expérience avec le Haki de l'armement. Foster Red était trop obnubilé par sa proie car, ils le savaient tous les deux, c'était là la clé pour faire plier Hayato : la reprendre en otage.


- SHIKAKU !


Kashuu trancha l'air dans un sifflement atroce. Les réflexes de Foster Red lui permirent d'esquiver la lame en se baissant mais, ce faisant, il se retrouva nez à nez avec le fourreau du meitou. Ce dernier le poinçonna droit au visage, avant qu'Hayato ne propulse la brute épaisse d'un coup de pied bien senti ! Le corps de leur chef éparpilla plusieurs butors... Mais, une nouvelle fois, se débarrasser d'un gêneur ouvrit grand la voie aux autres... Du coin de l'oeil, il vit les sbires de son adversaire hurler et passer à l'attaque.

Encerclé, il n'aurait aucun échappatoire.




Tamiko pleurait à chaudes larmes.

La douleur était absolument indescriptible. Tout son corps semblait à vif, comme brulé, râpé, passé sous l'acide... Fort heureusement, l'homme qui était venu la sauver avait éteint l'incendie au plus vite... mais le mal était déjà fait. Une bonne partie de sa peau avait déjà cloqué et, à présent, lui faisait un mal de chien ! À bout de force, elle était même incapable de marcher... réduite à ramper sur le sable de l'arène, son calvaire prenait des proportions abominables.

D'un coup d'oeil en arrière, le cœur de la jeune femme se serra. Son sauveur était mis à mal. Des larbins de Foster Red passaient au travers de sa garde et, déjà, lorgnaient sur elle. Leurs yeux aux reflets démoniaques la firent blémir. Immédiatement, elle recommença à ramper de toutes ses forces. Chaque centimètre vers les portes lui arrachaient un rale douloureux. Le sable autour d'elle, peu à peu, se gorgeait de sang, à mesure que le sol abrasait ce qui lui restait de peau.

De chaudes larmes se mirent à couler sur son visage, en repensant à sa sœur. Matsuri l'avait suivie, depuis la lointaine Wa no Kuni, leur terre natale. En quelques instants, elle se remémora leur départ en catimini, leurs sourires en s'éloignant de l'île, leur félicité, l'adrénaline de leurs premières aventures. Peu à peu, elles avaient découvert le monde et avait entrepris de visiter chaque Blue... jusqu'à arriver sur Carcinomia. Elles avaient été dupées et mise au fer, devant la force bestiale de Foster Red et la brutalité sournoise de X-Bronze !

Les sbires gagnaient du terrain. Déjà, ils hurlaient de rire devant le spectacle affligeant de la kunoichi en sang, les vêtements déchirés et brulés... Déjà, ils levaient leurs armes pour abattre une cible facile... Les ombres, projetées sur le sable, ressemblaient à des démons prêts à lui arracher son âme. Sa dernière pensée fut pour Matsuri. Son cœur meutri sembla se fendre en deux, à l'idée de ne plus jamais la revoir.

Soudain, une patte blanche s'écrasa devant elle.




Un féroce rugissement paralysa les hommes de main, juste avant qu'une énorme griffe blanche ne leur arrache la vie. Alors que plusieurs guerriers du clan Burn tombaient au sol, exsangues, d'autres se stoppèrent à quelques mètres de Tamiko. Bien moins sûrs d'eux, les brutes tremblèrent devant le monstrueux homme lion qui se tenait entre eux et la jeune femme à terre.


- T... T'es qui, connard ?


Un grondement sourd leur répondit, juste avant que le mink ne fauche les quelques survivants. De son côté, Hayato se défendit comme un beau diable. Pourtant, il vit du coin de l'œil plusieurs lames fuser vers son corps de toute part ! Il se crispa, prêt à recevoir une douleur aigue... juste avant que les lames ne se brisent. Les regards éberlués des hommes de mains le surprirent moins que la voix dans son dos :


- J'imagine qu'on peut dire qu'on tombe à pic. Hein, Okashira ?
- Tu ne crois pas si bien dire, Kong... répondit Hayato avec un sourire.


Le moine Servite, expert en Hasshoken, venait de pulvériser à main nue les sabres ennemis. Ces derniers se regardèrent un instant, perplexes, avant de rugir de nouveau. Lobotomisés jusqu'au dernier, ils ne pouvaient pas appréhender que trois hommes tiennent tête à la horde qu'ils représentaient. À dire vrai, personne n'aurait parié un Berry sur eux, vu le déséquilibre des forces ! Pourtant, loin de perdre espoir, le groupe restreint se serra les coudes. Sans un mot nécessaire, ils se coordonnèrent pour assurer chacun leur tache.

Kong usa de son agilité de sa sa grande vitesse pour tenir en respect les sbires de bas étage. Zack, quant à lui, se posta tel un véritable cerbère, devant une Tamiko épuisée. Ils délestèrent ainsi Hayato d'un grand poids. De son coté, il récupérait tout juste de la formidable attaque du chef du clan Burn. La douleur le cuisait toujours autant, mais il était de nouveau capable de se battre. Ainsi, tout en se défendant contre la marée humaine, il put se concentrer plus sereinement sur une et une seule tache.

Réduire en charpie le meneur de cette bande de dégénérés.

Une fois soulagé de toute obligation, le chef du clan Suisou put se concentrer sur son homologue du clan Burn. Sa sournoiserie, sa vilainie et, il fallait le concéder, sa technicité supérieure avec le Haki de l'armement, lui avaient donné du fil à retordre... Mais, à présent, le fauve n'en menait pas large. Les échanges tournèrent à l'avantage d'Hayato de manière flagrante. Lorsqu'il en saisit l'opportunité, le sabreur ouvrit volontairement sa garde... la bête humaine s'y engouffra. En un instant, Kashuu fusa et sectionna le membre de Foster sans aucune pitié. L'hémorragie provoqua la panique dans les rangs du clan Burn... tandis que le chef de ce dernier semblait chercher quelque chose, ou quelqu'un.

Avant qu'il ne puisse réagir, Hayato entendit une forte déflagration.

L'instant suivant, Foster Red gisait à terre, un impact de balle entre les deux yeux. Hayato échangea un regard avec le tireur d'élite. Ce dernier se paya le luxe de le saluer, ou bien de le moquer ? La moutarde monta au nez du bretteur devant son impuissance, à cette distance. Pourtant, il n'eut jamais le temps de réagir. Alors que le lieutenant d'X-Bronze se retournait pour regagner le Roc, il tomba nez à nez avec une jeune femme en armure. Cette dernière lui sourit d'un air engageant, avant de lancer :


- Le problème, quand on s'habitue à tuer de loin, c'est lorsque quelqu'un arrive à vous surprendre au corps à corps. Vous ne croyez pas ?


La seconde suivante, la tête de Flare roulait sur le sol des gradins. Un cri strident s'éleva depuis les bancs, alors que les civils comprenaient ce qui allait se dérouler, à quelques pas de la plupart d'entre eux. L'instant suivant, l'escouade du clan Darkness se jeta sur Lamia. Tout du moins le voulut elle. L'équipage de la flibustière s'était joint à la fête ! Les deux factions se heurtèrent l'une à l'autre et, bien vite, n'importe quel œil attentif put voir la différence de niveau. Entre des criminels terrés dans leur forteresse, et des pirates voguant sur Grand Line... les dés étaient pipés. L'avantage numérique fut réduit à néant, Lamia laissa libre court à tout son savoir, tandis que son équipage n'était pas en reste.

Ce fut un massacre en bonne et due forme.

Un calme surnaturel retomba sur l'arène du clan Burn. Le public, médusé, en avait même oublié de fuir. Les pierres sales et rugueuses s'étaient teintées d'un rouge carmin, après s'en être gorgé tout leur soul. Enfin, la jeune femme essuya son arme sur la tunique du tireur d'élite, avant de rengainer. Ce fut à ce moment que l'épéiste retrouva ses esprits. Il tourna les talons et rejoignit au pas de course la sœur de Matsuri. Kong et Zack étaient déjà à son chevet. Tout autour d'eux gisaient des cadavres, des hommes défaits et des esprits brisés. L'état de la jeune femme était préoccupant. Des cloques s'étaient formées sur une partie de sa peau. À force de se trainer sur le sable, elle s'était écorchée sur tout le thorax et l'abdomen... si Hayato n'avait pas arrêté le feu aussi vite que possible, ses cheveux seraient partis en fumée. Au lieu de quoi, les brulures s'étendaient surtout sur le cou, le thorax et les bras... Malgré tout, elle était loin d'être tirée d'affaire !


- Elle respire, mais elle est salement amochée...
- Un bel enfant de pu...
- HAYATO ! cria Lamia à travers l'arène. BESOIN D'UN COUP DE MAIN ?


Le guerrier lui fit signe d'approcher, réveillant ses douleurs qui lui parcouraient tout le corps. L'affrontement avait été rude. Pourtant, lorsque la flibustière et son équipage les rejoignirent, le Bushi ne se souciait guère de son propre état.


- Lamia, j'ai un service à te demander. Quelques membres de ton équipage pourraient guider cette jeune femme auprès de Medusa au plus vite ? Elle a besoin de soins de toute urgence.


Quelques instants plus tard, un brancard de fortune avait été créé avec des lances et des draps raccommodés. Lorsqu'on l'installa dessus, la jeune femme ouvrit un œil et gémit de douleur. Hayato lui attrapa sa main à la peau saine, avant de la rassurer :

- Vous êtes en sécurité. Foster Red est mort. Ces gens vont vous brancarder vers une médecin très compétent. Elle s'occupe déjà de Matsuri.


Il sentit la main de la jeune femme serrer faiblement la sienne, avant qu'une larme ne coule le long de la peau brulée. Pourtant, aucune grimace ne barra le visage de la kunoichi. Malgré la douleur et la situation, un sourire et un air apaisé rayonnèrent sur tous ses traits. Le sabreur lâcha la main de la grande brulée, alors que les hommes de Lamia l'emportaient au plus vite recevoir des soins ô combien nécessaires. La voix de Lamia le tira de ses pensées :


- Bon... Apparemment le chef du clan Burn s'est retranché dans sa forteresse, après avoir trahi celui-là. Il semblerait qu'il cherche à imposer une cohabitation avec lui, après ce coup de Trafalgar.


Hayato hocha gravement la tête, le regard toujours fixé vers le brancard.


- Je pose la question pour la forme... mais qu'est ce que tu veux faire, Hayato ?
- C'est évident, répondit-t-il d'une voix grave.
- Ouais... Cohabiter n'était pas dans tes plans, je me trompe ?


Le bretteur attrapa le pommeau de son sabre, avant de presque cracher :


- La question ne se pose même pas. Kong, Zack. Allons-y.



Avec un soupir, Lamia fit signe à plusieurs de ses hommes de leur emboiter le chemin. Une partie de son équipage s'était déjà rapprochée du Roc, accompagnée de Rougui. Ainsi, le petit groupe repartit par les portes de l'arène du clan Burn, laissant derrière eux une désolation sans nom. Les quelques courageux qui assistaient encore à l'événement historique qui venait de secouer Carcinomia le comprirent sans mal.

La guerre n'était pas encore terminée.